-Ah, tu deviens raisonnable. Soit. Le maître sera content de te revoir. Dommage qu’elle ait dû payer le prix fort pour que tu comprennes. Tu peux la soigner, mais je prends la lance.Test de CHA (utilisation d’une charge de la canope pour bénéficier de chance si besoin est) : 10. Réussite sur le fil. La charge canope est utilisée pour avoir un meilleur résultat.
Il ne s’était pas écoulé plus de quinze secondes depuis l’assaut, mais c’étaient sans doute une éternité pour le scythien. Quant à Aducia, si toutefois elle vivait encore, ce devaient être les plus longues quinze secondes de sa vie.
Le revenant s’écarta, permettant à Raël d’accéder au corps de sa compagnonne. La pauvre gisait inerte, inconsciente, dans une mare de sang qui ne cessait de grandir à mesure que son fluide vital s’écoulait de son moignon à grands flots.
Mais c’est alors que le soldat des rois morts vit apparaître une silhouette devant lui. Le nécromancien venait de rentrer dans la pièce, il était là, à un mètre cinquante de lui, à un mètre du corps d’Egdwin, penché pour ramasser la lance.
D’expérience, le guerrier savait que ces mages étaient vulnérables au corps-à-corps. En se montrant en personne, le nécromancien, certes puissant, mais novice dans le crime, venait de commettre une terrible erreur. Trop confiant, il pensait peut-être la victoire déjà acquise, ou alors estimait-il que Raël foncerait d’abord sur son amie… Son amie qui plus que jamais avait besoin de lui…
Face à cette opportunité, l’elfe passa pourtant au second plan. Dans une charge d’une rare violence, le scythien fonça sur sa proie et dégaina pour frapper dans son mouvement favori. Le mage noir poussa un cri de surprise, s’agrippant à la lance qu’il venait de ramasser comme s’il s’agissait d’un bâton. Il esquiva la première attaque en se jetant en arrière sur le sol. Dos contre terre, le visage figé par la peur, il tenta de lever son arme pour repousser son agresseur et parer ses coups. Mais que pouvait un sorcier contre un combattant, l’arme à la main ? Il gagna bien quelques secondes de vie, assez pour glapir désespérément, dans une ultime tentative pour déstabiliser son adversaire.
-Trahison ! Soit maudit, tu aurais pu la sauver, tu as préféré me tuer ! Elle te faisait confAAAaarrghhhhh !
C’était fini. Tout était fini. Dans la pièce sombre, les bruits se turent, laissant place au silence et à la mort… Car en même temps que le sorcier, l’elfe avait cessé de respirer.
Son corps était encore chaud et du sang coulait toujours de son moignon. Appliquant vite un garrot, Raël se rendit compte qu’il était trop tard. Pour quelques secondes. Aducia ne pouvait plus manger les biscuits magiques qui l’auraient peut-être maintenue en vie quelques secondes plus tôt.
Mais alors que tout semblait perdu, des bruits de pas précipités se firent entendre et une voix de stentor, une voix que Raël n’avait plus entendue depuis des années, résonna dans la salle, tandis qu’une silhouette musclée apparaissait dans l’encadrement de la porte :
-Enfin je te retrouve, Khem !
Ces mots, nul autre que notre héros ne les comprit. Et pour cause : ils venaient d’être prononcés dans la langue que Raël avait pensé être sa langue maternelle il y avait encore peu. L’homme était grand et fort, musclé comme peu l’étaient. Il avait toujours dominé en taille le jeune Raël, et encore aujourd’hui, il était le plus haut.
Le capitaine Tarouk, le maître d’armes qui avait formé Raël Khem, celui qui l’avait entraîné étant adolescent, lui et les autres jeunes qui voulaient se destiner aux métiers des armes. L’homme avait toujours été rude, voire dur avec lui, ne cachant pas qu’il ne l’appréciait guère. Pourtant, il avait été un bon précepteur.
A ses côtés, deux des voleurs qui étaient entrés au troisième étage, un homme et une femme. Pour ceux-là, la priorité semblait être avant tout de s’occuper de la blessée. Ils foncèrent s’occuper du corps sans se préoccuper des deux scythiens qui discutaient. La femme semblait savoir quoi faire, et disposait d’un impressionnant matériel : fioles de potions, herbes, bandages, matériel de docteur… Elle fit une grimace en voyant l’état de l’elfe, mais ne renonça pas. Raël crut l’entendre grommeler pour elle-même : « Ah ces guerriers… Ce n’est pas parce qu’elle ne respire plus qu’elle est morte, bougre d’âne ! » Son compagnon et elle s’activèrent autour du corps. Mais l’attention de Raël était captée par son ancien professeur, qui continua, le saisissant aux épaules et le secouant pour s’assurer qu’il écoutait bien :
-Je ne t’aime pas, Khem, mais ça fait un bout de temps que je te cherche. Je sais que ta mission est sacrée et que tu l’accomplis pour les dieux, mais le temps est venu de prouver où va prioritairement ta loyauté. Le Prince Tutankhanut se prépare à la guerre. Il a besoin de tous ses guerriers, tous. Le Roi Lambrasas IX aurait décidé, avec quelques autres monarques alliés, de préparer un assaut sur Numas, qu’il estime sienne. A l’heure qu’il est, il doit avoir presque fini de réunir ses forces. Nous aurons juste le temps de revenir.
Mais j’ai entendu dire des choses ici, Khem. Ainsi ce que l’on a dit toujours sur toi est vrai. Un fils d’étrangers. Pas même un bâtard. Tu n’as pas ta place parmi nous, tu ne l’as jamais eue, d’ailleurs. Tu t’accoquines avec ce genre de vermine aux oreilles pointues, ce détestable peuple.
Ma mission était de ramener un puissant guerrier du Prince Tutankhanut à Numas pour servir à la guerre. Mais existe-t-il encore, a-t-il jamais existé, ce guerrier ? Tout ce que je vois devant moi, c’est un impérial.
Le choix est tien. Tu peux me suivre et continuer à te mentir et à mentir à tous, mais respecter ton allégeance. Tu peux rester ici, là où est ta vraie place et rechercher tes vraies origines, tes vraies racines, embrasser ta vraie nature et vivre la vie qui aurait du être la tienne. Tu peux renoncer à toute allégeance et affronter cet ennemi qui t’en veut tant, ce « maître » comme disait ce fou ! Ou tu peux rejeter ton Roi et te consacrer aux dieux, et poursuivre à jamais leur mission éternelle.
Quoi que tu fasses, je ne te jugerai pas, car pour moi, tu n’es pas, tu n’as jamais été, l’un des nôtres !
Tandis que le capitaine Tarouk finissait son long discours, plein de rancœur et qui avait dû occuper ses pensées durant de nombreuses nuits, le duo de voleurs impériaux terminait de s’occuper d’Aducia Egdwin.
L’elfette respirait toujours, mais très difficilement. Sa petite poitrine se soulevait à peine, de plus en plus péniblement. Son visage s’était figé dans une expression de souffrance, et était régulièrement parcouru de petits tressaillements de douleurs. Ses cheveux s’étalaient dans une mare de sang qui les souillait en les imbibant, tandis que de la sueur perlait sur son front. Elle n’était plus consciente depuis l’attaque. Le pire était sans doute le mince filet de sang qui s’écoulait par son moignon. Elle était très faible, mais vivante.