[Adelbrand] Balayer les ténèbres

La province du Nordland est peu peuplée et ses régiments passent l'essentiel de leur temps à patrouiller le long des côtes pour les protéger des pillards du nord. Le Comte Electeur Theodric Gausser siège à Salzenmund.

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[MJ] Le Grand Duc
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[Adelbrand] Balayer les ténèbres

Message par [MJ] Le Grand Duc »

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L'odeur du bois brûlé emplissait l'air tandis que la colonne de soldats dépassait les décombres fumant d'une ferme, à quelques toises de la route caillouteuse qui serpentait entre les pins du Nordland. Des braises crépitaient encore ça et là, soulevées par le vent sec. C'était la quatrième fois que les hommes du VIème bataillon du Reikland posaient les yeux sur un tel décor depuis le début de la journée. Certains jetaient des regards inquiets vers les poutres calcinées, d'autres préféraient détourner la tête et tentaient d'ignorer ce sinistre spectacle. On récitait une prière silencieuse, on embrassait discrètement l'amulette que l'on portait autour du cou ou on fermait le poing sur la patte de chien porte-bonheur qu'on avait cousu sur la manche. Mais tous continuaient de marcher en rang. Les habitants de l'Empire étaient des gens superstitieux certes, mais ils étaient aussi disciplinés. La formation d'environ trois cent fantassins continua sa route sans broncher, s'enfonçant dans la forêt sombre en direction de la côte.

Adelbrand von Kresinger marchait à l'arrière-garde de la colonne aux côtés de son confrère et maître, Antonius Eilenbecker, frère assermenté de l'Ordre du Marteau d'Argent. En tant qu'initié de l'Ordre, Adelbrand avait pour tâche de suivre Frère Antonius et de lui obéir au doigt et à l’œil, en plus de prendre soin de son équipement. Quant au prêtre-guerrier, qui était de dix ans l’aîné d'Adelbrand, sa mission était de prodiguer les enseignements théologiques indispensables à l'apprentissage du novice. Cependant, le parcours de l'initié était pour le moins particulier : il fut proche d'être ordonné prêtre au sein de l'Ordre de la Torche avant de renoncer à ses vœux pour rejoindre celui du Marteau d'Argent. Probablement souhaitait-il servir le même dieu et avec la même ferveur mais de manière différente. Les connaissances d'Adelbrand relatives au dogme de l'Eglise sigmarite étaient par conséquent bien supérieures à celle d'un simple novice. Il pouvait réciter les Douze Prières de la Droiture sans hésitation et connaissait par cœur les dix-huit Cantiques de Sigmar. Constatant cela, Frère Antonius avait relégué l'apprentissage théorique au second plan pour privilégier l'entraînement physique de son élève. Les exercices étaient quotidiens et les prières matinales étaient invariablement suivies de passes d'arme aussi intenses qu'épuisantes.

Antonius était un maître sévère mais juste. Taciturne, il tranchait avec l'imagerie populaire du prêtre-guerrier en cela qu'il préférait les silences méditatifs aux diatribes enflammées et le recueillement à l'excitation fervente qui agitait parfois les dévots de Sigmar. Son visage était couturé de cicatrices et il portait lui aussi un cache-œil en cuir, témoin d'un des nombreux combats qu'il avait livré au nom de l'Empire et de son Père fondateur. Ses cheveux gris encadraient généralement son visage aux traits durs ou étaient parfois attachés en un chignon martial et son armure était toujours lustrée et brillante. Une cape argentée lui couvrait les épaules, symbole de sa position au sein du troisième cercle de l'Ordre, et il ne quittait jamais son imposante bible aux enluminures travaillées.

Traditionaliste sans être conservateur, Frère Antonius avait une position saine et désintéressée. Seul lui importait de servir Sigmar et l'Empire et il ne se souciait guère des remous qui agitaient l'Eglise sigmarite. Les intrigues et les ronds de jambe obséquieux qui avaient cours dans la capitale n'étaient pas à son goût. Il préférait éprouver sa foi marteau en main, prodiguant prières et coups rédempteurs auprès des armées de l'Empereur. Selon lui, il n'y avait nulle mission plus sainte que celle d'affronter sans relâche les forces de la Damnation et la méditation était le seul repos qu'un prêtre-guerrier pouvait s'accorder. Tolérant, il estimait que l'unité de l'Empire se trouvait dans la dévotion de ses citoyens, qu'ils soient fidèles d'Ulric le dieu de l'Hiver ou encore de Taal, Rhya ou Shallya. Rien ne pouvait entamer la conviction d'un peuple unit par la spiritualité et le devoir commun de défendre sa patrie.

