[Naissance des Nations] [Tristepanse] La meilleure des vies (Westermark)

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Depuis la Déchirure jusqu'à la création de l'Empire et de la Bretonnie, revivez ces âges passés de légendes.

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[MJ] La Fée Enchanteresse
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Re: [Naissance des Nations] [Tristepanse] La meilleure des vies (Westermark)

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« Une Halfeline ? »

La maman de Sirrah avait répété cette même phrase avec un mélange d’étonnement et de colère — un peu la voix que ferait quelqu’un qui n’avait pas compris, mais qui était aussi ennuyée de ne pas comprendre. Alors que Susi avait guidé sa main sur sa tête, voilà que la femme se penchait sur le bout de son siège, et qu’elle mettait sa deuxième sur son visage. Elle lui touchait alors, du bout du pouce, ses sourcils, ses lèvres, ses joues, en hochant succinctement la tête, à chaque phrase que Susi donnait sur sa vie et la raison de sa présence.
Et puis, il y eut un instant de silence, où Susi se contentait de se faire tripoter le visage, l’aveugle lui pinçant les joues, filant ses phalanges le long de sa mâchoire. Une chose assez déconcertante, sûrement qu’un humain aurait été tenté de mettre fin à l’échange en décrochant un bon coup de poing — il y en avait un grand nombre qui n’étaient pas tout à fait tactiles

Mais finalement, la grande dame lâcha juste Susi, et chassa l’air avec sa main. Et elle se mit à se plaindre en parlant à toute vitesse dans sa langue à elle.
Sirrah souffla.

« Ce n’est pas très poli de converser dans une langue étrangère devant des invités, mère.
– Ma fille qui va m’apprendre à me tenir ! Ma propre fille qui va m’apprendre à me tenir ! » qu’elle répétait deux fois, avec une sorte de bruit avec ses lèvres, pour marquer sa désapprobation.
« Tu m’appelles Zaniab. Qu’est-ce que Sirrah t’as dit sur cette lampe ? »

Qu’est-ce qu’elle avait dit sur cette lampe ? Eh bien, rien au fond. Rien. Que c’était une lampe en or. Susi ne pouvait même pas mentir, ou inventer quelque chose — c’était là tout le détail qu’elle avait donné.

« Bon, bon… Et c’est quoi le rapport avec moi en fait ?

– Tu as conté la bonne aventure à quelques marchands. Faut juste que tu leur demandes de passer les prochains jours au cirque.
– Comme tu y vas ! J’ai la tête à rabattre, moi ?! Moi je fais ça ?!
– Non, mais hé, peut-être que tu préfères payer quelqu’un pour aller récupérer ta lampe ? »

Susi avait beau ne pas parler un traître mot de la langue aux deux femmes noires, elle pouvait être persuadée dans son for intérieur que les mots sifflés qui fusèrent de la bouche de Zaniab étaient quelques insultes interjetées.


Assise en tailleur par terre, Sirrah commença à demander tout simplement sur quelle main elle souhaitait le tatouage. Est-ce que ça avait la moindre importance ? En rigolant, Sirrah assura que le motif n’avait aucun risque, alors, la Halfeline tendit sa dextre. Alors, la jeune femme laissa Susi reposer son poignet sur un petit coussin, et soigneusement, elle trempa la pointe de sa plume dans le petit bocal. Tout doucement, elle commença à dessiner des petits points sur chacune de ses phalanges.
Ça ne faisait pas mal. La damoiselle expliqua que le tatouage ne rentrait pas à proprement parler dans la peau, et qu’il disparaîtrait dans deux ou trois semaines. Elle lui préconisait de laver le tout non à l’eau, mais à l’huile d’olive — assez compliqué, parce que le cirque n’avait pas d’huile d’olive. Mais peut-être que du saindoux ferait tout aussi bien l’affaire ?
Puis, il y eut la discussion sur ce qui serait le plus joli à avoir sur la main. Les deux se renvoyèrent la balle, selon si c’était mieux d’avoir des fleurs ou des piafs. Tandis qu’elles débattaient un peu, du coin de l’œil, Susi pouvait observer Zaniab — l’aveugle était en train de se coiffer. Sans se regarder dans le miroir, avec une simple brosse et ses doigts, elle défaisait le bandeau autour de son front pour adroitement remettre en place ses mèches frisées. Elle devait avoir appris à faire ça depuis tellement longtemps, pour ainsi prendre soin d’elle sans nécessiter la vue…
Finalement, Sirrah se décida de dessiner des oiseaux. Susi dit qu’elle aimait bien les pies, mais Sirrah parvint à la convaincre de représenter une huppe le long de sa main.

Alors qu’elle s’attelait précautionneusement à faire couler l’henné en de fins traits le long des doigts de la Halfeline, les deux filles se mettaient naturellement à papoter. Même si la tatoueuse se taisait de nombreuses fois, préférant tirer la langue et bien se concentrer sur son œuvre (Ce serait bête de rater un dessin qui resterait au moins quinze jours sur la main de sa comparse…), Susi parvint bien à faire assez sourire la Sirrah pour qu’elle laisse s’échapper quelques indices sur son histoire.

« La huppe c’est un oiseau qu’on voit beaucoup en Arabie. Ils font ça les oiseaux — ils sont ici en été, puis en hiver ils descendent en traversant la mer, pour se mettre au chaud.
Il fait tout le temps chaud, en Arabie. J’ai passé mon enfance dans une grande ville, il faisait toujours bon. Et pourtant tout pousse là-bas. Y a des jardins et des fruits à perte de vue. Avec maman on a passé les deux dernières années dans le pays des Bretonni, c’est… Disons que c’est moins riche. »


Sirrah tourna la tête à droite pour observer sa mère. Mais l’aveugle continuait gentiment de se peigner, sans prêter attention à leur discussion.

« C’est elle qui m’a appris le henné, tu vois ? Pareil pour les marques sur mon visage. Ou comment filer nos vêtements, aussi. J’ai plus mis les pieds en Arabie depuis que je suis gamine, et pourtant, on a l’impression que j’en débarque tout juste, pas vrai ?
– Notre peuple est un peuple de nomades », répondit Zaniab, qui en réalité écoutait tout à fait leurs échanges. « On a pas de pays, ce qu’on est c’est tout le reste — comment on s’habille, ce qu’on mange, ce qu’on prie… Nous ne sommes pas loin de chez nous, parce qu’on en a pas, de chez nous. »

Malgré son accent, elle aussi était tout à fait compréhensible en reikspiel. Elle était capable de sortir des phrases construites, qui sonnaient juste à l’oreille.

« Enfin, c’est pratique, parce que quand on arrive toutes les deux en ville, ça fascine les gens. On est vraiment pas le genre à passer inaperçues, tu t’en doutes bien. Ça permet à maman d’utiliser ses dons — on a toujours à manger grâce à ça, on manque rarement de quelque chose. »

Naturellement, Susi se demandait ce qu’elles faisaient ici, dans le Westermark. Sirrah sourit, avec un tout petit rictus au fond de la gorge.

« Je me le demande bien aussi, à vrai dire. C’est maman qui choisit où nous allons. Moi je suis bien forcée de la suivre, et ce n’est pas comme si mon avis importait pour elle… »

Zaniab jura dans sa langue. Sans même se tourner pour leur faire face (Est-ce que ça avait du sens, quand on était handicapé par la cécité ?) elle pesta et donna des explications un peu plus claires à Susi :

« Ma fille fait la peste aujourd'hui, ne l’écoute pas.
Je suis née sous les étoiles, en Arabie, mais j’ai eu le malheur de tomber amoureuse d’un homme — son père. C’est le souci qu’ont tous les nomades de la Terre, ils ont tout mais rien ne leur appartient ; eh bien moi, je désirais un homme, et pour l’avoir j’ai été forcée de quitter les miens, puis, un jour, de traverser la mer pour vivre avec lui.
C’était une belle vie, mais il est mort, et il m’a laissée seule. Je sais que je ne pourrai jamais rejoindre les miens, pas même en traversant en sens inverse un océan puis un désert. Trop de temps s’est écoulé, et ils ne reconnaîtraient jamais Sirrah comme une des leurs ; le sang est plus important que tout, pour eux. Alors, à défaut de pouvoir rentrer quelque part, on erre. »


Sirrah eut un petit sourire en coin. Un peu taquin. Mais un peu triste, aussi.

« Enfin, c’est pas un malheur. J’ai connu les terres de Sigmar pendant très longtemps ; Mon papa c’était un marchand de Mariusbourg, en fait, et j’ai passé quelques saisons dans le Westerland. Lorsqu’il est mort, maman a décidé de partir chez les Bretonnis — ils ont un tout nouveau pays tout neuf, ils se sont même inventés un calendrier, presque aussi vieux que moi. C’est marrant à voir, un pays qui naît. Plein de choses changent partout en ce moment, ça me plaît de voir tout ça de mes propres yeux.
Mais maman a décidé qu’elle en avait assez, alors voilà, Westermark. Je sais pas où on ira après. On fera peut-être le chemin inverse du tien. »


Quelque chose comme trois quarts d’heures plus tard, Sirrah avait terminé le dessin à l’henné. Elle sourit avec une très grande fierté, et remballa soigneusement ses affaires.
Des arabesques d’un marron léger maculaient toute la main de Susi. Des petits points grossissant jusqu’au dos de sa main, pour représenter petit à petit les ailes battantes d’un oiseau à la crête presque carrée, le bec dirigé vers le ciel. Elle avait fait quelques petites vagues pour représenter ses plumes et son collet.
La tatoueuse lui donna quelques conseils pour bien l’entretenir et faire que le dessin dure le plus longtemps possible. Et puis, venait finalement le temps pour elles de se séparer, Sirrah promettant bien de passer au cirque pour le Festag dès demain, afin de voir le tour de la Halfeline.

Tandis que la fille se faufilait derrière la toile de la tente, Susi fut gagnée par une sorte de curiosité. Elle s’approcha de la mère, qui attendait tranquillement sur son siège, et elle demanda comment cela se passait pour se faire conter la bonne aventure.
Un grand sourire apparut sur le visage de Zaniab. Elle fit un geste de la main, et rassura distraitement sa nouvelle cliente.

« Ne me paye rien. D’abord je lis, et c’est si je vois quelque chose que je te demanderai des sous pour te l’apprendre. »

Zaniab leva sa main, et désigna une direction devant elle — il fallut un petit instant à Susi pour comprendre qu’elle désignait un siège, un peu trop grand pour elle. Après l’avoir grimpé, ses jambes un peu balancées dans le vide, la voyante hocha de la tête.

« Bien. As-tu déjà rencontré une voyante ? Sûrement ; mais moi je ne fais pas comme celles que tu as dû voir. Je ne veux pas savoir sous quel astre tu es né, je ne regarde pas les étoiles, ni les cartes — et comme tu l’as remarqué, j’ai de toute façon du mal à regarder quoi que ce soit. »

Elle sourit à sa propre blague.

« Moi, en fait, je ne suis pas une voyante, vu que je suis aveugle. Mon talent, c’est plutôt de toucher. Mes doigts retiennent tout, là où mes yeux me handicapent. Mon époux, je ne l’ai jamais vu de mes yeux, et je savais pourtant qu’il était beau à force de le toucher.
Donne-moi ta main. »


Elle attrapa gentiment la main de Susi, et la retourna pour découvrir sa paume. Alors, elle posa un doigt dans le creux, et commença à la masser.

« Ne dis strictement rien.
Non, ce n’est pas important de ne rien dire, mais tu parles trop et ça me fait mal à la tête. »


L’indélicatesse de la voyante dans ses paroles ne se traduisait pas dans ses gestes. Elle demeurait douce, et soigneuse. Elle suivait les lignes de la main de Susi, dessinait autour des sillons de son épiderme. Et elle semblait intensément se concentrer.
Elle dodelina de la tête. La fit basculer en arrière. Murmura des mots dans sa langue, en roulant des syllabes difficiles à retranscrire.

Elle grimaça. Et, au bout d’un instant, parla un peu en reikspiel.

« Tu as des mains très douces. Très fines. C’est étrange — on dirait des mains d’un enfant, mais tu as la voix assurée d’une jeune fille.
C’est une bénédiction et une malédiction tout à la fois. Tu es vive, toute pleine de force… Tu dois avoir beaucoup de rêves… Et tu dois être à l’âge où tu te demandes si tu pourras les suivre, ou si tu vivras avec des remords…
J’ai touché ton visage… Tu es jolie, Susi. Est-ce que c’est la question à laquelle tu souhaites une réponse… Est-ce qu’un homme saura que tu l’es ? Je peux essayer de voir, je peux tenter de…
Je peux… Tenter de… »


Elle se mit à froncer des sourcils. À prendre une mine de colère. Puis, elle semblait tout à coup plutôt… Interloquée ? Elle grimaçait. Et soufflait, toujours en reikspiel.

« C’est… C’est vraiment étrange, je…
D’habitude je vois toujours quelque chose. Là, rien. Rien du tout… »

Elle lâcha lentement la main de la Halfeline. Soupira.

« Je suis désolée… Je dois être fatiguée, ou autre chose…
Au moins tu sais que je ne t’ai pas escroquée. »


Elle hocha des épaules.

« Si tu désires me ramener ma lampe à huile — si tu aides Sirrah à le faire… Peut-être que ce serait plus simple pour moi. Je pourrai te révéler bien des choses alors. »

Elle tendit sa main pour serrer celle de la Halfeline, et les deux pouvaient ainsi se séparer.
Il était temps pour Susi de retourner au cirque.



Le temps de la collation et de son tatouage, le cirque Bonchardon n’avait vraiment pas chômé. En retournant tranquillement sur ses pas, retraversant tout Baerenthal pour retrouver le sentier qui sortait des grandes portes qu’elle avait franchit, elle découvrit un peu au loin, sur un terrain en jachère, le piquet d’une tente.

Finalement, les aînés s’étaient arrangés pour trouver un coin où tout mettre en place. Ce n’était pas la localisation idéale — la Vaswasser était un peu loin, et il faudrait que des jeunes se chargent d’interminables aller-retours pour ramener des baquets d’eau pour la soupe ou la toilette. Mais enfin, c’était souvent ainsi, quand un cirque arrive, il s’installe là où il peut, pas forcément là où il souhaite…
…Au moins, son rabattage peu fructueux lui avait permis d’échapper aux corvées les plus ennuyantes. Ses deux grands frères, elle les croisa en train de suer pour clouer de la toile et mettre en place des petits chapiteaux. Aucun doute qu’elle n’aurait pas le luxe de tirer au flanc toute la semaine — chaque corvée qu’elle évitait à présent la rendrait forcément tributaire plus tard, il fallait juste négocier pour obtenir les meilleures.
Drido était d’ailleurs trop occupé pour parler tout de suite avec Tristepanse : il s’occupait de creuser les latrines avec l’aide d’autres. Sa mère était de corvée d’épluchage des légumes, et pour le repas de ce soir, il était peut-être conseillé d’aller faire plaisir à maman en lui donnant un salutaire coup de main.

Nul doute que Susi aurait envie de montrer son tatouage à tout le monde, et d’expliquer à chacun sa journée. Tout le monde devait bien être curieux d’à quoi Baerenthal ressemblait.
Elle passa devant le chariot où il y avait un peu de ses affaires (Même si les Halfelins ont une vision bien singulière de la propriété personnelle), et puis, distraitement, elle sortait le miroir emprunté à Zaniab pour voir si elle était toujours bien coiffée.

C’était bête, de garder un miroir cassé. Surtout que si on voulait garder ce joli manche en bois d’ébène, il n’y avait qu’une vitre à remplacer.
Mais c’était marrant ; selon comment Susi tenait le miroir, pour passer d’un fragment fendu à un autre, elle avait l’impression que son visage changeait de forme. Là elle avait un tout petit nez, et dans un autre éclat, il était énorme. Peut-être que ça amuserait le bébé Calvin, lui qui adorait quand ses parents faisaient des grimaces au-dessus de lui.
Et puis, en regardant dans un des éclats, elle vit un autre visage que le sien.

C’était un visage pâle au point d’être grisâtre, au crâne glabre, d’un homme aux grandes oreilles. Un cercle dessiné sur un front sans sourcil. Un homme aux longs ongles qui ressemblaient à des serres de rapace, et portant un singulier costume sombre.
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L’homme ouvrit ses yeux. Ils avaient des prunelles noires, noires comme le ciel les nuits sans Mannslieb. Il se mit à plisser ses lèvres pincées, décharnées, dans une sorte de grimace, et il prononça une seule phrase d’une voix grave, froide, qui semblait plus être chuchotée dans le creux de ses oreilles que véritablement provenir de sa bouche reflétée dans le miroir :

« Pourquoi demandes-tu la vue aux aveugles ? »

Jet de charisme de Susi : 7. Trois réussites constantes d’affilée sur Sirrah, tu sais te rendre agréable toi.

