[Ahmès] La Porte des Esclaves

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Par delà le Grand Océan, bien à l’ouest du Vieux monde, se trouve le continent de Naggaroth, terre des sinistres Elfes Noirs. C’est une région aride et sauvage que les rayons du soleil réchauffent rarement, tant la couche nuageuse y est épaisse, et de terribles tempêtes s’y déchaînent régulièrement.

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[MJ] La Fée Enchanteresse
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Re: [Ahmès] La Porte des Esclaves

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Ahmès commença à essayer d’embobiner le truand devant lui. Il put voir comment les cils du moins-que-rien se mettaient à lentement papillonner, une mine circonspecte commençant à se dessiner au creux de ses traits.
Parler était parfois efficace. Parler, c’était un moyen de gagner du temps, de tromper, de se faire volontairement passer pour un imbécile ; Mais il y avait gros à perdre, à trop vouloir parler.

Le truand se mit à s’esclaffer.

« Mais oué ! Tiens, j’vais t’aider contre une petite somme ! »

Il s’approcha les bras grands ouverts. Fit un petit signe de la tête.
Et soudainement, sans prévenir, une petite dague s’afficha dans la manche de sa main droite. En un cri, il donna un violent coup en l’air, tentant de lacérer le visage d’Ahmès.
L’apprenti fut choqué par la surprise, mais ses instincts agirent pour lui. D’un simple mouvement de son dos, il vit la lame scintiller juste sous ses yeux, fendant l’air. Tout ensuite ne fut qu’un automatisme provoqué par des décennies d’entraînement sous la houlette de son maître ; Il donna un gros coup de pied dans la rotule de l'assaillant, et le bascula en arrière avec son poids.

Il se retourna, et vit Masthel faire mine d’être terrifié. Le mentor attrapa violemment l’Asur par le poignet, et s’éloigna avec elle, tout en criant d’une petite voix de fausset, parfaitement aiguë :

« Me faites pas de mal, pitié ! »

Les deux femelles Elfes attrapèrent des matraques cachées sous leurs haillons. Et toutes deux, elles se jetèrent dans une charge vers l’assassin, pour essayer de le maîtriser. Elles frappaient fort, elles frappaient vite, sans adresse ; Si Ahmès ne parvint pas à utiliser son coutelas vite sorti de son étui, il encaissa les coups en se protégeant adroitement, les empêchant d’atteindre les parties vitales de son anatomie. Il encaissait sans blessures – il souffrait, mais il avait appris à faire avec la souffrance. Son ancien rival s’était même mis à en trouver du plaisir, un bon moyen de survivre les corrections d’un type comme leur mentor mutuel…

L’une des femelles leva la matraque. Et c’est alors que Masthel réagit. Il lui tira les cheveux, glissa la dague le long de sa jugulaire, et l’ouvrit net. Un geyser de sang jailli, directement sur la face d’Ahmès. Sa compagne se tourna, les yeux écarquillés, une mine horrifiée sur son visage. Le petit marchand vieillissant, apeuré, ne lui laissa pas une mine de repos. Masthel brisa sa garde et lui planta la dague directement sous le menton, ce qui produisit une sorte de gargouillis étranglé horrible à entendre.
Elle mourrait alors que son amie n’avait même pas encore chuté au sol.

« Putain… PUTAIN ! »

Le Corsaire qui souhaitait tant la bourse d’Ahmès le lâchait, se retournait, et fuyait à toute vitesse. Il sprintait comme il n’avait peut-être jamais sprinté de toute sa vie, remontant la petite allée boueuse sous les regards médusés des badauds.

Masthel avait dégainé son arbalète à main. Avec flegme, il leva tranquillement son arme, prit le temps de viser, expira tout l’air de ses poumons, et décocha.
Le carreau alla se planter dans un sac d’orge alors que le Corsaire fuyait en glissant au sol vers une ruelle. Il se redressa et disparut dans la ville.
Masthel tiqua de ses lèvres, audiblement.

« Loec le damne ! J’aurais préféré faire le carton complet…
Vas-tu bien ? »


Masthel posa ses doigts sur le menton d’Ahmès. Avec tendresse, il le releva. Il l’observait. Regardait s’il n’avait pas de blessure.
Il n’y avait aucun empressement dans son geste. Il le faisait doucement, presque comme un père qui auscultait son fils rentré d’une bagarre.

Après avoir bien noté que son chérubin était costaud, il lui donna une tape amicale dans l’épaule, et lui offrit un grand sourire.

« Parfait !
Ne faisons donc pas de vieux os ici, alors. Des gens meurent tous les jours à Karond Kar, mais le Guet est énervé de devoir nettoyer derrière, et je n’ai pas envie de perdre du temps en cellule.
Cyssa ?! »


Ahmès et Masthel se retournaient vers l’Asur. Elle était collée à un muret, les dents presque claquantes, le regard sidéré. Elle suintait la trouille. En même pas dix secondes, le serviteur de Khaine avait ôté la vie à deux personnes.
Le maître ne put s’empêcher d’arborer une grimace sardonique, fort satisfaite, devant l’impression de sa spectatrice.

« Ahmès a demandé un appartement au Colisée, je crois ?
– O-Oui, maître. »

Elle se décolla lentement du mur, et reprit le chemin d’un pas faussement nonchalant. Masthel lui suivait derrière d’un air bien plus léger.

« La plus belle ville de Naggaroth, tu vas voir… »

Jet de charisme d’Ahmès (Malus -2) : 18, échec de 10
→ beaucoup trop pour éviter la suite.

Jet d’attaque du truand (Bonus de surprise : +4) : 13, réussite de 1.
Jet d’esquive d’Ahmès (Malus de surprise : -2) : 6, réussite de 2.

→ magnifique esquive du crochet du Corsaire.

Masthel s’écarte et abandonne Ahmès, qui se retrouve avec les deux truandes qui se jettent sur lui. Il dispose néanmoins de l’initiative :

Jet d’attaque d’Ahmès : 18, échec
Jet d’attaque de la truande dans le dos : 14, échec
Jet d’attaque de la deuxième truande dans le dos : 18, échec.

Jet d’attaque précise de Masthel (Vise la gorge, imparable, malus -4) : 2, large réussite → mort instantanée
Deuxième attaque précise de Masthel (Vise la gorge, mais celle-ci est parable, malus -4) : 3, large réussite
Parade de la deuxième truande : 11, échec → mort instantanée

Le Corsaire qui est sur Ahmès décide de le lâcher et de s’enfuir. Masthel prend tranquillement son temps de sortir son arbalète à une main pour viser sa tête.
Jet de désengagement : 7, réussite.

Masthel dégaine son arbalète et vise précisément : 14, échec, malheureusement.



Le Colisée était à la hauteur de sa réputation. Au milieu de ce Placître où ne vivaient que des sous-êtres indignes d’être appelés Druchiis, voilà qu’on découvrait une structure titanesque, qui rappelait bien mieux l’architecture de leur noble race. Il fallait de longues, longues minutes pour en faire le tour : peut-être bien que des milliers et des milliers de spectateurs pouvaient se presser dans ses gradins, et que les cages devaient retenir les bêtes les plus dangereuses du continent, on ne l’avait pas arnaqué sur cette promesse. L’ovoïde de travertin était un monument digne de Malékith lui-même.

En revanche, il fallait un peu plus déchanter en découvrant la cage à lapin que Cyssa avait qualifié avec l’euphémisme « moins confortable »

Cyssa, tremblante, attira les deux Assassins dans une sorte de cul-de-sac répugnant. Elle sortit un trousseau de clés et ouvrit difficilement la vieille grille grinçante d’une traboule. Traversant une petite cour, le duo découvrit l’arrière d’un atelier de tanneur, dans lequel une quinzaine d’esclaves humains œuvraient, sous la menue surveillance d’un contremaître Elfe torse-nu en train de fumer de l’opium sur une chaise. La tannerie incluait tout le processus salissant et odorant du traitement du cuir : De la graisse et des excréments servaient à la préparation des Kheitans les plus solides, bien que c’était une étape de la production que les soldats des Arches Noires préféraient ignorer…
Au bout d’un escalier dérobé, Cyssa ouvrit une lourde porte avec une deuxième clé. Le bois était si encastré qu’elle dût buter dedans avec son pied. Et voilà qu’elle dévoilait le nouvel appartement d’Ahmès.

C’était petit. Des murs moisis, une vieille tapisserie séchée et arrachée à un mur. Dans un coin, une table avec des bancs. Un baquet au centre de la pièce devait servir à prendre un bain, mais il fallait le remplir d’eau et poser des bûches en bois dessous.

« Vous profiterez d'une magnifique vue sur le Colisée dans l’autre pièce. »

Masthel alla ouvrir la porte de l’autre pièce. C’était une petite chambre qui sentait le refermé, aussi, Masthel se dépêcha d’aérer en poussant la grosse vitre sale et un peu fendue. En faisant ça, on pouvait entendre les vendeurs à la criée rythmant la ville par leurs égosillements. Il y avait un sommier sans matelas, et une caisse dans un coin du mur.
Le mentor fit un sourire gêné.

« Cyssa, dis-moi, je vois comme un petit problème…
Où sont les putains de meubles ? »


C’est qu’il n’y avait pas grand-chose autour d’eux. Tous les tiroirs étaient vides. Il manquait de tabourets, de bureaux, de commodes, d'objets qui pouvaient faire penser qu'on vivait ici.

« Les précédents locataires ont volé la plupart du mobilier avant de partir… Ils ont échappé d’un jour près à nos huissiers.
– C’est bien notre veine…
Au moins le Colisée est juste en face !

– Le placement est le gros avantage de l’appartement. »

Le placement n’était pas le seul. En faisant le tour de l’appartement, Ahmès notait que l’endroit, en plus d’être assez discret, était plutôt bien bâti pour un assassin. Depuis le balcon de la chambre, on pouvait très aisément grimper sur le toit, et fuir alors en s’accrochant à l’étage d’un immeuble adjacent. On pouvait également sauter dans la rue sans se faire mal, ce qui était également une issue fort efficace. Et sachant qu’on ne pouvait entrer qu’en faisant le tour complet par l’atelier de tanneur, ça rendait difficile l’encerclement de l’appartement par quiconque. On pouvait observer sans être vu.
Difficile de savoir si Trathil avait fait exprès, mais on pouvait se sentir en relative sécurité ici.

Le temps que Ahmès fasse son tour, Masthel retira son gros manteau et le jeta sur la table. Il s’avachit sur l’un des bancs, en tapotant sur le bois.

« C’est… Bien beau. Mais il va falloir faire des courses. De la bouffe, de la cire pour les bougies, du bois de chauffe…
Peut-être pas de l’alcool. Si tu veux t’amuser Ahmès, y a tellement d’endroits pour dans cette ville. Il faut juste jamais sortir sans ta lame.

– Je suis à votre disposition pour toutes ces contingences, maîtres.
– Oui, c’est bien arrangeant…
Veux-tu dormir dans la chambre ou sur le sol du salon ? »


Peut-être y aurait-il quelque chose de comique, à voir des tueurs servant Khaine débattre sur quels lits ils allaient se reposer, et s’ils préféraient manger du saucisson ou des fèves. C’est que Masthel n’avait pas seulement appris à Ahmès à tuer, à s’infiltrer et à prendre en filature : Il avait assuré son logement, son habillement et sa nourriture. Il avait accompli les devoirs d’un père, en s’assurant qu’Ahmès avait toujours un toit au-dessus de sa tête et de quoi remplir son ventre, malgré la rigueur qu’on imaginait bien dans leur profession.

« Bon… Tu avais dit que tu souhaitais me parler lorsqu’elle ne serait plus en notre présence ?
On peut l’envoyer faire les courses, et ensuite, tu discuteras de tout ce que tu souhaites ? »

Jet d’observation (Bonus +1) : 10, échec de 1 → vu que c’est très mineur, je le considère comme une réussite. Bonus dans la narration.

Jet d’observation : 18, échec. Là je peux pas.