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Voilà maintenant trois semaines qu'Antonius et Adelbrand avaient quitté Altdorf aux côtés du VIème bataillon du Reikland. Leur longue marche devait les amener non loin à l'Est d'Aarnau, sur la côte occidentale du Nordland. A la suite de la terrible Tempête du Chaos qui avait eu lieu quelques années auparavant, les raids estivaux des barbares du Norsca s'étaient plus violents et fréquents que jamais. Des sauvages aux allégeances impies traversaient la Mer des Griffes en nombre pour venir piller le Nord du Vieux Monde jusqu'à l'automne, saison à laquelle ils rentraient dans leurs terres inhospitalières avec leur butin avant que les eaux ne gèlent. Ils ne laissaient que mort et destruction dans leur sillage, réduisant la population en esclavage et brûlant les villages qu'ils traversaient avec tout ce qu'ils ne pouvaient pas emporter. La flotte impériale était trop réduite pour réussir à contenir ces incursions, les côtes du Nordland étaient désormais ravagées et les maraudeurs menaient leurs raids toujours plus loin dans les terres pour s'adonner au meurtre et au saccage. Pour aggraver les choses, les différentes bandes qui débarquaient sur les côtes au cours des mois de Sigmarzeit et Sommerzeit avaient tendance à se réunir peu à peu sous une seule bannière pour former une vaste force extrêmement mobile qui ravageait tout sur son passage. Les troupes éparses du Nordland étaient alors dépassées et il ne restait plus qu'à accueillir le flot de réfugiés dans les quelques villes fortifiées de la province jusqu'à ce que les pillards se retirent.

Mais les choses s'étaient passées différemment cette année là. Aussitôt les barbares repartis avec leur butin, le Comte Électeur Theoderic Gausser, Grand Baron du Nordland et Prince de Salzenmund, s'était appliqué à mettre mettre sur pied une nouvelle armée fonctionnelle en prévision de l'invasion suivante. Des dizaines de recruteurs furent envoyés tambours battant dans tous les bourgs de la province et même au-delà. Le Grand Baron fit jouer toutes les alliances qu'il pu et vida les coffres de la province pour équiper et entraîner les nouvelles recrues dès l'automne. Son objectif était de créer un corps d'armée dynamique dont la souplesse et la versatilité seraient capable de faire échec aux bandes désorganisées des maraudeurs. Ses efforts s’avérèrent payant car, cet été là, de nombreux partis de pillards furent prit en tenaille et massacrés avant de se rendre compte de ce qui leur arrivait. Mais l'hiver précédent avait été rude dans le Norsca et l'invasion de cette année s'annonçait particulièrement brutale. Les premières vagues anéanties par la nouvelle armée du Comte Électeur n'étaient que le prémice de ce qui arrivait, et des rapports alarmants parlaient de centaines de navires prêts à déverser leurs hordes avides sur les rives de l'Empire. C'est ainsi que Theoderic Gausser avait fait appel à son suzerain et à ses pairs, les implorant d'envoyer des renforts dans le Nordland pour faire face au raz-de-marée qui s'annonçait.

C'est ainsi que l'Empereur Karl-Franz en personne ordonna qu'un détachement à la livrée blanche de l'armée du Reikland marche sans tarder vers Aarnau. Le VIème bataillon était composé de deux compagnies de hallebardiers, une compagnie de lanciers, une compagnie d'épéistes -les célèbres Hâbleurs de Weissbruck- et deux compagnies d'arquebusiers. Les fantassins étaient appuyés par une unité de pistoliers déployée en avant-garde. Cette force était dirigée par le baron Hansfelt van Leens dont l'état-major était composé d'un escadron de la Reiksguard. Après trois semaine de marche, le VIème devait faire jonction avec le Nordmarshall Clemens August von Galen qui dirigeait une partie des troupes du Comte Électeur Theoderic Gausser.

Suivant la volonté de l'Empereur et désireux de participer à la défense de la nation, le chapitre altdorfer de l'Ordre du Marteau d'Argent décida d'envoyer certains de ses membres pour accompagner l'effort de guerre. Des prêtres-guerriers furent dépêchés à Salzenmund et à Dietershafen tandis qu'Antonius et Adelbrand furent affectés au VIème bataillon, se plaçant ainsi directement sous les ordres du baron Hansfelt van Leens. Leur mission étaient de soutenir les troupes au combat ainsi que d'occuper le rôle d'aumônier et d'assurer les services liturgiques. La présence de ces deux imposants hommes de foi renforçait le cœur des soldats et maintenait leur courage face aux combats qui s'annonçaient et dont les fermes brûlées qu'ils croisaient sur la route n'étaient qu'un avant-goût.

