[RP Libre][Ieviniae] La fleur du Bien et la fleur du Mal

[Ieviniae]

Après trois ou quatre clignements de paupières, Ieviniae ouvrit enfin les yeux après un profond sommeil réparateur. Sa journée de la veille avait été riche en émotions et son esprit fortement mis à contribution avait eut besoin de remettre de l'ordre dans ses idées. Alors que le brouillard dans lequel son être flottait encore à son réveil s'estompait progressivement, elle commençait à reprendre conscience de son environnement. Tout d'abord le son des oiseaux qui gazouillaient en cette agréable matinée d'un été éternel puis des conversations dont elle percevait plus le ton que la teneur accompagnaient le bruit des pas de ceux qui avaient quitté leur couche avant elle à l'extérieur.

Enfin, bien plus imperceptibles que le brouhaha d'un campement aux allures de métropole, elle pouvait percevoir des chuchotements beaucoup plus proches d'elle et des bruits de pas d'une délicatesse telle qu'on aurait pu penser que les êtres qui se déplaçaient derrières les rideaux ne touchaient pas le sol. Ieviniae s'accouda sur sa couche pour se redresser, une couche qui n'était certes qu'un lit de camps mais dont bien des rois rêveraient d'avoir un confort de cette qualité. Un rayon de lumière traversa le fin rideau blanc qui l'isolait et lui servait de mur de séparation et lui fit plisser les yeux. De sa main droite, elle écarta un pan du tissu pour voir ce qu'il se passait de l'autre côté.

Plusieurs femmes elfes s'activaient dans la partie centrale du pavillon dont la voilure égalait la superficie des plus grands cirques humains. Certaines plus énergiques que les autres dressaient la table de ce qui semblait être le futur petit déjeuner du matin, d'autres encore somnolentes étaient à moitié allongées à même le sol, quant aux plus coquettes elles étaient en train de soigner leur apparence du matin. Ieviniae ne les connaissait pas encore toutes de nom ni de visage car elle ne les avait rencontré pour la première fois que la veille. Elles étaient ses sœurs, les élues de la Reine Éternelle, les membres de la compagnie à laquelle on l'avait affecté et qui seraient sa nouvelle famille de cœur.

- Oh ! La nouvelle est réveillée.

L'une des elfes qui plaçait une coupe de fruits sur la table avait remarqué sa présence et l'avait signalé à l'assemblée qui se retourna comme un seul elfe en sa direction. Un court silence tomba sous le chapiteau multicolore avant d'être suivi par un brouhaha de cour de récréation. Ieviniae fut invitée avec insistance à se joindre à elles, et l'une de ses sœurs lui prit la main dans la sienne pour l'accompagner. En sortant plus au centre du pavillon, la nouvelle recrue remarqua que l'ensemble des rideaux des chambres étaient ouverts et se mit à rougir fortement.

- Je suis la dernière, excusez moi...

Ses sœurs se mirent alors à rire de la voir ainsi mal à l'aise et tentèrent de la réconforter en lui expliquant que leur compagnie était de repos cette journée et qu'aucune obligation ne les attendait. Ieviniae se rendit alors compte qu'elle n'avait aucune idée de ce qui l'attendait aujourd'hui ou les jours d'après. Elle n'était même pas originaire de la région d'Avelorn et ne connaissait que les coutumes de sa propre patrie. Naturellement elle connaissait de renom les sœurs d'Avelorn mais n'en connaissait pas le quotidien. Heureusement, ces dernières semblaient porter une attention toute particulière à leur nouvelle sœur et la caledorienne parvint à se détendre pour le déjeuner. Après tout, elles avaient toutes été recrutées en partie pour leur cœur plein de noblesse. La table était copieuse, riche et raffinée, proposant notamment des mets qu'elle ne connaissait pas là d'où elle venait.

Une fois pleinement restaurée, Ieviniae put prendre le temps de s'occuper d'elle et, après avoir enfilé une tenue légère avec un bustier blanc et un pagne bleu asur, attrapa son nécessaire de coiffure. Alors qu'elle s'agenouillait au sol devant son miroir, l'une de ses sœurs s'installa derrière elle et lui prit son peigne des mains avant de commencer à la coiffer elle-même. Bien loin de l'image des guerrières farouches qu'elles étaient aux yeux des étrangers, les sœurs d'Avelorn n'en restaient pas moins des femmes elfes avant tout dans leur intimité et se comportaient entre elles comme l'auraient fait n'importe quelles femmes coquettes.

- Moi c'est Inarielle, on est voisine lui dit elle en montrant la couche d'à côté tout en lui brossant les cheveux alors n'hésite pas à venir me voir si tu as besoin de quelque chose.

Les deux elfes s'échangèrent quelques banalités de présentation afin d'en connaître un peu plus l'une sur l'autre comme deux inconnues qui essayent de devenir les meilleures amies du monde car elles savent qu'elles passeront le reste de leur vie ensemble. Soudain, le pan de tissu qui servait de porte d'entrée s'ouvrit énergiquement et une femme elfe d'une grande prestance entra tout aussi précipitamment. Contrairement aux elfes présentes sous le pavillon, celle ci était déjà habillée de pied en cap avec sa tenue de combat et portait l'arc en bandoulière et l'épée au fourreau. Sans arrêter pour autant leurs activités en cours, Ieviniae remarqua que ses sœurs avaient baissé d'un ton et redressé le buste comme un seul elfe. La nouvelle arrivante se dirigea d'un pas rapide et sans hésiter droit dans sa direction.

- Ieviniae ? il s'agissait plus de lui faire remarquer qu'elle s'adressait bien à elle plutôt qu'une vraie question car elle connaissait son identité. Je suis Nisaellë la sœur supérieure et je suis ravie de t'accueillir dans ma compagnie. Viens avec moi.

La sœur supérieure possédait une autorité naturelle et Ieviniae se redressa sans marquer la moindre hésitation afin de la suivre au dehors. En cheminant, elle s'arrangea pour attacher ses cheveux qu'Inarielle n'avait pas fini de peigner pour en faire une queue de cheval. L'extérieur était une véritable ville de chapiteaux et de pavillons aux multitudes de couleurs posés harmonieusement au milieu des arbres millénaires. Droit devant eux, Nisaellë lui indiqua une tente encore plus majestueuse que les autres en lui expliquant qu'il s'agissait de celle de leur souveraine bien aimée. Ieviniae fut particulièrement fière et honorée de voir que sa propre tente était si proche de la sienne et prit conscience uniquement en cet instant que le reste de sa vie serait maintenant d'être à ses côtés. Nisaellë savait ce que sa jeune recrue ressentait en croisant son regard pour l'avoir déjà ressenti elle même bien des années plus tôt.

- Seules les Demoiselles d'Honneur partagent la tente de notre Reine et y montent la garde mais tu vas dédier ta vie à la protéger toi aussi à partir de maintenant. Elle est l'Espoir de notre peuple. Tu veilleras sur elle et sur son royaume car elle est ce que nous avons de plus précieux. Tu es une demoiselle gardienne d'Avelorn dorénavant et tu es ma Soeur.

Et c'est une Ieviniae émue qui poursuit la visite de l'imposant campement royal qu'elle devait à présent protéger des dangers afin d'en connaître les moindres recoins.

[Ieviniae]

La matinée avait été relativement chargée avec la visite du camp royal dans ses moindres recoins. Ce n'était peut être qu'un assemblage de tentes tout confort mais le convoi de la Reine Éternelle était immense et s'étendait sur une superficie presque égale à celle d'une ville entière. Sa sœur supérieure était une elfe pleine d'entrain et il était difficile de suivre son rythme et d’engranger toutes les informations qu'elle débitait sans marquer de pause. Mais elle inspirait la confiance et la bienveillance et Ieviniae se sentait malgré tout à l'aise en sa compagnie, certaine qu'elle prendrait le temps de lui réexpliquer tout ce qu'elle n'avait pas retenue du premier coup.

Surtout, Nisaellë était une elfe connue et réputée au sein du campement et elle était régulièrement interpellée sur le chemin par un membre de la cour qui voulait échanger quelques mots avec elle. Ieviniae ne savait pas si elle se donnait toujours la peine de se montrer si courtoise avec tout ce petit monde à parler de mondanité, mais il lui semblait plutôt qu'elle saisissait l'occasion de présenter sa nouvelle protégée. Inlassablement, la caledorienne répondait aux questions des curieux, déclinant son identité et ses origines mais la nouvelle de son accession au rang de sœur avait visiblement déjà fait le tour de la cour la veille et avait été au centre des discussions. "Ah la fameuse chanteuse caledorienne" était l'expression qui revenait le plus souvent pour la décrire, bien qu'elle sentait une légère pointe de mépris dans l'utilisation de cet adjectif qui la rattachait à une région lointaine et considérée comme moins raffinée que la culture avelornienne.

