Les premières lueurs de l'aube effleurèrent doucement la carapace du scorpion, les doux rayons du soleil créant quelques reflets sur le miroir de la chitine noire. L'animal, resté immobile sous le sable toute la nuit durant, à l'instar d'une petite statuette, figée hors du temps, s'anima soudain en cliquetant. Dispersant par son mouvement la mince couche de sable le recouvrant, le scorpion se retourna l'espace de quelques instants vers l'astre solaire, jaugeant brièvement cette boule d'une aveuglante clarté, qui rayonnait à présent depuis le ciel des contrées de l'Est. Puis, se désintéressant de l'observation de ce phénomène quotidien de l'aurore sur son domaine, le scorpion se mit en route, progressant rapidement, ses pattes noires crissant légèrement sur le sable, sa queue marquant d'un battement régulier le rythme de son avancée. Ces étendues infinies qu'il parcourait en ce moment même, c'était son territoire, son lieu de chasse, aussi, et était tout autant synonyme de mort que de vie. Pour lui, chaque ombre pouvait aussi bien dissimuler une source de danger que lui permettre de s'en protéger : c'était dans la nature du désert, d'être un lieu où vie et mort s'entremêlent en un étrange amalgame. Plus loin, au Nord, les forces naturelles étaient troublées par des phénomènes déséquilibrants, contre nature. Cela faisait longtemps, que la créature chitineuse sentait émaner comme des miasmes de noirceur dans le vent des éléments : ce grand désert n'était pas parcouru que par des êtres vivants... Parfois, des choses mortes foulaient le sable ; et si lui, le scorpion, n'en était pas inquiété, il s'éloignait généralement de la source de ce déséquilibre de l'ordre des choses.
Le scorpion fut soudain enseveli par la dune qu'il était en train de longer, lorsque un immense pied dérangea le sable autour de lui, provoquant de multiples chutes de sable le long de la dune. Manœuvrant habilement, le petit animal s'avança, s'éloignant de cette source d'agitation. Il fit à peine deux mètres, s'éloignant du tumulte, lorsque une ombre le recouvrit, et qu'il fut soulevé du sol, saisi par la queue. Il gesticula un moment, tandis que l'humain le posait sur sa main, paume ouverte. Raël leva sa main à hauteur de son visage, scrutant la carapace sombre du scorpion, défiant peut-être du regard l'animal à la piqûre meurtrière de tenter de le blesser. Le scorpion, indécis, dérouté par ce sol inhabituel sur lequel il prenait appui, se déplaça de quelques minuscules pas à gauche et à droite, avant de s'immobiliser, frémissant, s'immobilisant dans une posture prudente, sa queue déployée, prête frapper un ennemi qui ne viendrait peut-être pas.
Raël cessa finalement de contempler le corps segmenté de la créature, et leva le nez vers l'Ouest. Du haut de sa haute dune, il put distinguer, toute proche, la ville portuaire d'Al-Haik, destination de la caravane qu'il avait accompagnée depuis Numas en tant qu'escorteur. La traversée du désert s'était passée sans anicroche majeure ni autre indicent d'aucune sorte, Raël connaissant le désert comme tout-un-chacun connait sa contrée natale. Après quelques secondes passées à rêvasser, un scorpion dans la main, Raël entendit ladite caravane le rejoindre, entamant l'ascension de la dune, quelques mètres derrière lui. A présent qu'il était arrivé à Al-Haik, la première étape de son voyage était passée.
Et l'aventure pouvait commencer.