Tandis que le soleil se couchait derrière la chape de nuage, le VIème arriva en vue du campement du Nordmarshall. Le vent froid soufflait des embruns salés, annonçant la côte toute proche. Adelbrand pouvait voir des centaines de tentes alignées avec plus ou moins de discipline entre les bosquets de pins et les carrés de chariots. La colonne de reiklanders s'approchait de cette ville de toile alors que le cor d'une vigie résonna pour annoncer leur arrivée.

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Les soldats en livrée bleu et jaune du Nordland se levèrent de leurs bivouacs pour voir les renforts arriver mais il n'y eut nulle acclamation ni cri de joie. Les visages étaient fermés, les yeux cernés et les joues mangées par la barbe. Beaucoup d'entre eux avec l'uniforme déchiré ou la cuirasse cabossée par endroits. En s'avançant dans le camp, Adelbrand pu voir des prêtresses de Shallya se presser ça et là vers des tentes d'où résonnaient les plaintes des blessés. Des brancardiers passèrent non loin, portant un corps recouvert d'un drap taché de sang, et Frère Antonius posa sur eux un regard silencieux. Ca et là, de grandes bannières claquaient au vent, portant les insignes ternis du Nordland : des aigles, des navires, des ancres.

Un officier subalterne vint prendre en charge la colonne et leur désigna leur emplacement de cantonnement. Les hommes prirent un peu de repos après ces trois semaines de marche, restant entre eux et évitant de se mélanger avec les nordlanders au regard si inquiétants. Les pistoliers, les chevaliers de la Reiksguard et le baron Hansfelt van Leens confièrent leurs destriers à des valets de camp tandis qu'un autre laquais guidait le prêtre-guerrier et son élève jusqu'à la tente qu'ils allaient partager.

Lorsque le jeune garçon fut parti, Antonius entreprit de retirer sa lourde armure. Pour tout lit, ils n'avaient que des litières de paille recouvertes de fourrure mais cela ne semblait pas gêner le maître d'Adelbrand. Il n'avait rien prononcé depuis de longues heures maintenant et ce n'est qu'une fois débarrassé de sa cuirasse et de ses gantelets qu'il prit la parole.


- "Ces hommes tremblent de peur, Adelbrand. Le courage leur fait défaut." dit-il ouvrant une besace à sa ceinture pour en sortir un petit encensoir. "Demain, la tâche nous reviendra de raviver leur flamme. La victoire sur les forces du Mal ne dépend pas que de l'acier. C'est par l'esprit que nous gagnerons. Sans foi, tout combat est vain. Sans notre dévotion et notre amour pour Sigmar, nous ne valons pas mieux que ceux que nous allons châtier." Il disait tout cela sans regarder son apprenti, bien conscient que c'était inutile. Il émietta de la résine dans l'encensoir et fit prendre le tout. L'odeur capiteuse ne tarda pas à envelopper l'intérieur de la tente. "Prions, maintenant. Ensuite nous nous reposerons. Demain sera une journée éprouvante."

Frère Antonius mit un genou à terre et récita ses prières du soir à voix basse avant de se signer du signe du marteau.
Je suis le Grand Duc, seigneur de ces bois. Je vis avec mes gens, loin de la folie des hommes. La nuit je vole dans les sombres profondeurs de la forêt. Mon regard d'acier partout se pose, et sans bruit, comme le vent, je file entre les branches des arbres séculiers. Je suis le Grand Duc, seigneur de ces bois.

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Snorri Furrenson
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Re: [Adelbrand] Balayer les ténèbres

Message par Snorri Furrenson »

L’humanité était menacée. Après plusieurs jours passés à sillonner les routes du Nordland en direction de la côte, personne de notre troupe ne pouvait se soustraire à cette idée. Les gens de ce pays, pourtant robustes et valeureux, d’un peuple si habitué à lutter pour survivre que chacun de ses hommes sait manier l’arc et la hache, même les féroces nordlanders semblaient démunies face aux nouvelles invasions des pillards du Nord. Quelle force se dressait donc contre nous ? Quelle puissance insondable pouvait unir autant de ces barbares et les jeter sur nos côtes ? Les Dieux du Chaos étaient-ils si puissants au septentrion du monde ? Combien de fermes, de hameaux, de manoirs isolés se trouvant malencontreusement sur la route de ces vandales d’outre-mer connurent un sort identique aux dizaines de ruines que nous rencontrâmes sur notre route ? Combien d’hommes massacrés en défendant leurs biens ? Combien de femmes outragées, arrachées à leur famille et désormais captives ? Et combien d’orphelins ? Je pouvais voir ces questions dans les yeux de chacun tout autour de moi. Chaque bâtisse ravagée ne faisait qu’accentuer la malaise et la crainte des reiklanders. Je ne pouvais guère les blâmer. Tous avaient juré de servir fidèlement l’Empereur et de défendre la nation, mais la plupart n’avaient jamais eu à connaître les atrocités dont les peuples démoniaques pouvaient se rendre coupables. Les histoires de la Tempête du Chaos n’étaient, aux yeux de la plupart des citoyens de l’Empire, que fables. Ils savaient qu’elles contenaient toutes une part de vérité, mais personne ne croyait vraiment à la puissance des armées du Nord, ni qu’elles constituaient une véritable menace. Tous pouvaient le voir désormais. Nous étions témoins de la sauvagerie des hordes maléfiques. Et c’était à nous, fiers combattants du VIème bataillon du Reikland, de prêter main forte aux pauvres hères de ce pays.