Dans l'ensemble, Ieviniae avait tout de même reçu un accueil plutôt positif au sein de la cour de sa majesté, tout comme cela avait été le cas précédemment avec ses nouvelles sœurs d'arme. Mais si elle possédait des qualités appréciées par ses congénères, elle ne devait pas oublier qu'elle avait été choisie par sa reine pour remplir également un rôle de guerrière. Ses compétences martiales avaient été appréciées à leur juste valeur lors de son passage dans la milice citoyenne de son royaume, mais aujourd'hui elle intégrait un corps d'élite réputé et reconnu et elle était probablement encore loin d'avoir atteint son plein potentiel. Pour cela elle devrait s'entraîner dur et justement, sa compagnie devait se retrouver dans l'après midi pour des exercices de tir à l'arc, l'arme favorite de ces intrépides guerrières.

Le stand de tir se trouvait dans une clairière à quelques centaines de mètres du campement et était réservé uniquement aux sœurs d'Avelorn. Certaines qui n'étaient pas conviées à l'entraînement montaient même la garde aux abords du pas de tir afin d'interdire l'accès aux étrangers. L'entraînement se déroulerait donc à huis clos sous la supervision de Nisaellë. Ieviniae s'était équipée de son arc long, un magnifique ouvrage digne d'un archer de la milice mais qui faisait bien pâle figure à côté des arcs elfiques de ses consœurs. Elle en ressentait une certaine honte mais si les autres lui en tenaient rigueur elles le cachaient bien car aucune remarque ne lui fut faite. La jeune sœur savait cependant très bien manier son arc et bien qu'il fut d'une qualité inférieure elle comptait bien en prouver toute l'efficacité.

Le premier exercice était relativement simple puisqu'il s'agissait de viser une cible et de la toucher. Contrairement à ce qu'elle avait connu à l'entraînement au sein de la milice où elle tirait sur des cibles standards, le royaume d'Avelorn était parcouru de magie et ses habitants n'hésitaient pas à s'en servir pour toutes les tâches du quotidien et les guerrières n'en faisaient pas exception. La sœur supérieure libéra des cibles mouvantes qui ressemblaient à des sortes de feux follets, des halos de lumières qui semblaient se déplacer aléatoirement dans l'espace. Il y en avait de toutes les couleurs et chacune des archères s'en vit attribuer une qu'elle devrait atteindre de ses flèches. Ieviniae se vit attribuer la couleur verte qui représentait environ à une dizaine de cibles.

Pendant que l'entraînement finissait de se mettre en place, Ieviniae contemplait ces magnifiques cibles de lumière qui auraient pu servir d'attraction pour enfants lors de n'importe quelle fête forraine. Elle les observait avec ses yeux d'enfants émerveillé et un sourire amusé sur son visage qui disparut assez rapidement lorsqu'un "Ieviniae on reste concentrée" retentit derrière elle et dont elle reconnu la voix de Nisaellë. Elle retrouva sa concentration et essaya de se détendre en fredonnant un air de musique dans sa tête. C'était sa première démonstration de ses talents de guerrière et elle savait que les premières impressions restent souvent gravées à jamais. Sans chercher à vouloir impressionner ses consœurs non plus, Ieviniae était cependant déterminée à bien faire et à gagner leur confiance.

Tirs sur cible avec compétence 11 (base 10 + 1 adresse au tir) réalisés par MJ Katarin
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Prenant le temps de viser, un œil clôt et l'autre fixé sur sa cible, son corps pivotait avec fluidité afin de suivre le mouvement de sa cible qui flottait dans les airs à plusieurs dizaines de mètres d'elle. Puis, retenant sa respiration une fraction de seconde afin de ne pas se déstabiliser, ses doigts relâchèrent avec délicatesse la corde de son arc et la première flèche vola droit dans la cible. Avec un cri de surprise qui fit sursauter quelques unes de ses voisines, Ieviniae vit sa cible de lumière éclater en une multitude de globes de lumière de plus petite taille. Après s'être rapidement ressaisie, elle poursuivit ainsi son entraînement sans faillir et fit exploser encore quelques cibles, prenant progressivement confiance en elle alors qu'elle ne comptait aucun échec à son actif.

Mais, prenant la visée pour essayer d'atteindre la cible verte la plus éloignée d'elle, Ieviniae tendit son arc avec tant de conviction et de force que la corde céda brusquement sous la tension qu'elle exerçait depuis plusieurs secondes dessus. La flèche qu'elle tenait entre ses doigts et qu'elle tirait également en arrière décrivit un petit arc de cercle et vint lui écorcher une partie de son avant bras gauche d'où se mirent à perler les premières gouttes de sang. La blessure était superficielle mais elle laissa de nouveau échapper un petit cri autant de surprise que de douleur. Et ce qu'elle n'aimait pas arriva alors : tous les regards de l'assistance se portèrent sur elle et plusieurs de ses sœurs dont sa supérieure se portèrent à sa hauteur pour prendre de ses nouvelles.

- Va voir sœur Arapyna elle va te réparer ton arc et montre ton bras à sœur Loraella pour qu'elle le nettoie. Et revient après.

Rouge de honte, Ieviniae s'exécuta et alla voir ses deux camarades qui se tenaient en périphérie du pas de tir. Elles étaient un peu plus âgées que les autres sœurs de la compagnie et possédaient, en plus de leurs talents de guerrières, des dons l'une en artisanat et l'autre en médecine. Arapyna avait l'habitude de remettre en état de fonctionner le matériel de la compagnie et possédait tout l'attirail nécessaire pour remettre une corde. Après lui avoir confié son arc, elle confia son bras à Loraella qui lui adressa un sourire amical.

- La blessure n'est pas profonde, je n'en ai pas pour très longtemps.

Elle lui appliqua alors un onguent parfumé sur l'avant bras en lui certifiant qu'elle n'en garderait aucune cicatrice. Ieviniae ne put s'empêcher de rire franchement lorsque Loraella lui confia pour la rassurer que le jour de son premier entraînement elle n'avait touché aucune cible et qu'elle ne devait donc pas s'en faire pour son accident dont personne ne lui en tiendrait rigueur. Réconfortée, Ieviniae n'eut pas longtemps à s'absenter de l'entraînement car ses deux sœurs travaillaient aussi rapidement qu'efficacement. Avec un peu d'appréhension à la reprise des tirs, elle constata que son bras n'était pas douloureux et que, après avoir tiré dessus plusieurs fois, la nouvelle corde semblait solide. La caledorienne put ainsi terminer la première partie de son entraînement sans faillir et avec un sans faute si l'on mettait de côté son incident. La supérieure leur accorda alors quelques minutes pour se reposer.

Ieviniae alla s'asseoir en tailleur sur l'herbe fraîche aux côtés de ses camarades à l'ombre des arbres en cette journée particulièrement ensoleillée. Autours d'elles, des orbes multicolores continuaient à flotter dans le ciel en émettant un léger sifflement. Chacune disposait d'une petite outre qui avait la capacité de garder l'eau toujours fraîche et pure et Ieviniae en profita pour se désaltérer. Seule Nisaellë la sœur supérieure restait debout et passait de l'une à l'autre pour prodiguer conseils et remarques à ses subordonnées sur ce qu'elle avait vu à l'entraînement et, quand elle fut à sa hauteur, elle s'enquit de sa blessure au bras et la félicita également pour sa performance.

Tout juste le temps de souffler un peu que déjà il fallait reprendre la séance et la difficulté allait s'accroître considérablement. Maintenant que les cibles avaient toutes explosées en une gerbe de petites balles multicolores qui flottaient dans les airs, les sœurs allaient devoir les prendre pour cibles. Non seulement les cibles étaient relativement petites, de la taille d'une balle de golf, et allaient demander un tir d'une grande précision, mais en plus de cela elles devaient les abattre en un temps donné. Un exercice au tir rapide et précis qui allait faire appel à leurs talents innés pour le maniement de l'arc. C'était une première pour Ieviniae en terme de difficulté qui, si elle savait enchaîner ses tirs rapidement, n'était pas certaine de pouvoir être si précise que cela.

Tirs rapides + tirs précis avec compétence 6 (base 10 + 1 adresse au tir – 1 tir rapide – 4 tirs précis) réalisés par MJ Katarin
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Se mettant en position, elle attendait le signal de départ en essayant de repérer un maximum d'orbes vertes tout en positionnant sa main sur la plume d'une des flèches de son carquois. Quand l'exercice débuta elle enchaîna les tirs à une cadence soutenue mais ses premières flèches bien que frôlant les cibles visées ne parvenaient pas à les atteindre. Après quelques échecs, sa sœur supérieure qui passait dans son dos lui murmura quelques mots.

- Tu te sers trop de ta tête, détends toi et laisse toi guider par ton instinct. Elle passa ses bras délicatement autours d'elle pour venir l'enlacer en posant ses mains sur les siennes. Deviens ta cible, anticipe le moindre de ses mouvements. lui disait-elle tout en faisant danser son corps de droite à gauche en mimant à la perfection les mouvements aléatoires de l'orbe verte. Entre dans sa danse et prévoit son prochain pas... Là ! Nisaellë lui fit relâcher au même instant la prise sur la corde, libérant sa flèche qui vint transpercer sa cible. Essayant ensuite de reproduire seule ce qu'on avait essayé de lui enseigner, Ieviniae relâcha la contraction des muscles de son corps pour danser imperceptiblement au rythme de sa cible. Les flèches suivantes trouvèrent toutes leur cible du premier coup et la caledorienne commençait à enchaîner les réussites avec brio.