Invocation cachée de Zaniab.
Résistance à la magie opposée de Susi: 2, large réussite.

Jet de connaissances générales Empire : 1, réussite critique. Bon bah, c'est parfaitement clair.
Tu sais ce qu'est Mariusbourg, comme tous les gens de l'Empire, mais t'as tellement retenu les histoires passionnantes de Beauconteur que t'es incollable dessus.
Tu sais que les Jutones étaient un peuple de barbares qui ont refusé de suivre Sigmar ; Ils ont tellement refusé de suivre Sigmar qu'ils ont fuit dans un pays de marais, d'ailleurs leur Roi Légendaire, Marius, il était surnommé le Loup des Marais. Et ils ont créé leur ville selon son nom.
Cinq cent ans plus tard, l'Empereur Sigismond le Conquérant, oui, le même qui a fondé le Westermark en bottant les fesses des Bretonni, il a aussi botté les fesses au Roi des Jutones, qui s'est agenouillé et est devenu baron du Westerland, une énième province de l'Empire qui semble s'étendre partout.
Mariusbourg est une ville de marchands. Même si la région est dangereuse, hostile, peu fertile, et souvent attaquée par d'autres païens (Les Bretonni et les Norsii), elle contrôle l'embouchure du Reik, et rien que ça, ça suffit à avoir du poids pour attirer des bateaux. Il est peu étonnant qu'un marchand ait pu ramener une femme noire d'aussi loin et la faire vivre chez lui.
Ce qui est plus étonnant, c'est que Sirrah insiste pour dire qu'elle n'a jamais vu de Halfelins, et t'as vraiment pas l'impression qu'elle te ment. D'accord, tu peux admettre qu'en Bretonnie y a peu de Halfelins (Pour ce que t'en sais…) et admettons, elle a passé le plus clair de son enfance en Arabie, et il y en aurait pas là-bas non plus. Mais enfin, jamais un seul Halfelin à Mariusbourg ? Genre même pas un tout seul dans la rue ? Même si les Bonchardon n'ont jamais mis les pieds là-bas, y a forcément un autre cirque ou groupe de voyageurs Halfelins qui est passé dans ce bourg. Sirrah elle devait vraiment pas beaucoup sortir les Festag...
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Susi Tristepanse Bonchardon
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Re: [Naissance des Nations] [Tristepanse] La meilleure des vies (Westermark)

Message par Susi Tristepanse Bonchardon »

C'était un peu bizarre de me faire tripoter le visage comme ça par la maman de Sirrah. Qu'elle tâte mon front avec le bout de son index, c'était rigolo oui, mais quand elle me pince les joues avec ses doigts je peux pas m'empêcher de faire une grimace. J'ai pas pu non plus retenir un rire soudain quand elle a caressé ma lèvre inférieure avec son pouce parce que je suis chatouilleuse à cet endroit. Ayant un peu peur d'où pourraient encore aller se fourrer ses doigts, j'ai cherché de l'aide en croisant le regard de ma nouvelle amie. En réponse, elle a juste haussé les épaules et m'a fait un petit sourire de soutien. J'avais pas envie de la vexer alors j'ai rongé mon mors, en attendant que la grande dame aux couleurs chatoyantes s'arrête et en espérant très fort qu'il lui viendrait pas non plus l'idée de découvrir mes narines - il fait froid dehors en cette fin d'hiver, et c'est un peu liquide là-dedans.

Je suis pas sure qu'elle fut vraiment satisfaite de son exploration tactile, parce qu'après qu'elle eut fini, elle a dit plein de mots dans sa langue, et j'ai assez voyagé pour savoir que lorsqu'on se met à parler dans sa langue natale c'est souvent parce que c'est instinctivement dans celle-ci qu'on préfère jurer comme un charretier. Elle est un peu intimidante parce qu'elle rouspète beaucoup, mais Sirrah doit avoir l'habitude parce qu'elle lui tient tête sans sourciller.

N'empêche que les mots de Zaniab me font réfléchir. Sirrah, elle avait pas voulu parler de la lampe tout de suite, elle était restée évasive longtemps sur la nature de ce que le prêtre avait volé. Et sa maman, sa première question, c'était de savoir ce que sa fille m'avait révélé au sujet de cet objet. Sauf que c'est pas une question qu'on pose quand il n'y a rien à savoir, justement. Si c'était "juste une lampe", c'est pas quelque chose qu'elle aurait demandé, parce qu'une lampe normalement c'est pas vraiment mystérieux. Je lui ai répondu la vérité la plus stricte : je sais juste qu'elle est dorée, qu'elle fait de la lumière avec de l'huile, et qu'apparemment elle y tient beaucoup. Si elle avait rebondi sur ma réponse pour m'expliquer pourquoi elle y était sentimentalement attachée, ça aurait donné du sens à sa question, mais vu qu'elle ne le fait pas ça me rend suspicieuse : ça veut dire qu'il y a quelque chose à cacher au sujet de ce que je dois voler, et que Zaniab a eu peur que Sirrah m'en parle. Du coup, pendant qu'elles se disputent mon imagination part un peu dans tous les sens : peut-être que la lampe était gravée des initiales de son amant secret, dont l'identité ne devait jamais être révélée ? Ou peut-être que dedans, au lieu de l'huile, elle a caché une carte au trésor ? Ou alors c'était la lampe personnelle d'un empereur, et elle vaut bien plus cher qu'elle en a l'air ? Du coup, j'ai encore plus envie de la chaparder qu'avant maintenant.

Finalement, elles ont arrêté de se disputer, et on s'est assises sur le sol avec Sirrah pour qu'elle me fasse les dessins au henné sur la main. J'avoue qu'au début je suis restée un peu hypnotisée par sa maman : c'est dur de réprimer ma curiosité vis-à-vis de son quotidien avec son handicap. J'ai déjà rencontré quelques aveugles, mais j'ai rarement fait ample connaissance avec eux, et j'ai encore moins eu l'occasion de les voir évoluer dans leur environnement. Quand elle marche, on voit qu'elle connait chaque parcelle de sa tente parce qu'elle n'hésite pas une seconde sur la direction qu'elle doit prendre ou le nombre de pas à faire avant de se saisir d'un objet ou d'un autre. Je comprends alors qu'elle est obligée de toujours ranger ses choses à des endroits précis pour pouvoir les retrouver ensuite : impossible de laisser trainer quelque chose au sol, au risque de ne plus le retrouver, ou de buter dessus en marchant. Quand elle se brosse, elle utilise sa seconde main pour guider la première : c'est en touchant les choses qu'elle les voit, comme lorsqu'elle m'a tripotée tout à l'heure. J'aurais aimé lui poser mille questions, mais elle se tient à l'écart de Sirrah et moi, et je suis pas sure qu'elle m'apprécie beaucoup, alors je préfère discuter avec sa fille, même si elle a besoin de rester concentrée pour réussir son œuvre.

On parle de plein de choses. Du henné bien sur, mais aussi de son pays natal. Zaniab intervient parfois avec une attitude mi-figue mi-raisin, ce qui me fait penser que même si elle joue les bougonnes, nos discussions l'intéressent assez pour y participer. J’apprends qu'à l'instar des halfelins, les humains d'Arabie sont aussi des nomades qui arpentent les routes. Et tout comme un cirque halfelin divertit beaucoup les gens des villes, une diseuse de bonne aventure exotique rencontre la curiosité de quiconque cherchant à tromper l'ennui de son quotidien.

En les écoutant, j'apprends peu à peu leur passé. Zaniab était une nomade arabéenne, qui est partie vivre à Mariusbourg lorsqu'elle a reçu le baiser de Rhya de la part d'un marchand impérial, mais ce dernier a été sauvé par Morr il y a deux ans. Devenue corneille et incapable de retourner dans son pays d'origine à cause du métissage de sa fille, elles sont alors parties errer deux ans en Bretonnie avant de revenir dans l'Empire, ici, au Westermark. Même si Sirrah dit que sa vie lui convient, je trouve quand même que c'est un peu triste de voyager à deux seulement, pendant aussi longtemps : une famille c'est plus rigolo quand on est nombreux. J'ai eu envie de les inviter à rejoindre le cirque, mais j'ai pas osé, parce que Zaniab me fait un peu peur, parce qu'elles m'ont dit qu'elles voulaient aller vers l'est et pas l'ouest, et puis je sais pas si papa et maman seraient d'accord qu'on adopte des humains, même si la divination apporterait un plus à nos numéros.

Le dessin de Sirrah était absolument magnifique. Je crois que j'ai passé plus d'une minute à juste regarder ma main sous toutes ses coutures en ponctuant mon observation d'un mélange d'exclamations extatiques et de jurons admiratifs. Je regrette pas une seconde de lui avoir cédé ma bouteille de lait de Moute, Poppy et les autres cousines vont être trop jalouses quand je vais leur montrer ça, c'est juste sublime. Une fois que j'ai fini d'expliquer à Sirrah combien son œuvre est belle, j'écoute attentivement ses conseils d'entretien : hors de question de perdre ne serait-ce qu'une journée de ce dessin sur la main, dussé-je aller acheter moi-même de l'huile d'olive au marché de Baerenthal.

Tandis qu'elle se faufile à l'arrière de la tente, je n'arrive pas à quitter les lieux immédiatement : depuis qu'elle m'a révélé que sa maman pouvait lire l'avenir des gens dans les étoiles, je peux pas m'empêcher de désirer qu'elle le fasse pour moi. A cause de mon physique, j'ai peur que jamais aucun halfelin ne tombe amoureux de moi, alors j'aimerais bien lui demander si dans le futur j'arriverais quand même à rencontrer quelqu'un. Mais au moment de lui demander, elle me fait un peu peur avec ses yeux blancs, et puis j'ai un peu honte de parler de cœur avec elle parce que j'ai pas envie qu'elle le répète à Sirrah après, j'ai envie d'impressionner ma nouvelle amie, pas d'être ridicule. Du coup, je reste un peu vague, et la questionne sur mon avenir en général, sans évoquer de détails particuliers.

Alors que Zaniab me prend la main pour la tripoter à son tour, elle dit un truc bizarre. Elle avoue qu'elle ne lit pas dans les étoiles mais dans les lignes de la main. C'est logique vu que ses yeux ne voient rien, qu'elle ne puisse plus regarder les astres pour connaitre mon futur, mais Sirrah m'avait pourtant bel et bien parlé d'étoiles j'en suis sure. Au final, c'est pas un quiproquo très important, alors je hausse les épaules toute seule et je me concentre plutôt sur la voix de la voyante.
Au début elle est pas très gentille. Elle dit que je parle trop, alors que c'est pas vrai, c'est juste elle qui est ronchon, je lui aurais bien expliqué que si je lui présentais l'oncle Drido elle saurait ce que c'est que quelqu'un de bavard, mais je pouvais pas faire ça sans parler, alors c'était frustrant. Ça aurait été Sirrah, j'aurais pu essayer en jargon des voleurs, mais je suis pas sure que Zaniab elle le connaisse. Et puis elle garde l'une de mes mains prisonnière alors j'aurais pu faire que du demi-jargon. Et elle est aveugle aussi.
De toutes façons elle est devenue plus gentille ensuite. Elle explore ma main tout doucement, pas comme avec mon visage. Elle me dit que j'ai les paumes douces, que j'ai de l'assurance dans la voix, que je suis énergique et rêveuse. Je suis très impressionnée, parce que c'est exactement moi qu'elle décrit, je me reconnais totalement, ça se voit que c'est une magicienne très forte. Mais quand elle dit que je suis jolie, ça me fait bizarre. Sans trop m'en rendre compte, j'arrête de respirer, et puis j'ai le rouge qui monte aux joues - heureusement elle peut pas le voir. Par réflexe j'ai envie de lui répondre qu'elle se trompe, mais j'ose pas de peur de la vexer : c'est sur que je suis pas jolie, toute ma famille le dit tout le temps, et puis les garçons que j'ai rencontré m'ont toujours ignorée ou repoussée. Si Zaniab lisait les lignes de mon ventre informe ridicule, elle verrait sans doutes mieux qu'avec celles de ma main. Mais quand elle me dit être capable de voir si un homme verra ma beauté un jour, je panique presque. J'ai vraiment envie qu'elle me le dise, mais j'ai aussi très peur d'apprendre que la réponse soit négative. Je veux pas être condamnée à savoir que je serais toujours toute seule, ça me rendrait trop triste. J'ai changé d'avis, je veux plus savoir, je...

Zaniab fronce les sourcils. Elle a pas l'air contente.

Je rate un battement de cœur. Mes mains se jettent sur ma patte de taupe et la serre frénétiquement, comme un à un rocher dans la tempête. C'est sur, elle a vu quelque chose d'affreux. Genre elle a vu que mon prince charmant était un ogre qui m'avouerait son amour en me dévorant toute crue.

Mais en fait non. Elle est juste contrariée parce qu'elle arrive pas à voir mon futur dans mes mains. Ça a l'air de vraiment la perturber, alors je suppose que ça ne doit pas arriver souvent. Et puis elle m'avoue que si je retrouve sa lampe à huile, elle y arrivera sans doutes mieux.

Après l'avoir remerciée, je pars vers le cirque un peu songeuse. Dans les histoires de papy Beauconteur, il y a souvent un héros dont les voyants n'arrivent pas à prédire l'avenir, parce que son futur est tellement incroyablement grandiose que c'est pas concevable même avec de la divination. Papy dit que ça crée du mystère dans le récit, ça permet de donner envie de connaitre la suite. Peut-être que moi aussi une grande aventure m'attend bientôt et que c'est pour ça qu'elle peut pas la voir. Et en même temps sa dernière phrase me laisse songeuse : pourquoi une lampe à huile l'aiderait à mieux voir mon avenir ? Soit elle me joue un air pour me motiver à chaparder son trésor, soit... soit c'est une lampe divinatoire magique. Peut-être que c'est pour ça que le prêtre l'a prise : peut-être que lui aussi il veut savoir s'il trouvera l'amour un jour mais que Sigmar lui interdit de le demander directement à une arabéenne, alors il lui a volé la source de sa magie. Ça se tenait.

Toute à mes réflexions et conjectures, je ne me suis pas rendue compte que déjà j'avais retraversé toute la cage pour retourner près des miens. J'ai du partir deux heures environ, mais la famille avait déjà abattu un sacré travail : déjà les chapiteaux commençaient à se dresser, les latrines se creusaient, le repas se préparait, les stands se montaient.

Avant de les rejoindre pour les aider, je suis passée en vitesse à mon chariot pour faire l'inventaire de ma besace. Nous les halfelins, on a tendance à chaparder des choses sans trop faire attention, parfois pour protéger un objet qui aurait pu tomber, parfois parce que ça trainait et qu'il faudrait penser à le ranger plus tard, parfois parce que c'était moche là où c'était et que ça ferait plus joli ailleurs. Le problème, c'est qu'à force de rendre ainsi service, on oublie souvent ce qu'on a pris et où et pourquoi, alors on est nombreux à aimer le soir vérifier le contenu de nos poches pour se rappeler ce qu'on y a mis la journée. C'est d'ailleurs avec une surprise non feinte que je retrouve le miroir de Zaniab dans mon sac : j'avais oublié que je l'avais pris. En même temps, c'est vrai que c'est bête qu'elle le garde : déjà elle peut pas se voir dedans, ensuite elle en a plein d'autres, et puis en plus celui-là est cassé c'est dommage de pas le réparer, j'ai bien fait de le prendre pour qu'il puisse avoir une nouvelle vie. C'est rigolo de se regarder dans une vitre cassée, ça fait des reflets déformés et multiples, je ressemble à un monstre là-dedans.

Je vais pas mentir, quand le monstre en question s'est avéré ne pas être moi, quand il m'a parlé mes yeux se sont ouverts plus grands que des culs de bouteille. J'ai cligné des paupières plusieurs fois : je n'avais pas bu tant de vin que ça, pas moyen que je sois déjà sous le Tambour ! Et pourtant, pas de doutes, il y avait un monsieur dans mon miroir. Et il était vraiment, genre, incroyablement moche.

- Ouah ! Je... vous... enfin euh... bonjour ?

Je sais pas trop ce que je dois dire à un homme qui vit dans un miroir. Il est pas beau, mais bon, moi non plus, alors ça serait pas gentil de me moquer. J'ai pas trop compris sa question alors je tente de bafouiller une réponse

- Euh... c'est une énigme c'est ça ? Comme celles de Papy Beauconteur ? Alors, euh... euh.

Du coup je réfléchis. J'oublie un peu ma peur pour me concentrer sur sa question. Il parle de Zaniab c'est sur, j'ai pas rencontré des centaines d'aveugles. Peut-être il aimait bien vivre avec elle et il n'est pas content que je l'ai volé.