T’es pas chanceux sur tes jets, dites donc !
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LA PORTE DES ESCLAVES


Du négoce qu’il fit, il ne récolta qu’une vilaine raillerie qui acheva de débusquer les armes de leurs fourreaux et d’enliser la rencontre dans le conflit. L’Apprenti, exposé, fut le premier à être ciblé par une attaque, qu’il esquiva au prix d’une formidable acrobatie dénotant d’une maîtrise accrue de son corps ; pour autant, sa propre riposte échoua, quand bien parvint-il à parer les deux lames que lui adressèrent les guerrières. Cependant qu’il croisait le fer avec les trois truands, il ne vit même pas son Maître débouler dans son dos, et occire d’un trait les deux amazones. Ahmès constata, en un clin d’œil, les deux gorges lacérées d’un seul coup, manifeste de la dangerosité indiscutable de son Mentor.

Masthel était un tueur digne de porter ce titre, contrairement à Ahmès qui, impuissant, fut consterné de s’apercevoir qu’il n’était encore bon qu’à survivre, qu’à esquiver jusqu’à ce que son Maître clôture le travail. Il eut une espèce de furie intérieure, un vague sentiment d’impuissance qui fut bientôt couplé à une douceur équivoque de celui qui lui avait tout appris ; et qui tint son menton avec une douceur paternaliste en sondant qu’une taillarde n’eut effiloché ses traits parfaits.

L’Apprenti eut alors comme un doute. Etait-ce une sincère affection, ou une façon ironique de lui montrer qu’il n’était encore qu’un élève ? Cet élan de bienveillance fut mal accueilli dans le cœur intrépide du futur assassin ; si vrai que, sous une autre perspective, cela s’associait à un cuisant échec et donnait fertilité à la honte qu’il pouvait avoir d’être tout le temps dépassé. Ni premier, ni deuxième, ni troisième. Il n’était rien. Rien d’autre qu’un monument de misérabilité.

Ses doigts se refermèrent alors même qu’il adressait deux yeux fauves à son Maître, de sorte à lui montrer son courage. Mais cela était vain. Masthel paraissait aimer son élève ; mais sans doute devait-il aimer aussi lui être supérieur, ce qui rebutait son Apprenti.

Ils poursuivirent leurs routes, Ahmès ne daignant même pas fouiller les cadavres et les laissant pourrir derrière leur sillage comme si cela ne valait même pas la peine de relever la mort de ces impies. Ils ne tardèrent pas, traversant les rues souillées de Karond Kar, à approcher leur appartement.

L’Apprenti, attentif, étudia tout ce qu’il croisa. Du regard de ce tanneur grotesque, aux cours et aux portails qu’ils passèrent en silence, guidés par l’Asur. Découvrant alors leur dortoir, il fut attentif au mécontentement mais ne s’en souciant guère : la vue imprenable qu’il avait sur le Colisée lui plaisait à ravir, et la possibilité d’atteindre les toits était bonne promesse. Il se confirma à lui-même que l’endroit manquait d’aménagements, de vivres, de quoi pouvoir se reposer convenablement ; mais il se réconforta en songeant qu’il ne serait ici que de passage.

« Le sol. »

Affirma-t-il à son Maître en lui donnant son choix, celui de la rusticité et de l’inconfort, celui de sa propre place : tant qu’il ne deviendrait pas un véritable Assassin, il se refusait à toute oisiveté. Il avait bien trop peur de finir dans les bras de Slaanesh pour se complaire dans un farniente qui endiguerait ses chances de prouver sa compétence. Patiemment, il continua d’analyser le paysage qui s’offrait aux fenêtres de leur appartement lorsque l’Asur se plaçât à la porte pour sortir, montrant sa volonté de les laisser seul à seul ; moment que son Maître crut bon d’intercepter pour lui donner une tâche à réaliser.

« Oui. Qu’elle parte nous chercher des vivres, et de quoi étendre notre linge lorsqu’il sera souillé de sang. Des crochets et du cordage, de préférence ; quelque chose d’assez solide pour faire pendre un corps. »

Jeta-t-il froidement à l’esclave qui leur avait été confié.

« Qu’elle s’arme également de quoi nettoyer ce clapier. Lorsque nous reviendrons, je veux que les murs brillent ; sans quoi, il se pourrait que je m’agace. »

Il ne put se montrer plus menaçant ; et laissa l’Asur s’éclipser avant de reprendre avec son Maître, très expressif, qui était venu à lui comme pour avoir une oreille attentive envers ce que son Apprenti projetait de faire.

A cet instant, Ahmès jeta ses yeux de feu vers la ville.

« Maître, nous reste à élaborer notre stratégie d’assassinat. »

L’affirmation fit frémir ses iris, comme si une flamme dansait déjà à l’intérieur. Pour une fois, il prenait les devants et ce n’était pour lui déplaire : il s’émancipait, enfin.

« Débutons par ce qui nous manque : le renseignement. Nous savons déjà les choses que vous nous avez présentées en arrivant ici : cet endroit pue comme la peste, est infesté d’opportunistes et de flagorneurs, se laisse gouverner par la pègre, mais est toutefois peuplé d’ambitieux qui rêvent d’atteindre cette fameuse Esplanade. En attendant, il leur faut composer avec ce qui existe dans le Placître ici-bas : l’Aragne, la Marâtre, et les Dents Acérées, si ma mémoire est bonne. Ce que vous nommez les Princes du Dessous. Karond Kar, au demeurant, pullule d’esclaves et de corsaires ; on y croise de tout, en quantité, dans un univers des plus repoussants. Comme vous le disiez… »

Il se fendît d’un sourire en observant son Maître.

« … c’est un vaste terrain de jeu. »

Sa main glissa derechef vers ses poches, comme pour vérifier que les souverains d’or qu’on lui avait avancé étaient toujours là. Il défît le lacet qui retenait la poche de sa bourse et glissa sa main à l’intérieur pour en tirer quelques-uns. Il y avait largement assez pour corrompre n’importe quel esclave qui voudrait se faire un peu de monnaie contre menu service, sans même prendre de grand risque. Il y avait sans doute même assez pour avoir deux éclaireurs capables de faire son œuvre.

« Je vais m’enquérir auprès de deux esclaves de deux ethnies différentes afin de recueillir des données. Naturellement, je me rapprocherais du Colisée : profiter d’un petit spectacle nous permettra peut-être de trouver quelconque Maître d’Esclaves ou de Bêtes se plaisant à jeter ses biens sur le sable souillé de sang. Là où trainent débauche et disgrâce traînent aussi les opportunistes desquels nous pourrons sans doute tirer profit. »

Il s’arrêta, détournant cette fois son regard vers les parois couvertes de mousses de cette demeure ringarde. Quelques songes tapissaient le fond de sa pensée.

« Je me demande, du reste, pourquoi Dame Trathil en veut autant à Lhunara Lucari. Je prendrais le temps qu’il faudra qu’il faut pour en savoir plus ; mais s’il y a là derrière une course vers l’Esplanade, nous pourrions en tirer plus de gain que les trois cents souverains d’or qui nous sont promis ; peut-être en nous rapprochant de meilleure souche. »

Lui aussi était ambitieux. Au moins autant que paraissait l’être la sœur de Lokhir Fellheart.

« Commençons par nous rendre au Colisée afin d’assister à nos premières escarmouches ; un peu de détente ne nous gâchera pas le travail et nous trouverons peut-être notre bonheur en cette olympe de pugilat. Je ne veux revenir ici que lorsque l’Asur aura achevé son travail et que l’air y sera respirable. »

Acheva-t-il en déformant ses lèvres en un rictus de dégoût.
Modifié en dernier par [MJ] La Fée Enchanteresse le 04 nov. 2020, 22:19, modifié 1 fois.
Raison : +6 XP / Total : 36 XP
Ahmès Rahadriel Rohomir | Voie de l'assassin elfe noir
Profil : For 8 | End 10 | Hab 10 | Cha 10 | Int 8 | Ini 10 | Att 10 | Par 10 | Tir 10 | Foi | Mag | NA 1 | PV 16/55
Fiche personnage : Lien

États Temporaires
* Exsangue : Après avoir perdu beaucoup trop de sang, tu es anémié. Tous les efforts physiques se font avec un malus de -1.

Compétences
  • Combat
    • Ambidextrie (A)
    • Acrobatie de combat (A)
    • Esquive (A)
    • Parade (A)
    • Tir à déclenchement rapide (B)
  • Perception
    • Acuité visuelle (B)
    • Lecture sur les lèvres (E)
    • Vision nocturne (E)
    • Sixième sens (B)
  • Adresse
    • Déplacement silencieux (B)
    • Mort silencieuse (B)
    • Escalade (B)
    • Camouflage (B)
    • Vol à la tire (B)
  • Physique
    • Résistance accrue (B, Spécialisation : Poison)
  • Connaissances
    • Préparation de poisons (E)
    • Piégeage (A)


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Re: [Ahmès] La Porte des Esclaves

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Sitôt les étranges commandes passées par Ahmès, Cyssa leva ses prunelles pour chercher les yeux de Masthel. Le mentor ne lui dit rien ; pour toute réponse aux quelques interrogations qui avaient bien pu naître dans son crâne, elle ne reçut qu’un geste dédaigneux de la main de la part du serviteur de Khaine. Alors, l’Asur s’inclina, et tenta de dissiper la trouille trop apparente dans sa voix dans une parodie de nonchalance domestique.

« Tout sera fait selon vos désirs, maître. Si cela était tout ce que vous exigiez... »

Ne recevant plus d’autre requête, elle s’éclipsa à petits pas, en laissant derrière elle le trousseau de clés qu’elle déposa par terre.
Enfin, ils étaient seuls.

« Bien ! Tu as raison, au travail. »

En l’absence du moindre tabouret, Masthel s’assit directement par terre. Il jeta son maigre paquetage dans un coin de la chambre qu’Ahmès lui laissait, et, dans l’entrebâillement, il déroula un linge dans lequel se trouvait un peu de matériel : des lames, quelques petites fioles contenant des liquides aux couleurs diverses, et des carreaux de sa courte arbalète à main qu’il alignait soigneusement pour s’assurer de leur bon état.
Et tout le long, il écouta bien attentivement ce que son disciple avait à lui dire, levant de temps à autre son museau pour assurer que son ouïe lui était vouée.

Une fois les propositions d’Ahmès terminées, il se releva avec flegme, pour observer lui aussi le Colisée par la fenêtre.

« Je ne connais pas les Lucari, et on ne peut pas dire que nos commanditaires se soient montrés très loquaces… Ils ont dû vouloir se débarrasser de nous le plus rapidement possible.
Mais tu as raison de vouloir commencer par le Colisée. C’est l’attraction essentielle de cette ville. Certains Druchii aiment aller au bordel dans leur temps libre, d’autres se vautrent dans les fumeries d’opium, mais tous, sans aucune exception, comprennent l’importance des Jeux. Peu importe la richesse ou le prestige des Lucari – ils ont forcément un champion pour les représenter dans l’arène, tous les nobles en offrent aux arènes pour se faire bien voir du peuple. »


Un nom – c’était tout ce qu’ils avaient reçu. Un nom et rien d’autre. On offrait rarement d’autres choses aux serviteurs de Khaine, ça évitait de trop offrir et de trop les faire rentrer dans la confidence. Mais il y avait des noms plus connus que d’autres.

« Nous pourrions aussi interroger la petite Cyssa. Si sa maîtresse lui fait tant confiance, au point d’avoir les clés de propriétés et de se promener sans escorte dans Karond Kar, c’est qu’elle doit savoir beaucoup de choses ; je t’ai appris bien des manières de faire parler quelqu’un sans trop l’abîmer, n’est-ce pas ? Ça serait un bon moyen de faire des révisions ! »

Il sourit à sa propre plaisanterie.