Mais sans trop savoir expliquer comment, s'était-elle senti trop en confiance ou la fatigue d'enchaîner des mouvements si rapides commençait elle à la gagner ? Ieviniae fini par s’emmêler lamentablement les pinceaux trop pressée qu'elle était par le temps imposé pour terminer l'entraînement. D'un mouvement mal maîtrisé, au lieu de placer sa première flèche sur la corde de son arc, cette dernière lui échappa des mains pour aller s'envoler un peu plus loin puis d'un mouvement trop brusque en voulant se ressaisir rapidement d'une seconde flèche dans son carquois elle donna en fait un grand coup de poignet dans celui ci qui déversa alors tout son contenu au sol. Ieviniae se retrouvait ainsi avec un carquois vide de flèche et donc dans l'impossibilité d'enchaîner le moindre tir. Rouge de honte une seconde fois, elle s’accroupit alors au sol afin de remettre délicatement les flèches une à une dans son carquois en perdant ainsi un temps précieux qui la condamnait à ne plus pouvoir abattre l'ensemble de ses cibles dans le temps imparti.

Une fois fait, elle se redressa et tenta d'enchaîner des tirs précis mais sans réussite cette fois. Ieviniae était perturbée par ce qu'il venait de lui arriver et précipitait un peu trop ses tirs qui passaient tous à côté, oubliant complétement les conseils avisés qu'on lui avait donné précédemment. Lorsque Nisaellë indiqua que l'entraînement était terminé, il restait encore plusieurs orbes vertes dans les airs, indiquant qu'elle n'avait pas atteint son objectif. Mais à bien y regarder de plus près il restait également des orbes de toutes les couleurs et aucune de ses sœurs n'avaient réussi le sans faute bien que la plupart avait fait un peu mieux qu'elle. Certes pour un premier entraînement de ce niveau de difficulté à réaliser des tirs d'une précision hors du commun Ieviniae n'avait pas réalisé une si mauvaise performance que cela, au contraire même, mais l'elfe n'en restait pas moins déçue car seule la perfection était pour elle une source de satisfaction.

[Ieviniae]

Les premières journées d'Ieviniae en tant que demoiselle gardienne s'enchaînèrent ainsi paisiblement, alternant entre ses journées d'entraînement à l'arc ou au corps à corps et ses journées de garde où elle était chargée de protéger un lieu ou de patrouiller aux abords du camp royal. L'entente était harmonieuse avec ses nouvelles sœurs qui partageaient maintenant son quotidien, mêlant leur vie aussi bien dans l'intimité que dans le devoir. Il lui était même arrivé à plusieurs reprises d'approcher celle pour qui elle avait traversé toute l'île-continent lors de ses journées de faction. La Reine Éternelle était toujours fort occupée mais ne manquait jamais d'adresser une marque d'attention à ses élues par un sourire ou un regard. La caledorienne enviait les demoiselles de sa garde rapprochée qui partageaient son quotidien mais, comme le lui avait dit un jour Nisaellë leur devoir était de servir au mieux leur souveraine et si cette dernière avait décidé que la meilleure façon de la servir était d'être sœur ou demoiselle ou n'importe quoi d'autre, alors il fallait être heureux de son sort. Et elle était heureuse.

A tour de rôle et en temps de paix, les sœurs de la compagnie pouvaient disposer de journées libres afin de vaquer à leurs loisirs, de voir leur famille ou tout autre activité de leur choix. Et après une bonne dizaine de journées de service ce fut le tour d'Ieviniae. Il était naturellement impensable pour le moment d'envisager rentrer en Caledor pour revoir sa mère qui lui manquait. C'est alors que la nouvelle sœur d'Avelorn se rendit compte avec tristesse qu'en dehors de sa compagnie elle ne connaissait encore personne en Avelorn et qu'elle était bien seule. Mais cela ne tenait qu'à elle de changer cet état de fait, elle devait profiter de ses journées pour tisser des liens et se faire des amis au sein de la cour.

Pour l'heure, elle devait d'abord se rendre chez Penoryar, le plus grand couturier de la cour qui confectionnait notamment les innombrables vêtements d'Alarielle la Radieuse et de nombreux autres personnages de premier plan. La sœur supérieure lui avait expliqué que la souveraine en personne avait demandé à ce qu'on lui confectionne quelques tenues sur mesure car elle tenait à ce que ses élues ne manquent jamais de rien et la représentent toujours dignement. C'était un privilège qu'elle accordait à chacune de ses filles et non pas seulement à Ieviniae, qui se demandait tout de même si son statut de roturière caledorienne et sa garde robe qui allait en conséquence avait été une source de moquerie au sein de la noblesse de la cour ayant contraint la Reine Éternelle à intervenir pour améliorer l'image de sa protégée, et donc la sienne à travers elle.

La caledorienne connaissait maintenant suffisamment le camp royal pour s'y déplacer seule sans se perdre et l'échoppe de Penoryar faisait parti des endroits réputés. Ieviniae s'y rendit donc en fin de matinée afin de se mettre à la disposition de l'artisan royal. En pénétrant sous le chapiteau en question pour la première fois de sa vie elle eut l'impression de rentrer dans la caverne aux merveilles. Des tissus de toutes les tailles, de toutes les couleurs et de toutes les matières les plus nobles étaient suspendus sur des fils argentés et formaient une sorte de labyrinthe dont les pans flottaient sous la brise estivale. Avançant un peu à l'aveuglette en écartant les lés de tissus elle finit par trouver un elfe d'âge mûr assis devant une grande table finement sculptée et qui maniait une petite aiguille avec une telle virtuosité que Ieviniae resta quelques minutes à l'observer avec intérêt. Elle avait l'esprit rêveur et aurait pût rester ainsi toute la journée à le regarder faire mais elle était ici pour une autre raison et, après une hésitation, elle finit par s'annoncer.

- Excusez moi, je suis à la recherche de Penoryar.

- Je n'ai pas le temps, je confectionne une traîne pour notre Reine lui répondit il sans même un regard et avec une prétention dédaigneuse dans le ton de la voix

- Justement... c'est la Reine qui m’envoie. Je suis Ieviniae sa demoiselle gardienne.

Changeant d'attitude en une fraction de seconde, le couturier lâcha son ouvrage et se leva presque d'un bond en faisant reculer sa chaise. Puis il s'approcha à grand pas de Ieviniae avec un sourire jusqu'aux oreilles.

- Oh excusez moi ma dame, j'avais l'esprit ailleurs et j'avais oublié votre venue. Oui, oui elle me l'a dit hier et je vous attendais. Venez avec moi, je ne vais pas vous faire perdre plus de temps. Alors comme ça vous êtes de Caledor ?

L'elfe semblait monté sur ressorts et se précipitait comme si son temps était compté, parlant également avec un débit verbal soutenu. Sa question sans rapport avec le reste de la conversation avait surpris Ieviniae qui bégaya pour lui répondre.

- Heu... oui... oui... je viens de Caledor.

- Ah ! J'ai réalisé une commande pour le prince Imrik une fois, vous le connaissez ?

- Je l'ai déjà vu quelques fois mais je ne le connais pas personnellement.

- Voilà, installez vous ici et mettez ça.

Il venait de la conduire dans une arrière pièce de sa boutique qui était assez étroite et beaucoup plus vide que ce qu'elle avait vu jusque là. Penoryar venait de lui tendre une sorte de robe de chambre verte très fine et très près du corps qui servirait à prendre ses mensurations les plus exactes possibles. L'artisan disparut aussi vite qu'il était entré de la cabine et Ieviniae en profita pour retirer ses vêtements et enfiler celle qu'on lui avait demandé de mettre. Après avoir soigneusement replié ses propres vêtements pour les déposer délicatement sur la table prévue à cet effet, elle attendit la suite essayant de recoiffer ses cheveux avec ses doigts fins.

Un mouvement derrière elle lui fit tourner la tête et elle vit une jeune elfe qui venait la rejoindre avec différents outils de travail. La cour d'Avelorn est réputée pour héberger parmi les plus belles elfes d'Ulthuan, ne serait-ce qu'au sein des rangs des sœurs et des demoiselles. Mais même au milieu de ces créatures parmi les plus belles du monde connu, la nouvelle arrivante était d'une beauté éblouissante. Contrairement à Ieviniae, cette dernière avait des cheveux noirs de jais descendant jusqu'au bas de ses fesses, et les yeux d'un noir si profond qu'il était difficile d'en détourner le regard. Cette couleur noire faisait paraître sa peau pâle encore plus blanche qu'elle ne l'était réellement. Ses courbes et ses formes généreuses étaient mises en avant, si besoin en était, par sa démarche féline et chaloupée, il semblait évident au vu de l'assurance qu'elle dégageait d'elle même qu'elle se savait capable de séduire n'importe quel être doué de sentiments sur terre.

Ieviniae ne put s'empêcher de la contempler ostensiblement des pieds à la tête tandis que cette dernière se rapprochait d'elle pour s'arrêter à une si courte distance que c'en était presque malaisant. D'ailleurs, la caledorienne ne savait exactement ce qu'elle ressentait en ce moment entre fascination et déconcertation. Mais l'elfe qui lui faisait face ne semblait pas s'en rendre compte ou le cachait bien et afficha un large sourire avant de se présenter.