- Parce que, et bien... J'ai observé Zaniab dans sa tente, elle est aveugle mais elle arrive à se diriger sans difficulté, et puis elle arrive à voir quand même en touchant les choses. Moi, même en fermant mes paupières et en tripotant le visage de quelqu'un je pense pas que je pourrais réussir à savoir comment il est physiquement. Pas plus que je pourrais comprendre qui il est mentalement en touchant ses mains. Donc, euh... je dirais que je demande la vue aux aveugles car ils voient des choses que moi je ne peux pas voir. J'ai bon ? Je gagne quoi ?

J'avoue au début j'ai eu un peu peur parce que je m'attendais pas à voir un homme qui parle dans mon miroir. Mais maintenant que la surprise est passée, je peux même pas le laisser répondre, j'ai juste trop de questions à lui poser.

- Vous vous appelez comment ? Et comment on fait pour vivre dans un miroir ? C'est confortable ? Vous y vivez tout le temps ou juste de temps en temps, genre vous vous baladez dans tous les miroirs du monde et aujourd'hui vous avez choisi celui-là ? Vous êtes né dans un miroir ou vous êtes rentré dedans après ? C'est une drôle d'idée de vouloir rentrer dans un miroir, ou alors il faut vraiment beaucoup aimer son reflet comme Rimi, je l'ai déjà surpris tout nu en train de complimenter son ventre devant une glace un jour. Enfin je pense pas que vous vous aimiez votre reflet parce que... enfin pas parce que... nan enfin vous avez pas l'air d'être ce genre de personne c'est tout ! Mais vous êtes quel genre de personne en fait ? Vous avez l'air très vieux, vous êtes très vieux ? Et...

Qui que soit l'entité du miroir, il pouvait soit interrompre Susi, soit attendre de très, très longues minutes que la litanie se tarisse enfin...
Susi Tristepanse Bonchardon, Voie de la voleuse, rang 2.

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Re: [Naissance des Nations] [Tristepanse] La meilleure des vies (Westermark)

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Froid. Impassible. Le visage diaphane de la créature du miroir regardait Susi tout droit, sans le moindre tic qui pouvait trahir une émotion. Il se contentait d’écouter la réponse à sa question, tout fixe.
Du moins, au début.

Parce qu’au moment où on lui demandait son nom, la chose aux oreilles pointues entrouvrit ses lèvres gercées pour répondre ; mais elle fut coupée par une question sur la manière dont il avait acquis son logement actuel. Puis, si telle habitation permettait de bien vivre. Alors qu’il voulait parler, le voilà qui devait subir une anecdote sur une tierce personne qu’il ne connaissait ni de Taal ni de Rhya.
Alors, cette espèce de visage fort laid se mit à battre des paupières, d’étonnement. Puis, à froncer ses arcades sourcilières, d’agacement.

« Non, je ne suis pas rentré dans ce miroir volon-
-hein ? Mais qui est-ce que ce-
-non je ne… Enfin… Je ne peux pas voir mon reflet de toute maniè- »


Finalement, ses cordes vocales se mirent à dérailler et à partir dans les aigus, et c’est à bout de nerfs, au bord des larmes, qu’il put enfin reprendre le contrôle de la discussion :

« Mais ça suffit à la fin, oui ?! Non mais oh ! »

Ses lèvres tremblotèrent. Il toucha très fort l’espace au-dessus de l’arête de son nez (Entre ses sourcils, si seulement il avait encore des sourcils ; en fait, il était tellement glabre, qu’il n’avait même plus de cils devant ses yeux), et souffla très fort.

Il dégagea sa gorge, et retrouva sa voix grave qui, il fallait le dire, avait beaucoup plus d’emphase. Parce qu’il parlait de façon lente, élégante, avec un ton rocailleux. Il épelait très lentement les mots, comme si le reikspiel n’était pas sa langue natale, qu’il l’avait peu pratiquée, et pourtant, il ne faisait aucune faute de grammaire ou de constructions de phrases dans son discours ; il était parfaitement compréhensible.

« Mon nom est Origène. Et une heure viendra où la nuit remplacera le jour, durant l’ère d’un millier de trônes. Connaître mon nom est un immense honneur que je te fais, car ce sera l’époque où tout ce qui vit sur cette Terre le connaîtra également. »

Il marqua une petite pause. Peut-être espérait-il que son effet d’annonce permettrait de faire naître une forte inquiétude chez Susi. Peut-être espérait-il, ainsi, attiser sa crainte.
Peut-être est-ce qu’il échouait complètement. Parce que Susi n’avait pas la moindre idée de ce qu’il racontait.

« Puisque c’est moi qui te posais une question, laisse-moi te mettre en garde : Zaniab ne voit rien. Zaniab n’est ni une voyante, ni une érudite, ni une artiste. Zaniab est une geôlière. Elle enferme des choses, des forces et des gens autour d’elle, pour les mettre à son service. Comme elle a enfermé son époux. Comme elle enferme sa fille aujourd’hui encore.
Elle ne me gardait auprès d’elle que dans le but d’espérer obtenir mon savoir. Mais je ne donne jamais rien gratuitement. »


Il fronça à nouveau de ses sourcils inexistants. Regarda à gauche, à droite… Il semblait essayer de détailler Susi, ce qui semblait difficile pour lui.
Remarque, c’était certainement difficile pour elle aussi ; Il y avait des choses derrière le Nécrarque. On aurait dit qu’il était perché sur un gros caillou stérile, avec un ciel tout mauve derrière. Il n’avait pas l’air d’avoir de meubles derrière lui, pas de lit, et surtout, comble de l’horreur pour un Halfelin — il n’avait ni réchaud, ni gamelle. Impossible pour lui de se nourrir.

« Tu m’as arraché à Zaniab… Bien… Tu n’as pas pu le faire sans raisons… Alors, qu’est-ce, jeune fille ? Ne trouves-tu pas que tu es trop jeune pour oser posséder un fragment d’âme d’Origène ? Lorsque Melkhior m’a pris comme élève, je devais te ressembler… Huit ans, j’avais, lorsqu’il a commencé à m’enseigner les secrets les plus noirs qui régissent notre univers…
Es-tu venue me chercher car tu as entendu des légendes sur mon compte ? Est-ce que tu désires te venger d’autrui ? Ramener à la vie des gens aimés, et perdus ? Je peux répondre à de nombreuses questions, mais rares sont ceux qui veulent entendre les réponses… »

Visiblement, il faisait comme Beauconteur quand il jouait un rôle : il semblait incapable de parler autrement qu’en phrases cryptiques avec sa voix éthérée.
Mais il prenait visiblement Susi pour une enfant humaine. Oh, c’était une erreur que beaucoup de gens faisaient, après tout.

Charisme de Susi : 2, réussite de 8
Intelligence du Nécrarque : 17, échec de 3.

Le pauvre Nécrarque perd patience et va dans les aigus.

Jet de connaissances générales de Susi (Malus : -2) : 15, échec. La nuit à la place du jour ? Un millier de trônes ? Wtf ? On dirait les conversations sur discord.

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Re: [Naissance des Nations] [Tristepanse] La meilleure des vies (Westermark)

Message par Susi Tristepanse Bonchardon »

J'ai un peu fâché le monsieur du miroir, qui rouspète parce que je parle trop. C'est vrai que Papy Beauconteur m'enguirlande aussi quand je l'assène d'interrogations au sujet de ses histoires, et que je lui laisse pas le temps de me répondre. Mais c'est pas ma faute, quand ça m'intéresse j'ai toujours envie de tout comprendre et alors que dans ma tête se forment des milliers de questions, c'est très difficile de n'en choisir qu'une seule, parce que j'ai toujours peur de poser la mauvaise et qu'après je ne puisse plus avoir de réponse à toutes les autres.

Il dit s'appeler Origène. J'aime bien le timbre de sa voix, il parle lentement en roulant les "r", ça donne envie de l'écouter raconter des histoires. J'ai pas bien compris son histoire de jour, de nuit et de trône, mais ça a l'air important pour lui, en tout cas il est aussi fier qu'un coq sur son fumier quand il en parle. Comme je le supposais de la part de quelqu'un qui s'est tellement regardé dans un miroir qu'il en a fini piégé, il a l'air quelque peu narcissique et mégalomane. Je vois bien à sa façon de me regarder qu'il attend de moi une réaction à sa présentation grandiloquente, et j'ai pas envie de fâcher le premier homme-miroir que je rencontre alors j'essaie d'être polie :

- Wouah ! Et bien, je suis enchantée Herr Origène ! Moi c'est Susi, mais tout le monde m'appelle Tristepanse. Et toi, tu as un surnom ? Parce que si tu veux que le monde retienne ton nom, c'est important les surnoms tu sais ? Sigmar par exemple dont les reiklanders parlent tout le temps, on l'appelle aussi L'Enfant de la Comète, ou Le Porteur de Ghal Maraz. Mmhh... Le Miroir Brisé cela dit, c'est pas terrible, ça risque pas d'alpaguer les foules. Origène du Miroir... Mori, c'est joli non ? Je peux t'appeler Mori ?

Raté, il a l'air un peu agacé. Il fronce les sourcils qu'il n'a pas, alors je préfère ne pas insister avant que sa voix ne redevienne toute aigue. De toutes manières, il semble préferer ignorer mes propos pour rapidement changer de sujet.

Il reparle de Zaniab, en des termes pas très élogieux. Selon lui, la maman de Sirrah serait une geôlière, une méchante femme qui oblige les choses à être à son service. Je ne sais pas trop quoi en penser, tout d'abord parce que Mori est un miroir. Normalement, on demande pas l'autorisation à un miroir avant de s'en servir, il est pas censé se plaindre parce qu'on l'a attrapé.
Sauf que Zaniab est aveugle. Et des miroirs, elle en a plein. A quoi ça sert d'avoir une demi-douzaine de miroirs si on ne peut pas voir son reflet dedans ? Est-ce qu'il y avait un Mori dans chaque glace chez elle ? On peut collectionner les Mori ?

Et puis il me dit que Sirrah aussi est enfermée. Ça n'a pas beaucoup de sens, je l'ai rencontrée dehors et on a mangé une galette ensemble, dans les rues de Baerenthal. Peut-être que c'est métaphorique ? Pour dire que même si elle peut sortir, sa maman contrôle sa vie ?
Après tout, dans la tente, il y a eu plein de moments bizarres dans l'histoire de Sirrah et Zaniab. Déjà, Sirrah a dit plusieurs fois que c'est sa maman qui décidait seule de leur destination, sans qu'elle ne puisse avoir voix au chapitre. C'est vrai que même au sein du cirque, on se fie surtout à l'expérience des anciens pour choisir les routes à prendre, mais la décision reste commune : on est une famille et on décide en tant que tel. Sirrah n'est plus une enfant, elle devrait pouvoir décider aussi.
Et aussi, j'avais tiqué quand Zaniab a parlé de son passé. Plein de fois, pour parler de ses décisions, elle a dit "je" au lieu de "nous", j'avais trouvé ça très malpoli avec sa fille juste à côté d'elle.
Et les incohérences. Il y avait plein de choses bizarres avec Sirrah. Le fait qu'elle se soit trompée sur le type de voyance qu'utilise sa mère. Le fait qu'elle n'ait jamais vu de halfelin alors qu'elle a vécu à Mariusbourg. Comme si elle avait vécu enfermée sans rencontrer grand monde à l'extérieur.
Et puis cette histoire de lampe. L'hésitation de Sirrah à m'en parler, la crainte de Zaniab que sa fille en ait trop dit, l'information jetée comme quoi cet objet lui permettrait de mieux discerner mon avenir.
Et maintenant Mori. Un miroir qui parle.

Sirrah c'est la seule personne qui a été gentille avec moi dans Baerenthal aujourd'hui. J'espère vraiment que sa maman n'est pas méchante avec elle.

J'essaie de chasser toutes ces vilaines pensées de mon esprit, de me rassurer en me disant que j'écoute trop les histoires de papy Beauconteur et que maintenant j'en invente de nouvelles là où il n'y a rien du tout. Mais même en me concentrant sur l'homme-miroir, j'ai mal au ventre comme avant mes représentations de contorsionniste, ou mes chapardages à domicile. Il y a quelque chose qui m'angoisse, une peur invisible difficile à pointer du doigt mais qui commence à jouer avec mes entrailles. Par réflexe, j’attrape une feuille de tabac que je me met à mâcher frénétiquement.

Heureusement, Mori a du voir que je me décomposais, parce qu'il a immédiatement changé de sujet. Maintenant, il voulait savoir quel était mon objectif lorsque je l'ai pris dans la tente de Zaniab. Mon sourire m'est revenu naturellement, parce qu'à ça je pouvais répondre, et très facilement !

- J'ai vu que Zaniab elle possédait plein de miroirs, et j'ai pensé que ça ne servait à rien d'en avoir autant, un seul ça suffit ! Enfin, deux ça peut être pratique pour se regarder les fesses, parce que en tournant la tête c'est pas possible et avec un seul non plus - mais je suis pas sure que Zaniab elle veuille regarder ses fesses parce qu'elle voit qu'avec ses mains, donc elle a juste à se palper elle-même pour savoir comment elles sont. Mais bref, toi tu étais tout cassé au milieu des autres qui étaient intacts, et j'ai trouvé ça vraiment triste de te laisser tomber en quenouille comme ça, alors je me suis dit que je pouvais t'emmener pour te réparer ! Je savais pas du tout que tu vivais dedans par contre...

Il a les yeux tout écarquillés, et il ne répond plus du tout. Le silence me gêne un peu alors je continue de parler toute seule :

- ... mais je suis très contente et ravie et absolument honorée de t'avoir trouvé, Mori ! Je serais ravie d'apprendre les secrets noirs de l'univers, surtout si ça parle de trucs cochon ! Et puis mon frère Rimi est tout le temps pénible à propos de mon poids, alors oui, la vengeance ça serait une excellente idée ! Pour ce qui est de ramener les gens à la vie, euh... et bien l'oncle Drido était très triste d'avoir perdu un patou il y a deux mois, on peut ramener des chiens ? C'est vraiment incroyable que j'ai maintenant mon propre miroir qui parle, j'ai trop hâte de te montrer à...

Je m'interromps toute seule alors que mes pensées divaguent. Si mes frères apprennent que j'ai un miroir magique, c'est impossible que j'arrive à le garder. Jour et nuit ils vont tout faire pour me le chaparder, et j'ai pas envie de le prêter pour le moment. Faut d'abord que je devienne la meilleure amie de Mori, pour qu'il m'oublie pas si ensuite Rimi le mette dans son sac, et qu'il lui dise "rend-moi à ta sœur, toi je ne t'aime pas".

J'ai bien conscience que Mori est un peu déçu de moi, alors j'essaie de rentrer dans son jeu. Vu qu'il parle comme papi Beauconteur, et qu'il dit aimer les questions, je vais lui en poser une pour lui faire plaisir. Au début, j'hésite à lui demander comment faire pour devenir plus jolie, mais après réflexion je me ravise pour lui demander ça plus tard. Là maintenant, j'ai besoin de dénouer la boule qui me fait mal dans le ventre, alors je pose une autre question :

- Dis, Mori, comment je fais si je veux libérer Sirrah ?

Si jamais on enchaine sur la suite, voilà plus ou moins ce que Susi compte faire ce soir :
- Aider aux corvées (prioritaire)
- Montrer son tatouage à tout le monde, surtout les cousines
- Sauter le repas (elle a déjà mangé une galette elle est calée pour la soirée :mrgreen: ) pour répéter son numéro de contorsionniste.
Susi Tristepanse Bonchardon, Voie de la voleuse, rang 2.

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- Intellectuelles : Acuité visuelle, Langage secret - Jargon des voleurs
- Martiales : Esquive, Résistance accrue, Résistance à la magie(2)
- Divers : Chance, Cuisine, Vision Nocturne

Équipement :
Porté :
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- Grappin
- Outils de crochetage
- Boucle d'oreille en or
- Couteau à beurre
- Gibecière
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Re: [Naissance des Nations] [Tristepanse] La meilleure des vies (Westermark)

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

« Tu m’as pris… Par hasard ? »

Origène chuchota cette phrase au milieu des réflexions de Susi. Il battit des paupières, papillonnant de ses cils inexistants. Un mélange étrange d’émotions semblaient traverser sa face ; un peu de colère, un peu de consternation, et puis, beaucoup d’interdit.
Susi lui posa une question. Il souffla, et répéta sèchement avec sa voix éthérée :

« Je ne m’appelle pas Mori, je suis Origène le Docète, pair des premiers serviteurs patristiques, et… »

C’était marrant : il parlait reikspiel mais prononçait des mots qui n’avaient aucun sens. En tout cas, il s’arrêta en plein milieu de sa démonstration en secouant la tête, comme s’il abandonnait le combat.
À la place, il se mit à véritablement réfléchir à la question que venait de lui poser Susi. Alors, il la regarda droit dans les yeux, avec ses prunelles globuleuses à la teinte noire. Et, le plus sérieusement du monde, il prononça une simple phrase aussi sèche que laconique.