« Soit, le Colisée alors. Comment souhaites-tu y rentrer ?
Nous pouvons nous faire passer pour de simples spectateurs comme il y en a des centaines, mais alors il faudra faire attention à ce que l’on dît et ce que l’on avoue sur nous lorsque nous chercherons des informations… Si tu souhaites t’inventer un nom, ou une histoire, mettons-nous d’accord tout de suite sur le costume que nous porterons à Karond Kar. On peut même utiliser un peu d’argent pour changer de vêtements et mieux nous coiffer, si tu penses que c’est nécessaire.
Comme tu le dis, nous trouverons beaucoup de maîtres des bêtes, et des petits entreprenants. Nous pourrons aussi voir des nobles, mais ils seront plus difficiles à approcher ; nous les trouverons probablement cernés de sycophantes, de négociants qui leur offrent des cadeaux pour leur plaire.
On peut aussi essayer d’approcher directement la Maîtresse du Colisée. Je n’ai jamais eu la chance de rencontrer dame Kheldri, mais il paraît qu’elle est une femme originale, et elle fait partie des puissants de la ville. Je suis sûr qu’elle serait prête à aider discrètement deux assassins de Khaine, si nous lui rendions des services en échange… »

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LA PORTE DES ESCLAVES


Dans l’appartement lugubre qui leur servait de gîte, les deux assassins avaient pu se retrouver entre pairs. Capables à présent d’aborder des sujets plus sérieux, Masthel dévoila tout son attirail en l’étendant sur le sol comme s’il s’agissait d’une peau de gibier ; Ahmès prit bien soin d’observer ce qu’il possédait, pour savoir ce qu’il ramasserait sur le cadavre de son mentor si, dans un malheureux accident, ce dernier venait à mourir.

Un malheureux accident, oui. Un malheureux accident qui ne quittait jamais ses pensées.

Le Maître ne tarda pas à évoquer des sujets qui ne suscitèrent pas la surprise chez Ahmès. Le déguisement était effectivement l’un des meilleurs moyens de se fondre dans la foule, de jouer la carte d’un autre ordre militaire, de faire facétie de leurs identités ; l’idéal pour déambuler dans les rues sans être les deux assassins de Khaine qu’ils étaient. L’Apprenti savait que le Maître considérait cette étape comme quelque chose d’important : il ne fallait guère se tromper, au risque de se mettre en difficulté ou de se causer des problèmes plus sérieux. Mais avant même d’expliquer la décision qu’il prit au terme d’une petite minute de réfléxion, Ahmès préféra d’abord revenir sur un autre problème qui avait également toute son importance : l’Asur.

« Cyssa devra cracher tôt ou tard ce qu’elle sait, effectivement. Mais j’aime encore me dire qu’elle est de notre côté. A l’heure où nous parlons, ses rapports doivent déjà atteindre les oreilles de Dame Trathill ; elle fera vos louanges, vous qui avez égorgé deux ennemis en presque un seul mouvement. Elle ne manquera pas aussi de témoigner de ses craintes, des menaces que nous pouvons lui faire. C’est une bonne chose. Dame Trathil Aleti, si influente qu’elle soit, doit apprendre à nous craindre également. Lorsque l’heure sera venue, toutefois, nous aurons le plaisir de sonder un peu plus l’esprit de Cyssa. J’ai comme un mauvais pressentiment sur cette affaire. Je me demande si, quelque part, les informations que nous avons sont les bonnes. Dame Trathill est intelligente et a de la poigne. Je trouve étrange qu’elle se soit empressée de nous missionner aussi rapidement, nous forçant à sortir du cadre exigé par le Seigneur Lokhir Fellheart. Est-on sûr que c’est Skaris Fellheart qui a détourné les esclaves pour les revendre à son profit ? Et si Dame Trathill était l’unique responsable de ces problèmes avec la maison Lucari ? Et si elle avait camouflé sa part de culpabilité en reportant toutes les fautes sur son frère, sans doute le plus fragile puisqu’il est le cadet de la famille ? »

Déshabillant cette hypothèse, il étira ses lèvres en un fin sourire qui exprimait son plaisir de pénétrer dans le monde des complots ; il espérait que Masthel serait fier de son scepticisme, et de comprendre que son élève n’était point dupe. C’était là peut-être un des seuls domaines où Ahmès se sentait capable, un jour, de pouvoir dépasser l’autre Assassin formé par Masthel : ayant une parfaite conscience de ses lacunes sur le plan militaire, le drucchii savait plus que quiconque ô combien il pouvait succomber rapidement. Avoir conscience de ses faiblesses lui donnait, quelque part, une force supplémentaire : le doute ainsi clairsemé dans son esprit lui permettait d’être plus prudent que les autres, et les précautions qu’il prenait, parfois en excès, avaient pour valeur de le rendre moins vulnérable ou en tout cas, moins accessible. Par extension, il s’était évertué à envisager de corriger son absence de talent martial pour autre chose de plus pernicieux, de plus politique. L’évocation des familles nobles lui plût, mais il ne releva pourtant pas. Il se contenta d’inscrire le nom dans sa mémoire : peut-être irait-il, un jour. Mais sans son Maître.

Masthel ne devait pas être l’origine de son réseau, au risque que ce réseau se retourne contre lui.

« Je veux connaître et rencontrer Skaris, à un moment ou un autre. Mais d’abord, concentrons-nous sur ce qui nous intéresse. »

L’Apprenti, ayant terminé son aparté, se dirigea vers la porte. Son propre équipement était bien moins étoffé que celui de son Maître, et il le savait déjà en mesure d’agir. Après tout, il n’avait pas eu vraiment le loisir de pouvoir l’exploiter jusqu’à présent. Avant de sortir de la pièce, il expliqua son plan à Masthel.

« Je serais Thallan, et vous Narbeth. Nous serons deux druchiis originaires de Kar Karond venus à Karond Kar pour des motifs personnels ; si l’on vous interroge, vous évoquerez un complot qui a été fomenté contre notre maison, les Bryris, et qui nous a obligé à envisager d’autres terres. Nous serons à la recherche d’un équipage que nous voulons servir ; et prendrons un peu de distraction aux jeux. »

Les deux elfes noirs ne seraient ainsi ni trop importants, ni trop misérables. Et avec un objectif bien précis et un historique large, ils pourraient tantôt susciter l’intérêt, l’amitié, ou l’inimitié ; en fonction des relations que les autres auraient avec Kar Karond, et en fonction de l’intérêt qu’ils pourraient avoir à remplir les cales de leurs équipages.

« Cela vous parait-il convenable ? Si tel est le cas, nous pouvons nous habiller et débuter notre mission : trouver le Champion des Lucari, s’il en existe un. »
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Ahmès Rahadriel Rohomir | Voie de l'assassin elfe noir
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* Exsangue : Après avoir perdu beaucoup trop de sang, tu es anémié. Tous les efforts physiques se font avec un malus de -1.

Compétences
  • Combat
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    • Acrobatie de combat (A)
    • Esquive (A)
    • Parade (A)
    • Tir à déclenchement rapide (B)
  • Perception
    • Acuité visuelle (B)
    • Lecture sur les lèvres (E)
    • Vision nocturne (E)
    • Sixième sens (B)
  • Adresse
    • Déplacement silencieux (B)
    • Mort silencieuse (B)
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    • Camouflage (B)
    • Vol à la tire (B)
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Re: [Ahmès] La Porte des Esclaves

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Assis en tailleur, Masthel écouta très attentivement son disciple. De temps à autre, il montrait qu’il était bien attentif par un petit hochement de tête, son énigmatique sourire narquois toujours bien en coin.

« Tes suspicions à l’encontre de dame Trathil ne seraient pas partagées par nombre de tes… Collègues. D’ordinaire, nous les lames de Khaine, nous prenons juste un nom et un tribut, sans attendre autre chose – peu importe les motifs du meurtre, Khaine a toujours son dû.

Mais ce que je te dis n’est pas un reproche. Tu n’as pas à faire comme tout le monde, tant que tu respectes les commandements de Khaine, tu fais ce que tu souhaites. Tu as raison de te méfier de Trathil, et si tu souhaites en apprendre davantage sur la famille Fellheart avant de faire couler le sang, c’est ton droit. »


Il ricana un peu.

« Lokhir et Trathil ont l’air d’être bien empressés, aussi impolis que brutaux… Ils n’ont pas les airs maniérés et les fausses politesses qu’on retrouve trop souvent dans l’aristocratie Druchii. Je pense que c’est peut-être lié à leur éducation…

Savais-tu que le père de Lokhir avait été tué par un assassin de Khaine ? Lorsque Lokhir a hérité, il était tout jeune, et entouré d’ennemis. Ses adversaires voulaient lui faire épouser une jolie fille de leur clan, de manière à le forcer à rentrer dans leur clientèle. Il a défendu ses frères, ses sœurs, ses petits cousins, alors même qu’il était à peine plus vieux qu’eux tous. Et bon gré mal gré, il a quand même réussit à bâtir quelque chose. Les Fellheart n’ont pas sombré.
Lorsque j’avais ton âge, Ahmès, j’étais persuadé que Lokhir allait mourir, ou finir en mari canard et cocu. Mais tu l’as vu. Il est complètement fêlé, persuadé d’être Mathlann incarné sur Terre, avec ce stupide casque de kraken derrière lequel il cache son visage…
Alors, je pense que tu as raison de te méfier. C’est une prudence que je te reconnais. Garekt a toujours été plus doué que toi pour tuer, mais il est un peu trop tête brûlée. C’est dommage que vous ne soyez pas parvenus à vous entendre, j’ai toujours espoir de pouvoir vous réconcilier avant que je ne devienne trop vieux, ou que je trouve la mort – si vous vous battiez en duo, vous seriez impossibles à arrêter. »


Pendant de longues années, Masthel avait savamment entretenu la jalousie entre Ahmès et Garekt. Il était étrange de le voir parler de réconciliation, alors qu’il était le seul responsable de la rivalité qui s’était constituée entre eux ; ils étaient si semblables. Tous les deux étaient des nourrissons arrachés à leur famille, et baptisés dans le sang. Ils avaient connu les mêmes peines, les mêmes humiliations, ils avaient dû faire les mêmes travaux salissants pour leur mentor – préparer ses flèches, concocter ses poisons, filer ses vêtements troués, faire disparaître les cadavres en les démembrant soigneusement… Selon toute logique, ils auraient dû finir camarades, peut-être même frères : les Druchii ont du mal à faire confiance aux autres, mais de la même manière que Lokhir Fellheart professait son amour et sa loyauté envers sa famille, même ceux qui détournent son butin, peut-être que Garekt et Ahmès auraient pu lier leur destin et être prêts à se sacrifier l’un pour l’autre.
Mais non. Masthel les avait rendus méfiants. Il avait joué avec eux. Fait des cadeaux parfois à l’un, parfois à l’autre, les avait soigneusement montés l’un contre l’autre, de manière à ce qu’ils soient incapables de se faire confiance. Et aujourd’hui, il disait vouloir les réconcilier.
Peut-être devenait-il gâteux. Peut-être ne voyait-il pas le mal qu’il avait fait. Peut-être se foutait-il juste de la gueule de son apprenti. C’était impossible de savoir vraiment ce qu’il pensait lorsqu’il disait des choses comme ça.


Alors qu’Ahmès remballait et se préparait déjà à partir, Masthel se releva avec grâce. Même avec les immenses rides qui creusaient des sillons dans son visage, il avait toujours le même pas félin et alerte. Le poignarder dans le dos ne serait pas aisé.

« Narbeth Bryris ! Très bien. J’aime cet alibi. En nous prétendant être des nobles exilés, on peut facilement jouer les gros bras et forcer l’entrée dans des endroits où on nous refuserait d’ordinaire. Bien sûr, sans bague dynastique, et avec un nom inventé provenant d’une autre cité, il y en aura pour nous accuser d’être des usurpateurs. Mais heureusement, il y a un moyen simple de faire taire ceux qui nous dénonceraient publiquement :
Un défi en duel singulier. Pour avoir osé porter atteinte à notre honneur.

C’est une bonne idée que tu as là. Mais elle a des défauts aussi. Si on se fait trop remarquer, notre nom va rester dans les têtes, et au nom sera associé un visage. C’est facile de changer soudainement d’identité quand on se fait passer pour de simples corsaires, ou pour des petits marchands. Quand on ose dire qu’on est noble, on attire les regards sur nous.