Nous passâmes ce qui se révéla la dernière ruine de la journée. Nous fermions la marche, Frère Antonius et moi. Comme la majorité de nos hommes, nous ne parlions plus depuis des heures, accueillant de notre silence les horreurs que nous ne cessions de découvrir. Mon mentor, plus que tout autre, semblait le plus calme en ce territoire tourmenté. A peine jetait-il un regard aux cendres rougeoyantes que nous croisions. Son calme m’impressionnait au-delà de tout. Même si, lors de ma vie dans le Sundeland, je fis l’expérience des ravages que pouvaient causer le Chaos, ce n’était que bagatelle face à ce que le Nordland traversait. Je ne fus pas long avant de réaliser que ce que beaucoup considérait comme de l’apathie n’était en réalité qu’un flegme issu d’une expérience que bien peu de nos hommes auraient à connaître. Il portait dans sa chair les traces d’épreuves que seul les véritables guerriers de Sigmar peuvent affronter.

Nous ne nous connaissions pas avant de quitter Altdorf. Avant notre départ, on m’informa que mon frère ne goutait guère au confort de la capitale, ni au calme de la Grande Cathédrale. De toute évidence il préférait arpenter les terres de l’Empire, offrant à l’Unificateur les têtes des ennemis rencontrés. J’avais alors une grande admiration pour mon maître. Il était dépositaire de ces valeurs martiales auxquelles j’aspirais en intégrant le Marteau d’Argent, menant sa vie avec discipline, piété et courage, sans jamais se détourner de sa mission, ni de son devoir suprême : châtier les ennemis de l’Empereur-Dieu. Du reste, nous nous ressemblions quelque peu. C’est du moins le bruit qui courrait dans les rangs. Combien de fois, au cours de notre longue marche, avais-je entendu parler des « deux sinistres de l’Église » ? Sinistres pourtant jamais nous ne le fûmes. Seulement, la connaissance, certes partielle pour ce qui me concerne, de ce qui nous attendait ne laissait guère de place à la légèreté. Au jour du départ, nos hommes n’étaient pas conscients de cela, encouragés sans doute par la hardiesse de la trentaine de cavaliers de la Reiksguard qui nous commandait. Mais nous savions, autant que les fiers chevaliers de l’état-major, que bon nombre ne reverraient jamais le Reikland. Bien-sûr, tous n’étaient pas investis par cette légèreté qui fait le charme du soldat. Les Hâbleurs de Weissbruck étaient des hommes expérimentés, pour la plupart, et les nouveaux épéistes un peu trop enthousiastes se voyaient vite tempérés par leurs aînés car, même placé sous la protection de Sigmar, le Chaos reste un adversaire dangereux et impitoyable.

Le voyage fut donc une parfaite occasion pour apprendre à connaître mon mentor. Au vu de mon parcours atypique, nous remplaçâmes une grande partie de l’enseignement religieux par un entraînement martial plus intense. Mon catéchisme étant sut depuis longtemps, il était grand temps de perfectionner ma maîtrise des armes qui, bien que déjà solide comme en témoignait mon œil perdu, n’était peut-être pas suffisante pour me permettre d’affronter les périls qui nous attendaient. J’eu alors une idée plus précise des capacités et de l’expérience de Frère Antonius. Si la vie m’a doté d’un physique approprié au métier des armes, je n’étais alors guère capable de me mesurer à l'adresse de mon instructeur. Bien que plus vieux, les dizaines de batailles livrées au nom du Fondateur lui conféraient une supériorité sur bien des guerriers. Je me plaisais même à penser que le savoir m’était prodigué par le meilleur combattant de notre troupe.