« Tue Zaniab. »

Il laissa un silence gênant. Et, devant le malaise ou l’incompréhension de Susi, il la coupa pour expliciter sa pensée.

« Ce n’est peut-être pas la réponse que tu voulais, ni celle qui te plaît, mais si je désirais la même chose que toi, ça serait la solution la plus évidente à ce problème. Zaniab meurt, et Sirrah est contrainte à la liberté.
C’est un mot que tu aimes utiliser, n’est-ce pas ? Libérer. Sirrah n’est pas une fille libre, mais au moins, elle est libre de la peur et du besoin. Est-ce que ça vaut le coût de sa servitude ? Je ne pense pas. Mais je suis d’une espèce qui répugne trop les chaînes pour les accepter, peu importe de quelle façon elles se présentent. »


Il grogna. Quelque chose dans la réaction de Susi sembla l’embêter, assez pour pester.

« Sirrah a le corps d’une femme adulte, mais elle a encore l’esprit d’un enfant. Elle a voyagé, et pourtant elle a très peu vu le monde. Elle connaît des Dieux, mais elle ne les a jamais honorés. Elle prononce des mots, et n’entend pas les concepts qui se cachent derrière. Regarde sa peau ; chaque matin, elle redessine les peintures sur sa peau, puisqu’elle sait ce que sa mère lui en a dit, elle en devine les significations, et pourtant, à quoi cela lui sert ? À part attirer le regard de curieux qui ne les comprennent pas ? Elle a laissé un tatouage à l’henné sur ta main ; D’où ses ancêtres viennent, cela sert à séduire les hommes. Quels hommes de ce côté-ci du monde peuvent le deviner ?
Zaniab croit, comme beaucoup de parents d’ailleurs, qu’elle peut modeler sa fille selon sa vision du monde et la garder pour elle éternellement, peut-être en croyant bien faire, pas même par malice. Si tu veux libérer Sirrah sans utiliser ma méthode, alors tu n’as plus qu’à espérer que Sirrah se libère d’elle-même un jour.
Franchement, entre nous, Tristepanse, tu te poses la mauvaise question. Les gens enchaînés sont perdus quand on les déchaîne, et quand on a jamais goûté à la liberté, on peut trouver sa saveur trop amer. Pourquoi veux-tu libérer Sirrah ? Car tu la trouves maline ? Car tu la trouves belle ? Ne cherche pas à la libérer, alors ; Cherche plutôt comment tu peux devenir sa maîtresse au lieu de Zaniab. Fais-la douter de sa mère, et fais-lui croire que toi, tu peux lui offrir une vie plus aventureuse. Fais-la pleurer, puis sèche ses larmes.
C’est comme ça que j’ai recruté mes serviteurs. »


Il souriait. Enfin. Mais c’était un sourire absolument terrifiant. Une sorte d’immense grimace, tout à la fois narquoise, suffisante, triomphante. Il semblait se délecter de ses propres paroles, et la dernière phrase qu’il avait prononcée avait comme éveillé des souvenirs personnels qui lui plaisaient beaucoup ; il était fier de son laïus, quand bien même tout ce qu’il racontait était inquiétant.
Et cela sembla bien lui suffire comme conclusion. Car, petit à petit, un voile noir le recouvrit, tout comme le décor derrière. Il se dissipa dans un nuage de fumée, et tout ce que le miroir brisé reflétait envers Susi, c’était cette obscurité, comme une nuit nuageuse.
Et ensuite, le verre redevint poli. Brisé, mais clair. Et Susi voyait son propre visage, cassé en morceaux, au bout de ce qu’elle tenait dans la main…




Il fallut un petit instant à Susi pour se remettre. Après avoir rangé soigneusement le miroir là où on ne pourrait pas lui piquer, elle décida qu’il était temps pour elle d’aller aider aux corvées.
L’avantage, c’est qu’on ne demandait que ça. Parce que le cirque avait beau être en train de s’installer, il y avait encore fort à faire pour que tout soit en place pour demain ; la nuit serait sans doute courte.

Le travail qui demande le plus de force, c’est les latrines. Susi en était dispensée ; à la fois trop maigre et trop fille, on laissait cette corvée aux Halfelins mâles bien grassouillets. Le propre père de Susi, le visage dégoulinant de sueur, salua sa fille au loin tandis que Drido utilisait ses petits bras pour creuser le sol à la pelle, tout en se plaignant — visiblement, il était en pleine engueulade avec un autre cousin, au sujet de quelque chose qu’on n’aurait compris qu’en écoutant le début de la dispute. Il valait mieux ne pas déranger ceux-là ; pas avant que vienne leur heure de souper, ce qui ne saurait tarder.
En revanche, il y avait bien d’autres tâches à achever qui étaient plus de son ressort. Pour commencer, la mise en place des stands : Tape-Gobo, les jeux de quille, les fers-à-cheval à lancer… Plein de petits jeux où des gens venaient dépenser quelques oboles dans l’espoir de gagner un cadeau quelconque selon leur adresse (Même s’il valait mieux ne pas demander la provenance des lots à gagner. Les Halfelins ont, après tout, leurs secrets). Les cousins et les cousines s’attelaient tous à ce travail. Poppy, elle, était avec Beauconteur en train de mettre en place le kiosque de marionnettes ; pendant que Perrin racontait les histoires, c’était la cousine qui se chargeait de donner de la vie à ses récits en agitant des petites peluches, par exemple un petit loup avec une couronne pour Ulric, ou un cerf touffu pour Taal. Visiblement, Beauconteur engueulait Poppy qui avait du mal à remboîter des pièces du kiosque. Susi arriva au bon moment pour venir donner un coup de main et calmer les esprits fatigués par la route et l’heure tardive.

« Coucou, Tristepanse, elle était bien ta journée ? »

Il y avait à en dire sur sa journée. Et, surtout, à montrer ; Susi leur montra aux deux sa main tatouée, et expliqua avoir croisé une dame à la peau noire. Les deux paires d’yeux s’écarquillèrent, et alors qu’elle se répandait en flots de paroles, la voilà qui était assaillie de questions succinctes en retour, provoquant une discussion bruyante comme seul l’esprit d’un Halfelin était capable de structurer.

« Une femme à la peau noire ? Ça alors, mais ça existe les femmes à la peau noire ?
– Mais oui ça existe, ça existe ! Et tu dis qu’elle avait des tatouages ? Ils étaient comment les tatouages ?
– Attends, elle avait d’autres peintures aussi ? Et elle portait quoi comme vêtements ?
– Ah là là, ça me rappelle des contes tout ça, des histoires de marchands ; Ah, saviez-vous que…
– Dis, est-ce que t’as mangé ? Y a à manger à Baerenthal ?

Heureusement, les deux filles pouvaient travailler tout en parlant, et après quelques questions-réponses brèves, le stand du conteur était installé.

Les deux grands frères de Susi eux, étaient de corvée pour tirer de la toile, et préparer le grand chapiteau où, entre autres, elle donnerait son numéro. Il y avait des bancs à placer, même si la majorité des spectateurs devraient poser leurs fesses par terre. C’était là le gros œuvre : un bon tiers du cirque Bonchardon était mobilisé à tout dresser, et à travailler en groupe sous les ordres du plus âgé des ouvriers, grand-tonton Wiseman. Dès que tout ce beau monde aura terminé de bosser, sans doute de pas longtemps, ils se jetteraient sur la soupe. Il fallait donc qu’elle soit préparée.
Susi retraita donc avec Conteur et Poppy vers le feu au centre du cirque. Il y avait là les vieux et les enfants, dont le bébé de Hannos en train de sautiller sur les genoux de sa mère. Entre nourrir les poules, éplucher les légumes, ou aller chercher de l’eau à la Vaswasser en emportant un seau, il y avait là de quoi faire. Le seul souci, c’est que le cirque manquait de bois — en pleine nature, on n’avait qu’à prendre une hache et se mettre à couper, mais là, on était devant une ville, et la coupe sauvage se terminait parfois en bastonnade par des forestiers un peu chafouins ; visiblement, c’était le sujet de la conversation qui embêtait tout le monde, surtout les anciens.
En montrant son tatouage à tout le monde, Susi changea vite la discussion, et tout le monde se mit à s’intéresser à elle et à ce qu’elle avait vu à Baerenthal.

« Il est joli comme tout ce tatouage ! Sais-tu ce qu’il signifie ? Demandait la belle Cheveuxargentés
– Où tu l’as trouvé ? Je peux avoir le même ? J’ai envie d’avoir le même ! Je peux t’échanger un bracelet contre ! Marchandait déjà la cousine Alice.
– Areuh areuh reuh ? Questionna Calvin en bavant.
– As-tu croisé Rimi en rentrant ? Il est parti acheter du bois avec Henlin, mais sûr qu’ils ont décidé d’aller faire un truc en chemin, se plaignit l’épouse de Hannos, en approchant la tête de son bébé de sa poitrine afin qu’il se nourrisse.
– Mais Susi… Tu as mangé, au fait ? »

Cela, c’était sa mère qui le demandait. Elle relevait sa tête de la marmite en train de bouillir, et se mit déjà en quête d’une poêle dans le bric-à-brac d’une charrette.

« Oh là là, tu n’as pas assez mangé, je suis certaine… Bon, je vais te faire cuire un œuf avec du lard, ça te va ? C’est très bon ça, et ça met en forme ! Allons bon, tu vas bien en manger un peu ? »


Jet d’intelligence de pseudo-Nécros : 7, réussite de 7.

Je te laisse un gros quartier libre pour la réponse ; N’hésite pas à donner des noms aux PNJ (Dont ta maman), à les jouer un peu comme tu veux maintenant que t’as leur personnalité (Ou à me demander en MP discord si tu as des hésitations ou quoi que ce soit d’autre). En fin de soirée, le chapiteau sera monté, et tu pourras donc t’entraîner à ton numéro, je te fais le jet en avance.
Jet d’habilité : 12, réussite de justesse. Tu gagneras un bonus pour ton numéro. S’entraîner c’est bien.
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Susi Tristepanse Bonchardon
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Re: [Naissance des Nations] [Tristepanse] La meilleure des vies (Westermark)

Message par Susi Tristepanse Bonchardon »

- Et bah mon cochon, t'as pas seulement le rictus de Morr, t'as aussi son affreux sens de l'humour.

Je laisse échapper un petit rire nerveux, mais je ne suis même pas sure que Mori m'entende encore. Son visage a disparu du miroir qui ne reflète désormais plus que le mien.
Véréna sait qu'à la vérité, je ne suis pas certaine qu'il plaisantait. J'ai un peu la chair de poule quand j'ai vu son sinistre sourire, et je sens que mes poils de nuque se sont hérissés. Mais si je me met à supposer qu'il était on ne peut plus sérieux à propos de meurtre et de manipulation, alors ça crée de nouvelles questions bien plus terrifiantes : passe encore l'idée que le miroir soit hanté par quelque esprit malin - je dis ça mais je sue à grosses gouttes juste à songer à cette éventualité - reste encore le sujet de la possession de pareil objet maudit par Zaniab.
Je chasse ces problèmes-là de mon esprit : humour douteux ou pas, Mori n'avait peut-être pas tort sur le fond de son propos. Pourquoi la relation entre Sirrah et Zaniab m'inquiètait ? C'est pas très poli de ma part de me mêler de leurs liens affectifs, moi j'aimerais pas trop qu'une inconnue vienne me dire que ma maman est une mauvaise personne juste parce qu'elle critique mon régime alimentaire et me promette à une vie de célibat. Mais ma maman, elle ne possède pas de miroir maléfique qui la qualifie de geôlière et qui propose de l'assassiner, elle. Enfin je ne crois pas, si ça se trouve...

- Raaaaaah !

Je m'étais prise la tête à deux mains pour rouspéter à voix haute. "Les petites personnes s'occupent de petites choses" dit toujours papy Beauconteur, et là, ça faisait trop de grosses choses dans ma petite tête. Pour l'heure, j'avais mieux à faire que de réfléchir à Zaniab et à Sirrah ! Demain, on allait accueillir du public, et le cirque doit être prêt à les recevoir : il y avait surement plein de corvées à faire, tous les Bonchardon mettaient la main à la pâte sauf moi parce que j'affabule sur des miroirs brisés !

Maintenant que j'y pense, les miroirs brisés, ça porte malheur à ceux qui les cassent ou à ceux qui les possèdent ? Selon la légende, quand on les brise, ça fait sortir les mauvais esprits qui y vivent, sauf que moi le mauvais esprit est toujours bel et bien dedans, c'est on ne peut plus certain.

- Puterelle !

J'ai couru aussi vite que j'ai pu à travers le cirque en croisant mes doigts d'une main tandis que la seconde serrait très fort ma patte de taupe, afin de me protéger du mauvais sort. Je me suis précipitée vers nos réserves alimentaires, ai ignoré maman qui m’alpaguait afin que je l'aide à la préparation du repas, et ai ouvert frénétiquement notre gros sac qui contenait la réserve de sel. J'ai aussitôt attrapé le miroir, et je l'ai enfoncé très fort à l'intérieur pour m'assurer que Mori puisse pas sortir de sa glace brisée.

- Susi ! Je t'ai déjà dit d'arrêter de gâcher du sel pour...

- Chut maman ! J'ai provoqué un méchant esprit c'est pas le moment !

J'en ai aussitôt saisi une énorme poignée en tremblant, que j'ai jeté par-dessus mon épaule gauche. Dans le doute, j'en ai jeté par trois fois - on est jamais assez prudent avec les esprits.

- Susi ! Arrête tes bêtises ! Si tu ne veux pas m'aider, va au moins donner un coup de main à ta cousine Poppy, tu sais bien qu'elle n'est pas très manuelle et qu'elle a besoin de toi pour monter le stand de marionnettes ! Et quitte à piocher dans les réserves, prend-toi une miche de pain pour la route, t'as besoin de forces ! As-tu seulement gouté aujourd'hui ?

- Oui maman ! T'en fais pas maman ! J'y vais maman !

Repérant un sac en toile vide non loin, j'y ai vidé l'excédent de sel non nécessaire pour enfouir le miroir, et suis repartie avec ma salaison de Mori enfouie dans ma besace. C'est décidé, je ne devais SURTOUT PAS montrer ce miroir à quiconque de la famille : hors de question de mettre en danger qui que ce soit avec un esprit maléfique.

Quand je suis arrivée devant le stand du conteur, j'ai retrouvé Poppy et Perrin en train de s'enguirlander, comme d'habitude. Le petit kiosque des marionnettes était assez difficile à monter, parce qu'il était agrémenté de plein de petits bouts de bois et de toiles décoratives qu'il fallait accrocher avec doigté, et autant la cousine était douée de son esprit pour apprendre les mots, les langues et les histoires, autant elle était incroyablement maladroite de ses dix doigts. Bien plus dextre qu'elle, c'est donc avec un sourire triomphant d'avance que je lui ai pris les pièces des mains pour lui montrer, encore une fois, comment procéder.

Ça prenait trente bonnes minutes de tout assembler, alors j'en ai profité pour leur raconter toute ma journée. Je leur ai parlé de Baerenthal, des gardes à l'entrée, de la place du marché, des statues elfiques, des habitants malpolis, mais j'ai finalement été très succincte sur chacun de ces sujets car je ne pouvais pas contenir mon impatience à parler de Sirrah. Bien évidemment, la description de la jeune métisse arabéenne provoqua une belle surprise chez mes deux interlocuteurs qui m'assaillirent rapidement de mille questions. J'ai tenté de réunir tous mes souvenirs pour leur parler de son prénom, de ses habits, de ses bijoux et de ses tatouages. J'ai essayé d'imiter sa voix et son accent, et bien entendu j'ai "distraitement" agité mon dessin au henné sous leur visage à plusieurs reprises. Rosissant de bonheur lorsque Poppy s'exclama devant la beauté de ses arabesques, je me suis confondue en davantage encore de détails, n'hésitant pas à en inventer quelques-uns pour embellir l'histoire lorsque c'était nécessaire : aussi je leur ai bien expliqué que j'étais la toute première halfeline qu'elle rencontrait, qu'elle me trouvait absolument charmante et aussi incroyablement drôle. J'ai cependant préféré totalement écarter Zaniab de l'histoire, parce que j'avais pas envie de penser à elle, et parce qu'elle n'a d'importance que pour parler de la lampe, et que parler de la lampe ça veut dire parler du cambriolage, et ça c'était hors de question.