Mais je te laisse gérer. Je me tais et ne fais pas de vagues. Tout est entre tes mains. Je sais que tu es assez malin pour t’occuper de tout ça. »


Les deux Druchii se préparèrent à partir. Ahmès dû laisser derrière lui son grappin et ses rouleaux de cordes, tandis que Masthel abandonnait ses sacoches remplies de concoctions, de poudres et de boîtes. Ahmès en reconnaissait beaucoup – le maître lui avait appris à préparer des poisons et des toxines aux usages bien divers, et à reconnaître quelles plantes ou venins d’animaux recueillir afin d’en reproduire lui-même.
Ils pouvaient en revanche garder leurs tenues d’assassins de Khaine – la brigandine de plaques métalliques se cachait très aisément sous les vêtements, du moins lorsqu’on s’habillait chaudement. C’était plus compliqué lorsqu’il fallait infiltrer une soirée mondaine, où les costumes étaient notoirement plus échancrés et décolletés, même chez les hommes. Sur le conseil de Masthel, Ahmès avait aussi appris à garder son capuchon de cuir enroulé dans une poche. Ce solide couvre-chef n’avait pas seulement l’avantage de garder son visage des coups de taille – lorsqu’il fallait soudainement passer à l’action, s’éloigner du public pour s’infiltrer dans un lieu interdit, c’était un bon moyen de dissimuler son identité.

Du reste, il fallait un peu se changer. Et alors, Masthel retrouva son côté paternel. Presque maternel en fait. À côté de ses carreaux d’arbalètes et de ses petites grenades aveuglantes, Masthel tirait des outils bien originaux, qu’on aurait du mal à imaginer dans la besace d’un égorgeur de caniveaux : il sortait une brosse à cheveux, et des pinces. Il en plaça une dans la bouche, et fit signe à Ahmès de se tourner.
Oui, on avait arraché Ahmès à sa famille lorsqu’il était bébé. Mais même dans le Temple de Khaine, une espèce de tendresse lui était prodiguée. Une tendresse toxique, utilitaire, tempérée par les sacrifices humains et les bagarres à mort qui avaient toujours été son quotidien. Mais Masthel, un Elfe capable d’égorger deux jeunes femmes dans une ruelle sans même réfléchir ou éprouver le moindre sentiment de culpabilité, se mit à brosser les cheveux de son fils adoptif, afin de lui nouer une fine queue de cheval avec les quelques épaisseurs qu’on lui accordait. C’était Masthel qui d’ordinaire lui coupait les cheveux, et même, dans son adolescence, le rasait – il faut vraiment faire confiance à un autre Elfe Noir pour le laisser jouer avec un rasoir près de sa gorge, et c’était là une preuve d’amour plus importante que des bisous qu’ignoraient les enfants de Naggaroth.

Après l’avoir coiffé, Masthel lui offrit un peu de linge. Ils remplaçaient leurs gros pardessus amples, qui servaient à cacher leur attirail meurtrier et leurs sacs pleins, avec des espèces de mantels tailladés qui étaient colorés de pourpre et de rouge. Ce n’était pas là un costume complet, ça en jetait pas la vue, mais ça les faisait déjà trancher avec la crasse et l’habillement fort simple des Corsaires et des roturiers de Karond Kar. Ils nouèrent bien le manteau afin de cacher leurs armures de soldats de Khaine, et laissèrent la cape virevolter un peu sur le côté.
Masthel sourit à son disciple.

« Tu es tout beau comme ça ! Mais si tu veux coucher avec de la bien-née, il faudra que tu ailles te faire tailler tout un costume chez un gipponier.
Je sais même pas si les adresses que j’avais sont des établissements encore ouverts… ça fait tellement longtemps que je suis parti. »



Thallan et Narbeth n’eurent pas à marcher bien longtemps. Ils traversèrent une belle avenue large et pavée (Pour changer des routes exiguës et boueuses de la rade), sur laquelle s’empressaient des véhicules et des passants. Trottant un peu pour traverser la chaussée, ils se retrouvèrent devant les grandes portes du Colisée.
Un échafaudage de bois et de planches était envahi de singes. Les humains portaient du gravier dans des brouettes, et manipulaient une poulie pour monter des briques et du mortier. Visiblement, le Colisée était en pleine rénovation. Cette foule d’ouvriers exerçaient leur art à toute vitesse, sous le regard malveillant de leur contre-maître Elfe qui gribouillait dans un carnet.
Et, plus étonnant encore, Ahmès put voir quelques humains, ainsi qu’un Nain, qui étaient armés de matraques en bois, avec un brassard sur le bras. De toute sa vie de Druchii, Ahmès n’avait jamais vu de non-Elfes armés en Naggaroth.

« Eux c’est les Surveillants des chaînes. Karond Kar a tellement d’esclaves, partout, qu’ils en sont réduits à utiliser des esclaves pour surveiller d’autres esclaves.
N’aie pas peur d’eux. Les singes n’ont aucune solidarité entre eux. Les gardes humains sont encore plus vicieux et zélés que les gardes Elfes. Et les gardes Nains… Ils ne prennent jamais de pots-de-vins. »


Ayant terminé de jeter un coup d’œil aussi curieux qu’amusé, Masthel continua sa route, jusqu’aux grandes portes qui menaient vers les tribunes de l’arène.


Le Colisée n’était pas qu’une arène, une fosse avec des bancs de spectateurs – c’était un palais. On ne se rendait vraiment compte de l’immensité d’un édifice visible depuis la mer que lorsqu’on entrait dedans. Une colossale statue d’albâtre représentant Kaela Mensha Khaine indiquait la voie vers de formidables escaliers qui menaient aux gradins. Des petits commerçants au détail, des vendeurs de bouffe, de liquides à siroter et de drogues à renifler, tenaient des échoppes le long d’une travée qui servait de grande galerie. Et une quantité impressionnante de gardes armés, de mercenaires Elfes portant des cuirasses bleutées et des arbalètes, surveillaient les accès vers des portes grillagées qui menaient à un sous-sol – qui sait combien de cages il y avait sous ce Colisée ? Combien de bêtes, de monstres sauvages on pouvait bien garder sous clé ? Les Maîtres des Bêtes de tout le continent vendaient à Karond Kar, et ici, Ahmès pouvait voir l’ampleur de la différence d’infrastructure avec le Placître si chaotique. Il n’y avait que des portes larges, et propres, et une voirie qui semblait descendre de plusieurs lieues jusqu’au port. C’était là toute la preuve de l’importance du Colisée.

Mais c’est en grimpant les gradins, pour aller rejoindre les spectateurs, qu’Ahmès se rendit plus compte encore de la hauteur du lieu. Il y avait bien du monde, quelques centaines de spectateurs au moins, et pourtant, les gradins étaient presque entièrement vide. On avait peut-être construit le Colisée pour y accueillir la population Elfe toute entière de Karond Kar ; sans oublier du rab’ pour les voyageurs des autres cités.
L’arène proprement dite était bien gigantesque. Des alcôves grillagées semblaient être assez larges pour y faire débouler des chars tractés par des sang-froids, tandis qu’une porte semblait être assez grande pour y vomir un dragon. On pouvait voir des canaux de pierre, des portes-chaînes, tout un savant système de drainage – peut-être est-ce qu’on pouvait remplir l’arène d’eau pour s'y faire affronter des monstres marins, ou carrément des navires. Tout autour, dans l’arène et au-dessus des gradins, des tours d’archers avec des braseros et des balistes surveillaient la fosse ; Ahmès avait entendu dire qu’il était habituel de se faire se battre des manticores dans ce Colisée, et peut-être les armes à distance étaient là pour éviter que l’une d’elle ne soit capable de s’enfuir et de semer le chaos dans Karond Kar tout entier.

Les soirs de spectacles devaient vraiment être magistraux. Masthel n’osa même pas se fendre d’un de ses commentaires sarcastiques en voyant toute la glorieuse décadence des lieux.


Actuellement, il y avait un combat – mais un qui faisait pâle figure comparé à tout ce que les lieux pouvaient offrir. Pas de kharibdyss ou d’hydres pluricéphales. Juste quelques esclaves en train de mener un combat de gladiateurs. Une quarantaine de harpies chevauchaient les grilles des gradins, visiblement aussi assoiffées de sang que les spectateurs qui criaient dans un vacarme amplifié par l’acoustique des arènes.
Les combattants étaient trois humains, et un orque. Ils portaient des équipements fort hétéroclites – l’un d’eux avait un trident et un filet, le monstre peau-verte un gros bâton truffé de clous, mais le plus agile des guerriers, celui qui semblait éviter tous les coups dans une espèce de danse bien vive, il portait une belle épée à deux mains qu’il reposait par intermittence sur son épaule, le temps de souffler.
Le sable sous leurs pieds, tout autour d’eux, était couvert de sang. Ils semblaient être en train de se battre depuis fort longtemps, et apparemment, aucun n’était prêt à admettre forfait pour s’épargner plus de souffrance. En voyant ça, Masthel s’approcha de l’oreille d’Ahmès pour lui dire avec une forte voix quelque chose, seul moyen pour lui de se faire entendre alors qu’ils se rapprochaient des lieux les plus bruyants :

« Les combats de gladiateurs, c’est rarement à mort en fait ! Ça serait un gâchis immense de richesse pour les nobles qui les possèdent – ils préfèrent sortir leurs poulains plusieurs fois, plutôt que de devoir constamment en chercher de nouveaux !
Mais s’ils se rendent et implorent pitié sans avoir démontré assez de niaque et de bonne volonté, leurs maîtres risquent de les punir – ça aide pas à les garder entiers, surtout qu’ils sont jetés s’ils ont une blessure trop handicapante ! »


Les spectateurs se mettaient à huer. Les quatre serfs dégoulinant de sang comme des boudins semblaient être en train de faiblir, et maintenant, leurs coups paraissaient de plus en plus faiblards, hésitants, aucun ne prenant le risque d’ouvrir sa garde – même l’orque semblait être poussé par un instinct de conservation, et ne chargeait pas comme un maboul. Il n’y avait que le singe avec la grosse épée pour sembler encore alerte. Ne supportant plus les insultes de la foule, l’humain se tourna vers elle, leur tira la langue, et fit un moulinet moqueur avec son épée.
C’est là qu’Ahmès comprit une autre raison de pourquoi il y avait une grille devant les gradins – ce n’était pas pour protéger les spectateurs. C’est parce que, en toute réponse envers l’offense de l’esclave, certains se mirent à balancer des cailloux dans sa direction. Les pierres s’éclatèrent contre la grille, qui trembla bruyamment, forçant les harpies perchées dessus à s’envoler dans un cri.

« Ces gros cons de spectateurs sont encore pires quand ils sont ivres et drogués – parfois ils énervent tellement les Harpies qu’elles se jettent dans l’audience et en bouffent quelques-uns !
Les gardes réagissent pas trop – la maîtresse adore les Harpies ! »


Et il pointa du doigt vers une immense tribune sur-élevée. Il y avait là des bancs privés, séparés du reste, sur lesquels étaient assis des gens bien habillés, et, il est vrai, mieux élevés que la roture bruyante et prête à lapider – des nobles et des agioteurs riches, sans aucun doute. Mais il y avait, encore au-dessus d’eux, une autre pour trôner. Sur une grande chaise, devant une teinturerie démesurée aux couleurs de la ville de Karond Kar, une silhouette de femme avec des fleurs dans les cheveux, et une robe bleutée qui descendait jusqu’à ses cuisses croisées.
Ahmès reconnaissait là Kheldri. Il ne l’avait jamais vue en vrai, mais avait beaucoup entendu parler d’elle, même loin de cette ville.

« Bon, où veux-tu t’installer ?! »
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Re: [Ahmès] La Porte des Esclaves

Message par Ahmès »

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LA PORTE DES ESCLAVES


Tout vêtu et enguirlandé d’un costume qui n’était pas le sien habituellement, et qu’il revêtu au-dessus de son harnois sombre, Ahmès parada jusqu’au Colisée tel un noble qui n’en était pas un. Ses cheveux attachés en arrière par les bons soins de son maître montraient une certaine exigence de style qu’il tenta d’incarner dans sa démarche ; mais pour un œil d’expert, on ne s’y trompait pas. Certes le pas de velours d’un assassin se rapprochait de la foulée distinguée d’un bourgeois ; l’absence de hâte à ce sujet était une vertu commune pour faire croire à la foule qu’il maîtrisait parfaitement le temps. Rien de tel pour un nobliau que de faire comprendre qu’il ne manquait jamais de cette denrée précieuse qu’étaient les mouvements de pendule : ils pouvaient allègrement profiter de longues heures de loisir et d’oisiveté sans se soucier de produire, d’économiser leur temps libre, d’être rentable. Mais à la différence des nobles, Ahmès attaquait le pavé de la chaussée par une pose trop silencieuse ; là où les gentilhommes ne craignaient guère de faire résonner le sabot de leurs bottes. C’était aussi vrai dans le regard ; quelque chose d’animal était inscrit dans les yeux fauves du drucchi fidèle à Khaine. Il guettait, là où les plus instruits s’amusaient à contempler, à s’attarder sur des choses insignifiantes. Lui n’avait pas tout ce temps que les autres pouvaient avoir, en réalité : à pas de félin, il courait vers des ambitions toujours plus grandes.