Malgré ce tableau élogieux, tout ne me satisfaisait chez mon maître. Car si j’ai dit que j’admirais sa valeur martiale, ce que je maintiendrai jusqu’à ma mort, nous étions en désaccord complet concernant notre foi en Sigmar. Sans réelle ambition, c’est en tout cas ce qui m’apparaissait, Frère Antonius se rangeait sous la doctrine officielle, celle prêchée par le Grand Théogoniste et les instances dirigeantes de l’Église. Si sa dévotion envers le Père de l’Empire était réelle, il le considérait comme une des divinités des hommes, respectant et mettant sur un pied d’égalité notre culte et ceux d’Ulric, Shallya et de tous les autres sujets divins de Sigmar. Nous divergions sur ce point fondamental : à ses yeux, Sigmar était un dieu. Aux miens, il était l’Empereur des dieux. Quand je compris qu’il n’était pas des Unificateurs, si ce n’est proprement hostile à notre mouvement, je décidai de ne pas lui divulguer mes positions théologiques. Il est des plus respectable pour un prêtre-guerrier de ne point connaître les dangers de l’ambition, mais ce n’était pas mon cas. Il fallait changer l’Église et l’Empire, pour le salut de notre nation, et j’estimais que me brouiller avec celui chargé de compléter ma formation ne pourrait que freiner ma progression. J’allai donc prendre ce que ce vétéran avait à me donner, suivant fidèlement ses directives, sans jamais me trahir.

Le soleil nous éclairait de ses feux alentis quand nous arrivâmes au campement de l’armée du Nordland. Un cor sonna notre approche. Nous nous attendions à voir un millier de fiers soldats impériaux prêts à se dresser contre les hordes d’infidèles. Il n’en fut rien. Parmi les rangées de centaines de tentes de drap blanc, les hommes du Nordmarshall faisaient peine à voir. Nul uniforme rutilant, nul signe de fraternité entre les fils de l’Empire. Ils semblaient tous misérables, usés par les combats et le climat difficile. Je regardai ces soldats, cherchant en eux un signe de leur combativité. Je n’en trouvai trace. L’armée levée par le Comte Électeur ne pouvait gagner cette guerre dans ces conditions, même avec l’aide des reiklanders. Les cris montant des tentes ou les prêtresses de Shallya exerçaient leur art semblaient venir des profondeurs. Combien de guerriers pleuraient là en voyant s’approcher les portes des jardins de Mórr ? Et combien pourraient être sauvés ? Je surpris mon maître fixer silencieusement un corps porté sur un brancard, recouvert d’un drap.

Plus loin, je devinai dans la pénombre naissante un contingent important de soldats s’attelant à la difficile tâche de préparer les tombes de leurs camarades disparus. Ces hommes vont mourir, pensai-je alors. Et avec quel effroi. Perdus dans les froides contrées du Nordland, confrontés à un ennemi connu pour sa férocité, ils ne feront pas long feu. Ils semblent calmes, pour le moment, mais qu’en sera-t-il à l’heure de la bataille ? Combien sentiront leur cœur défaillir à l’heure où nulle faiblesse n’est permise ? Combien affronteront le Mal avec le véritable courage des justes ? Et combien survivront à cette épreuve quand, aux frontières du septentrion, nous affronterons nos ennemis pour la survie de notre peuple ? Ces questions résonnaient en moi, comme autant de doutes sur nos chances de succès. Décidément, je le concevais, nous menions une croisade apocalyptique.

Un homme vint alors nous cherche, Frère Antonius et moi, pour nous mener à notre tente. Contrairement au baron van Leens et sa suite de chevaliers, nous partagions une tente sommaire, certes suffisamment grande pour nous deux, mais sans confort supplémentaire. Nous logions comme les mille autres soldats autour de nous. Notre foi fut le seul luxe que nous nous autorisâmes.

Tandis que mon maître ôtait son armure, j’entrepris de ranger nos affaires dans notre nouvelle demeure. Mon marteau posé prêt de ma paillasse, je m’avançai vers l’entrée, scrutant la citée militaire avec perplexité. Nos hommes restaient dans un coin, loin des nordlanders. Les vieux préjugés sont coriaces dans le Vieux Monde, et la réputation de sauvages des habitants de ce pays semblait leur coller à la peau, malgré la situation difficile qui était la nôtre.

Enfin seuls et au calme, Frère Antonius décida de briser le silence qui régnait entre nous depuis des heures. Je fus ravi de constater que nos observations convergeaient sur un point : la désastreuse situation des hommes du Nordmarshall.


« Et je crains que nos hommes ne soient pas long à les rejoindre. Les ruines que nous avons trouvées semblent avoir eu un effet plus que destructeur sur leur enthousiasme. » répondis-je.