Être ainsi le centre de l'attention me fit un bien fou - j'en oubliais complètement ces histoires de miroir et de lampe. Poppy a toujours été ma cousine préférée, et elle écoutait tout ce que je racontais avec de grands yeux émerveillés. Papy Beauconteur était curieux aussi, mais avec l'âge il préférait raconter les histoires que les écouter je crois, et finalement Poppy et moi on a tellement discuté et rigolé qu'on l'a pas tellement écouté grommeler sur "la jeunesse malpolie". Au final, je n'ai pas vu le temps passer, et lorsque le kiosque de marionnettes du Conteur fut entièrement monté, je fus surprise de la vitesse à laquelle on avait travaillé.

Poppy a alors insisté pour qu'on aille aider maman et tata à faire la cuisine. J'avais pas très envie, parce que même si j'aime beaucoup préparer de bons repas, c'est impossible de le faire sans qu'à chaque minute quelqu'un ne me propose de piocher dans les ingrédients pour grignoter un morceau, et que je doive à chaque fois refuser pace que sinon je n'ai plus d’appétit ensuite pour le moment du vrai repas - repas pendant lequel, si je ne mange rien, cette fois c'est TOUTE la famille qui me tombe dessus. Je me suis néanmoins laissée convaincre : déjà parce que si je tirais au flanc aujourd'hui j'allais le payer cher les jours à venir, et ensuite parce que je ne pouvais pas rater l'occasion de parler de Sirrah au reste de ma famille.

Quand bien même Poppy avait déjà entendu toute l'histoire en long en large et en travers, cela ne m'a pas empêchée de la raconter une nouvelle fois sans omettre le moindre détail, auprès de ma mère Silma, de la grande-tante Elène, de la cousine Alice, d'arrière-grand-mémé Ida, et des autres femmes du cirque. Ça m'a fait tout particulièrement plaisir d'arborer mon magnifique tatouage au henné devant Alice.

- Désolée Alice, mais ma nouvelle amie Sirrah a dit qu'elle ne le ferait que pour moi et pour personne d'autre.

Ca faisait longtemps que j'avais maille à partir avec cette ribaude bénie par Rhya. Déjà parce qu'elle était si joliment potelée qu'elle fait tourner la tête de tous les halfelins, célibataires comme mariés, mais aussi des hommes et peut-être même des nains. En plus de ça, elle cuisinait très bien, elle avait un vrai don pour la danse du ventre, et elle savait s'envoyer en l'air comme personne selon de très nombreux témoins. Elle avait mon âge, mais elle avait déjà eu des dizaines et des dizaines de prétendants dans toutes les villes où on passait, qui lui offraient des tas de vêtements et de bijoux magnifiques. Et vu qu'elle savait que j'avais aucune expérience de la chose, elle arrêtait pas d'en profiter pour raconter dans le détail chacun de ses coïts, avant de me narguer en me demandant si le laideron que j'étais avait enfin trouvé un malheureux pour la dépuceler ou pas. Alors pouvoir observer sa mine déconfite en lui annonçant que j'avais obtenu comme cadeau quelque chose de joli qu'elle ne pouvait pas avoir fut incroyablement satisfaisant.

L'estomac encore plein de la galette mangée à Baerenthal, j'ai préféré me tenir loin du fumet des marmites qui chauffaient, pour prendre dans les bras le petit Calvin et lui faire risette. Un torrent de bave s'écoulait de sa bouche entrouverte, tandis qu'il entrainait sa voix avec véhémence : le bébé semblait lui aussi affamé, sa maman Leni - l'épouse de Hannos - pour le moment occupée à cuisiner le faisant patienter un peu avant sa prochaine tétée. Me sentant en confiance, c'est avec aplomb que je lui ai répondu lorsqu'elle se plaignit de l'absence de Henlin et de mon frère qui étaient de corvée d'achat de bois.

- Non, je ne l'ai pas vu, mais tu sais, c'est bien les hommes ça, surtout Rimi. Il aura trouvé quelque taverne sur la route et se sera décidé de descendre quelques godets plutôt que de penser à ses responsabilités familiales.

De qui je me moque, alors que j'ai lamentablement échoué à intéresser les habitants de la cage à propos du cirque, puis que j'ai tiré au flanc pendant une bonne heure ? Je ne sais pas trop, mais j'ai vite étouffé ce petit sentiment de culpabilité inutile au fond de mon esprit. Il a rapidement été remplacé par d'autres, de dépit et de colère notamment, quand ma mère décida de se manifester.

- Oh là là, tu n’as pas assez mangé, je suis certaine… Bon, je vais te faire cuire un œuf avec du lard, ça te va ? C’est très bon ça, et ça met en forme ! Allons bon, tu vas bien en manger un peu ?

Et voilà, elle ressortait sa rengaine habituelle. Sauf que là, c'était le moment de gloire de Susi, j'avais pas envie qu'elle me fasse chier avec la routine de Tristepanse.

- C'est bon maman, ça va, j'ai pas faim.

- Que t'aies faim ou pas il faut que tu te nourrisses Susi ! Depuis ta maladie tu n'as plus jamais d'appétit, et c'est à cause de ça que tu arrives pas à reprendre des forces : ta tête ne t'en informe pas, mais ton corps il a besoin d'énergie pour fonctionner lui !

Et c'était reparti. Tout le monde détournait le regard, en hochant la tête pour acquiescer les propos de Silma Bonchardon. Toute mon histoire de femme à la peau noire, de tatouages exotiques, et d'Arabie, c'est à peine si ça l'avait faite lever son nez de sa soupe, mais par contre me trouver un petit quelque chose à manger pour me remplumer, ça lui faisait froncer les sourcils et s'agiter de partout. Elle écoutait même pas mes protestations, elle s'en fichait de mon avis. Alors frustrée et sans doutes encore trop auréolée de la popularité de mes histoires, je me suis mise à forcer de la voix de plus en plus fort jusqu'à carrément crier :

- Maman s'il te plait... Maman... MAMAN ! PAR LES DENTS DE TAAL, ARRÊTE ! J'ai mangé, une galette fourrée au jambon, presque en entier, ça va maintenant ! Je fais des efforts, mais arrête d'être sur mon dos, tout le temps, t'es pénible, je suis plus une enfant ! J'en ai marre que tu t'inquiètes, je vais bien, j'ai pas faim, lâche-moi quoi ! J'en peux plus de te supporter, arrête de me faire chier avec ta mangeaille !

Et merde.

J'étais trop en confiance, et j'ai dépassé les bornes. Il y a un énorme silence maintenant, et toutes les halfelines me regardaient. Dans mes bras, le petit Calvin se mit à pleurer. Il n'a pas du tout aimé que je monte d'un ton. Maman a les yeux ronds comme des soucoupes. J'ai dit que la vérité, mais je sais que ça l'a blessée que je m'en prenne à elle comme ça alors qu'elle pense qu'à mon bien. Je me sens trop nulle.

- Je... je vais répéter mon numéro pour demain.

Je repose Calvin dans l'herbe, puis je m'enfuis. Je sais pas pourquoi je ne me suis pas excusée, j'aurais du m'excuser. Et en même temps j'ai un peu la rage au ventre : y en a vraiment marre d'être Tristepanse. J'avais une histoire géniale avec une femme à la peau noire comme on en avait jamais rencontré encore, ses coutumes, sa langue, ses tatouages, mais non, le seul truc qui compte c'est de savoir si la petite Susi avait rempli son estomac aujourd'hui. J'en ai tellement marre.

Quelqu'un a déjà monté mon stand. Surement Assmus, il le connait par cœur et m'aide souvent à tout préparer. Tous les barreaux de ma cage de fer ont été montés et vissés. A l'intérieur, je vois mon tonnelet, et aussi ma chaise en bois qui est bien au centre, avec sur son dossier, ma camisole qui est négligemment posée ; un vêtement très court qui ne descend pas plus bas que ma poitrine, mais aux manches deux fois plus longues que nécessaire, ce qui permet de solidement attacher mes bras à l'avant avec une corde, tandis que les manches sont nouées à l'arrière.

Mon tonnelet fait trente-cinq centimètres de haut exactement, mais l'intérieur n'en dispose que de trente. C'est avec lui que commence mon numéro : ma cage est cachée sous un grand rideau, Assmus annonce que la plus grande acrobate du Vieux Monde, nourrie quotidiennement avec seulement de l'huile de serpent, est cachée juste là sous leurs yeux, et lorsqu'on retire le rideau en promettant en grand numéro, il n'y a personne à l'intérieur. J'attends un peu que les gens rient et se moquent, puis mon cousin les interrompt en leur intimant de mieux regarder : c'est là que je sors de ma cachette sous leurs yeux médusés. Même pour un halfelin un peu maigre, le rapport de taille entre le tonneau et moi parait trop grand pour que l'exploit soit possible, mais c'est en fait très facile avec un peu d'habitude.

Une fois leur attention captée, c'est plus facile d'enchainer quelques numéros assez classiques : je commence avec le grand écart, puis rapidement j'enchaine avec différentes figures. J'ai plus de facilité à me plier vers l'arrière que vers l'avant, alors c'est surtout ça que je fais : je peux me coucher sur le dos, et après prendre appui juste sur mes mains et mes pieds pour faire la planche. Ensuite, je rapproche mes mains centimètres après centimètre de mes pieds, en pliant mon dos de plus en plus : au début les gens sont impressionnés, mais quand je pose mes paumes sur mes talons ils commencent à être un peu effrayés et poussent des petits cris. C'est souvent ensuite, quand mes mains prennent appui sur mes chevilles et que je commence lentement à glisser ma tête entre mes jambes qu'ils se mettent à être horrifiés, et pourtant trop hypnotisés pour regarder ailleurs.
Le clou de mon spectacle, c'est évidemment quand Assmus entre dans la cage, et qu'il m'enfile la camisole. Une fois mes bras immobilisés, il m'installe sur la chaise et attache mes chevilles à la chaise avec de la corde, puis enroule une grosse chaine en métal autour de mon ventre qui me maintient contre le dossier.

Ça parait impossible de se libérer, mais avec mes talents et quelques petits trucages, ce n'est pas si terrible. Je commence par mes chevilles : c'est une articulation très élastique chez moi, ça me permet de plier mon pied bien davantage vers le bas que d'autres personnes. Une fois dans le bon angle, c'est à peine si mon talon dépasse un peu, j'ai plus qu'à donner des à-coups successifs pour réussir à retirer mes pieds de leurs entraves - normalement Assmus laisse juste assez de jeu pour que je puisse le faire en quelques essais.

Une fois mes chevilles libres, c'est la partie la plus physique : je dois prendre appui sur mes deux pieds et tirer assez fort pour lentement faire remonter mon dos le long du dossier, en faisant glisser la grosse chaine de métal vers le haut. Ce n'est possible qu'en prenant appui en avant et de tout mon poids sur l'extrême pointe de mes gros orteils, ce qui est assez douloureux, mais la chaise est taillée au millimètre près pour me permettre de le faire.
Libérée de cette dernière, je peux alors me coucher le ventre sur le sol. Ainsi, je suis capable de me contorsionner suffisamment pour que la pointe de mes pieds aille se glisser dans le nœud de mes manches dans mon dos - là encore, le type de nœud que fait Assmus est spécifiquement conçu pour me permettre de le défaire en glissant mes orteils au bon endroit. Ça demande énormément de précision et de concentration, j'ai du entrainer mes pieds pendant des mois pour réussir cette partie.

Pour ce qui est de la corde qui retient mes bras, c'est encore un trucage : de l'extérieur, la camisole donne l'impression que je suis serrée à l'extrême, mais l'intérieur du vêtement est en fait assez rembourré et me laisse juste ce qu'il faut de mou pour pouvoir opérer. Maintenant que mes coudes et mes épaules ne sont plus immobilisés à cause des manches nouées dans le dos, j'ai juste ce qu'il faut de liberté pour enchainer avec une succession de petits à-coups, qui me permettent de faire glisser lentement mon coude droit par-delà la dernière corde qui entrave mes deux bras.

Il n'y a plus qu'à jeter la camisole au loin avec un air fier, puis de quitter la cage. Cette dernière étape n'a besoin de nul trucage : l'écartement des barreaux est conçu pour que je puisse m'y glisser. Aucun problème pour mon corps malingre, seule ma tête racle un peu mais j'ai l'habitude.

Auparavant, je concluais par un dernier tour : juste après avoir échappé à toutes ces entraves, j'allais immédiatement me réfugier dans un second tonnelet, identique à celui qui a commencé ce tour. Après tout, j'ai commencé le tour en sortant d'un tonneau mais personne ne m'y avait vu entrer - ça permet de prouver qu'il n'y avait pas de trucage au début. Mais j'ai cessé d'exécuter cette dernière étape, déjà parce qu'une fois Rimi en a profité pour m'enfermer dedans et me faire rouler le long d'une colline, mais aussi parce que je n'aimais pas la symbolique que cela dégageait, l'idée qu'une fois libérée de mes entraves je retourne sciemment m'en imposer de nouvelles, identiques aux précédentes.

Mon numéro est bien rodé, vraiment bien. Pourtant, alors que je répète étape par étape, je ne peux pas m'empêcher de sentir l'angoisse m'envahir. Et si cette fois Assmus se trompait dans le nœud de la camisole et le serrait trop fort ? Et si cette fois je n'arrivais pas à me tendre assez fort sur mes orteils pour libérer mon dos ? Toute la foule se moquerait de moi. Mon numéro, c'est tout ce que j'ai pour montrer à ma famille que j'ai ma place parmi eux. Si je rate, il n'y a pas que le public qui me raillera, mais y aura aussi Rimi, et Alice, et tant d'autres. Maman est déjà tellement déçue de moi, alors si en plus je ternis la réputation du cirque en ratant mes numéros je serais vraiment la dernière des ratées.

Tout le tabac que je chiquais ne m'aidait en rien à atténuer la douleur qui m'écrasait le ventre. Et quand bien même mes répétitions se déroulaient sans aucun incident, cela ne suffit pas à dénouer l'abominable nœud qui se serrait toujours davantage dans mes entrailles, et que j'ai emporté avec moi dans le royaume de Morr la nuit venue.
Susi Tristepanse Bonchardon, Voie de la voleuse, rang 2.

Profil : For 7 | End 7 | Hab 14 | Cha 12 | Int 9 | Ini 9 | Att 8 | Par 7 | Tir 9 | NA 1 | PV 50/50

États temporaires :
-

Compétences :
- Roublardes : Acrobaties, Contorsionnisme, Crochetage, Déplacement silencieux, Évasion, Vol à la tire,
- Intellectuelles : Acuité visuelle, Langage secret - Jargon des voleurs
- Martiales : Esquive, Résistance accrue, Résistance à la magie(2)
- Divers : Chance, Cuisine, Vision Nocturne

Équipement :
Porté :
- Bolas
- Grenades assourdissantes
- Grappin
- Outils de crochetage
- Boucle d'oreille en or
- Couteau à beurre
- Gibecière
- Lait du Moot

Équipement de voyage (pas systématiquement porté) :
- Costume de scène
- Tenue de Monte-En-l'Air
- Miroir maudit
- Stocks de tabac
Awards \o/
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"Avec Susi, y a pas de souci !"

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[MJ] La Fée Enchanteresse
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Re: [Naissance des Nations] [Tristepanse] La meilleure des vies (Westermark)

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Susi ne dormait pas vraiment plus au chaud que lors du passage du Col de la Dame Grise, mais l’altitude plus basse était salvatrice ; à la belle étoile, sous un ciel presque entièrement noir, elle pouvait se reposer au coin d’un feu de camp, emmitouflée dans des couvertures multiples, se retournant pour chauffer au feu ou son dos, ou son ventre, l’autre côté étant forcément congelé au bout de plusieurs heures dans la même position.
C’était un sommeil lourd, et pourtant ponctué de moments de semi-conscience, à cause du bruit de quelqu’un, à cause du froid qui la forçait à un peu se mouvoir… Quelques fois, Morr parvint bien à l’emporter dans quelques rêves, mais ses songes étaient hachés en plusieurs séquences qui n’avaient pas forcément de rapports les uns avec les autres.

Finalement, arriva le moment où elle était assez reposée pour ne pas avoir envie de se rendormir. Il était encore tôt, l’atmosphère avait une teinte bleutée, mais le ciel, quand on regardait en l’air, était malheureusement très nuageux — il faisait frais, aujourd’hui, et il fallait simplement espérer qu’il n’y ait pas de pluie. Seuls les Dieux pouvaient bien contrôler ça, mais en règle générale, les gens n’aiment pas beaucoup bouger et assister à des numéros quand il y a une averse.

Le petit feu de camp était en train de mourir. Alors que Susi avait peut-être envie de faire semblant de dormir pour que Morr la ramène dans un lieu très agréable, le méchant Rimi nota ses yeux entrouverts, et alla la voir.

