Il y avait un talent des Eshin qui, aux côtés de leur fourberie et de leur furtivité, ne leur était pas toujours reconnu ; Leur patience. Un excellent Eshin apprenait très vite à endurer les pires éléments. Il restait tapis, dans l’ombre, fixe, pendant des heures, des jours entiers, peu importe la température, peu importe l’étroitesse ou la difficulté du milieu dans lequel il se tenait. Jeune initié, on avait raconté à Snikkit comment un assassin était parvenu à égorger un roi Nain en se cachant au fond des latrines de son Karak, attendant que la bonne cible vienne assouvir ses besoins naturels pour surgir et l’émasculer du dessous. C’était la gloire d’Eshin. La preuve de la supériorité de ses assassins. Tant de clans avaient tenté de les imiter, vassaux ou plagiaires ; Mais personne ne pourrait les égaler.
Snikkit avait donné ses ordres. Assuré la remise de l’équipement. Il avait tenté de caresser dans le sens du poil ceux dont il voulait se rapprocher, et regarder de haut ceux qu’il craignait. Mais les petites rivalités de mess et de tentes partagées n’avaient plus leur place avant une mission dont dépendait la survie et la prospérité du Clan. « Choc et Effroi », avait annoncé le Sire-Noir Tichal. Si les Mors et les Skryre se chargeraient de fournir le Choc, ce devait être à Snikkit et à ses congénères de montrer aux choses-hommes toute la puissance de leur effroi.
Mais pour l’heure, ils attendaient. Avec la sombre et inestimable patience Eshin. Tous cachés comme ils étaient au fond de trous de souris individuels, ils pouvaient somnoler d’un seul œil, tandis que devant eux, les Skryre faisaient un boucan infernal pour mettre en place les derniers préparatifs à l’opération. Des technomages en élégantes robes, couverts d’implants cybernétiques, suivaient des croquis et des plans dessinés, tandis que des subalternes fouettaient des masses d’esclaves qui, à l’aide de pioches et de marteaux, s’assuraient de mettre au sol des rails de cuivre sur lesquels une terrifiante machine de guerre allait être déployée : La foreuse géante.
Elle arriva dans un boucan infernal qui fit tressaillir le pelage de Snikkit. Un béhémoth. Un tas d’acier et de malepierre plus larges que deux rats-ogres. En face, un éperon rotatif à-même de percer la terre. Ikit n’avait peut-être pas simplement rugit une bravade devant le sire du Clan Mors ; Peut-être que sa machine infernale pouvait véritablement engloutir le fort des choses-hommes avec une taille aussi impressionnante.
Elle fumait. Elle rugissait. Elle faisait trembler le sol et, au plafond, des morceaux de terre n’arrêtaient pas de se décrocher pour chuter en contrebas. Lorsque la foreuse s’éteignit, les esclaves continuèrent de s’exciter tout autour pour déblayer et préparer son utilisation.
Snikkit et ses Eshin n’avaient plus qu’à attendre. Attendre. Patience Eshin.
Une présence se fit sentir juste au-dessus de Snikkit. Il n’eut pas le temps de se retourner qu’il sentit une tape sur son épaule. Derrière lui, Khisqhil Garde-les-Trésors, était vêtu d’une cape plus noire qu’à l’ordinaire, en plus d’un bandeau sur les yeux et de tout un tas de shurikens liés à une bande qui lui croisait le poitrail. Il était équipé pour la guerre.
« Ton bras-droit te relève-remplace deux instants-stants…
J’ai à te parler-causer. »
Il se retourna et attendit que Snikkit passe le relais à Srenq, pour ordonner à ses Eshins de rester bien cachés et prêts à bondir lorsque leur heure viendra. Puis, il quitta son trou de souris pour trotter vers son supérieur hiérarchique, qui remontait une petite galerie secondaire au fond de la mine.
Il y avait là des pelles enfoncées dans le sol, mais aucun esclave. Comme si ce boyau avait été abandonné. L’endroit parfait pour parler seul-à-seul, de rat-à-rat.
Khisqhil se retourna en gardant bien ses mains dans le dos. Il n’avait pas l’air hostile.
« Tu es prêt-capable de te battre ? Pas trop-trop stressé-nerveux ? »
Il avait dit ça en grimaçant. C’était peut-être une simple question rhétorique.
« Dis-moi-moi, Ombre-Rouge…
Es-tu rancunier-en colère, que j’ai dis-dis que c’est moi qui avait tué-trucidé la chose-homme ?
Tu sais-sais pourquoi j’ai, fais-ça ? »