-Peut-être bien. Va falloir réunir du monde d'toute façon pour attaquer c'camp. Bon on va soumettre ça au vote. On se ramène en direction du camp, on s'dirige vers le village abandonné dont a jacté l'Estalien, ou bien on fait cap à l'Ouest pour retrouver la Rouille et Guttrug.
Les onze hommes libres optèrent donc pour la majorité à se diriger vers l'Ouest. Pas de lieu à proprement dit, mais l'espoir de retrouver une partie de l'équipage. Compas en main, le quartier-maître mena la troupe dans ce dédale de broussailles, de fourrés, de joncs et de boue. Les heures à sentir l'humidité ronger vos affaires, les insectes sucer votre sang et comme seul réconfort l'eau de votre gourde et des rations en train de tourner. Mais une première piste s'offrit à eux. Un tronc marqué d'une croix. Estaliens ou pirates ? Encore d'autres ? Au moins il n'était pas là par hasard.
Une découverte plus déplaisante fut un énorme serpent, épais comme une cuisse qui sinuait dans la vase devant leur passage. Si l'animal ne les attaqua pas, la perspective de croiser d'autres reptiles démesurément grands et féroces n'était pas au gout des boucaniers. Bien après, alors que Reth remontait la piste des lianes tranchées et des branches piétinées, l'horrible réalité percuta le petit groupe à la vitesse d'une gifle de tavernière. Des corps. Les pirates s'écrièrent, il s'agissait d'hommes du groupe aux deux rouquins.
-Bartholomew, Tonio...Par les boules de Mannan quel boucherie.
Dans des postures de pantins sans fils, les marins gisaient contre des troncs ou dans la fange, morts depuis quelques heures tout au plus. Dans le même charnier l'un des pirates remarqua des Estaliens. Morts. Tous. Neuf pirates, huit Estaliens, pas de trace d'Ivanka ni de plusieurs de son groupe.
Alors que le jeune Tiléen encaissait le poids de toutes ces journées dans l'enfer vert jusqu'à en avoir les reins fourbus, un homme attira l'attention en retournant le corps d'un Estalien. Une flèche. À l'empennage en plume d'oiseaux tropicaux. Ce qui avait fait ça n'était ni des forbans ni des conquistadors.