« Hého, Tristepanse ! Aujourd’hui est un nouveau jour !
Je vais aller chercher de l’eau, soit gentille et va chercher des bûches dans le tas que j’ai ramené moâ-même, hier soir, avec mes bras ! »


Il força ses biceps comme pour prouver son air costaud ; en réalité, loin d’être aussi formé que tonton Drido, il demeurait un Halfelin bien potelet et gras.
Au moins, obéir à Rimi, c’était s’assurer d’avoir un coin où se réchauffer, alors que le corps de Susi était frigorifié.

Et c’est comme ça que, petit à petit, le cirque Bonchardon se réveillait. Avec les grommellements des vieux, le chant du coq, et les pleurs du petit Calvin.

Aujourd’hui était un nouveau jour ; Et un grand jour, puisque ce serait la bonne occasion de voir du monde.



Un petit déjeuner et quelque temps libres matinaux plus tard — il fallait bien inaugurer les latrines et un peu se décrasser — Susi se retrouvait un peu à errer au milieu des chapiteaux. Sa famille n’avait vraiment pas chômé ; les Halfelins avaient beau se tailler la réputation d’être des paresseux bons vivants, la vie du cirque exigeait bien du travail et de la discipline. Tout était en place, en un éclair, et sur les yeux de ses cousins qu’elle saluait au passage, elle ne pouvait s’empêcher de noter les cernes et les bâillements chez tout le monde. Les jeunes discutaient de choses sans importance à voix haute. Mais les vieux, les aînés, ils chuchotaient entre eux de choses plus sérieuses à voix basse.

Il fallait bien vivre. Le cirque n’était pas là que pour jouer et s’amuser ; il fallait espérer récupérer des cadeaux et des oboles de la part de la ville de Baerenthal. C’était la survie de toute la famille qui en dépendait. De ce que Susi avait vécu, malgré son jeune âge, elle avait pu voir comment certaines années étaient fastes ; mais il y avait eut aussi des années maigres. Le printemps et l’été, c’est l’occasion de bouger, de jouer, et de voyager. Mais les hivers, il faut se retrouver un endroit où être cloué, et il fallait compter sur des réserves pour vivoter. Sitôt le Col de la Dame Grise avait dégelé, les aînés avaient décidé de s’enfoncer dans le margraviat du Westermark, sans regarder derrière eux. Pourquoi cette province ? Baerenthal semblait riche. Susi n’avait croisé que des gens vulgaires avant Sirrah, mais ils avaient des stands, des étoffes, des pigments pour les teintures, de la nourriture plein les étals… Peut-être le choix des aînés avait-il été judicieux.

Mais leurs voisins, c’étaient les Bretonnis.
En se baladant le long de la Vaswasser pour aller se débarbouiller, Susi ne pouvait qu’observer ce grand paysage lointain qui s’étendait devant elle. De vastes forêts, de vastes montagnes, tout n’était qu’un paysage pur et grand, troublé uniquement par quelques mottes castrales fumantes, et des troupeaux blanchâtres de chèvres et de moutons. On aurait dit un beau pays que Taal et Rhya avaient bénis, et où ils avaient laissé des enfants après leurs belles unions.
Pourtant, les contes de Perrin Bonchardon avaient bien agité l’imagination des Halfelins ; Si Baerenthal ressemblait à un autre Reikland, avec les mêmes vêtements, les mêmes accents, et même la même religion de Sigmar dont un prêtre était bien présent ici, la mise en garde se trouvait dans le nom même de la province : Westermark. Une marche, une région militarisée. Une frontière. Sigismond le Conquérant avait fait ça ; fonder des frontières, sur des piedmonts et devant des rivières.
Au-delà de la Vaswasser, il y avait le Bretonni. Le fou furieux monté, qui pillait les marchands et enlevait de force des jeunes femmes. Le barbare qui souhaitait être enterré dans de grands tumulus avec ses chevaux, qui suivait les champs de guerre en été pour se nourrir et tout prendre de force. Quitter l’Empire, c’était quitter la sécurité.
Mais il n’y avait aucun signe de danger ici. Juste l’eau pure et cristalline d’un fleuve de montagne. Et ces grands champs d’herbe grasse. Il était juste dommage qu’il fasse si froid, et que les nuages blancs couvrent tout le ciel.




Assmus somnolait contre un arbre.
Le bouffon, qui était introuvable pendant toute la nuit où Susi répétait son numéro, était retrouvé là, contre un gros chêne, endormi les bras croisés. Il était tout blanc, couvert sous une grosse peau de rêne. Il semblait avoir passé la nuit ici, mais à en juger par ses ronflements, il n’était pas mort de froid. En s’approchant, son sommeil léger sembla être troublé, car il papillonna des cils, et fini par ouvrir ses yeux qu’il frotta avec ses poings.

« Baste, Susi ! Tu m’amènes un grog chaud à boire ? Ça serait sympa de ta part ! »

Même tout juste tiré de son sommeil, Folbouffon était déjà en pleine forme. Il avait tout de même la voix rauque et le nez qui coule ; il renifla bruyamment, et toussa d’une toux grasse en mettant la main devant la bouche.

« Rah… J’ai pas voulu rentrer au camp parce que mon père m’aurait engueulé… Ou j’aurais réveillé un de ses chiens, y en a tellement…
Ils ont fermé les portes de Baerenthal pour la nuit et figure-toi que j’étais à l’intérieur ! Ouais, je sais, on avait dit, toi tu fais dedans, moi je fais dehors, c’était le marché, mais hééé… Je trouvais les statues d’Elfes à poil vraiment très, très… Intéressantes, alors forcément…
Dès cinq heures du mat’ quand les portiers ont rouvert, j’ai fui dehors. Puis je me suis écrasé ici. »


Il ricana en se relevant. S’étira un peu, mais se plaignit vite d’un départ de douleur à la hanche.
Au moins, il était une compagnie plutôt sympathique pour Susi. Assmus était peut-être celui qui était le plus sympa avec elle de tout le cirque.

« C’est vraiment magnifique, Baerenthal. Je m’y attendais pas. On aurait dit Ubersreik, mais qui pue moins. En plus petite, aussi, mais forcément, les deux ça doit aller ensemble…
J’ai passé la nuit dans une taverne. Au départ, ils ont voulu me dégager en pensant que j’allais leur voler des trucs. Mais tu me connais ; deux-trois blagues, je paye mon premier verre, et à la fin tout le monde est hilare.
C’est pratique, quand même, d’avoir des gens pour se moquer de toi. Quand on rit de toi on cherche pas à te foutre dehors. »


Il nota seulement la main de Susi ; même si Susi ne chercha pas vraiment à la cacher. Il siffla d’admiration.

« Eh beh eh beh eh beh… Ouais, vraiment une ville incroyable, Baerenthal…
T’as prévu de faire un truc spécial pour ton spectacle de ce soir ? T’as envie qu’on aille te chercher un costume qui fasse exotique, pour aller avec ça ? »


Encore un post tranquille ; j’ai bien noté tes vœux pour cette journée lors de tes posts précédents.
Tu espères donc que la dame qui vit dans le manoir du prêtre de Sigmar viendra avec son fils ; rien ne t’empêche d’aller la voir toi-même pour faire ta pub en direct et en personne. Si tu as d’autres vœux en retournant à Baerenthal, cette fois avec Assmus, tu as totalement le droit ; t’as un peu d’argent et de caillasse à aller échanger, et (Pour l’heure) la ville n’a pas eu l’envie de foutre le cirque dehors.
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Susi Tristepanse Bonchardon
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Re: [Naissance des Nations] [Tristepanse] La meilleure des vies (Westermark)

Message par Susi Tristepanse Bonchardon »

Malgré le relatif inconfort d'une nuit ponctuée par des températures encore hivernales, je me suis réveillée en bien meilleure forme que je ne me suis endormie. Si l'angoisse des numéros à jouer ce soir restait solidement ancrée dans mon estomac, le sommeil m'a permis de repousser au loin ces vilaines émotions négatives venues parasiter mon humeur hier soir : c'est donc d'un bon pied que je me lève, optimiste et enthousiaste.

Après avoir sagement obéi à Rimi en portant quelques lourdes buches, je me devais de faire amende honorable pour mon comportement de la veille. J'ai donc rejoint maman dès que j'ai pu, lui ai fait un grand calin, puis ai pris le petit déjeuner avec elle, me forçant à manger plus que de raison afin de lui faire plaisir. Evidemment, ce ne fut pas sans conséquences : mes torsions intestinales d'angoisse broyèrent la nourriture et m'envoyèrent aux latrines dans les minutes qui suivirent, me faisant vider mes entrailles en une explosion semi-liquide qui m'obligea à utiliser de nombreuses feuilles de chou. C'est le prix à payer pour mes vilains mots je suppose.

Les crampes d'estomac passées, je fis une rapide toilette du visage avec l'eau toute propre de la Vaswasser. L'occasion de profiter un peu des merveilles de Taal et Rhya - si les températures n'étaient guère hospitalières en ce tout début de printemps, le paysage du Westermark était un régal à arpenter. Loin du bruit, loin des gens, loin du cirque et de la ville, on pouvait juste errer en paix, à profiter du panorama en laissant l'herbe humide chatouiller nos pieds, nos oreilles écouter le gazouillis des oiseaux, nos narines sentir les premiers effluves printaniers, et notre langue profiter de quelques fruits sauvages poussant ça et là. Le repos des sens, loin de toute fioriture, que je ne quittais qu'après un petit soupir heureux : j'avais fort à faire aujourd'hui, et ne pouvais pas me permettre de baguenauder des heures entières.

Après être allée rendre visite à Drido pour le questionner au sujet de la manière de calmer un patou potentiellement agressif, c'est son fils que que je retrouvais endormi contre un chêne, à l'extérieur de notre campement, affichant à son réveil une légère gueule de bois.

- T'en fais pas Assmus, j'ai pas cru un seul instant que tu résisterais à l'appel de l'art sculptural elfique. En fait je suis plutôt contente que tu ne t'en sois pas tenu au plan : j'ai été trop nulle comme rabatteuse hier, alors j'espérais qu'avec ton bagout tu compenses mes échecs. T'as réussi à intéresser du monde pour ce soir ? Peut-être on pourra faire encore un peu de publicité aujourd'hui : j'ai vu des maisons de gens riches qui pourraient se montrer généreux avec nous, on pourrait faire du porte à porte et tu m'apprendrais tes blagues pour sympathiser comme t'as fait à la taverne hier !

Je lui adresse un sourire chaleureux. J'aime vraiment beaucoup mon cousin, derrière son humour taquin il cache les mains de Shallya. C'est pour ça que c'est lui qui me seconde pour mes numéros, parce qu'il sait plaire au public, et parce que j'ai pleine confiance en lui. Des fois j'ai envie de lui parler des chapardages à domicile, mais je le fais jamais : j'ai pas envie que la famille entende comme moi cliqueter les dés de Ranald à cause de mes dangereux petits plaisirs coupables.

Quand il remarque mon tatouage au henné, c'est avec fierté que je tire sur ma manche pour lui en montrer chaque détail.

- T'as vu ? C'est joli hein ? C'est une métisse de parents d'Arabie et de Mariusbourg qui me l'a fait ! Tu as trop raison, c'est une excellente idée, ça serait génial de le mettre en valeur avec un costume de bon aloi ! On pourrait aller à la place du marché ensemble pour trouver de jolies étoffes. Et toi, tu as envie qu'on fasse quelque chose pour toi dans la cage ? A part tripoter des statues j'entends...


Je ne sais pas trop comment tu vas gérer ton découpage narratif et je suis jamais à l'aise pour prendre possession du décor a ta place, alors je te donne mes intentions de la journée. Donc :

- Si je peux piquer du lait du Moot dans les réserves je le fais.
-- Si condition précédente remplie, j'en donne quelques gorgées à Assmus pour "l'aider" contre sa gueule de bois :D

- Je vais voir Drido afin de lui demander conseil sur la manière de gérer un chien potentiellement agressif. Vu qu'il adore parler de ses chiens, je fais genre que je demande pour ses patous et pas pour moi :D Vu que je vais en ville, je lui demande au passage s'il a besoin de quelque chose - globalement je peux faire les courses pour qui veut dans la famille.

- En ville, je vais en effet chercher de quoi me confectionner un costume exotique : je cherche des tissus aux couleurs chatoyantes pour pouvoir ressembler à Zaniab. Pour payer, selon ce qui semble le plus simple sur la place du marché :
-- Soit Assmus distrait le marchand avec du baratin / pitreries pendant que j'utilise ma comp de vol à la tire pour piquer directement les tissus.
-- Soit même méthode sur un éventuel quidam qui se balladerait avec des choses précieuses à la ceinture que je pourrais troquer contre lesdits tissus. :D

- J'achèterais aussi un petit bout de jambon, rien de massif, juste un morceau.

- Et pour finir, en effet, je compte baratiner Assmus pour lui dire que vu qu'il est meilleur que moi en rabatteuse, ça m'enlèverait beaucoup de culpabilité qu'il m'aide à faire la pub en porte à porte - et on ira comme par hasard sur ma suggestion commencer par la rue du manoir du prêtre. De plus, si le chien est là, j'aurais l'occasion de lui donner du jambon pour sympathiser :mrgreen:
Susi Tristepanse Bonchardon, Voie de la voleuse, rang 2.

Profil : For 7 | End 7 | Hab 14 | Cha 12 | Int 9 | Ini 9 | Att 8 | Par 7 | Tir 9 | NA 1 | PV 50/50

États temporaires :
-

Compétences :
- Roublardes : Acrobaties, Contorsionnisme, Crochetage, Déplacement silencieux, Évasion, Vol à la tire,
- Intellectuelles : Acuité visuelle, Langage secret - Jargon des voleurs
- Martiales : Esquive, Résistance accrue, Résistance à la magie(2)
- Divers : Chance, Cuisine, Vision Nocturne

Équipement :
Porté :
- Bolas
- Grenades assourdissantes
- Grappin
- Outils de crochetage
- Boucle d'oreille en or
- Couteau à beurre
- Gibecière
- Lait du Moot

Équipement de voyage (pas systématiquement porté) :
- Costume de scène
- Tenue de Monte-En-l'Air
- Miroir maudit
- Stocks de tabac
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[MJ] La Fée Enchanteresse
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Re: [Naissance des Nations] [Tristepanse] La meilleure des vies (Westermark)

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Tonton Drido se couchait toujours très tard, et étonnamment, se levait toujours très tôt. C’était à se demander comment il tenait un tel rythme de travail, et si ça ne risquait pas de le rendre frappadingue — à moins que ce soit justement pour ça qu’il paraissait toujours dans la lune, à parler avec ses chiens des heures durant comme s’ils pouvaient le comprendre.
Susi alla le trouver non loin du camp, après être parvenue à chiper au passage quelques petites bouteilles de lait pour reconstituer ses réserves ; elle cacha bien le tout sous elle pour que personne ne lui fasse d’éventuelle remarque, et alla saluer son oncle qui était en train de jouer en envoyant un bâton au loin pour que ses cabots se jettent dessus en aboyant.

« Hop là oh ! Mam’zell’ Susi ! Tout va bien ? Ben mangé et tout ? »

Tristepanse éloigna vite la question, et demanda nonchalamment à son oncle comment il pouvait gérer un de ses chiens tentant de le mordre.
Il ricana très fort, et se mit à brailler de plus belle.

« Oh là là, mais qu’est-ce qui sont pas agressifs mes toutous ! Ah ça non ! Ah bon des fois, c’est vrai, ça se mord un peu, entre eux — ça arrive quand l’jeu se passe mal et quand ils sont trop excités ; r’garde les là ! »

Et il siffla.

« OH ! JOUEZ DOUCEMENT !
Ouais j’disais donc, nan, nan, ‘fin… Nan, c’pas dangereux un chien, pourquoi, t’en as peur ? Elle est bizarre ta question, oué, mais ‘fin, maint’nant qu’tu l’dis, je me suis déjà fait mordre une fois. Attends, je l’aie encore la cicatrice. »


Le risque, quand on commence à parler avec Drido, c’est de se retrouver avec lui qui vous tient la jambe pendant une demi-heure. Bien sûr que oui Tristepanse connaissait sa cicatrice : il lui avait déjà montré et racontée l’anecdote quatre ou cinq fois, et oubliait dans la seconde qu’il l’avait racontée par le passé.
Le pressant doucement et avec forte diplomatie, Susi obtint quand même un peu de maigres informations un peu utiles pour ce qu’elle souhaitait vraiment.