Notre autel de fortune prêt, dans l’odeur d’encens qui emplissait maintenant la tente, nous nous agenouillâmes, priant pour le succès de notre mission. Une fois les saintes paroles récitées, nous exécutâmes le signe du marteau, puis mon maître alla se coucher. Je restai debout encore quelques temps, appuyé au mât de l’entrée et fumant ma pipe. La tentation d’aller visiter les hommes était grande, mais j’étais conscient qu’ils dormaient déjà, harassé par la voyage et le rythme élevé de notre marche. Mieux valait attendre le matin. Je vidai alors ma pipe et allai me coucher.
Modifié en dernier par Snorri Furrenson le 07 juil. 2017, 02:33, modifié 8 fois.
Adelbrand Von Kresinger, Voie de la foi guerrière
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Lien Fiche personnage : La furie de Sigmar

PVs actuels : 60/60
Arme & armure :
- Chemise de mailles : 9 pts de protection ; torse, dos et bras ; -1 HAB, ATT et PAR.
- Marteau à deux mains : 20+1d10 dégâts, 10 parade ; assommante, lente et percutante.

Objets :
- Robe de l'Ordre du Marteau d'Argent.
- Amulette de l'Ordre du Marteau d'Argent.
- Tenue de voyage (composée d’un long surcot rouge, d’une chemise de laine blanche, de braies de laine brune, de bottes basses de cuir noir, de brassards et d’un haut gorgerin de cuir brun).
- Chapelet.
- Pipe de bois.
- Tabatière.

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[MJ] Le Grand Duc
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Re: [Adelbrand] Balayer les ténèbres

Message par [MJ] Le Grand Duc »

La nuit se passa sans heurt et les tambours battirent peu avant l'aube pour sonner le rassemblement. Antonius et Adelbrand effectuèrent rapidement leurs matines avant de s'équiper et de quitter leur tente pour suivre l'aide de camp venu les chercher. Le campement était en ébullition autour d'eux. L'air froid et salé faisait trembler les torches à la lumière desquelles les soldats se préparaient fébrilement à marcher vers la guerre. On affûtait ses armes, on sanglait ses pièces d'armure, on avalait rapidement un dernier bol de gruau indigeste.

Adelbrand pouvait sentir la peur qui tenaillait ces hommes. Mais n'était-ce pas naturel pour ceux qui s'en allaient au combat ? Leur ennemi était sauvage, avide de sang et impitoyable. Ils le savaient. Ils l'avaient déjà affronté à plusieurs reprise au cours des dernières semaines. L'initié et son mentor marchaient le long des allées du camp et les regards se posaient sur eux, tantôt tourmentés, tantôt pleins d'espérance. Autour de certains bivouacs, des hommes de foi récitaient une ultime prière devant des soldats agenouillés avant que ceux-ci ne rejoignent les rangs qui se formaient déjà dans les espaces dégagés ça et là. Les ordres claquaient de toute part, on décrochait les bannières de leurs poteaux pour qu'elles reçoivent un dernier lavage à l'eau bénite, on sellait des chevaux qui hennissaient nerveusement.

L'aide de camp qui marchait devant eux les amena en direction de la grande tente de commandement qui trônait au centre du campement. Les étendards des différents régiments composant l'armée étaient alignés devant l'entrée, exaltant les couleurs et les emblèmes du Nordland. Des valets grelottaient en attendant dehors, chacun tenant la bride d'un énorme destrier au caparaçon finement travaillé, certainement les montures des chevaliers et officiers qui se trouvaient à l'intérieur. Le serviteur en uniforme bleu et jaune fit une courbette avant d'inviter les prêtres-guerriers à entrer dans le vaste pavillon.

Une trentaine de lieutenants, paladins et autres gradés ou champions étaient réunis autour d'une grande table en chêne sur laquelle était couchée une carte de la région recouverte de petites figurines en bois peintes de différentes couleurs et représentant les forces en présence. Adelbrand reconnu le baron Hansfelt van Leens et son heaume aux lauriers. Il identifia aussi un prêtre d'Ulric à sa longue barbe tressée, son lourd manteau en fourrure de loup et au regard mauvais qu'il lança aux sigmarites lorsque ceux-ci s'avancèrent. Les yeux du nulner se posèrent enfin sur une personnage qui jurait avec la rigidité martiale et les armures baroques des personnes présentes. Qu'il en ai déjà vu ou qu'il en est entendu parler, Adelbrand su qu'il se trouvait face à un pyromancien, sorcier des Collèges de Magie. Les autorités religieuses de l'Empire étaient profondément hostiles envers ceux qui manipulaient la magie, pour la simple et bonne raison que c'était là la meilleure manière d'attirer la ruine et la corruption. Le sorcier était long et maigre et dépassait en taille les officiers qui se tenaient de part et d'autre de la table. Ses cheveux d'un roux vif étaient coiffés d'une manière tout à fait extravagante et il portait une longue robe à cape rouge sang garnie d'artefacts et de lourdes clés en cuivre. Ses bras étaient parcourus de tatouages bruns étranges, s'enroulant les uns autour des autres comme des runes fumeuses. Entre ses mains, un long bâton en fer où bout duquel brûlait une flamme dansante. Frère Antonius jeta un regard acéré au pyromancien tandis que celui-ci répondit avec un sourire amusé et provocateur.