Il songea au gré de sa ballade à ce qu’il avait révélé à son Maître, notamment au sujet de ses doutes. N’avait-il déjà évoqué le nom d’Alethi ? Il se figura qu’avoir omis d’évoquer le mari de Trathill face à son mentor était une bonne chose sous une certaine envergure ; en tout état de cause, le pouvoir de Trathill et les intentions de cette dernière reposaient sur ce qu’incarnait son mari. Était-ce un mariage d’amour, ou une alliance stratégique ? L’histoire que Masthell lui récita au sujet de Lokhir lui mit la puce à l’oreille. Tout était possible.

Tout était possible ; et si Trathill voulait mettre son mari dans la panade en assassinant la fille de l’un de ses ennemis ? Ce fut encore là une hypothèse qui trotta dans sa tête lorsque l’enceinte se présenta à lui comme un géant de pierre. Il se refusa à partager ces nouvelles suspicions à son Mentor qui ne tarda pas à lui expliquer dans quoi il mettait les pieds.

Le Colisée était un endroit fascinant. Les esclaves y fourmillaient avec les Surveillants des chaînes, et il y régnait une fièvre ambiante qui émulsait tous les appétits bellicistes. Ahmès eut presque envie de tirer sa dague et de se jeter au beau milieu de l’arène, de prendre une poignée de sable et de le laisser s’écouler entre ses doigts pour en ressentir toute l’aspérité ; toute cette violence dans la rusticité de ce qu’il pouvait y avoir sous la botte. Il s’imaginait déjà le sable remplissant ses plaies et épongeant son sang ; ainsi que la sueur des gladiateurs qui se livreraient au glas face à lui. Le druchii était ainsi ; il aimait le meurtre, là était son plus grand plaisir.

L’espace d’une seconde, il imagina son mentor face à lui, devant un public endiablé.

Néanmoins le tambour battant des martèlements de pieds sur les estrades et les ovations du public imaginaire laissèrent bientôt place à une réalité plus sérieuse. Le spadassin, tel une ombre, glissait avec son apparat au cœur de la foule et se hissait vers des places assises. Masthel, en bon formateur qu’il était, lui intima d’aviser une position. Ahmès resta dubitatif un instant.

A quelle échelle devait-il se placer ? Il observa, tout près du bas, les plus émotifs amoureux de sang. Il prit du recul, songea que c’était là le lieu de tous les larcins ; et si lui-même se mettait à voler ?

Il renonça à cette méthode notamment lorsqu’il vit, plus haut, la reine de cette enceinte. Kheldri. En dessous d’elle, l’élite bourgeoise houspillait d’arguments et de pronostics chacun de leurs confrères. Il se figura que c’était là que se dérouleraient les échanges les plus intéressants.

Il pointa cette direction du bras.

« Près d’eux. Je veux pouvoir les observer de façon nette. Nul besoin de les entendre. »

Ils s’installèrent non loin des nobles, de sorte à avoir une vision sur leurs sièges. C’est ici qu’Ahmès, au lieu d’observer le pugilat, se concentra sur leurs lèvres…

Ahmès tente d'utiliser deux compétences : Acuité visuelle et Lecture sur les lèvres. Son objectif : lire sur les lèvres des nobles afin d'en tirer toute information succulente dont il pourrait tirer avantage : un commérage, une tension, un secret, un avis, tout ce qui pourrait de près ou de loin lui permettre de se rapprocher d'un de ces nobles pour le faire chanter.
Modifié en dernier par [MJ] La Fée Enchanteresse le 13 févr. 2021, 23:55, modifié 1 fois.
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Ahmès Rahadriel Rohomir | Voie de l'assassin elfe noir
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Re: [Ahmès] La Porte des Esclaves

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Masthel approuva l’ordre d’un court hochement de tête. Ainsi, les deux comparses grimpèrent les tribunes jusqu’à une place idéale pour ce qu’Ahmès souhaitait faire : assez éloigné pour ne pas se faire remarquer, assez proche pour discerner les visages des gens de bonne naissance qui profitaient d’un jour ouvré pour s’amuser aux jeux au lieu de travailler – ou plutôt d’aller surveiller le travail de leurs esclaves, car il n’y avait bien que des sous-êtres pour travailler. Un bon Elfe est un Elfe oisif. Masthel et Ahmès n’étaient pas vraiment des techniciens du meurtre, pas des artisans ; ils étaient des artistes, et en ça, leur office était parfaitement honorable.

Bien installés confortablement, l’Assassin put regarder ces patriciens parler entre eux. Malheureusement pour lui, la plupart d’entre eux semblaient bien disciplinés, ou trop intéressés par le combat pour se mettre à évoquer quelques sujets intéressants. Alors que les Elfes plébéiens s’agitaient comme des puces et piaillaient comme des poussins près de la fosse, les aristocrates tenaient une espèce de silence bien sage face au spectacle des gladiateurs faisant couler le sang dans tous les sens.

Les yeux d’Ahmès commencèrent bien à distinguer un groupe parmi cette petite troupe de richards. Un trio, un peu à l’écart, constitué de jeunes Elfes sortant à peine de l’enfance – une femelle, deux mâles. Tous les trois impeccablement mis, avec costumes de cachemire et mantels tailladés en soie. Ahmès se concentra bien, quelques mots, quelques syllabes qu’il recomposait dans son esprit se décelaient plus-ou-moins sur leurs faces.

« Parieur. Combat. Arnaque. Singe. Fellheart. Marché. Uroxis. »

Mais il ne parvenait pas à réellement comprendre des phrases.
Masthel se pencha au-dessus de l’épaule d’Ahmès, et regarda dans la même direction que lui. Le mentor se gratta la tempe, tout en grimaçant.

« Rah, ça me frustre… Non, ils sont trop jeunes, à l’époque où j’étais à Karond Kar ils devaient… Ils devaient être des nourrissons.
Non. Aucune idée de qui ils sont. »


L’instinct d’Ahmès était assez aiguisé pour qu’il sache que ces trois blanc-becs devaient être intéressants – contrairement aux autres nobles de la tribune, il y avait quelque dans leurs traits, qui trahissait une espèce de… D’inquiétude, peut-être. Impossible de trop en dire.
À défaut de trop parvenir à suivre leurs conversations, les yeux d’Ahmès se levèrent un peu pour regarder celle qui se permettait de trôner au-dessus de la masse.

Kheldri regardait les gladiateurs combattre avec une espèce de sourire vicelard. Elle paraissait être une grande femme, particulièrement digne dans sa toilette bleutée et extravagante. Elle avait tous les atours d’une riche noble, d’une archontesse de Naggaroth – et pourtant, Ahmès savait qu’elle n’était qu’une simple maîtresse de bêtes issue de la roture. En regardant ses lèvres, et en se concentrant un peu, il pouvait voir qu’elle était en train de parler à un autre Elfe bien plus âgé, et vêtu bien plus simplement de cuir, debout avec ses mains dans le dos derrière elle.

« Uroxis demande toujours la même somme pour lui ?
– Pour l’instant. Il est toujours invaincu.
– Il doit faire exprès… Il se montre faible. Un jour, il payera pour ça.
– Ou alors il s’affaiblit. Il s’empâte. C’est un singe, un singe ça commence à faiblir à partir de quel âge ? Quarante ans ? Quel âge il a, celui-là ?
– Non, non, il n’a pas eu de blessures récemment, c’est toujours une bonne bête, au moins pour cette saison. Il ne veut juste pas attirer trop l’attention sur lui – les autres sponsors de Karond Kar vont chercher de quoi le buter.
– Fellheart est tout juste rentré de chez les singes, peut-être que son Arche Noire a quelque chose.
– Je comptais plutôt sur les Drakilos. C’est les ennemis jurés des Uroxis, tuer leur chou-chou dans l’arène ça serait une bonne victoire pour eux. »


Alors qu’Ahmès avait les yeux rivés vers la jolie seigneuresse de l’arène, et cet homme derrière (Un assistant ? Un ami ?), son attention fut accaparrée par la foule. Il y eut des cris, et des Elfes qui se levaient de leur siège.
Dans la fosse, l’humain qui avait osé faire des moulinets se mit à rugir, comme quelque fauve enragé. D’un seul mouvement, il brisa la garde d’un adversaire, pulvérisa la mâchoire d’un autre, et se rua vers l’Orque dont il esquiva l’arme, avant de glisser sur le sol pour aller salir la pointe de son épée dans sa gorge.

Il y eut des cris de joies et des huées d’insultes. Kheldri, elle, afficha ses molaires dans son sourire.

« Qu’est-ce que je te disais, vil médisant ? Il peut encore amuser pour cette saison.
– Il est détesté de Karond Kar.
– Tant mieux ! Qu’ils le détestent ! Tous les nobles vont aligner des souverains pour trouver quelqu’un capable de le trucider, Tu vas me prendre un rendez-vous avec le camérier des Drakilos, il a intérêt à me trouver quelque chose.
– Darahir Lucari. C’est un peu une tanche, mais tu verrais sa fille…


Masthel tapota sur ses genoux.

« Alors ? »
Ahmès lit sur les lèvres à bonne distance. Grâce à la compétence « acuité visuelle », il ne souffre d’aucun malus.
Jet d’observation pour regarder les gamins nobles : 18, échec de beaucoup trop. Très peu d’informations débloquées.
Jet d’observation pour regarder Kheldri : 5, réussite plutôt large cette fois.
Jet de mémoire de Masthel (Malus : -3) : 19, le vieux schnoque ne t’est d’aucune aide.
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Re: [Ahmès] La Porte des Esclaves

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LA PORTE DES ESCLAVES


Le sable de l’arène s’imbibait du sang des braves combattants tandis qu’autour la foule se laissait griser par le fracas des impacts et des fractures dont l’écho, réverbéré par les remparts, était corroboré par les acclamations d’un peuple en liesse. Ainsi l’ire des gladiateurs épousait dans un spectacle grandiloquent l’ivresse des hourras, tout cela dans une valse morbide et accablante que même les esclaves appréciaient à sa juste valeur.

La négligence de la vie était ici outrageusement à la mode, consentie par tous. Les créatures, pourtant dotés d’âmes et d’esprits, en était réduite à l’état de choses, de bêtes hurlantes et cruelles que les badauds, perchés sur leurs tribunes, acclamaient dans la laideur d’une odieuse poésie sanguinaire, presque sexuelle.

« Une petite seconde… »

Le sicaire arrêta son Mentor, rivant ses yeux aux reflets d’or sur les lèvres de la souveraine de ce sanctuaire de la colère et de la fougue. S’il ne put rien comprendre de ce qu’il avait observé précédemment, il crut lire sur la bouche de la matriarche comme dans les pages d’un livre. Lentement, il décomposa chaque mouvement, arracha à l’instant toute sa magie en détricotant les syllabes murmurées entre ces deux illustres patriciens qui dominaient, par leur position, toute l’arène. Rien n’échappait toutefois à l’œil averti qui était le sien ; il avait été bien formé, bien que n’étant pas le plus prodigieux parmi tous les assassins qu’avait pu former Masthel.

On aurait presque pu croire que la volonté d’Ahmès était une comédie. Pourtant, le désir de tuer son Maître pour prendre sa place et obtenir sa revanche sur ce qui lui avait été infligé ne quittait pas un seul instant les profondeurs névrosées de son cortex psychotique, biseauté pour le meurtre secret. Mais même si à cet instant il voulut plonger sa dague dans la gorge de son aïeul, il s’efforça, avec patience, d’obtenir ses louanges ; comme si, d’une certaine manière, il était otage du regard que posait Masthel sur lui. Etrange dualité.