« Mais oué, mais oué, un chien qui veut t’mordre ça peut poser d’bons soucis.
Alors, l’truc que j’pense moi, c’est que la pire chose à faire, c’est c’que n’importe qui ferait : c’est agiter les bras et donner des coups de pied. Ça va juste enrager le p’tit toutou et y va t’chiper la cheville pour ben t’mordre ! Nan, si un chien t’attaque, faut lui jeter de l’eau froide à la gueule. Ou même encore mieux, lui lancer une couverture dessus, une grosse, comme ça il est aveuglé et il se bouge dans tous les sens, ah ça c’est ben utile.
Aussi, un chien ça a de très bonnes dents, mais c’est tout léger. Si t’arrives à l’distraire, tu peux t’écraser sur lui facilement. Ensuite tu lui bloques le museau, t’enroules un lacet, une corde, et il peut plus rien faire.
Bien sûr, si tu fais ça, faut à tout prix porter des gants. C’est pas négociable, il te faut une paire. S’il pose ses dents sur un de tes doigts, il va te l’arracher. Direct. »


Tout ça, c’étaient des conseils précieux. Mais se battre contre un chien impliquerait de la lutte et du bruit, et attirerait du voisinage. Ce n’était probablement pas les conseils que Susi cherchait vraiment, mais il était difficile de lui en demander plus sans attirer sa suspicion… Ou alors, se retrouver à démêler une énième de ses histoires.



En retrouvant Assmus, Susi commença à l’amadouer. Folbouffon était un garçon intelligent, alors, pour mieux le convaincre, elle décida de lui tendre une bouteille de lait pour le requinquer. En voyant le petit récipient en terre cuite, il eut un grand sourire sincère.

« C’est encore mieux qu’un grog chaud, ça ! Tu t’es pas fait engueuler pour en avoir pris ? Les viocs’ y tiennent tellement à ce lait, ils cassent bien les noisettes. »

Il « trinqua » en l’air, ouvrit le capuchon, et but trois bonnes gorgées. Il deviendrait vite bien vif, heureusement, il était plus supportable que d’autres lorsqu’il en buvait.
Quand les numéros du cirque ne suffisaient pas à gagner sa croûte, le lait du Moot était un des bien qui se vendait toujours avec une grande facilité sur les étals des marchés…

« Hm-hm, oué, j’ai intéressé du monde, pas mal de monde ; Mais pas de métisse Arabéenne. C’est fou ça quand même, on peut dire que t’as le chic pour faire jouer la fortune de ton côté.
C’est quoi ton secret ? C’est ta patte de lapin, c’est ça ? Tu me la prêterais contre quoi, tiens ? »


Il posa sa main libre dans sa poche, tout en sirotant encore un peu. Regarda en l’air, de côté. Il essayait de se faire désirer.

« Hmm… J’sais pas… Tu sais, y a encore beaucoup de choses à faire au cirque, les numéros vont commencer dès ce soir… »

Mais Susi avait réponse à tout : elle s’était proposée de faire des courses pour le cirque. C’était ça l’astuce, transformer ses loisirs en corvées.
Et ça semblait bien plaire à Assmus.

« Ha bah, si on va faire des courses, alors on peut pas nous le reprocher…
En route, alors ! »




Les gardes de Baerenthal avaient changé. Mais comme hier, on retrouvait à nouveau un duo devant les pans de bois. Toujours des paysans casqués et armés d’une simple lance, qui, comme à leur habitude, sifflaient les deux passants pour les alpaguer avec de mauvaises blagues qui ne faisaient rire qu’eux.

« Ah bah que Gotrin mentait pas en fait ! Que qu’y a le p’tit-peuple qu’a franchit les montagnes ! Dès le dégel, ça a des petites jambes mais ça perd pas de temps ces choses-là ! » se mettait à railler un grand monsieur tout mince.
« C’est beau l’Westermark, hein ? Pas mal du tout le Westermark, c’est riche comme vous voulez le Westermark ? » pressait son camarade, en se reposant sur sa lance.
« Un peu frais quand même », leur lança comme toute réponse Assmus, en baissant les yeux.
Les deux sentinelles se regardèrent et ricanèrent gras entre elles.
« Faites gaffe à pas errer trop loin des murs quand même. Y a des géants dans le Westermark. Y a des Bretonnis. Y a des Fées qui volent les bébés. »

Si on avait bien parlé des géants et des Bretonnis au cirque, la mention des Fées était toute nouvelle. Elle suscita un sourcil relevé d’Assmus, qui, soudain, arrêta sa marche pour demander des renseignements.

« Des fées, vous dites ?
– Ouais, des Fées. Toute la très grande forêt au sud, c’est là où elles vivent.
– Et elles enlèvent des bébés la nuit…
– Y a des arbres qui bougent aussi.
– Oh oui.
– Qui se font passer pour des jolies femmes bien cambrées…
– Et qui, – paf ! – vous trucident quand zavez les chausses aux g’noux !
– C’est un pays de fous. Heureusement les Bretonnis nous ont laissé leurs pâturages et leurs champs, nous on a Ulric qui nous protège ! »





Susi souhaitait obtenir un peu d’argent. Chaparder est dans la nature des Halfelins — alors qu’au Reikland, il est commun d’arracher la main aux voleurs, les Halfelins trouvent naturel de voler ce qui dépasse. Voler est en soi déjà un concept difficile à imprimer dans leurs consciences ; est-ce vraiment voler que de prendre avec des doigts quelque chose qui tient à une ceinture, ou qui est sur le bout d’un étal ? Forcer une cage, ou une grille, c’est voler. Frapper quelqu’un pour lui arracher violemment quelque chose, c’est voler. Récupérer, ce n’est pas voler.
Par on-ne-sait quelle ironie cosmologique, cette façon de vivre se conciliait parfaitement avec les Chats. L’homme-qui-croise les doigts, cet étrange patron que certains se mettent à vénérer, n’aime pas les crimes de sang, mais il trouve terriblement divertissant le fait de tromper autrui pour lui prendre quelque chose sans que l’on s’en rende compte. C’est encore mieux quand la victime est un homme riche et puissant, et le cambrioleur quelqu’un issu du peuple ; quand les statuts se retournent, Il est joyeux.


Voler un marchand est chose risquée. Les marchands surveillent bien leurs inventaires, ils reconnaissent bien leurs clients, ils connaissent les bonnes personnes. Mais il y avait aussi une raison moins connue et plus singulière : aussi ironique que cela puisse paraître, il arrive que les marchands prient Ranald. Pour avoir de la fortune dans les bonnes affaires, ils imitent ses talents de saltimbanque, apprennent à bien parler, à pérorer, et abandonnent souvent une pièce sur dix dans les arrières-cours d’abattoirs où l’on joue aux dés.
Il était risqué à plusieurs égards de voler un marchand et de repartir avec son tissu. Aussi, Assmus et Susi préférèrent se mettre d’accord sur le cambriolage d’un quidam en pleine rue.

Ils commencèrent à passer chez un queux. En pleine rue, son commerce constitué d’une simple banne de toile en l’air pour le protéger de l’averse, il était en train de faire rôtir au-dessus d’un feu un immense porc embroché. Susi alla lui faire un bon sourire, et négocia pour obtenir un morceau de viande qui pourrait se conserver quelques jours. Mais en pleine discussion, l’échange tourna à sa défaveur : le cuisiner était un gros monsieur, très gros, et très sympathique avec elle. Peut-être parce qu’il était bien joyeux, ou parce que ses bourrelets et ses joues rondes faisaient un peu rougir Susi, il parvint à obtenir très généreusement un peu plus d’argent que ce qu’on pouvait raisonnablement espérer pour un bon morceau de jambon. Lui extorquant avec douceur quelques pièces de cuivre, elle pouvait repartir avec le tout dans une petite sacoche.

Ensuite, le duo retourna près de ces statues d’Elfes graciles, qui plaisaient beaucoup au bouffon. Assis sur des vieilles marches en marbre fêlées, il regardait en rêvassant ces femmes très grandes, très minces et peu habillées.
Peut-être trop minces pour le goût des Halfelins, en fait. Il était surprenant que Folbouffon trouvait de l’attrait pour ces dames. Peut-être pouvait-elle le taquiner là-dessus.

Les deux se cherchaient une proie. Des gens leur passaient devant : des passants qui déambulaient, en remontant ou en descendant l’avenue. Il y avait une mère au foyer dodue, mais elle était entourée de ses enfants. Il y avait un vieux monsieur qui portait une charrette à bras, mais il semblait trop pauvre et avoir bien besoin de ce qu’il avait.
Finalement, ils tombèrent sur quelqu’un qui convenait parfaitement. Un grand monsieur, d’un certain âge mais qui marchait toujours bien droit et les épaules en arrière, sûr de lui. Les cheveux grisonnants, une forte barbe bien peignée, des cheveux noués et brillants, une oreille un peu fendue, comme si elle avait été mordue. Il portait un costume quelconque, un simple manteau avec un col brodé, verdâtre, sans bijoux ni bagues sur ses doigts. On n’aurait pas pensé qu’il était quelqu’un de riche, car les gens riches se promènent rarement sans fibules, bracelets et colliers.
Mais c’était son air qui le trahissait. Les gens riches marchent comme si tout leur appartenait. Ils marchent dans la rue avec cette espèce de regard fier. Ranald aime tromper les gens de ce rang.

« T’es sûre de toi ?
Bon, tentons notre chance alors ! »


Ils se séparèrent. Assmus se leva et alla tout droit, alors que Susi, pour ne pas éveiller les soupçons, fit un tour plus grand. Elle chevaucha un parapet arraché, et retrouva la rue en tournant derrière un mouton qui était en train d’être baladé. Elle redevenait aux yeux des habitants une gamine humaine perdue.
Elle alla rejoindre Assmus, qui avait fixé l’attention du beau monsieur. Il se tenait tout droit, les bras croisés, en le regardant de haut.

« Comment ça, des numéros ? Vous vous amusez à vous jeter dans des cerceaux enflammés ? C’est mieux avec des animaux sauvages qu’avec des Halfelins.
– Oh, mais mon brave homme, si le cirque ne vous intéresse pas, pourquoi ne pas venir mesurer votre force et votre adresse ? Prouver à Baerenthal qu’il n’y a pas plus costaud et agile que vous ?
– Oui, pourquoi ?
– Il y a des lots à gagner ! Et beaucoup à boire ! On s’attend à recevoir du monde, toute la cité ne parle déjà plus que de nous !
– Moi je savais même pas qu’il y avait un cirque qui s’est installé. »

Visiblement, le bel homme s’amusait à se moquer d’Assmus, à en jurer par son regard mauvais.
Mais il était complètement absorbé par sa tentative de tourner le bouffon en ridicule. N’est-ce pas à ça que sert un bouffon ?
Alors qu’il était peu méfiant, Susi approcha ses doigts. Elle serra fort sa bourse, pour qu’aucun tintement métallique ne vienne la trahir, et elle tira le tout pour le chaparder.
C’était trop facile. Elle n’avait plus qu’à se faufiler sans même être trahie par son ombre, grâce au temps bien nuageux de ce début de printemps.

Assmus continua à lui tenir la jambe pour n’éveiller aucun soupçon. Susi n’avait qu’à attendre son retour sous une statue de Déesse Elfe.
Elle ouvrit la bourse.
Elle était bien grasse. Débordant de pièces d’or et d’argent. Il y avait même une petite gourmette enroulée, avec écrit quelque chose dessus. Et une sorte de caillou tout brillant, et vert, une pierre précieuse qu’elle n’était pas certaine de reconnaître.
Elle n’avait pas juste volé un riche ; elle avait volé un homme très riche. Décidément, la fortune était de son côté aujourd’hui.

Assmus revint nonchalamment cinq minutes plus tard.

« Alors ? Tout roule ? »



Pour trouver des vêtements, il est normal de se rendre chez un drapier. Dans les maisons, ce sont normalement les femmes qui filent — c’est elles qui s’assurent que toute la famille a de quoi chaudement se vêtir. Mais certains hommes contrôlent des vêtements de meilleure qualité, bien teintés, bien cousus, qui viennent naturellement d’ailleurs. Eux concurrencent les femmes, et vendent des tuniques et des chitons de toutes les couleurs, qui tiennent chaud, surtout pour les gens qui ont les moyens de se les payer.
Mais en voyageant dans la grande avenue aux étals où elle avait trouvé Sirrah hier, Susi tomba sur un commerce un peu plus intrigant que les autres. Il ne se trouvait pas dans un de ces immeubles bâtis par les Peuples Anciens, il n’était pas abrité sous de la pierre ou du bois dur et immobile avec une devanture. C’était plutôt une sorte de grande tente épaisse, posée en plein milieu d’un champ, avec deux chevaux en train de manger du foin à côté — un peu comme le lieu où vivait Zaniab, c’était une caravane d’un marchand qui voyageait et qui trouvait sa fortune où il pouvait. Il y avait l’air d’avoir du monde qui s’en occupait, contrairement aux deux Arabéennes qui vivaient seules ; un jeune garçon aux cheveux longs était en train de bricoler quelque chose sur la roue du chariot, tandis qu’une femme qui avait l’âge d’être sa mère brossait l’un des chevaux.

À l’intérieur, il y avait deux clients qui regardaient des étals constitués d’étagères en bois alignées. La question que n’importe qui pouvait se poser en entrant, c’était se demander qu’est-ce que ce commerce vendait.
Parce qu’il y avait de tout. Absolument de tout.
Empilés les uns sur les autres, des rouleaux de toile. Dans un coin, on découvrait du parchemin. Sur un présentoir, il y avait de la quincaillerie — des bijoux, des briquets, des pipes, et même deux paires de lunettes, cette espèce de chose étrange que des scribes posent sur leur nez car ils se plaignent que leur vue devient trouble. On voyait des besaces, des couvertures, des petits flacons de cristal, vides ou avec de l’essence dedans.
Plus que tout, il y avait au milieu de la tente un petit réceptacle. Dessus, une bougie de cire était en train de brûler. Il y avait autour un jeu de dés, et des cartes retournées. N’importe qui, en voyant ça, pourrait simplement se dire que c’étaient là des petits jeux à vendre.
Mais Susi percuta. Ce n’était pas juste pour proposer à des clients de partir avec un tarot. C’était un signe. Un symbole religieux. Au milieu des choses à acheter, les caravaniers avaient installé un autel de Ranald, caché à la vue de n’importe qui.

Susi s’approcha au fond de la tente. Il y avait un comptoir qui n’était en fait qu’une simple table, et derrière, un homme était assis, les pieds sur la-dite table.
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C’était difficile de voir un marchand chez ce bonhomme. C’était un grand type, gras, large, bâti comme une armoire. Surtout, il était roux, avec une immense barbe tressée d’une étrange manière, avec des jolies nattes propres. Sur son crâne rasé, on observait des sortes de tatouage bleutés gravés.
En le découvrant dans la rue, on aurait pu penser que Baerenthal venait d’être envahie par un Norse débarqué dont ne sait-où — la mer était trop loin d’ici pour en voir. Mais non, ce n’était pas un Norsii. À peine mieux en fait, c’était un Jutone.
Sur ses doigts, il avait dessiné une sorte de petit ancre, et un œil barré. Susi reconnaissait ces symboles : cet homme venait de Mariusbourg. Et il aimait bien le montrer. C’est avec un très fort accent qu’il parlait en reikspiel.

« Merde, des Halfelins. Dire que j’ai dis à Gotrin de fermer sa gueule à raconter des conneries, il mentait pas ! »

Peu importe qui était ce Gotrin, il semblait populaire.
Le Mariusbourgeois rit et tapota sa table.

« Beau trajet depuis le Reikland ? Pas trop difficile ? Je croyais que c’était encore gelé, moi, je pensais poireauter encore une semaine ici ! »

Je vais faire tout ce que tu m’as dit que tu voulais faire, mais pas forcément dans l’ordre, let’s gooooo —

Jet d’habilité pur de Susi : 12, réussite de justesse
Tu récupères 2 lait du Moot (T’en aurais récupéré qu’un en cas d’échec léger, et aucun en cas d’échec lourd. Ça va, piocher de la bouffe chez des Halfelins c’est normal, faut pas faire un test difficile pour ça :mrgreen: )

Passage en flashback avec Drido. Petit jet de charisme. Pas pour le faire cracher le morceau, juste pour voir s’il prend le temps de bien t’expliquer ou si comme d’habitude il se perd en conjonctures et parle tout seul.
15, échec de 5. Quel gros casse-couilles ce Drido.

Jet de baratin sur Assmus pour le convaincre de s’atteler à faire de la pub avec toi (Bonus : +3 grâce au petit cadeau) : 3, réussite très large.

Plutôt que d’aller voler un marchand (C’est très risqué, parce que les marchands ça se souvient bien de leurs clients et ça sait appeler les régisseurs pour faire pendre les gens…), Assmus préfère ta suggestion de faire les poches à des passants ; ce qui vous empêche pas de faire un petit duo, en même temps qu’il fait sa pub.

