Parmi ceux-ci, on trouvait l'église d'Ulric, dieu de l'hiver et des batailles, elle aussi construite en bois. D'après ce que Daeron avait pu voir, elle était très fréquentée et les Nordlandais n'hésitaient pas à venir s'y réfugier pour un oui ou pour un non. Le culte du dieu guerrier était très répandu dans le Nordland, sans doute à cause des origines Norsces de ses habitants. Toutefois, l'halfling n'avait pas pu déterminer l'identité du prêtre, ou quelque soit le nom que l'on donne aux serviteurs d'Ulric.
La place centrale était aussi un élément important, pour peu que l'on puisse appeler "place" l'espace vide qui trônait au centre de Büdigen. Un marché s'y tenait régulièrement mais Daeron n'était pas resté assez longtemps pour le voir. Il s'interrogeait d'ailleurs ce que l'on pouvait acheter dans une province où l'unique marchandise était le bois de ses immenses forêts. Depuis qu'il était arrivé là il y a deux jours, il n'avait pas vu un seul champ ou un seul troupeau de bétail. Il avait bien entendu parlé des collines d'argent d'où on extrayait le métal du même nom mais il n'était jamais allé vérifier la véracité de ces dires. Pour résumer, le Nordland lui paraissait pour le moment aussi inintéressant que le fondement d'une vache à lait. Il se demandait comment il pourrait trouver un travail. Les Nordlandais étaient des gens rustres et costaux qui n'avaient pas l'air de vouloir compter sur autrui pour quoique ce soit. Sa bourse commençait à s'alléger sérieusement. Dans le pire des cas, il devrait peut-être voler pour survivre, mais entrer en confrontation avec ces gaillards, dont la plupart dépassaient le mètre quatre-vingt dix ne l'enchantait guère.
Le cimetière de Morr quant à lui se situait à la périphérie du village. Les tombes se résumaient à quelques tertres grossiers sur lesquels on avait planté des épitaphes plus ou moins poétiques. Pour l'instant, Daeron ne l'avait vu que de loin, mais il n'était pas pressé de s'y rendre. Le tournoiement constant des corbeaux au-dessus de celui-ci ne présageait rien de bon, sans parler de toutes les rumeurs de cadavres se réveillant pour attaquer les vivants qu'il avait entendu ici et là pendant ses voyages.
Plus pragmatique, les ateliers de travail du bois étaient beaucoup plus rassurants. Du côté ouest de Büdigen, ils s'agitaient toujours d'une certaine activité. C'était inévitable car la plupart des Büdigengeois étaient bûcherons ou artisans. Lorsque le vent se calmait un peu, on pouvait clairement entendre le bruit des haches et des scies frappant les troncs.
Enfin, il y avait l'auberge de la ville qui répondait au doux nom du "cochon hurlant". Il y avait loué une chambre pour une somme modique et y résidait depuis. Insalubre et déserte, il était pour l'instant le seul locataire et avait pu choisir sa chambre, parmi une dizaine, qui donnait sur la place du village. Habitué à dormir dans de pires conditions, il s'était contenté sans mal du lit poussiéreux et grinçant qui s'avérait en fin de compte assez confortable après en avoir chassé les différents cafards et autres insectes de maison qui y résidaient avant son arrivée. Un dénommé Kurt Haussenbauern tenait l'établissement. Franc et un brin bourru, il était d'un naturel avenant, même si l'arrivée du petit homme avait eu le mérite de le surprendre. Quelque soit l'heure, il était toujours derrière son comptoir dans la salle commune du rez-de-chaussé. Daeron en avait conclut qu'il n'avait sûrement pas de famille et que la gestion du cochon hurlant était sans doute sa seule occupation. Hormis cela, il ne savait rien à propos de l'homme et n'avait pas encore osé lui poser des questions sur son passé.
Kurt.
Toutefois, l'homme inspirait naturellement la confiance et il avait répondu sans hésiter chaque fois que Daeron avait voulu savoir plus de choses sur Büdigen et le Nordland. Son seul défaut restait sa cuisine infecte que le halfling avait pu goûter par deux fois. Il ne savait d'ailleurs cuisiner qu'un unique plat, une sorte de bouillie à base de céréales dont l'aspect s'apparentait plus à de la morve qu'à quelque chose de comestible et dont l'odeur insupportable emplissait toutes les pièces à chaque préparation. C'est d'ailleurs cette même odeur qui réveilla le roublard ce matin. Le fumet de la mixture commença à emplir sa chambre et Daeron se précipita instantanément vers la fenêtre pour l'ouvrir. Malheureusement, l'odeur avait déjà imprégné tous ses vêtements. Résigné, le Halfling les enfila rapidement et jeta un coup d’œil vers l'extérieur. Comme d'habitude, il n'y avait personne sur la place du village mais il devait être encore très tôt car le soleil pointait à peine à l'horizon. Après avoir récupéré la bassine d'eau que Kurt avait placé devant sa porte, il se débarbouilla rapidement la figure puis pensa à ce qu'il allait faire aujourd'hui. Tout en réfléchissant, il appréhenda le moment où il allait devoir descendre (sa chambre se situant à l'unique étage) et croiser l'aubergiste qui lui proposerait à coût sûr de goûter la bouillie du jour...