- Bonjour ma dame, je m'appelle Khelirie. Je suis l'apprentie de maître Penoryar. Il est très occupé en ce moment alors c'est moi qui vais prendre les mesures pour votre commande.

[Ieviniae]

La jeune apprentie qui devait tout juste avoir atteint l'âge adulte tenait une feuille et une plume entre ses lèvres et, de ses deux mains, venait de déplier un ruban qui allait lui servir à prendre les mensurations de sa cliente. Chaque fois qu'elle prenait une mesure, et elle mesurait tout, elle prenait une petite pause pour griffonner des chiffres sur son bout de papier avant de recommencer. Khelirie lui tournait autour, s'accroupissant par moment pour prendre les mesures des jambes, se mettant sur la pointe des pieds pour prendre les mesures du haut car elle était un peu plus petite que Ieviniae.

A chacun de ses gestes, la jeune caledorienne avait l'impression que la couturière laissait glisser volontairement ses doigts le long de son corps avec une certaine insistance pour ce genre d'action mais aussi avec une certaine sensualité experte qui ne la laissait pas de marbre et qui lui provoquait d'agréables frissons. Ieviniae était tout autant gênée de l'insolente entreprise de la jeune elfe que de sa propre réaction. Pourtant elle n'avait pas le tempérament pour oser lui faire remarquer et se contenta de rougir, trahissant les pensées qu'elle voulait dissimuler. La sœur gardienne n'osait pas regarder l'apprentie dans les yeux mais voyait bien du coin de l’œil que cette dernière cherchait à attirer son regard un sourire en coin. Elle mit le comportement de Khelirie sur le compte de sa jeunesse qui mène parfois à la provocation et à l'insolence, mais ne lui prêta pas plus de mauvaises intentions que cela. Finalement c'est cette dernière qui brisa le silence avec un ton qui feignait l'innocence.

- Quelque chose ne va pas ma dame ? Vous semblez perturbée.

- Oh non ce n'est rien, c'est... juste que... je pensais à mon foyer... en Caledor. Ça me manque un peu, je suis nouvelle ici et je me sens un peu seule le temps de me faire des amies.

- Ah, c'est donc ça... Voilà j'ai terminé. Je vais rapporter mes mesures à maître Penoryar, vous pouvez vous revêtir en attendant. Votre commande sera prête sous peu.

L'apprentie s'exécuta alors et quitta la pièce, Ieviniae se retrouvant de nouveau seule. Elle quitta alors la robe qu'on lui avait fournie pour se remettre à nue avant d'enfiler ses vêtements qu'elle avait posé plus tôt sur la table. Alors qu'elle attachait le haut de sa tenue, il lui sembla sentir un mouvement derrière elle avec la sensation d'être épiée mais en se retournant vivement elle vit que le rideau était bien fermé et, après l'avoir entrouvert ne vit personne bouger à l'extérieur de la cabine. Elle essaya ensuite de retrouver le couturier mais ce dernier n'était plus à son bureau et il n'y avait nulle trace de lui ailleurs ni de son apprentie. Ne voulant pas s'éterniser ici, Ieviniae décida alors de quitter l'endroit et se promit de remercier Penoryar pour son accueil lorsqu'il lui remettrait ses tenues.

Mais alors qu'elle faisait ses premiers pas à l'extérieur de l'échoppe, elle entendit une voix féminine qui l'appelait dans son dos et des bruits de pas qui évoquaient une personne en train de courir pour la rattraper. La demoiselle gardienne se retourna alors pour voir de quoi il s'agissait et aperçut Khelirie qui arrivait vers elle. Cette dernière portait un grand panier au pli de son coude et lui faisait un signe de la main avant d'arriver un peu essoufflée à sa hauteur. L'apprentie s'arrêta alors à sa hauteur et, comme si cela était naturel, glissa son bras libre autour du sien.

- Je suis arrivée à la cour peu avant toi pour entrer au service du vieux Penoryar et je ne connais pas encore grand monde non plus. Alors soyons amies au lieu d'être seule chacune de notre côté. Viens avec moi je voulais te montrer quelque chose comme tu ne connais pas bien l'Avelorn encore.

- Où est-ce qu'on va ?

- C'est une surprise, mais fais moi confiance tu ne vas pas en croire tes yeux. Je vais te montrer l'une des plus belles choses au monde. On a un peu de marche c'est dans la clairière qui se trouve derrière la petite rivière là bas. Et j'ai pris de quoi manger pour deux.

Bien qu'un peu réticente à l'idée de partir en tête à tête avec cette inconnue qui l'avait mise si mal à l'aise peu de temps auparavant, Ieviniae fut entraînée par sa bonne humeur et son allant. Et puis elle était curieuse de savoir ce qu'elle avait de si impressionnant à lui montrer. Sur le chemin, Khelirie se montra plutôt bavarde pour parler d'elle même. Elle était originaire de la région d'Avelorn et en connaissait tous les recoins qu'elle se proposait de faire connaître à sa nouvelle amie chaque fois qu'elle serait en permission. Les deux elfes progressèrent ainsi dans la verte forêt plus d'une heure durant, suivant des sentiers aux contours mal définis mais que sa guide affirmait connaître par cœur. Puis, avant de franchir le sommet d'une côte, Khelirie tira sur sa manche pour attirer son attention et lui fit signe de se taire avant de lui parler à voix basse.

- Ne fait plus de bruit, avance doucement jusqu'en haut et jette un regard discrètement.

Sans savoir si sa nouvelle amie se moquait ou non d'elle, Ieviniae décida tout de même de s'exécuter et se mit à avancer agenouillée jusqu'au sommet de la crête avant de passer rapidement sa tête de l'autre côté pour voir ce qui l'attendait. Même si elle avait su à quoi s'en tenir elle n'en aurait pas moins eut le souffle coupé pour autant. Naturellement, bien qu'ayant avancé le plus doucement possible, son arrivée fut complètement remarquée par les créatures qui se trouvaient de l'autre côté. Avelorn était réputé pour abriter des créatures merveilleuses mais entre le savoir et le voir il y avait une grande différence. Et la sensation que l'on ressent lorsque son regard plonge dans celui d'une licorne est indescriptible.

Il y en avait plusieurs qui paissaient tranquillement dans la clairière en contre bas et qui relevèrent un instant la tête pour voir qui venait troubler leur quiétude avant de retourner vaquer indifférentes à leurs occupations. Il se dégageait de ses animaux une aura magique tellement forte que même une non mage qu'elle était s'en retrouvait bouleversée par tant de majestuosité. Ieviniae était une personne particulièrement sensible et se laissa déborder par ses émotions qui firent perler quelques larmes le long de ses joues. Après lui avoir laissé quelques secondes pour contempler la scène, Khelirie la rejoignit en haut de la côte pour s'accroupir à ses côtés.

- Alors je ne t'avais pas menti ? Elles viennent toujours à cet endroit, mais on n'a pas le droit d'y aller alors restons ici. Tu n'avais jamais rien vu de tel !

Alors que son amie s'installait à côté d'elle, les licornes qui semblaient s'agiter soudainement finirent par quitter l'endroit et à retourner sous les arbres hors de portée de vue.

- J'ai déjà eu la chance de voir des dragons en Caledor mais... je t'avoue que je suis sous le charme, ce sont vraiment des êtres fantastiques. C'était tellement...

- Tu veux chanter pour moi ? la coupa-t-elle brusquement sans lui laisser finir sa phrase. Il paraît que c'est ainsi que tu as séduit notre Reine alors je voudrai t'entendre.

Sans lui laisser particulièrement ni le choix ni le temps de répondre, Khelirie s'installa directement pour se mettre à l'aise pour écouter son chant. Elle s'allongea au sol sur l'herbe grasse et verte au sommet de la colline et posa sa tête contre la cuisse droite de son amie. Ieviniae se laissa finalement aller aux caprices de sa camarade qui l'avait quand même bien mérité et laissa résonner sa voix cristalline dans la clairière.

Étoile dans la nuit, pourquoi as tu les yeux rougis ?
J'ai fait un mauvais rêve, mes enfants sont ils partis ?
Étoile dans la nuit, pourquoi sembles tu perdue ?
Je suis à la recherche des mes enfants disparus
Étoile dans la nuit, pourquoi as tu le cœur brisé ?
Je n'ai pas su de sa décision les protéger.

Étoile dans la nuit, nous t'avons reconnue
Je crains que vous me soyez pourtant inconnus
Étoile dans la nuit, nous sommes tes petits enfants
Je reconnais à présent les traits de vos parents
Étoile dans la nuit, pourquoi pleures tu ?
J'ai enfin retrouvé ma joie perdue

[Ieviniae]

L'effervescence était en train de gagner la cour de la Reine Éternelle en cette belle journée estivale alors que l'heure du départ approchait. Contrairement à ce qui était de coutume de par le monde, y compris sur le reste de l'île-continent, la cour royale d'Avelorn n'était pas située en un lieu fixe et majestueux. Au contraire, elle avait plutôt des allures de caravane géante qui parcourait les sentiers verdoyant des forêts éternelles au gré des envies de la souveraine. Après plusieurs jours de halte, il était largement temps de reprendre la route et de plier bagage. La tâche aurait pu se montrer particulièrement compliquée vu le raffinement de cette cour ambulante si la magie n'était pas omniprésente dans ce coin de paradis.