Achat du jambon dès maintenant, parce que c’est un achat et tu risques rien du tout. Là je vais faire un jet de dés pour décider du prix : c’est du baratin.
Jet de marchandage de Susi : 12, échec de 2
Jet de marchandage du marchand (Il a le profil d’humain pur, mais un +1 parce qu’il a « Commerce ») : 2, grosse réussite.
Le prix augmente un peu plus de ce que tu pouvais en attendre. Mais si tu es d’accord, il te propose une demi-livre de jambon contre 2 sous de cuivre

Jet de distraction d’Assmus (9 de charisme de base + 2 parce que « Bouffonneries ») : 9, réussite de 2. Ton vol à la tire devient beaucoup plus facile.
Jet pour faire les poches (HAB 12 + Vol à la tire (+1) + Bonus grâce à Assmus (+2)) : 8, réussite de 7.
Jet de vigilance du quidam : 14. Duel gagné haut-la-main, sans aucun souci.

Tu voles une escarcelle. Je roule un jet de fouille, sur aucune statistique, c’est juste pour définir un degré de succès et voir ce qu’il peut y avoir comme stuff cool à l’intérieur :
1, réussite critique.
Bon. Visiblement t’as cambriolé un putain de leude qui se promenait sans son haubergeon et sans sa torque, peut-être parce qu’il voulait être discret. Tu gagnes (1d3 : 2) couronnes d’or, un petit caillou de pierre précieuse que tu n’es pas certaine de reconnaître (Un aîné du cirque saura probablement t’aider), et une gourmette en or.
Surtout change de ruelle et marche très vite parce qu’il faut pas qu’il se retourne.

Tu gagnes aussi 1 PdC de Ranald. Il apprécie les vols fins et subtils.

Tu entres chez ce qu’on appelle un mercier, un marchand de choses ambulant. J’arrête le post ici parce qu’il y a pas mal de choses qui peuvent t’intéresser tant chez lui que sur lui.

Jet d’intelligence (-2) : 1, réussite critique. Ok.
C’était censé être subtil, le gars ne souhaite pas le crier sur tous les toits, mais tu reconnais que 1) Ce monsieur vient de Mariusbourg, 2) son autel est parfaitement Ranaldien même si Ranald n’a pas d’orthodoxie, et que 3) le tatouage sur ses doigts le dénote comme un fidèle d’Olovald.
https://bibliotheque-imperiale.com/index.php/Olovald
Qui est Olovald ? En terme meta, un Dieu oublié de la v1. En termes de ce que Susi connaît, c’est un Dieu important chez les Jutones, mais qui fait très peur et n’est vraiment pas aimé des autres Impériaux — il est même interdit de l’honorer dans le Reikland, et en 1010, il sera interdit de l’honorer partout. De ce que tu sais d’Olovald, c’est une sorte de mélange entre Ulric et Manaan en dark, un Dieu qui demande à ses fidèles de noyer ses ennemis dans les marais, qui organise des sacrifices humains, un survivaliste et un pirate, un fou d’extrême-droite qui pense que les Jutones sont son peuple élu et tous les autres doivent faire de la place pour eux. Comme tu vois, c’est assez loin de la réputation de Marienburg comme une ville cosmopolite qui accueille toutes les nations du monde comme on l’observe en 2529.
Pour la petite histoire, je m’inspire du peuple des Frisons, les ancêtres des Hollandais, qui même après avoir été conquis par Charlemagne ont un peu continué à pratiquer le paganisme.
Visiblement, ce monsieur aime prier des forces divines pas hyper réglo avec la Loi.
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Susi Tristepanse Bonchardon
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Re: [Naissance des Nations] [Tristepanse] La meilleure des vies (Westermark)

Message par Susi Tristepanse Bonchardon »

- Tu connais le proverbe cousin, répondis-je à Assmus avec un sourire chafouin, c'est pas chaparder des trucs qui est interdit, c'est de se faire prendre.

Vrai que le lait de Moute, c'est assez long à préparer, ça nécéssite des mélanges compliqués avec des dosages précis, ainsi qu'un temps de fermentation très long. Du coup, les aînés n'aiment en effet pas trop qu'on se serve comme je l'ai fait - mais moi c'est pour la bonne cause alors ça ne compte pas. Après tout, ma précédente bouteille je l'ai offerte afin de sympathiser avec Sirrah, ce qui a permis de convaincre sa mère de jouer les rabatteuses pour nous : donc en toute logique, en chapardant dans nos stocks, j'aidais le cirque à survivre, rien de moins.

Lorsqu'Assmus me demande de lui prêter mon porte-bonheur fétiche, je lui fais les gros yeux.

- C'est une patte de taupe, espèce de béjaune, pas de lapin ! Et c'est pas n'importe quelle taupe, c'était la préférée de Ranald, celle qu'il a sauvé d'un Morr furibond parce qu'elle faisait plein de trous dans ses jardins ! Hors de question que je te la prête, t'es trop négligent tu vas forcément la salir ou la perdre, et après c'est sûr que le Rôdeur Nocturne il va être fâché et me maudire pendant des années !

Ce disant, je l'attrappe sous ma chemise et la porte à mes lèvres pour l'embrasser, avant de la glisser à nouveau bien en sécurité contre moi. Si je la cache ici entre mes seins, c'est pour trois raisons : la première c'est évidemment pour que personne puisse me la chaparder. La seconde, c'est pour que les gens ne puissent pas la voir : c'est bien connu, plus un porte-bonheur est à la vue de tous, moins il fonctionne. Et la troisième, c'est que j'aime bien le contact des poils et des griffes contre ma peau, ça me permet de sentir qu'elle est toujours là contre moi et qu'elle me protège à chaque instant. Non, hors de question de la prêter à quiconque, pas même à Assmus !

On ne prête pas trop attention aux racontars des miliciens qui gardent les portes ce matin : non pas que les histoires de fées séduisantes et d'arbres coquins n'attirent pas la curiosité de mon cousin, mais il vaut mieux éviter de trop trainer sous le regard d'humains qui s'ennuient : il pourrait leur venir l'envie soudaine de rire aux dépends des halfelins, de leur faire payer un droit de passage, ou même de changer d'avis et nous empêcher d'entrer dans la cage par simple caprice, parce que c'est amusant d'embêter des petites personnes.

Après avoir acheté un beau morceau de viande dont j'ai négocié le prix avec un rare talent - deux sous de cuivre pour le meilleur jambon de tout le Westermark c'est quand même donné - on a erré un peu dans les rues de Baerenthal à la recherche de quelques bourses à chaparder. Pas loin des statues elfiques qui inspiraient à Assmus des élans de dévotion envers Rhya, on a fini par repérer le bige idéal, un humain qui devait avoir la cinquantaine et qui, si l'on se fiait à son air et sa démarche, devait tenir le haut du pavé. Ce baveux était plus fier qu'un pou sur son fumier, et il était si occupé à étaler son dédain sur Assmus qu'il ne s'est évidemment pas rendu compte que mon cousin était en train de lui jouer un air pour me permettre d'agir. C'était presque trop facile : il avait attaché sa bourse avec deux malheureux demi-noeuds, les plus faciles à délier quand on sait s'y prendre.

La récompense pour ce chapardage était totalement disproportionnée par rapport à sa difficulté de mise en oeuvre : alors que je pensais trouver dans un contenant si lourd uniquement des pièces de cuivre et quelques-uns d'argent, c'est en fait des pièces d'or, une gemme précieuse et un bijou que j'ai récupéré. J'ai immédiatement embrassé une nouvelle fois ma patte de taupe, avant de murmurer une floppée de remerciements à Ranald qui semblait bien disposé à mon égard. Lorsque mon cousin me rejoignit une minute plus tard, je lui décochais un grand sourire :

- On a diné avec le chat, et on a fait ripaille cousin ! Ce sottard a été plus généreux avec nous qu'une shalléenne. Faut qu'on se tire en vitesse par contre, parce que lorsqu'il va réaliser qu'il est devenu bien léger, je pense que ça va crier haro à des dizaines de mètres alentours !

J'ai glissé dans ses mains une poignée de pièces d'argent, avant de le tirer avec moi pour déguerpir à l'autre bout de la cage, en direction des rues plus huppées dans lesquelles j'avais repéré le manoir du prêtre de Sigmar. Là-bas, après avoir posé quelques questions aux passants, on a trouvé le commerce d'un mercier, établi à l'intérieur d'une grande tente installée au milieu d'un champ. A l'instar de Zaniab ou de ma famille, je suppose donc que ce commerçant est lui aussi un nomade qui se déplace de ville en ville selon les besoins de ses affaires.

L'intérieur est une vraie caverne aux merveilles. Des milliers de babioles et de trésors, entassés les uns sur les autres dans un grand bazar organisé, qui firent briller mes yeux de désir. Tant de jolies choses que j'aimerais acquérir ! Perdant tout sens commun, j'oubliais totalement Assmus tandis que je me mettais à farfouiller partout : je venais de chaparder une petite fortune dans la rue, il était donc évident que mon destin était de tout dépenser dans ce merveilleux palais des plaisirs !

Le plus dur, c'était de se retenir de chaparder des choses, mais la carrure du marchand qui suivait mes mouvements du regard faisait un excellent aide-mémoire sur la bonne façon de se comporter par ici. Après avoir déniché tous genres de tissus et bijoux (et mis certaines étagères sans dessus-dessous à cause d'un excès d'enthousiasme), j'ai remarqué au fond de la tente un petit autel dédié au Chat. J'ai immédiatement lâché tout ce que je tenais pour me précipiter devant, et croisé les doigts de ma main gauche tandis que de la droite je sortais ma patte de taupe de sa cachette comme pour bien montrer à la divinité que je prenais soin de ses présents. Après quelques remerciements enjoués pour ses bienfaits, j'ai glissé quatre pistoles d'argent sous l'une des cartes à jouer : une pièce sur dix appartient au Rôdeur, c'est la règle, et je serais bien folle de ne pas la respecter.

Récupérant mes emplettes éparpillées sur le sol, je me dirige vers l'imposant marchand qui m'accueillit avec un fort accent et un sourire, surpris de la présence de mon peuple si tôt à Baerenthal.

- Faut croire que cette année, Rhya a fait du bringue au Loup Blanc : le dégel s'est fait très tôt, et même si on se gèle les arpions en haut des Montagnes Grises, le terrain est praticable pour ceux qui ont le pied sûr !

J'essaie de le faire un peu sourire, parce qu'en vrai il me fait peur : il est gigantesque, on dirait un Norsii avec ses tatouages, il a une grosse voix qui résonne, et puis il y a la marque d'Olovald sur ses doigts : c'est pas un dieu très gentil et pas très légal, que les Jutones prient de la même façon que les impérieux prient Manann : sauf qu'Olovald, en dehors de la partie pêche fort sympathique, il a aussi une partie tradition qui l'est beaucoup moins, avec des pratiques violentes, et une idéologie raciste. Enfin, tout ça c'est ce que raconte Papy Beauconteur, moi j'avais jamais rencontré de fidèles de ce dieu avant, mais le seul aspect de celui-là me suffit déjà à penser que les histoires sont vraies. Du coup je peux pas m'empêcher d'imaginer le marchand que j'ai sous les yeux en train de me noyer dans une grosse flaque boueuse, et ça me fait un peu transpirer du front.

- Je m'appelle, euh... Susi Bonchardon monsieur ! J'aimerais négocier pour acheter tout ça s'il vous plait !

Tandis qu'il examine la pile de trucs et machins que j'ai posé devant lui, je continue de parler en élevant un peu la voix pour permettre aux clients de m'entendre aussi, tout en invitant Assmus à me rejoindre afin de me seconder.

- Notre cirque s'est installé dehors, et on fait nos premières représentations ce soir. On a plein de numéros aussi rigolos qu'impressionnants, et aussi tout un tas jeux de force et d'adresse : vu comment vous êtes bâti, vous pourriez gagner plein de lots face aux autres participants je suis sure ! Ca serait bête de quitter Baerenthal sans être venu auparavant un peu vous détendre dans le meilleur cirque du Vieux Monde, vous croyez pas ?

Je ne sais pas si c'est une si bonne idée d'inviter un fidèle d'Olovald au cirque, mais on ne peut pas trop se permettre de faire les difficiles non plus avec les gens aux poches bien pleines.

Tout en parlant, une drôle de pensée est venue me titiller l'esprit. Hier, je rencontrais une nomade qui a vécu à Mariusbourg et dont le mari priait Ranald... et aujourd'hui je rencontre un Jutone nomade de Mariusbourg qui a dans son magasin un autel dédié au même dieu. C'est surement juste une coïncidence, mais peut-être aussi que c'est encore le Rôdeur qui a guidé mes pas ici, à moins que je n'aie fait que suivre le fuseau de Dyrath. Dans ce cas, je ne peux pas me permettre d'ignorer un éventuel signe divin, alors je prend mon courage à deux mains, et demande désormais en chuchotant et en bégayant :

- Je... dites, vous connaissez Zaniab, la diseuse de bonne aventure arabéenne qui s'est installée en ville avec sa fille ? Elle vient de Mariusbourg comme vous - je rosis un peu honteusement en pointant du doigt ses tatouages - et je dis pas que tous les mariusbourgeois se connaissent, mais enfin, euh... son mari exportait des biens provenant de l'Orient, et comme vous aussi vous avez plein de jolies choses qui semblent venir de là-bas, j'ai pensé que... enfin... elle est un peu bizarre et j'ai pensé que si vous la connaissiez vous pourriez m'apprendre des choses sur elle mais si vous la connaissez pas c'est pas grave, après tout les arabéennes c'est pas des jutones alors ça mérite pas forcément votre attention et puis c'est pas très poli de parler des gens qui sont pas là alors je comprendrais que... enfin que vous... euh...

Je ne finis même pas ma phrase, qui s'étouffe toute seule. Je suis désormais rouge pivoine, et me suis toute ratatinée sur moi-même de honte - j'espère qu'il ne va pas vouloir me sacrifier à Olovald parce que je suis trop curieuse. Aussi, je jette un regard suppliant à Assmus pour qu'il vienne à mon secours avec une de ses blagues afin de détendre l'atmosphère que j'ai peut-être un peu terni avec mes questions bêtes. Il est temps de payer mes emplettes et d'aller voir ailleurs si j'y suis !



Je prend le jambon.
Je donne 10 pistoles d'argent à Assmus pour son aide lors du chapardage.
Je pose 4 pistoles d'argent sur l'autel de Ranald.
En achats potentiels (ça dépendra des prix) :
- Selon mes souvenirs de ce que portaient Zaniab et Sirrah, je tente de trouver de jolis tissus aux couleurs identiques. Je suis pas grande, j'ai pas besoin d'importantes quantités. Je doute trouver un costume de scène tout fait à ma taille de toutes manières, donc... y a bien un Bonchardon qui sait coudre dans la famille ? Mémé Ida peut-être ?
- Conformément aux conseils de Drido, je vois si je peux me trouver une paire de gants en cuir.
- Pas sur que je trouve ça ici, mais j'ai toujours besoin d'huile d'olive pour l'entretien de mon tatouage :D
- Des bijouuuuuux \o/ Je te laisse me dire ce que je peux trouver, mais des bracelets pour bras et chevilles comme Sirrah ce serait un début, et pq pas une jolie fibule pour fermer ma chemise.
- Autre ? Vu que je farfouille partout sans chercher précisémment des trucs, hésite pas à me dire si je vois des choses singulières qui pourraient me plaire ^^

Si suite il y a, tu connais mes plans, ils sont détaillés dans le spoiler de mon post précédent !

PS : t'as pas précisé c'étaient quoi les courses pour la famille, mais considère que je tente de les faire aussi, hein :D Si ça fait trop de trucs à porter, Assmus servira de mule - je ne suis qu'une frêle halfeline maladive alors qu'il est un solide gaillard bien portant après tout !
Modifié en dernier par Susi Tristepanse Bonchardon le 04 févr. 2022, 15:12, modifié 1 fois.
Susi Tristepanse Bonchardon, Voie de la voleuse, rang 2.

Profil : For 7 | End 7 | Hab 14 | Cha 12 | Int 9 | Ini 9 | Att 8 | Par 7 | Tir 9 | NA 1 | PV 50/50

États temporaires :
-

Compétences :
- Roublardes : Acrobaties, Contorsionnisme, Crochetage, Déplacement silencieux, Évasion, Vol à la tire,
- Intellectuelles : Acuité visuelle, Langage secret - Jargon des voleurs
- Martiales : Esquive, Résistance accrue, Résistance à la magie(2)
- Divers : Chance, Cuisine, Vision Nocturne

Équipement :
Porté :
- Bolas
- Grenades assourdissantes
- Grappin
- Outils de crochetage
- Boucle d'oreille en or
- Couteau à beurre
- Gibecière
- Lait du Moot

Équipement de voyage (pas systématiquement porté) :
- Costume de scène
- Tenue de Monte-En-l'Air
- Miroir maudit
- Stocks de tabac
Awards \o/
Warfo Award 2021 du meilleur PJ - RP
Warfo Award 2022 du meilleur PJ - Ecriture

"Avec Susi, y a pas de souci !"

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