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L'arrivée des prêtres-guerriers de Sigmar fut suivie d'un rapide salut de la part des chevaliers avant que le conseil de guerre ne reprenne. Tous étaient tournés vers un homme bedonnant à la barbe rugueuse et au regard désagréable qu'Adelbrand devina être le Nordmarshall Clemens August von Galen. Un énorme marteau de guerre finement ouvragé se dressait à côté de lui, deux pistolets étaient passés à sa ceinture et un croc de loup enchâssé sur une monture en argent pendait de son cou de taureau et le désignait comme étant un fidèle d'Ulric, le Seigneur de l'Hiver. Von Galen parlait fort, d'un ton autoritaire et colérique. Ses subalternes, tendus, l'écoutaient attentivement, casque emplumé sous le coude.

- "Non, nous n'allons pas nous replier sur Aarnau ! Honte à vous, qui songez à vous dérober une fois encore devant ces chiens !" gronda-t-il en invectivant l'un de ses lieutenant. L'intéressé regarda droit devant lui, raide, et s'abstint bien de répondre. "C'est ici que nous allons les rencontrer et c'est ici que nous allons les écraser." continua le Nordmarshall, intraitable. "Si nous vous écoutions, ces barbares auraient la voie libre pour couper par Herrenberg et rejoindre le reste de leur engeance pour prendre le Comte en tenaille. Wagner !" aboya-t-il. "Quels sont les derniers rapports de vos hommes."

- "Nos unités de reconnaissance ont accroché l'avant-garde ennemie plusieurs fois la nuit dernière, dans les bois non loin de Leutenberg. Il semble que leurs bandes sont désorganisées par les derniers affrontements et arrivent par le Nord, Nord-Est en suivant le cours asséché de la Neisse." l'informa un officier en armure légère, vraisemblablement capitaine des éclaireurs du Nordmarshall. "Si les barbares continuent d'avancer en suivant leur allure de ces derniers jours, ils seront à moins de deux lieu en fin de matinée."

Clemens August von Galen poussa un grognement mécontent.

- "Une idée précise de leurs effectifs ?" demanda-t-il au capitaine.

Ce dernier se contenta se secouer la tête, le visage fermé. Le Nordmarshall poussa un juron sonore qui fut suivi d'un silence gêné dans la tente. Les regards des officiers trahissaient l'appréhension qu'ils éprouvaient face à une situation dont le contrôle leur échappait. Leurs soldats étaient éreintés par plusieurs semaines de campagne et l'ennemi continuait de déferler, toujours plus nombreux. Le bras droit du Comte Electeur semblait dépassé par les évènements et cédait à la colère et à la frustration, deux émotions qui se mariaient rarement avec de bonnes décisions.

- "Excellence, l'armée de Son Altesse le Comte n'est qu'à quelques jours de marche de Salzenmund. Si nous battons le repli, Son Altesse aura le temps de ..." tenta un chevalier non loin d'Adelbrand avant d'être violemment interrompu par Von Galen.

- "SILENCE ! Je ne tolérerai pas une nouvelle preuve de votre lâcheté ! Qu'Ulric vous foudroie sur place si vous pensez encore pouvoir fuir. Nous livrerons bataille aujourd'hui. Vous combattrez tous pour vous racheter de votre couardise, ou vous crèverez en essayant." tonna-t-il en frappant du poing sur la table.
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Il devint clair pour toutes les personnes présentes que rien ne pourrait faire changer le Nordmarshall d'avis. Courraient-ils à leur perte ? Les dieux en décideraient pour eux. Frère Antonius lança un regard appuyé à Adelbrand, lui faisant comprendre qu'il était inutile d'intervenir et qu'il fallait se contenter d'obéir. Von Galen saisit rageusement une coupe à sa portée et la vida d'un trait avant de donner ses derniers ordres à ses officiers.