Contrairement à ce qu'on aurait pu imaginer, plier bagage chez les elfes d'Avelorn ressemblait plus à une comédie musicale qu'à l'accomplissement d'un fardeau. Tout le monde accomplissait ses tâches en chantant, en dansant et en riant, car le gros œuvre était effectué par les prêtresses d'Isha dont les enchantements permettaient la manipulation magique de la matière afin d'alléger le fardeau des serviteurs. Les matériaux utilisés par les hauts elfes étaient à la fois extrêmement résistants et incroyablement légers. Ainsi, le pavillon qui était assez grand pour accueillir en son sein toute une compagnie de sœurs d'Avelorn pouvait tenir dans une simple malle une fois replié et être transporté par une seule personne. Ce qui représentait jusqu'à il y a peu une ville de tissu allait bientôt être réduit à la taille d'une simple caravane itinérante.

Pour Ieviniae cependant il n'était pas question d'aider aux préparatifs du voyage car elle était chargée d'une autre mission : assurer la sécurité du campement et sécuriser le chemin vers la prochaine étape. Elle patrouillait donc pour le moment au milieu des elfes l'arc en bandoulière et la lance à la main, une arme qu'elle était l'une des seules à manier au sein de la compagnie qui lui préférait l'épée courte. Elle avait laissé la gestion de ses affaires personnelles à certaines de ses sœurs qui ne participaient pas à la mission et en qui elle avait toute confiance. La caledorienne aurait préféré festoyer et chanter avec les autres mais son devoir devait passer avant tout et, bien qu'elle gardait le visage souriant devant tant d'insouciance et d'entrain, elle restait parfaitement concentrée sur son rôle.

Car il ne fallait pas s'y méprendre, le royaume d'Avelorn avait beau ressembler à la définition du paradis sur Terre, de terribles dangers guettaient les voyageurs imprudents sur les sentiers forestiers. Il faudrait certes être particulièrement fou pour oser s'attaquer à un convoi défendu par le prince Tyrion et par Alarielle la Radieuse, mais la folie n'était elle pas le propre des forces du Chaos qui hantaient les sous bois ? Ieviniae avait d'ailleurs pour mission principale de défendre les terres de sa souveraine des horreurs qui parcouraient le royaume, cette journée serait donc peut être pour elle son baptême du feu. Mais la jeune sœur n'en ressentait aucune crainte car elle n'était pas seule et la présence de leur supérieure leur insufflait courage et confiance.

La défense du campement en lui même était confié aux demoiselles d'honneur, il était donc du devoir des sœurs de partir en avant afin de prévenir et débusquer toute tentative d'attaque. La compagnie était divisée en trois groupes qui devaient se porter en avant ou sur les deux flancs du convoi royal. Pour sa part, Ieviniae fut intégrée au groupe qui ouvrait la marche et commandé directement pas Nisaellë. Puisqu'elle ne connaissait pas encore suffisamment bien les sentiers du royaume, la sœur supérieure avait tenu à ce que sa nouvelle protégée voyage avec elle afin qu'elle lui serve de guide et lui apprenne ce qu'elle devait savoir.

Le peuple d'Avelorn vivait en harmonie avec la nature environnante et avait pour habitude de s'adapter à son environnement, cependant des chemins avaient tout de même été tracés au travers des épaisses forêts au fil des siècles permettant ainsi aux elfes de voyager plus facilement d'un point à un autre. Ainsi, il ne s'agissait pas vraiment de crapahuter au travers la dense végétation mais bien de sécuriser le chemin fleuri qui les mènerait d'un point à un autre. Ieviniae avait inversé ses armes pour l'occasion, délaissant sa longue lance pour lui préférer son arc long afin de pouvoir faire face à n'importe quel danger. Elle ouvrait ainsi la marche aux côtés de sa supérieure tandis que les autres gardiennes s'étaient réparties le long de la route.

Bien que potentiellement dangereuse, la mission se déroula sans aucune encombre cette fois ci. Au lieu de croiser la route des créatures les plus viles du royaume, la compagnie croisa au contraire de nombreux groupes d'elfes qui convergeaient vers le convoi de la Reine, des nobles pour la plupart. Ieviniae ne s'y connaissait pas suffisamment en héraldique pour les reconnaître tous, cependant elle pouvait constater aux différentes bannières que les voyageurs provenaient des quatre coins d'Ulthuan. A en juger par le nombre croissant de visiteurs, la cour allait au moins doubler de taille à la prochaine étape. Ieviniae et sa compagnie avancèrent ainsi sans marquer de pause jusqu'à ce que Nisaellë leur indique qu'elles étaient arrivées à destination.

Là, une source d'eau claire jaillissait de la roche en une petite cascade qui venait former un ruisseau tumultueux dont elles venaient de remonter le cours. Sans être une clairière, les arbres étaient un peu plus espacés à cet endroit et permettraient de pouvoir installer les différentes toiles sans aucune difficulté. Et surtout, Nisaellë lui expliqua que non loin de cet endroit se trouvait un lieu sacré où leur souveraine accomplissait des rituels destinés à la protection d'Ulthuan et de son peuple. Un lieu qu'elles étaient entre autre chargées de protéger mais il n'était pas encore l'heure de lui faire découvrir. Avant cela, elles devaient sécuriser la zone et permettre à la cour de poser ses bagages en toute quiétude.

[Ieviniae]

Tout comme elle n'avait pas participé aux préparatifs du départ, Ieviniae ne participerait pas à l'installation du nouveau campement royal car elle était toujours de faction. Postée au niveau de l'entrée nord, la caledorienne devait monter la garde et éviter une attaque alors que la troupe était actuellement vulnérable. Armée de son arc avec une flèche encochée, elle s'était postée sur le bord du chemin. Si elle n'était absolument pas à couvert, il y avait cependant plusieurs de ses sœurs parfaitement dissimulées dans la végétation environnante et prêtes à intervenir au moindre soucis. Cependant il n'y eut rien de particulier à signaler si ce n'est que le flux des nouvelles arrivées au sein de la cour se poursuivait. Ieviniae avait depuis longtemps arrêté de compter mais il était évident que la population à la cour s'était considérablement accrue.

Ce n'est qu'à la nuit tombée alors qu'elle venait d'être relevée de son poste qu'elle comprit pourquoi. En revenant au sein du campement royal, elle constata une activité encore plus intense qu'à l'accoutumée et de nouvelles décorations commençaient à prendre place. Bien qu'il faisait nuit noire au milieu de la dense forêt avelornienne, de nombreuses lanternes magiques et féeriques éclairaient l'intérieur du camp permettant d'y voir sans aucune difficulté, surtout pour un peuple doué d'une vision sur développée. A chaque recoin, des elfes venus de tous les royaumes de l'île-continent jouaient de la musique, chantaient et dansaient gaiement.

Alors qu'elle déambulait ainsi au milieu du dédale des pavillons pour essayer de rejoindre celui de son régiment et y retrouver ses petites affaires, Ieviniae fut emportée par une tempête qui la fit tournoyer sur elle même plusieurs fois. Une tempête aux cheveux noirs qu'elle avait reconnu presque aussitôt et qui s'appelait Khelirie. Cette dernière lui avait sauté au cou en criant son nom alors qu'elle passait devant elle. Sa jeune amie se tenait toujours les bras enlacés autour de ses épaules et avec toujours ce manque de distance.

Oh Ieviniae je t'ai cherché partout, où étais tu encore passée ?

La réponse semblait pourtant évidente puisque la sœur était encore en tenue de combat et armée n'ayant pas eu l'opportunité de se changer. Derrière Khelirie se tenaient deux autres femmes elfes qui semblaient également relativement jeunes pour leur race.

Je viens juste de terminer ma garde et j'allais remonter me changer et me reposer. Que faites vous et que se passe-t-il au juste ?

Nous préparons les festivités à venir en l'honneur de notre reine bien aimée et de notre Mère Isha qui vont accomplir demain les rites du Renouveau. Viens te joindre à nous, je te présente Iarstina et Jocaryn mes deux plus fidèles complices et amies. Nous préparons les colliers de fleurs pour les invités.

Quelle était cette sensation impure qui essayait en cet instant de s'insinuer en elle ? Était ce de la jalousie ? Khelirie lui avait pourtant dit l'autre jour qu'elle était seule comme elle et qu'elle n'avait pas d'amie au sein de la cour. Lui aurait elle menti ou essayait elle encore de la provoquer ? Après cette fraction de seconde, Ieviniae parvint à reprendre ses esprits et à chasser les ténèbres qui essayaient de prendre le contrôle de son cœur pur, puis afficha son plus beau sourire.

Oui ce serait avec plaisir, mais il faudrait que je me mette à l'aise avant je suis un peu encombrée avec tout cet attirail.

Ce n'est pas un problème, nous logeons ici toutes les trois je vais te prêter l'une de mes tenues et tu pourras te détendre un peu.