« Les Drakilos et les Lucari marchent ensembles, et les Drakilos détestent un autre clan, celui des Uroxis. J’en déduis qu’il y a de vieilles affaires de rivalités claniques et familiales, des jeux d’ombres et de pouvoirs. Les Fellheart sont forcément impliqués, et je ne doute pas une seconde que le mari de Trathill ainsi qu’elle-même doivent avoir leur petit rôle à jouer dans cette valse politique. A priori, c’est le champion des Uroxis qui vole la vedette à tous… lui. Une denrée rare. Dame Kheldri n’ignore rien de ces rivalités. Elle en joue à priori pour faire son business. Le terrain est fertile. »


Ses yeux, dans un mouvement, balayèrent l’espace qui s’étendait sous lui, puis retournèrent au promontoire.

« Maître, il y a autre chose. Dame Kheldri a évoqué le retour du Kraken. De ce que je lis, il possède sur son Arche Noire des combattants potentiels. Malgré tout, Dame Kheldri parait préférer les champions que peuvent lui proposer les Lucari… voilà une piste à creuser. La fille Lucari a été évoquée avec une louange énoncée en filigranes. Je vois… Extraordinaire. Maître, tenez-vous bien, nous tenons la vérité. La conclusion s’impose d’elle-même. »

Son esprit vint à être en ébullition, porté à la température de la situation. Ainsi, dans la vapeur de ses doutes, la vérité sembla se dissoudre sur elle-même. Tout lui parût logique. Il tint enfin une vraisemblable hypothèse justifiant les raisons de la naissance juteuse de son contrat.

« Celle que nous devons tuer incarne sans doute l’avenir des Lucari, et cela dérange les Fellheart. Si j’en crois la situation, j’en déduis que Dame Trathill Aleti n’agit pas seulement par vengeance ou jalousie. Elle agit par intérêt, par profit. Remarquable. Fascinant. »


C’était un fait. Ahmès était presque assuré que tout avait été orchestré par cette Druchii de poigne. Tout comme il ne pouvait s’ôter de l’esprit qu’elle avait, depuis le départ, choisi la cible à abattre… pour son propre compte.

« Tout s’éclaire sur les raisons qui motivent notre engagement. Dame Trathill Aleti tire les ficelles dans l’ombre. Avec cette arène, elle enrichit son propre frère peut-être en vantant les mérites de ses champions puis, avec une mainmise sur sa trésorerie, lui fait les poches, faisant récolte de ses manipulations. Pour être sûre de son coup, elle agit avec discernement et discrétion, de sorte à se dédouaner de tout ce qu’elle est capable de faire… Elle fait porter le chapeau à son cadet sur des fautes qu’elle a dû commettre elle-même ou qui n’ont peut-être même pas existé, pour employer des assassins payés par son aîné afin d’éliminer la concurrence. Quelle redoutable Drucchii. Lokir n’est qu’un sot. Je ne sais l’implication de son mari doit avoir dans cette histoire, mais je n’ose pas croire qu’il ne soit pas conscient du pouvoir détenu par sa femme ; peut-être l’a-t-il choisi pour cela. Voilà une fine mouche. Allons, Maître. Quittons cette arène, et trouvons ce Lucari. Il est temps de passer à l’action. »

Contre toute attente, Ahmès ne tint pas rigueur de tout cela, et commença même à descendre des tribunes pour s’en aller accomplir sa mission.

« Après tout, nous n’avons que faire de ces jeux d’ombres. Nous sommes des assassins et nous faisons ce pour quoi l’on nous paie. »

Il était temps, pour eux, de débusquer les Lucari.
Modifié en dernier par [MJ] La Fée Enchanteresse le 13 févr. 2021, 23:55, modifié 1 fois.
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Ahmès Rahadriel Rohomir | Voie de l'assassin elfe noir
Profil : For 8 | End 10 | Hab 10 | Cha 10 | Int 8 | Ini 10 | Att 10 | Par 10 | Tir 10 | Foi | Mag | NA 1 | PV 16/55
Fiche personnage : Lien

États Temporaires
* Exsangue : Après avoir perdu beaucoup trop de sang, tu es anémié. Tous les efforts physiques se font avec un malus de -1.

Compétences
  • Combat
    • Ambidextrie (A)
    • Acrobatie de combat (A)
    • Esquive (A)
    • Parade (A)
    • Tir à déclenchement rapide (B)
  • Perception
    • Acuité visuelle (B)
    • Lecture sur les lèvres (E)
    • Vision nocturne (E)
    • Sixième sens (B)
  • Adresse
    • Déplacement silencieux (B)
    • Mort silencieuse (B)
    • Escalade (B)
    • Camouflage (B)
    • Vol à la tire (B)
  • Physique
    • Résistance accrue (B, Spécialisation : Poison)
  • Connaissances
    • Préparation de poisons (E)
    • Piégeage (A)


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Re: [Ahmès] La Porte des Esclaves

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Masthel ne put s’empêcher de faire un sourire taquin en entendant Ahmès partir en conjonctures. Il pouffa un tout petit peu, avant de sortir :

« Et t’as deviné tout ça… Juste en lisant sur les lèvres de quelqu’un ? »

Dans l’arène, le gros singe victorieux haranguait la foule. Sous les huées des Elfes, il se mit à leur tirer la langue, à agiter ses bras dans tous les sens, à élever son majeur pour les provoquer. Puis, on entendit un vif roulis métallique, et une grande herse devant l’une des portes de l’arène se souleva lentement. Alors qu’elle n’était pas encore tout à fait relevée, trois gardes de l’arène, vêtus de brigandines, crocs de fer à la main, commencèrent à lentement s’approcher avec la lame de leur armement baissée. Le singe regarda les gardes venir vers lui en le menaçant. Il jeta son épée au sol, soulevant un nuage de poussière, et cracha un gros molard à ses pieds. Il marcha alors en direction de la herse, sous la bonne garde des surveillants.

« Autant je ne connais pas les Lucari, et je suis bien trop vieux pour me remettre les visages de jeunes gens de cette ville… Autant les puissantes familles, elles, je les connais bien. Uroxis, Drakilos, Alethi… Elles étaient déjà là, y a quelques décennies. Et elles seront encore là, dans les siècles suivants, à moins que l’une d’elle commette un véritable faux-pas.
Je peux en discuter pour t’aider. Mais pas dans les gradins, il y a trop de bruit. Et si on allait manger quelque chose ? J’invite. »


Il donna une petite tape amicale à Ahmès, et le mentor guida son apprenti hors du bâtiment, en repassant par le grand hall du Colisée.

Ils retournaient au Placître. Les heures étaient passées, mais l’ambiance n’avait pas tant changé que ça ; le ciel s’était couvert de gros nuages grisâtres, ça menaçait de pleuvoir, et l’on voyait encore les ombres des harpies qui planaient à contre-jour devant le soleil camouflé. De la boue, des rues étroites, de grands bâtiments longilignes empilés les uns sur les autres, il y avait cette odeur de merde des tanneries, et de sel marin venu de la mer.
Peut-être un détail intéressant, pour un cultiste de Khaine : Il fallait noter comment les toits étaient étriqués et empilés les uns près des autres, formant une espèce de canopée urbaine faite de girouettes et de gouttières ; c’était moins notable près de la rade, où il y avait de grands espaces de vides entre les entrepôts, et des avenues bien larges pour que les chariots puissent passer. Mais ici, en levant le nez, on pouvait aisément deviner comment quelqu’un pouvait sauter d’un toit à l’autre, pour passer de pâté de maison en pâté de maison. Probablement qu’il serait intelligent de passer quelque temps à exercer une reconnaissance là-haut, pour savoir quels escaliers, quelles échelles, quels murets peuvent être chevauchés pour monter d’un niveau à un autre, et se dissiper au nez de sentinelles trop peu athlétiques pour s’élancer dans le vide depuis une terrasse.

Masthel sembla se déplacer d’un pas nonchalant, et plutôt assuré, même sans la petite Asur pour lui servir de guide. Marche déterminée, les deux mains dans les poches de son beau mantel tailladé. Ils s’étaient fait beaux pour entrer au Colisée ; Peut-être que maintenant les deux étaient trop bien vêtus pour leur bien, car Ahmès ne put s’empêcher de remarquer comment une bande de Corsaires désœuvrés, avachis ensemble en cercle pour lancer des dés sur lesquels ils pariaient, avaient relevé le museau et dévisageaient le duo. Peut-être n’était-il pas trop tard pour se faire agresser deux fois dans la même journée, mais dans ce cas-là, nul doute qu’ils engageraient la rixe et l’achèveraient avec un résultat fort similaire.

Finalement, ils quittèrent une ruelle pour entrer dans une avenue un peu plus fréquentée, avec un grand rond-point qui servait de place. Masthel s’en approcha, et s’arrêta devant un grand bâtiment à plusieurs étages, plus large que haut, avec de grandes fenêtres vitrées et des doubles-portes gardées par deux Elfes plutôt costauds. Masthel fronça les sourcils, entrouvrit la bouche, et, d’une voix un peu… Étrange, un peu en colère, il se plaignit :

« Oh non, non non, me dit pas que…
Putain, les enculés ! Ils ont fermé mon restaurant ! »


Le bâtiment avait pourtant l’air bien ouvert. De la lumière de bougies illuminait tout le rez-de-chaussée, et des gens y entraient. Le nom de l’établissement était bien indiqué sur l’enseigne pendouillant sur la façade murale : L’endroit s’appelait « Le Bréa ».

« C’était un vrai resto’ chicos ! Ils servaient du poisson d’océan avec des alcools selon ce que les Arches Noires avaient ramené du Vieux Monde !
Ah bordel, ils ont fermé mon resto’ et ils ont mis un sale tripot puant à la place ! Je me fais vraiment trop vieux pour ce monde, Ahmès. »


L’air dépité, Masthel donna un coup de pied sur la terre au sol.

« Allez, entrons quand même, je veux savoir ce qui s’est passé. »

Les deux costauds à l’entrée épièrent un Masthel et un Ahmès s’approchant. Ils zieutèrent les deux nouveaux arrivants, semblaient les étudier des pieds à la tête, mais ne dirent pas un seul mot tandis qu’ils montaient les petites marches du perron ; peut-être leur mise ne leur donnait pas trop cet air de pouilleux qui donnait envie à des videurs de dégager de pauvres hères près des poubelles.
Mais Masthel avait bien parié sur l’odeur du Bréa, ou bien son odorat était assez élaboré pour sentir les miasmes de l’établissement depuis le rond-point ; ça empestait quelque chose. Une sorte de vapeur qui donnerait envie de toussoter. Du chanvre, ou de l’opium. Une odeur qui filait la migraine.
Après les doubles-portes, il fallait descendre une petite douzaine de marches. Et on entrait alors dans une salle fermée, noire de monde, et fort bruyante avec ça. Masthel avait là aussi vu juste : c’était un tripot. Les gens n’entouraient pas des tables pour manger, mais des tables de jeu. On lançait des dès, on échangeait des cartes. Toute la salle était organisée autour d’une estrade avancée, peut-être pour offrir quelques scènes de spectacle, tandis que des sortes de loges, à l’étage, avaient des rideaux pour offrir un peu d’intimité à des groupes s’éloignant de la masse. On notait un nombre particulièrement élevé d’Elfes en manteaux longs lorsqu’on levait le museau, ce qui semblait bien dire qu’il n’était pas aisé de grimper dans ces quartiers plus réservés.
Pour l’heure, de ces loges, seule une semblait occupée. Au milieu, avachi sur un divan, trônait un grand bonhomme aux longues oreilles abîmées, un anneau métallique dans le nez. Il avait une esclave humaine peu vêtue allongée, la tête sur ses cuisses, et deux gardes armés de Kheitan qui étaient tout près de lui. Monsieur observait la salle, et le tas de gens qui trinquaient en tentant de se faire une fortune avec l’aide de Lœc le trompeur — Lileath était la Déesse plus communément associée à la chance, mais la plupart des Elfes Noirs préféreraient se mordre la langue que d’invoquer son nom.

Masthel s’approcha du grand bar qui était un peu plus à l’écart du cercle du jeu. Tout au bout de celui-ci, une femme en tenue de Corsaire buvait seule un verre, à moitié vautrée sur la table, la main sur le visage — elle semblait s’être enfilée pas mal d’alcool depuis ce matin. Masthel observa un des tabourets, et tiqua des lèvres.