- "Je prends le commandement du corps principal qui sera déployé de Leutenberg à la Neisse sur un axe Sud-Est." déclara-t-il en déplaçant les figurines en bois sur la carte. Il en faisait chuter la moitié tant son geste était empreint de colère et de précipitation. "Herr von Rauter, vous vous placerez sur mon aile Sud avec trois compagnies de hallebardiers et les régiments de Salzenmund." lança-t-il en regardant l'un de ses lieutenant, un homme de forte carrure et au torse barré d'une écharpe d'officier jaune et bleue. "Herr Schwerin von Krosigk, vous prendrez la tête de notre cavalerie et vous positionnerez dans les bois au Nord de Leutenberg. Ne sonnez la charge que quand le plus gros des forces ennemies seront engagées sur la ligne principale." dit-il à un autre de ses hommes avant de se tourner vers le baron Hansfelt van Leens. "Quant à vous, Herr van Leens, prenez vos reiklanders et déployez vous dans le lit de la Neisse au Sud de nos positions. Une brigade de mes joueurs d'épée vous appuiera. Votre tâche sera d'arrêter les bandes des barbares si ceux-ci essaient de contourner le corps de notre armée. Deux pisteurs de ma garde personnelle vous guideront jusqu'au secteur que vous devez défendre."

Le Nordmarshall marqua une pause et renifla un coup en jetant un regard rapide à chacune des personnes présentes.

- "Ulric est avec nous. Que sa fureur s'abattent sur nos ennemis et que sa force habite nos bras !" clama-t-il avant de se frapper le torse du poing gauche et faisant le salut martial du Dieu de l'Hiver de la main droite, formant un U en refermant le pouce sur l’annulaire et le majeur, coincés dans la paume, et en dressant l’index et l’auriculaire.

La plupart des officiers l'imitèrent d'un air tendu, et ceux qui ne le firent pas se contentèrent d'un salut militaire. Le prêtre d'Ulric entonna un ancien chant de guerre tandis que Von Galen attrapait son marteau.

- "Sonnez les cors et rassemblez les troupes. Nous partons au combat. En selle !"

Les lieutenants du Nordmarshall quittèrent la grande tente et mirent le pied à l'étrier, se juchant sur leurs lourds destriers en armure tandis que les hérauts des différents régiments venaient décrocher les bannières de leur unité avant de rejoindre les formations qui se mettaient déjà en marche. Le campement résonnait du son des tambours, des trompettes, des ordres qu'on beuglait le long de la ligne et du pas rythmé des armées en marche.

Hansfelt van Leens retrouva Antonius et Adelbrand à l'extérieur, tandis que les deux sigmarites regardaient défiler les uniformes bleus et jaunes. Van Leens était une personne affable et respectable. Officier de la Reiksguard, de nombreuses médailles pendaient à l'écharpe rouge et blanche qui lui ceignait le torse. Il était l'un des plus jeunes à occuper un tel grade -à peine avait-il trente-cinq ans- et était la coqueluche de nombreuses femmes d'Altdorf. On lui lançait des roses lors du défilé annuel et il était régulièrement invité dans les salons privés et les antichambres fumeuses. Il y était à l'aise, étant d'un naturel mondain, mais c'était aussi un guerrier accompli et un homme de valeur. Il s'était peu entretenu avec les deux prêtres-guerriers au cours de leur longue marche vers le Nord mais était capable d'apprécier l'effet que la présence de ces imposants hommes d'église avait sur le moral de ses soldats. Ici, dans le vent froid du Nordland et à quelques heures de la bataille, sa main ne tremblait pas et son expression était calme. Le baron les salua avant de coiffer son casque décoré de lauriers en métal teint.

- "Son Excellence le Nordmarshall est le vétéran de nombreuses guerres. S'il juge que nous devons faire face aujourd'hui, alors je lui fais confiance." dit-il en attachant sa jugulaire. "De plus, notre position est celle d'une réserve. Nous ne devons engager le combat que si l'ennemi déborde la ligne par le Sud ou si une estafette du corps principal nous fait parvenir l'ordre de nous redéployer ailleurs. Quoi qu'il en soit, vos sermons ne seront pas de trop pour préserver le courage de nos hommes. Vous aurez votre place dans la ligne pour inspirer les coeurs si ceux-ci venaient à faillir."

Le pyromancien sortit de la tente au même instant et s'arrêta à hauteur du baron Van Leens et des sigmarites.

- "Son Excellence m'a affecté à votre corps d'armée à ma demande. Ce sera pour moi un véritable plaisir de combattre au côté de mes confrères reiklanders." annonça-t-il avec un sourire espiègle.
Je suis le Grand Duc, seigneur de ces bois. Je vis avec mes gens, loin de la folie des hommes. La nuit je vole dans les sombres profondeurs de la forêt. Mon regard d'acier partout se pose, et sans bruit, comme le vent, je file entre les branches des arbres séculiers. Je suis le Grand Duc, seigneur de ces bois.

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