Comme à son habitude, Khelirie se montrait directive et ne suivait que ses idées à elle. Ieviniae fut embarquée à l'intérieur de la tente par son amie qui lui tenait la main pendant que les deux autres elfes restaient à l'extérieur pour continuer leur œuvre. Le pavillon était bien plus petit que celui dans lequel elle logeait, conçu pour n’héberger que trois personnes alors que le sien pouvait abriter une compagnie entière. Son amie la guida jusqu'au recoin qui représentait son espace personnel et commença à fouiller dans une petite malle d'où elle en sortit une robe légère de couleur rouge rubis. Après le lui avoir donné, Khelirie alla s'allonger sur sa paillasse qui lui servait de lit et sur lequel elle s'allongea langoureusement. Comme beaucoup d'elfe, Ieviniae n'était pas particulièrement pudique et il ne lui était pas difficile de se mettre à nue devant une autre femme, mais son amie qui ne la quittait pas des yeux avait ce don de la mettre si mal à l'aise et de sembler s'en amuser.

Heureusement sa tenue de combat légère et la tenue de son amie tout aussi légère étaient rapides à retirer et à enfiler, aussi il ne fallut pas longtemps à Ieviniae pour se changer tout en essayant autant que possible de se dissimuler derrière des bouts de tissus. La robe était plutôt tape-à-l'oeil et mettait en valeur les formes de la caledorienne. Khelirie se redressa alors sur son lit en faisant l'éloge de sa beauté et fit un signe à son invitée de venir s'asseoir sur le bord, avant de fouiller dans ses affaires de toilette posée sur une petite table à côté. Elle lui tendit une petite brosse à cheveux sachant toute l'importance que Ieviniae leur accordait et la sœur d'Avelorn commença à les brosser afin de leur redonner meilleure allure après une journée de marche en pleine forêt. Après avoir entendu le bruit d'un bocal qu'on ouvre dans son dos, elle sentit ensuite les mains délicate de son amie se poser sur ses épaules à nue. Khelirie lui massa le haut du dos avec un baume au doux parfum et aux propriétés relaxantes qui lui réchauffait tout le corps et en chassait la fatigue. Puis, une fois son œuvre qu'elle maîtrisait à merveille terminée, elle lui glissa autour du cou un collier de fleurs qu'elle avait confectionné un peu plus tôt.

Alors que penses tu de nos compositions ? On compte en distribuer à tout le monde.

Elles sont magnifiques et elles sentent très bon. Vous allez avoir du succès.

Khelirie et Ieviniae allèrent alors rejoindre leur deux camarades qui étaient restées dehors en train de confectionner toujours plus de colliers pour les aider. Ieviniae ne savait pas vraiment comment s'y prendre mais ses trois amies se disputaient le plaisir de le lui apprendre. La soirée se continua ainsi en toute complicité jusqu'à une heure tardive de la nuit où le sommeil vint les gagner toutes les quatre. En cet été éternel qui régnait dans le royaume d'Avelorn, les quatre elfes s'endormirent à la belle étoile les unes contre les autres et cette nuit là, Lileath la mère d'Isha lui envoya un rêve qui la mettait en garde et dans lequel les forces du Chaos tissaient autours d'elle une prison de soie tellement confortable qu'il était difficile de vouloir s'en échapper.

[Ieviniae]

Comme on le lui avait expliqué plus tôt, leur présence en ces lieux était liée à l'existence d'un lieu sacré qui se trouvait à l'extérieur du campement. Il était du devoir des sœurs d'Avelorn d'en assurer la sécurité à tour de rôle et aujourd'hui c'était à Ieviniae de s'y rendre avec un détachement de sa compagnie, toujours sous la supervision de la sœur supérieure Nisaellë. La caledorienne était encore bouleversée de son rêve de la nuit passée, les sensations qu'il lui avait procuré étaient si intenses et réelles qu'elle ne parvenait pas à s'en défaire. Était-ce un simple cauchemar ou bien la blanche Lileath lui avait elle envoyé une prémonition sur des événements à venir ? Ieviniae avait le visage fermé contrairement à son habitude et avait ce pressentiment que quelque chose allait mal se passer. La mission s'annonçait dangereuse, les forces du chaos allaient elles se mettre en travers de leur chemin et tenter de souiller ce lieu si sacré ?

C'est donc avec l'oeil alerte et la main fermement cramponnée sur son arc long que Ieviniae prit la route avec la patrouille. Les elfes remontèrent le cours d'eau qui traversait le campement jusqu'à sa source d'où elle jaillissait d'un rocher puis quittèrent le sentier pour s'enfoncer plus avant dans la forêt avelornienne. Plus elles avançaient et plus la végétation se faisait dense, les branches des arbres commençaient à former une sorte de plafond qui ne laissait presque plus passer la lumière. La progression dans la pénombre était un peu plus difficile et il fallait faire attention à l'endroit où l'on posait les pieds. Le cœur de la forêt était silencieux et semblait absorber le moindre bruit, Ieviniae avait de plus en plus de mal à distinguer et à entendre ses sœurs qui progressaient non loin de là.

Les lieux sacrés sont interdits d'accès même aux elfes et le devoir des sœurs étaient justement d'en garantir l'inviolabilité. Cependant, même si elles ne montaient pas la garde, l'ambiance pesante qui se dégageait de l'endroit aurait fait rebrousser chemin à bien des elfes courageux. Après plusieurs dizaines de minutes de marche la troupe arriva enfin à destination. Ieviniae avait commencé par apercevoir une sorte de lueur bleue et blanche au loin qui contrastait avec les ténèbres ambiantes. Puis, au détour d'un arbre elle avait posé les yeux sur la source de la lumière. Une fontaine se tenait là, seule au milieu des arbres, et une gerbe d'eau resplendissante qui brillait de sa propre lumière s'élevait du sol puis retombait en cascade tout en formant ce qui ressemblait à une silhouette de femme aqueuse. L'eau retombait alors au sol mais sans former la moindre flaque ni le moindre petit cours d'eau. En s'approchant encore plus il était maintenant évident qu'Elle était là devant elle en ce lieu, la Mère de la Terre et de tout les elfes.

Bien que les sœurs avaient le privilège de pouvoir accéder aux lieux sacrés pour en assurer la sécurité, il était naturellement évident qu'il était hors de question de s'en approcher d'avantage bien que Ieviniae se sentait irrésistiblement attirée vers Elle. L'atmosphère du lieu imposait le silence et Nisaellë donnait ses instructions par des gestes, indiquant à chacune l'endroit où elle devait se poster. Alors que la caledorienne prenait place, un mouvement suivi d'un craquement de bois déchira le silence ambiant et la fit sursauter. Toujours sur les nerfs, Ieviniae s'accroupit pour pointer une flèche en direction de l'ombre massive qui se tenait non loin de là et qui faisait la taille d'un arbre. Très vite, elle sentit la main de sa supérieure se poser sur son épaule avant qu'elle ne lui chuchote à l'oreille.

Qu'est-ce que tu fais ? N'insulte pas les esprits de la forêt tu vas toutes nous mettre en danger.

Baissant alors son arc, Ieviniae posa son regard plus attentivement sur ce qui venait d'apparaître et constata la présence d'un homme-arbre qui les fixait inexpressif avant de repartir d'un pas lourd, comme s'il était simplement venu voir si tout allait bien. A côté d'elle malgré sa colère, Nisaellë s'en voulait d'avoir oublié que sa jeune recrue ne connaissait pas encore les forêts d'Avelorn et de ne pas l'avoir prévenue qu'elles n'étaient pas les seules gardiennes de ces lieux. Sans la relâcher, la sœur supérieure plongea son regard dans le sien.

Que se passe-t-il Ieviniae, je te sens perturbée depuis notre départ ?

Ieviniae était incapable de mentir, et comment l'aurait-elle pu de toute manière en cet endroit sous les yeux de la déesse Isha ?

Je crois que la Vierge m'a envoyé un avertissement cette nuit, les forces du Chaos sont à l'oeuvre en Avelorn. Alors j'ai cru que... nous étions attaquées.

Nisaellë continua à la fixer quelques secondes sans rien dire puis hocha de la tête comme si elle prenait acte d'une information. Elle savait sa sœur honnête et ne pensa même pas remettre en cause l'interprétation qu'elle avait fait de son rêve.

C'est le genre d'informations que tu dois partager à ta supérieure, ne le garde pas pour toi en pensant que je pourrais ne pas te croire. Nous serions parties plus nombreuses sinon, alors j'espère maintenant que tu as tort. Sois vigilante.

A son tour Ieviniae acquiesça de la tête et baissa le regard de honte. Elle avait effectivement cru qu'on ne prêterait pas plus d'intérêt que cela à un simple rêve et espérait maintenant qu'elle n'avait pas mit la mission en péril par son inconscience.

[Ieviniae]

Si les missions de surveillance postée ont une importance capitale, elles revêtent également un caractère relativement routinier et donc ennuyant. Une fois en poste il n'y avait pas grand chose de particulier à faire que de scruter le vide en attendant le moindre signe de menace et, quand cela ne se produisait pas, les minutes semblaient des heures. En ces conditions, la vigilance avait tendance à se relâcher et donc le danger n'en était que plus grand. Ieviniae passa donc les heures de la matinée accroupie dans un fourré derrière un vieil arbre à observer le chemin par lequel elles étaient arrivées. La position devenait vite inconfortable, l'obligeant à changer de jambe d'appui régulièrement en faisant bien attention à faire le moins de bruit possible. Les forêts d'Avelorn étaient habituellement pleines de vie mais la caledorienne se rendit compte que ce n'était pas le cas ici, comme si même les animaux de la forêt savaient qu'ils n'avaient pas à s'approcher d'un lieu sacré.