« Regarde-moi ça comme c’est sale… Y a même des rognures d’ongle. Dégoûtant. »

Masthel n’était pas d’ordinaire quelqu’un de très précieux ou porté sur ce genre de détails — il avait plus d’une fois dormi dans des greniers poussiéreux, et même à deux occasions dans une benne à ordure pour prendre en filature quelqu’un. Peut-être était-ce son beau costume qui soudain le rendait très apprêté par son apparence.

Alors qu’ils étaient tout juste assis, quelqu’un parut devant eux : un humain. Un esclave, c’était obligatoire, et pourtant, il n’avait pas du tout l’apparence commune d’un esclave. Pas de chaîne, pas de marque, pas d’anneau autour du cou. Il n’avait l’air ni affamé, ni terrorisé, tout au contraire. C’était un solide gaillard, très grand, ventru, une grosse moustache sous un nez busqué. Et surtout, il portait des habits, qui semblaient un peu inspirés de la mode Druchii ; un grand kilt pour couvrir ses jambes, tombant jusqu’à ses mollets, et un mantel aux manches épaisses sur le torse. Il fit un simple signe de tête aux deux, tandis que derrière lui apparut un Elfe, qui posa les deux mains sur le bar et leur sourit.

« Saluts maîtres ; Qu’est-ce que je peux vous servir ?
– Deux verres d’eau. »

Le tenancier du bar battit des cils, visiblement un peu interloqué de la commande.

« De… De l’eau ?
– On n’est même pas encore le soir, il faut être un sacré déchet pour boire durant ces horaires. Donc oui, deux verres d’eaux. »

Il resta bouche bée un instant. Mais finalement, il claqua des doigts et parla dans un quelconque dialecte de sous-être au gros moustachu, qui s’éloigna pour partir à la recherche de deux simples verres d’eaux. C’était la division du travail chez les Druchiis : Le tenancier avait demandé « qu’est-ce que je peux vous servir ? », mais il était évident que ce n’était pas lui qui allait matériellement remplir le verre. Il y avait de la main d’œuvre pour ça.

« Dites-moi, mon cher… Il y avait pas un restaurant ici y a quatre-vingts ans ? La Falaise ? Ou alors je commence à sucrer les fraises ? »

Le tenancier soupira bruyamment.

« Toutes les semaines il y a un vieux Elfe pour me poser la même question, et toutes les semaines que Khaine fait depuis une décennie que je travaille ici je dois répondre exactement la même chose : Non, y a plus de restaurant ici, l’ancien propriétaire il s’est suicidé y a de ça trente ans et ça a été racheté.
– Suicidé ?! Celnael ?! Merde, c’est fou ça ! Je suis sidéré !
Mais genre, un suicide-suicide, ou un suicide ?

– Un vrai suicide. Personne ne sait pourquoi il a fait ça, il avait pas de dettes et tout le monde l’aimait, le Celnael. Bon en tout cas il a mit ses enfants à l’abri, le Bréa a eut de nombreux travaux mais la propriété ça coûte très, très cher à Karond Kar, alors il a fallu aligner la monnaie pour investir les lieux.
– Et le propriétaire c’est le monsieur là-haut qui nous regarde depuis son divan ? »

Le tenancier jeta un regard en l’air, vers l’Elfe à l’anneau dans le nez qui était confortablement perché à l’étage. Le tenancier fit un hochement de tête approbateur.

« Vous savez qui c’est ?
– Un type important, je suppose.
Important, l’euphémisme du siècle… Vous me semblez être un ancien honorable, alors je vais vous mettre en garde : Ce type là-bas c’est Malsyldrior Dents-Acérées, et il fait la pluie et le beau temps dans le Placître. Les cercles de jeu c’est lui, les combats de rue c’est lui, la protection c’est lui. Y a que les putes et l’opium qui lui appartiennent pas : ça, ça appartient à la Marâtre et à l’Aragne, respectivement.
Si vous êtes des gens sans aucune importance, ignorez-le. Sinon, je vous conseille d’aller à l’étage lui présenter vos hommages, et votre respect. Par ici, c’est pas les arbalétriers du guet qui maintiennent l’ordre, c’est lui. Et vous verrez que c’est plus tranquille dans le coin qu’à la Rade. »


Étant donné qu’Ahmès avait failli être dépouillé juste en sortant d’une Arche Noire, mais qu’aucun désœuvré ne lui avait fait subir quoi que ce soit dans le coin, le tenancier ne devait pas avoir tout à fait tort.

« J’ai entendu dire que c’était en effet lui le nouveau Prince du coin… Est-ce qu’il règne diligemment, au moins ?
– La dernière grosse guerre des rues remonte à y a de ça vingt-cinq ans. Il l’a gagnée en faisant égorger et jeter aux Harpies tous ses concurrents, bien que certains aient pu sauver leur peau en se foutant à genoux devant lui… Deux décennies qu’il maintient l’ordre, et ça se passe en effet plutôt bien, pour tout le monde. Il s’est même mis d’accord avec l’Aragne, ce qui était pas gagné d’avance. D’ailleurs, si vous deux souhaitez fumer un peu d’opium, j’en ai à vendre.
Mais si vous êtes du genre à boire des verres d’eaux…

– En effet, nous ne sommes pas les meilleurs clients. »

D’ailleurs, à la conclusion de Masthel, voilà que le gros moustachu revenait pour donner les deux verres aux attablés. Le tenancier eut alors le bon goût de se retirer pour les laisser tranquilles : il allait re-remplir le verre de l’Elfe en bout de bar qui semblait à deux doigts de s’effondrer de sommeil. Et pourtant, elle accepta bien volontiers une nouvelle rasade.

« Eh bien, on dirait que t’as un autre éventuel employeur là-haut, mon cher Ahmès…
Travailler avec la Pègre. Ça peut être très rentable. Et, aussi étonnant que ça puisse paraître, bien moins traître et dangereux que bosser avec des nobles. Les nobles ont cette vision de la loyauté très… Sanglante. Ils gardent les rancunes en tête, les remuent durant des siècles. La Pègre a pas ce genre d’affect, ils séparent bien le personnel du professionnel. Deux mafieux peuvent vouloir se scier les jambes un jour puis se serrer la main pour se faire des Souverains d’Or ensemble le lendemain.
Bref, parlons-en justement, de ces nobles. Santé. »


Il trinqua avec Ahmès. Quand bien même il l’avait un peu arnaqué sur la marchandise en promettant de lui payer le repas.

« Y a plein de nobles à Karond Kar. Plein de maisonnées, beaucoup réduites à vraiment peu de choses : t’as un nom quelque part dans un livre, une bague qui indique que tu remontes ton origine à Nagarythe, et tu la gardes très, très précieusement, parce que la perdre, c’est finir plus bas que tout, c’est finir avec les prolétaires, les puants qui peuvent pas bosser parce que les esclaves font tout le boulot. Un peu comme les tas de merde derrière nous qui puent l’alcool à trois heures de l’après-midi et jouent aux cartes. Pour survivre, ces nobles se trouvent d’autres boulots : Beaucoup ici finissent Corsaires, parce qu’être Corsaire c’est le meilleur moyen de gagner très vite beaucoup d’argent, et beaucoup de notoriété, et au pire, tu meurs, et d’une mort très honorable et respectée, qui fait plaisir à Khaine. D’autres finissent gardes de maisonnées, ou dames servantes, ou fonctionnaires parce qu’ils savent écrire, sachant que y a que très peu d’esclaves qui savent parler le Druhir — et pire encore, l’écrire. Là, je vois qu’il y a des humains qui servent de croupiers, ils doivent savoir dire « bonsoir » et « les jeux sont faits » avec leur immonde accent du Vieux Monde, mais pas beaucoup plus…
Mais au-dessus de cette masse de petits nobles qui tentent de se démener pour survivre et s’élever, t’as six familles qui règnent au-dessus de la masse, en forçant les petits à bourdonner autour d’eux : Ces clans, c’est les Afaryr, les Uroxis, les Hekaras, les Drakilos, les Alethi, et les Fellheart.

On va tout de suite mettre les Afaryr de côté : C’est la famille du Drachau. La plus riche, la plus puissante, la mieux armée que toutes les autres. Et pourtant, ironiquement, c’est celle qui est la plus en retrait de la politique locale. Ça pourrait paraître antinomique, et pourtant, c’est hyper logique ! Ils sont tellement puissants qu’ils choisissent volontairement de rester neutre, de pas s’impliquer dans des affaires de dynastes, parce que sinon ça fait de la jalousie, de la prédation, et ça fait que des gens nous versent de l’argent à nous, servants de Khaine, pour trancher des gorges. Non, les Afaryr sont consanguins depuis six siècles, ils se marient de tante en neveu, de demi-frère en demi-sœur, tellement ils veulent paraître écartés de la masse.

Reste les cinq autres. Et alors là, mon Ahmès, c’est un bordel improbable et impossible à suivre ! Un tas d’intrigues, de mariages, d’assassinats, de chantage, de corruption, d’alliances puis de sabotages pour brûler les entrepôts de l’autre. Chacune des cinq familles a des masses d’esclaves, des pâtés de maisons entiers dont ils sont propriétaires, des flottes de Reavers, et surtout, une putain d’Arche Noire — à côté de tout ça, leur bague de noblesse, leur marque, elle semble bien peu de chose, et pourtant ils sont prêts à se tuer comme des chiens dans la boue pour l’avoir… C’est là qu’on se fait le plus d’argent, quand on s’approche de ces bandes d’enfoirés conspirateurs.

C’est tentaculaire. De façade, on a l’impression que ces cinq familles sont unies et courtoises entre elles : le Drachau insiste là-dessus. Dès que ça sème trop de troubles, il est obligé de sortir sa matraque pour calmer le jeu, et il a horreur de devoir faire peser son autorité. C’est dans les coulisses que tout se joue.
Autrefois, c’étaient les Drakilos les plus puissants. Vraiment, les plus puissants. Quand je dis « autrefois », je veux dire, quand j’avais ton âge. J’étais persuadé, pendant un temps, que j'allais les voir hériter de la ville, en trouvant un moyen de faire sauter Afaryr. Ils avaient tout pour eux…
Et puis, tout a foutu le camp dans une série de gros massacres fort amusants.

Tout a commencé quand le papa de Lokhir Fellheart a été tué. Par un assassin du Temple de Khaine. Personne n’a jamais su qui était le commanditaire, parce qu’on est pas des amateurs, nous autres. Mais en tout cas, Sighi s’est immédiatement empressée de faire en sorte qu’une de ses filles épouse Lokhir, histoire de sucrer tout l’héritage des Fellheart à travers lui.
Alors qu’il était un jeune homme avec du lait qui lui coulait encore des narines, Lokhir a pris son épée, est monté sur son Arche Noire, et a défié en combat singulier tous ses lieutenants qui avaient essayé de le vendre comme petit mari obéissant aux Drakilos : Et malgré ses petits bras de puceau, il les a butés. Ensuite il est allé voir les Uroxis, une autre des grandes familles de la ville, et il leur a demandé de le protéger contre les Drakilos. Les Drakilos, eux, ont demandé l’aide des Alethi. Et alors, on a vu se produire une vraie guerre de rue, avec des barricades, des sorcières qui sont engagées pour le massacre, des déchaînements de sortilèges dans la rue, des meurtres quotidiens, et tout le toutim. C’est à cette époque que j’ai été obligé de me casser… Les choses ont mis du temps à se calmer, et uniquement parce que le Roi-Sorcier Malékith en personne, lui qui généralement se fiche complètement de ce qui se passe en ville, a envoyé au Drachau une lettre fort polie et courtoise avec une simple phrase : « Je vous rends visite dans deux semaines. »
La vieille Sighi Drakilos a laissé deux fils morts à se vider de leur sang sur le pavé, et elle a perdu à jamais son rang de grande famille. Les Uroxis se sont jetés sur l’occasion pour les remplacer. Mais ils ont pas réussi à faire grand-chose non plus — parce que le Drachau, il s’est mis à favoriser de nulle part la famille Hekaras, les seuls qui sont restés neutres durant la guerre. C’était malin de sa part — les Hekaras sont une bande d’abrutis qui sont restés dans leur coin, les seuls à pas avoir sollicité de rancunes bien tenaces avec le conflit. Ils ont récolté les fruits que tous les autres avaient semé, sans rien foutre.