La courte pause de la mi-journée pour se restaurer était frugale, composée d'aliments elfiques capables de vous redonner de l'énergie pour toute une journée. Les sœurs quittaient leur poste par binôme pour manger et s'hydrater afin de ne pas trop dégarnir les postes de surveillance. Ieviniae était ce jour en équipe avec Inarielle, sa voisine de chambre avec qui elle avait déjà tissé des liens. Les deux équipières s'étaient posées dans l'herbe fraîche à quelques pas seulement de la fontaine d'Isha. La caledorienne avait du mal à en détourner le regard tout en mangeant et en discutant avec sa camarade. L'endroit était silencieux et la silhouette féminine s'agitait simplement au rythme de l'eau mais pourtant Ieviniae ressentait cette étrange sensation que le regard de la Mère de tous les elfes était posé sur elle et sur sa compagnie.

Après avoir reprit son poste, la longue surveillance continua aussi monotone qu'avant. Cependant en ces premières heures de l'après-midi la routine fut soudainement brisée par l'apparition dans son champ de vision d'un oiseau blanc d'Avelorn qui venait droit sur elle. Ce dernier volait en dessinant des formes invisibles et en chantant et fut bientôt suivi de plusieurs autres. Ieviniae savait pertinemment ce que cela signifiait et son cœur en bondit d'émotion dans sa poitrine. Très vite, elle aperçut les premières demoiselles d'honneur qui ouvraient la marche dans leur légères armures d'Ithilmar qui leur donnaient l'air aussi terrible qu'elles étaient belles. Et, au milieu de ses fidèles gardes du corps, la Radieuse Alarielle se déplaçait d'un pas léger en rayonnant de lumière. On eut dit que la femme de la fontaine avait prit vie et se déplaçait à présent sous leurs yeux, Ieviniae ne pouvant d'ailleurs s'empêcher de jeter un regard en arrière pour s'assurer que la fontaine était toujours là.

Lui adressant un signe de tête en passant devant elle pour lui signaler qu'elle avait remarqué sa présence, ce qui était une marque d'attention et un honneur immense, la Reine Éternelle alla rejoindre la fontaine sacrée tandis que les demoiselles d'honneur formèrent un cercle autours de celle ci au centre duquel se trouvait leur maîtresse. Ieviniae savait qu'elle devait concentrer son attention de l'autre côté afin de veiller à ce qu'aucune menace n'entrave le rituel mystérieux qui se déroulait dans son dos, mais il était difficile de résister à la tentation de jeter quelques regards par dessus son épaule.

Bien que ne disposant d'aucun talent pour la magie, Ieviniae fut tout de même frappée par la convergence des vents de magie, et plus particulièrement ceux de la Lumière et de la Vie, qui affluèrent d'un coup sur le site et se mirent à tournoyer en la transperçant de part en part. Comment alors se concentrer sur sa mission lorsqu'une bouffée délirante faite d'amour et de douceur vous submerge sans crier gare ? Son esprit fut instantanément transporté loin en arrière dans les montagnes de Caledor où elle pouvait entendre le rire clair de sa mère, voir les cabrioles de son grand frère qui cherchait à l'amuser, et le regard bienveillant de leur père qui ne s'était pas encore privé de la vue. Sa compagnie entière était probablement victime du même charme et tout autant incapable qu'elle de se concentrer sur autre chose que cet état de béatitude. Il n'y avait cependant plus rien à craindre, la puissance de la Reine Éternelle, à moins que ce ne soit celui de la déesse Isha en personne, était tellement imposante qu'il aurait anéanti sur le champs le moindre serviteur du mal.

Ieviniae aurait été bien incapable de dire combien de temps le rituel de purification avait duré et elle se sentait comme si on venait de la tirer d'un rêve agréable lorsque la tempête se calma enfin. Toute la fatigue de son corps s'était envolée et son cœur était purifié de toute noirceur. Quand elle reprit ses esprits, elle se trouvait toujours au même endroit accroupie sous son arbre, et elle n'eut que le temps de distinguer le jupon de la dernière demoiselle d'honneur qui fermait la marche alors que déjà la compagnie était repartie en direction du campement royal. Si le rituel était bien terminé, il n'en était pas de même de leur mission de surveillance et les sœurs d'Avelorn restèrent alors en poste jusqu'à la nuit tombée quand une seconde patrouille vint prendre leur relève.

[Ieviniae]

Cette nuit là, toujours marquée par les bienfaits de la décharge de magie pure qui l'avait frappée, Ieviniae avait reçu de la part de la déesse Lileath des rêves bien plus agréables que la dernière fois. Le repos bien que réparateur fut cependant de courte durée car dès les premières lueurs de l'aube le campement s'agita en tout les sens. Le jour de la fête tant attendue était enfin arrivé et de nombreuses réjouissances étaient prévues au programme. Notamment, les plus grands héros de leur race s'étaient réunis en la cour d'Avelorn afin de s'affronter aux cours de différents concours et ainsi prouver leur valeur.

Encore une fois, Ieviniae ne pourrait pas participer directement aux festivités car elle était chargée d'assurer la sécurité du campement pour en permettre le bon déroulement. Elle était cependant affectée à la sécurité intérieure et pourrait ainsi déambuler à son gré et suivre de loin les événements. C'est ainsi qu'elle parcourut les allées du bivouac royal en arme au milieu de ses congénères qui s'amusaient tout autours d'elle. Ieviniae souriait en croisant nombre d'invités portant autours du cou les fameux colliers de fleurs qu'elle avait confectionné avec ses amies. D'ailleurs, elle fut étonnée de ne pas voir Khelirie débarquer en lui sautant dessus. Cette dernière devait être en train de s'amuser avec Iarstina et Jocaryn probablement.

Alors qu'elle arrivait sur un emplacement de pavillons qu'elle n'avait jamais vu, elle remarqua l'immense bannière flottant sous la brise du vent et dont elle reconnu les couleurs du royaume d'Eataine. Les elfes présents venaient de chaque coins de l'île-continent et c'est alors que Ieviniae se mit en tête de chercher les pavillons de son royaume d'origine. Les caledoriens étaient parmi les plus grands guerriers de ce royaume et il serait étonnant qu'aucun d'entre eux ne soient venus démontrer ses talents supérieurs. Peut être aurait elle le plaisir d'y croiser quelques têtes connues, son cœur désirant secrètement et ardemment qu'un membre de sa famille ait fait le voyage. Après quelques minutes de recherche elle trouva relativement facilement ce qu'elle cherchait et à peine eut elle fait quelques pas au sein du campement caledorien qu'une voix l’interpella sur sa gauche.

Est-ce encore ma vue qui me fait défaut ou bien ma bonne fortune qui me sourit à nouveau ? Ieviniae est ce bien toi ?

Se retournant alors lentement en direction de la voix, elle vit s'approcher vers elle un guerrier. Il était de très grande taille et à la silhouette élancée dont chaque mouvement gracieux était un rappel de sa haute noblesse. Il était vêtu pour la guerre, portant une antique armure dragon d'un vert émeraude qui resplendissait malgré les siècles d'usure et dont les différentes gemmes qui y étaient incrustées brillaient de mille feux. L'épée qui pendait à sa ceinture était une œuvre d'art qu'elle reconnut au premier coup d’œil car son propre père l'avait forgée à l'enclume de Vaul. Arrivé à sa hauteur, l'elfe retira son casque pour se dévoiler, laissant flotter au vent une chevelure noire aux multiples tresses. Le visage du prince dragon était en partie mutilé car son œil droit n'était plus, vestige des terribles batailles qu'il avait mené pour son peuple. Pourtant cela n'enlevait rien à son charisme et Ieviniae reconnu son vis-à-vis immédiatement.

Mon Seigneur ! Cela fait tant d'années, je ne m'attendais pas à vous revoir en ces lieux.

D'un réflexe gardé de ses années de service au près de son maître, Ieviniae inclina la tête et commença à courber l'échine en signe de respect et de soumission. Mais l'elfe lui prit les mains dans les siennes pour la remettre droite et c'est lui qui s'inclina légèrement devant elle en un geste galant normalement réservé aux femmes elfes de la noblesse. La sœur d'Avelorn, surprise et gênée, sentit alors la chaleur monter à ses pommettes.

Allons tu n'es plus une enfant, tu es une élue de sa Majesté la Reine à présent. C'est à mon tour d'être honoré de ta présence.

Après quelques balbutiements dans ses premières réponses, Ieviniae et son ancien maître échangèrent quelques mots. Ce dernier était bien sur venu pour participer aux joutes et faisait parti des favoris, ses exploits guerriers étaient connus à travers tout le royaume et de nombreuses fois il avait combattu aux côtés du prince Tyrion dans les plus terribles batailles contre leurs sombres cousins. Il insista d'ailleurs beaucoup pour qu'elle vienne le voir combattre et Ieviniae lui en fit la promesse. L'attitude de ce noble prince si fier était probablement calculée, souhaitant s'attirer quelque sympathie de la souveraine à se montrer si avenant avec ses protégées. Mais Ieviniae n'était pas rompue aux jeux d'influence de la cour et était bien trop flattée de l'attention qu'un si haut personnage lui portait soudainement pour se poser plus de questions que cela. Elle était également bien trop naïve et insouciante de ces problèmes pour remarquer les quelques regards noirs que des dames de la cour ayant assisté à la scène lui jetaient à son passage.

Poursuivant son chemin elle croisa encore beaucoup de monde sur sa route et put également se mêler à la foule pour assister à quelques tournois. Elle s'attarda principalement sur quelques champions comme ce maître des ombres de Naggarythe qui abattait des cibles mouvantes les yeux bandés, ou ce héros d'Ellyrion qui virevoltait sur le dos de son fidèle coursier elfique, ou bien encore ce colosse de Chrace à la fourrure de lion qui semblait plus fort qu'une montagne. Ieviniae n'avait pas le temps de s'attarder sur les exploits de chacun et elle le regrettait, elle aurait notamment voulu assister à cette course de char de Tiranoc qui promettait un spectacle mouvementé mais elle avait fait une promesse et devait se hâter d'aller patrouiller vers la lice où se déroulait depuis plusieurs heures déjà les fameuses joutes.

Elle avait raté les premiers combats qui attiraient une foule nombreuse et elle dut attendre quelques passes d'arme avant de voir son ancien maître entrer en scène. La règle était simple : le gagnant du duel était le premier à toucher et le combat s'effectuait à l'épée, l'arme de la haute noblesse contrairement à la lance qui était plutôt l'arme des soldats citoyens. Ieviniae se tenait un peu en retrait par rapport à la foule mais sur un petit promontoire de terre car elle ne devait pas oublier qu'elle n'était pas là simplement pour voir le spectacle. Mais sa présence en tant que spectatrice fut rapidement remarquée par la foule lorsque son prince dragon lui adressa un signe comme pour lui dédier sa première victoire, puis les suivantes. Bien que le noble caledorien se battait bien et figurait parmi les favoris, la victoire finale ne lui fut pas destinée et c'est un certain Bel-Fanor, grande lame de Hoeth, qui l'emporta.

[Ieviniae]

Après sa journée de garde qui avait été plutôt agréable au final puisqu'elle avait pu déambuler librement au milieu de la fête, Ieviniae savait qu'elle avait sa soirée de libre pour aller festoyer avec les autres. Quand le soleil se fut couché, elle en profita alors pour retourner à son pavillon afin de se rendre un peu plus présentable. Elle n'était d'ailleurs pas la seule et déjà plusieurs de ses sœurs étaient présentes et se préparaient également à rejoindre les convives. La caledorienne alla s'isoler un instant dans son espace personnel afin de se dévêtir et de déposer son armement. Elle hésita un instant sur la tenue à porter pour la soirée, la robe que lui avait prêté Khelirie était toujours en sa possession mais elle était peut être un peu trop provocante pour passer inaperçue.

C'est alors en fouillant dans sa malle que Ieviniae se rendit compte qu'on lui avait apporté ses nouvelles tenues faites par le maître couturier Penoryar, probablement que ce dernier s'était présenté alors qu'elle était de faction. Elle repéra notamment une robe légère d'un blanc immaculé qui rappelait celles des prêtresses d'Isha, si ce n'est que la sienne avait des reflets de différentes gamme de bleu en fonction de la luminosité. Elle n'avait jamais porté de si beau ni de si élégant vêtement et s'en trouvait émue de l'attention de sa souveraine. Passage obligatoire avant de rejoindre la fête, Ieviniae resta de longues minutes à brosser sa chevelure et à la décorer de multiples tresses. Sans oublier de passer autour de son cou un petit collier de fleurs.

Ieviniae était juste prête pour le grand banquet qui venait conclure cette journée de festivité et qui allait probablement durer jusqu'aux premières lueurs du jour suivant. La température agréable qui régnait en cette chaude nuit d'été et la lumière qui ne quittait jamais la demeure des elfes permettaient de poursuivre la soirée au grand air. Lorsqu'elle arriva les tables étaient déjà dressées et des mets d'un raffinement hors du commun même pour Ulthuan y étaient entreposés. Les tables étaient faites en pierre taillées et sculptées par les artisans haut elfes et s'incrustaient harmonieusement dans ce décor forestier.

La première de ces tables qui se trouvait à l'extrémité ouest était celle de la Reine Éternelle derrière laquelle se tenait immobiles deux demoiselles d'honneur. A ses côtés siégeaient parmi les plus grands princes du royaume comme le prince Tyrion ainsi que les plus nobles familles venues de toute l'île-continent, ainsi que le grande lame Bel-Fanor qui était d'une lignée moins renommée mais qui avait remporté la joute un peu plus tôt et qui se voyait ainsi honoré. A la droite de la Reine se tenait une grande table où mangerait la haute noblesse et à sa gauche une seconde table où mangeraient les favoris de la reine comme le maître couturier Penoryar. Mais surtout, sur cette dernière table, étaient invitées les élues de la Reine, les sœurs d'Avelorn. Puis on trouvait plus loin les tables de la basse noblesse et celles de la roture encore après.

C'est donc non loin de celle à qui elle avait voué le reste de sa longue existence que Ieviniae allait passer une agréable soirée. Le festin royal était animé de la musique et du chant si raffinées du peuple elfique, ainsi que d'autres démonstrations de leur art si supérieur. Recrutées notamment pour leur don en l'un de ces domaines d'excellence, les sœurs d'Avelorn se relayaient afin de faire profiter à l'assemblée de leur grâce. Avait elle vraiment pensé en voyant ses consœurs se donner ainsi en spectacle qu'elle aurait put y échapper ? Se sentant observée, Ieviniae tourna la tête pour s'en assurer et vit qu'Alarielle la fixait du regard avec un sourire sur les lèvres et, lorsque leurs yeux se croisèrent, elle l'invita d'un élégant geste de la main à rejoindre le devant de sa table où se trouvaient quelques musiciennes.

Le cœur battant fort dans sa poitrine et le sang lui montant aux pommettes, la caledorienne s'exécuta afin de se placer aux centres des attentions non seulement de sa souveraine mais de toute l'assemblée. Relevant le bas de sa robe, elle s'agenouilla alors dans l'herbe fraîche face à la Radieuse Alarielle. Les premières notes claires des instruments elfiques résonnèrent alors dans le sous bois et, après une courte inspiration, la voix cristalline de Ieviniae se libéra à son tour.

J'ai regardé de mes yeux le jour s'assombrir
Les ténèbres envahissent les monts de Caledor
Aucun dragon aujourd'hui pour nous secourir
Le temps est passé de notre glorieux Âge d'or
L'ombre s'étend maintenant sur nos souvenirs
Nous sommes assiégés de tous les bords

Pourtant dans la nuit j'ai vu une lumière doré
Croissant de Lune qui nous montre le chemin
La Vierge est toujours présente à nos côtés
Dans le pays des rêves elle tisse notre destin
Oh Lileath tu nous inondes de tes bienfaits
Au pays des rêves nous préparons notre regain

Une fois que sa voix retrouva le silence, le regard bienveillant de la souveraine éternelle était toujours posé sur elle et semblait la remercier. Après une courte révérence, Ieviniae céda sa place à deux de ses sœurs qui venaient maintenant danser. Alors qu'elle retournait à sa place l'esprit encore confus de sa mise en avant, une ombre lui attrapa la main avant qu'elle puisse s'asseoir. Se retournant, elle vit que son ancien maître se tenait à ses côtés vêtu d'une somptueuse tenue d'un vert de Caledor.

Cela fait trop longtemps que je n'avais entendu cette si douce voix. Je vois que tu n'as pas oublié les chants de ton pays de naissance. Allons, dansons ensemble à présent.

Ce n'était pas vraiment une proposition, le noble caledorien lui faisait part de son exigence et elle ne pouvait qu'accepter de danser maintenant avec lui. Mais en réalité cela était plus un honneur qu'une contrainte et probablement que Ieviniae n'eut jamais rougit aussi fort, bien qu'elle soit coutumière du fait.

Oh mon seigneur, je suis bien plus piètre danseuse que chanteuse.

Mais il ne fit que peu de cas des plaintes de sa cavalière qu'il amena avec lui au milieu des autres elfes qui dansaient déjà. Ieviniae était particulièrement mal à l'aise, elle savait que son maître était un danseur émérite et qu'il avait pour habitude de danser avec des hautes dames elfes qui dansaient bien mieux qu'elle également. S'il en fut gêné il n'en montra rien cependant, contrairement aux regards assassins qu'elle recevait de la part de celles qui auraient tué pour être à sa place. Il lui accorda ainsi plusieurs danses avant de devoir céder aux supplications de ses prétendantes et ne pas leur faire insulte. La caledorienne alla alors retrouver sa place avec une étrange légèreté dans l'esprit comme si, comme elle l'avait chanté un peu plus tôt, elle avait rejoint le pays des rêves.