Les années ont passé. J’ai appris plus tard que les Drakilos et les Uroxis ont fait la paix avec un mariage, ce qui était étonnant ; mais les Alethi ont mit fin à cette alliance en commanditant un meurtre à leur tour. Ça a rabattu les cartes. Maintenant, les cinq familles se haïssent, et n’ont plus aucun lien entre elles. Toutes à la gorge des autres, et à l’intérieur même de ces clans, c’est rempli de cousins qui eux-mêmes sont prêts à trahir pour grimper en grade…

…Du moins, c’est ce que je croyais. Parce que la dame Trathil Fellheart, la sœur de notre bon Lokhir, bah elle s’appelle Alethi. Cela veut dire qu’ils ont encore une fois programmé une alliance, donc que les dynastes vont devoir réagir en face. C’est ça qui est dangereux. »


Masthel claqua des doigts à l’humain moustachu, et désigna son verre d’eau qu’il souhaitait voir re-remplit.

« Si ce que t’as découvert au Colisée est vrai, si les Lucari sont une maison mineure qui est liée aux Drakilos… On risque de mettre les pieds dans le plat. Avec les années, ils se sont fortement affaiblis, ils sont sur la sellette, mais ils restent malgré tout une dynastie ancienne et tentaculaire.
Au moins, on saurait où chercher. Il y a différents moyens de procéder à partir de là… Selon ce que tu penses être tes forces ou tes faiblesses.
On peut surveiller l’Esplanade. Suivre les Drakilos, ou les infiltrer discrètement. Peut-être peut-on réclamer l’aide de Trathil là-dessus, mais la damoiselle ne semblait pas super coopérative, alors il faudrait aller la voir avec des pincettes… Ou bien, on passe au-dessus d’elle et on demande à Lokhir, mais lui-même semble être un beau connard qui change d’avis bien rapidement.
On peut aussi demander l’aide du Temple de Khaine. Ils sont sur l’Esplanade, donc ils doivent bien savoir qui fait quoi, et c’est chez nous, le Temple. Ou alors, on peut essayer la Pègre du coin — la Pègre est toujours liée aux nobles, ne serait-ce que parce qu’ils veulent que leurs entrepôts soient bien tranquilles et ne se fassent pas piller, et aussi parce que beaucoup des jeunes garçons et des jeunes filles dynastes ont souvent des loisirs qu’on ne trouve que dans le Placître… Mais alors, si tu te présentes à un chef de la Pègre, il faudra marchander, parce qu’il voudra forcément quelque chose en échange. Un talent que tu peux lui fournir, avec ton entraînement. Suivre quelqu’un. Saboter quelque chose. Torturer. Souvent ce genre d’affaires. »
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LA PORTE DES ESCLAVES


Le Bréa baignait dans une atmosphère de liesse au cœur de laquelle les deux assassins s’enfoncèrent sans précipitation, à la recherche de précieuses informations susceptibles de les aider à aboutir dans leur quête. Invité par son Maître, Ahmès ne put décliner l’offre proposée et se tarda d’être assis en face du Mentor pour en apprendre plus sur les histoires claniques de Karond Kar ; de nombreux secrets dormaient encore sagement sous le palais de son Maître et pour pouvoir accomplir son sombre dessein, le Druchii se devait de pouvoir connaître les cordes sur lesquelles se rattraper en cas de complication.

Ou plus simplement pour faire évoluer et fructifier les affaires.

A défaut du plat qui lui fut promis, il eut un maigre verre d’eau, à peine de quoi étancher sa soif. Laconique, il écouta sagement les mots de son formateur en ayant l’esprit qu’il lui avait menti, une fois de plus, et qu’en lieu et place du somptueux songe d’un doux repas s’était invité l’énième désillusion d’une promesse non tenue ; mais c’était là, une fois de plus, le principe même de ces elfes noirs qui ne prêtaient aucun serment de fidélité, sinon à Khaine, la déité de tous les assassins.

Avec un air diffus imprimé sur le visage, ses yeux courant de droite à gauche pour observer la salle, il écouta religieusement les propos de son Maître. S’il parut négligent, il n’en fut rien au demeurant ; la conversation était trop importante pour que se grave sur son visage l’expression d’une concentration dévouée, au risque d’attirer les indiscrètes oreilles traînant fréquemment dans ce genre d’établissements ; autel de toutes les rumeurs, sièges de tous les commérages. Au cœur de cette atmosphère de débauche, Ahmès identifia la corsaire désœuvrée tout en figeant sur l’écran synaptique de sa mémoire les savoirs délivrés par son illustre Mentor. Les éléments rassemblés, il put alors émettre sa propre opinion et, jugeant bon de faire comprendre à Masthel qu’il savait lire entre les lignes, il décida de bon gré de livrer sa pensée.

« Les Fellheart s’associent aux Alethi, autrefois du côté des Drakilos, leur ennemi. Et les Drakilos de comploter avec les Lucari… deux contre deux. Il est tout de même curieux si j’en crois vos dires que les Alethi tournent leur veste après avoir été les alliés naguère des Drakilos, ennemis des Fellheart. Quelque chose a dû les détourner de leurs premières amitiés : la convoitise, le pouvoir, l’argent ou le prestige... qu’en sais-je ? Autant d’émotions qui font que le fleuve des complots ne tarit jamais. Nous voilà plongés dans les méandres des conspirations politiques de Karond Kar, au cœur de laquelle nous servons sans nul doute non le plus rusé, mais assurément le plus intrépide ; pour ne pas dire que nous sommes sous la botte d’un fou-à-lier. Toute cette histoire est fascinante. Lokir Fellheart est unique en son genre. Il me tarde de découdre tous les nœuds de ces crises de la noblesse pour argent comptant. Maître, votre langue est source de sagesse, encore une fois, et les informations que vous m’apportez sont précieuses. C’est un immense honneur pour moi d’être sous votre aile… »

Il inclina légèrement sa tête, fit glisser ses paupières sur la robe humide de sa rétine, avant de les rouvrir. Ce salut, hâtif et discret, fut la traduction d’un immense respect. Un immense respect qu’il vouait au talent et à l’expérience de celui qui lui avait tout appris du Dieu du Meurtre aux Milles Visages.

« Notre art est la souche première de toute cette valse de haine et de complots. La première crise vient du meurtre du père de notre commanditaire, lorsque les Fellheart ont vu leur patriarche assassiné par le couteau d’un être de notre Ordre. Si je puis me permettre de m’exprimer sur ce sujet, je trouve le travail de ce premier assassin fantastique. Sans lui, ces maisons nobles ne se seraient peut-être jamais divisées : en commettant le premier acte, il a déclenché les conflits et sonné le début de notre orfèvre. Il a fertilisé Karond Kar pour que Khaine y jette ses enfants. S’il m’était donné de le rencontrer, je louangerai cet assassin. Enfin, si au demeurant, cet assassin ne se trouve pas déjà en face de moi… après tout, vous avez connu Karond Kar par le passé, n’est-il pas, Maître ? Il ne me surprendrait en rien que vous puissiez être le poignard originel. Quelle formidable ironie ce serait si d’aventures, vous, l’assassin du père, étiez au service d’un fils vengeur. Quelle tragédie. Quelle macabre farce ce serait pour le Kraken qui aurait eu pendant toute une épopée en mer sous ses yeux et au plus proche de sa lame, depuis le début, l’être à occire, lequel serait à son compte… Hahaha ! »


Il étouffa son propre rire dans un son étranglé, et se redressa de sa chaise en empoignant son verre pour enfiler ce qu’il en restait d’une rasade, avant de reposer lourdement le récipient sur le bois. Ce faisant, il figea ses deux orbes dorés en position de guet, et plongea son regard dans celui de Masthel avec une intensité trop vive pour être naturelle. Cette fois, il trahissait sa pensée : il voulait lui montrer qu’il n’était pas dupe, et que le Mentor, si talentueux fût-il, devait toujours craindre même le plus inoffensif des oiseaux. Le pire danger des Assassins de Khaine venait précisément de leurs confrères : entre eux, les Maîtres de la Mort pouvaient à tout instant partager leur art dans des portraits de sang dessinées à partir de l’hémoglobine coulant d’une gorge déchirée par la dague d’un membre de l’Ordre. Tel un peuple cannibale, les Assassins de Khaine devaient apprendre à se méfier de ne pas devenir le festin d’un autre Assassina de leur propre lignée ; parfois même, au sein de la même fratrie.

« Mon vénéré Maître Masthel et sa grandiose ingéniosité, son habile maîtrise des sentiments, des alliances et des trahisons : ainsi le terrible Corsaire se mettrait-il à lutter contre vents et marées pour trouver le trésor qui en vérité, se trouve être d’ores et déjà sur sa propre embarcation. S’il m’était donné d’avoir l’art du Verbe et de l’écriture, je serais des plus enjoués à délier un tel récit sur les pages d’une splendide odyssée. Mais nous n’avons là qu’une hypothèse… Mon Très Cher Maître. »

Sans en dire davantage, il quitta les yeux de son Maître pour observer plus loin, en hauteur, là où se tenait le Prince du Dessous.

« Je choisis la Voie de la Pègre. Voici ceux qui gouvernent depuis les ombres, ceux qui dans le nombril des ténèbres dominent tout un peuple qui se croit dirigé d’au-dessus. Voilà un milieu vêtu de secrets et de non-dits dans lequel je me sens plus que familier. Allons voir ce qu’il en est de ce Prince du Dessous ; et observons si son esprit est aussi aiguisé que le sont ses fameuses dents. »

Ses pas ne firent aucun bruit sur le plancher. Il glissa dessus en contournant les tables avec une allure gracile, tel un chat se déplaçant sur le mobilier d’intérieur. Puis, de façon volontaire, il se prit la cuisse sur l’une de ces tables, la déplaça sous le choc dans un bruit de frottement bref. Au bout de la table, la Corsaire dût se rendre à l’évidence de l’accident.

Du faux accident.

« Pardonnez ma maladresse, madame. Je suis navré. Permettez que je repositionne votre table. »

Derechef, il attrapa l’extrémité du meuble et le tira vers lui, de sorte à tout remettre en ordre. Puis, glissant sur le côté, il s’approcha de la Corsaire en pleine débauche avant de s’immobiliser à son niveau. Dans son dos, il susurra alors quelques mots.

« Retrouvez-moi dehors, d’ici une heure. Ne dîtes mot à personne, mais votre contribution à mon égard pourrait remplir votre portefeuille plus vite que vous ne remplissez vos chopes. Ne vous retournez pas, je vous prie. Je ne vous ai jamais adressé la parole. »

La messe ainsi faite, il continua son pèlerinage vers les hauteurs de la Pègre. Son but fut simple : rejoindre Dents-Acérées, directement.

« Salutations, mes seigneurs. Je suis Thallan et voici mon compagnon, Narbeth. Nous souhaiterions rencontrer votre Maître dans les plus brefs délais afin de monnayer nos services. Nos lames s’émoussent et rouillent dans nos fourreaux, mais savent encore régler quelques comptes pour qui sait payer grassement. Nous possédons par ailleurs des informations qui, moyennant quelques pièces, pourraient rapporter gros. »
Modifié en dernier par [MJ] La Fée Enchanteresse le 13 févr. 2021, 23:55, modifié 1 fois.
Raison : +6 XP / Total : 60 XP
Ahmès Rahadriel Rohomir | Voie de l'assassin elfe noir
Profil : For 8 | End 10 | Hab 10 | Cha 10 | Int 8 | Ini 10 | Att 10 | Par 10 | Tir 10 | Foi | Mag | NA 1 | PV 16/55
Fiche personnage : Lien

États Temporaires
* Exsangue : Après avoir perdu beaucoup trop de sang, tu es anémié. Tous les efforts physiques se font avec un malus de -1.

Compétences
  • Combat
    • Ambidextrie (A)
    • Acrobatie de combat (A)
    • Esquive (A)
    • Parade (A)
    • Tir à déclenchement rapide (B)
  • Perception
    • Acuité visuelle (B)
    • Lecture sur les lèvres (E)
    • Vision nocturne (E)
    • Sixième sens (B)
  • Adresse
    • Déplacement silencieux (B)
    • Mort silencieuse (B)
    • Escalade (B)
    • Camouflage (B)
    • Vol à la tire (B)
  • Physique
    • Résistance accrue (B, Spécialisation : Poison)
  • Connaissances
    • Préparation de poisons (E)
    • Piégeage (A)


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