[Event RP multijoueur] La Route d'Eldorado

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Essen
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Re: [Event RP multijoueur] La Route d'Eldorado

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Prédateurs, Proies
     Le soleil n’était pas encore levé sur la jungle. Dans le silence de la nuit tardive, les bêtes de la jungle se pourchassaient les unes les autres. Mille drames animaux et végétaux se jouaient dans l'indifférence de tous. La jungle n’était que meurtres silencieux, traques invisibles.

     Une flottille de pirogues amazones descendait le fleuve. Les petites embarcations longeaient la berge, se camouflant de la lune dans l’ombre des grands arbres. A bord des frêles esquifs, pas une guerrière de Lustrie, mais plusieurs douzaines de féroces pirates elfes noirs. Ils avaient enroulés leurs armes de chiffons pour masquer tout bruit. Tous se tenaient couchés, ne donnant que de prudents coups de rame pour avancer vers leur proie.

     Devant eux, deux grands navires elfiques étaient amarrés l’un à l’autre , les voiles baissées. Ils avaient jeté l’ancre dans un coude du fleuve, à l'abri des caprices du courant. La plupart des hauts elfes étaient assoupis, rassurés par la présence de leurs compatriotes de l’autre navire. Seuls quelques gardes aux cimiers d’argent dépassaient des bastingages blancs.

     Les druchii s’arrêtèrent dans les mangroves pour observer les asurs à quelques centaines de mètres seulement. Un nuage passa devant la lune, assombrissant les eaux du fleuve aux yeux des gardes hauts elfes. Un elfe noir donna un signal et les corsaires se relevèrent soudain pour ramer énergiquement droit sur leur cible.

     Les pirogues touchèrent la coque du navire le plus proche quelques instants plus tard. Avec des gestes experts, les druchii lancèrent plusieurs grappins et commencèrent à escalader le flanc du bâtiment. Deux hauts elfes un peu trop vigilants basculèrent par-dessus bord, un carreau d’arbalète au milieu du front. Leurs corps furent attrapés dans leur chute par les elfes noirs qui les allongèrent dans leurs embarcations sans un bruit.

     Sarquindi grimpa à son tour. Ses blessures au ventre étaient comprimées par des bandages serrés, et il avait pris avec lui plusieurs rations de potions. Celles-ci supprimaient toutes ses douleurs, mais le médecin de bord avait aussi prévenu le capitaine corsaire que sa perception du danger risquait d’être réduite. Peu importe, pensait le corsaire, il n’en avait jamais eu. Un elfe monta du pont inférieur. Sarquindi  se jeta sur lui et le cloua de sa lame contre le bois du bateau.

     Les quelques elfes noirs déjà à bord exécutèrent les dernières sentinelles, puis traversèrent le pont des bâtiments elfiques pour faire descendre une dizaine de cordes le long de la coque de l’autre côté. Sarquindi marcha alors jusqu’au bastingage et fit un signe en direction du rivage. Aussitôt, la jungle vomit le reste des corsaires. L’équipage de Sarquindi et les guerriers de Phy’lis sortirent de l’ombre des arbres en portant d’autres pirogues qu’ils mirent immédiatement à l’eau. Une vague sombre s'apprêtait à engloutir les deux navires blancs.

     Les corsaires montaient à bord,se glissaient par les portes ou grimpaient aux échelles de corde. Chaque seconde, un nouvel asur s’effondrait, frappé dans le dos dans un couloir ou la gorge tranchée dans son sommeil.

     Sur la berge, Phy’lis jubilait.
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     Les corsaires sortirent de la forêt armes aux poings et coururent le plus silencieusement possible vers les navires asur. Des traits furent lancés sur les sentinelles, il ne restait qu'une centaine de mètres lorsqu'une sentinelle se prit un carreaux et tomba dans l'eau faisant "plouf" ; deux secondes plus tard, l'alerte sonna dans le camp et les asurs préparèrent une ligne de défense. Yelmerion sortit de sa cabine, elle sortait d'une réunion avec Prestelance de Cothique, les deux portaient encore leurs armures. Rejoignant la première ligne, Yelmerion se tînt prête à recevoir les druchii.
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     « Une, deux, trois… que le spectacle commence ! »

     Les elfes étaient capables de s’élancer avec une agilité et une célérité terrifiante, à même de glacer le sang, comme s’ils étaient les avatars de la grâce la plus démente. Des cris n’eurent pas été plus rapides que ce ballet de bateleurs enchantés qui bondirent de la jungle en déversant leurs nuées de dards sadiques sous la forme de salves d’arbalète. Phy’lis avait recruté la lie de Karond Kar, des vauriens et des ratés, mais il en avait fait quelque chose. Son aura théâtrale et sa beauté surnaturelle forçaient les cœurs à de plus redoutables efforts.
     Un esthétisme frappant se dégageait de leurs mouvements, de chacun de leurs gestes, de leurs bonds, de leurs pas, de leurs tirs ; car avec Phy’lis ils étaient la part d’un carnaval ambulant, d’une compagnie théâtrale sanguinaire et anticonformiste. Point décadente, non. Phy’lis aimait la chair, les plaisirs, la sensualité, mais pas le relâchement sur les questions artistiques. Il savait faire d’une comédie une œuvre sérieuse, à la représentation aussi glauque et saisissante que l’étaient ses diatribes publiques à Karond Kar. Il était de ceux qui caressent les dictateurs et crachent sur les tyrans. Il était d’un art osé et méticuleux, parfait sans être avant-gardiste, original sans se supporter lui-même. Il était fou de théâtre, il était fou de guerre, il était fou de dévorer la chair et de torturer. Il était à la pointe de son assaut, boule multicolore et brasurée se dandinant dans des ambitions de violence.

     « Par Khaine ! Voici notre scène ! Veillons à divertir les dieux ! »

     La marée de capes de dragon des mers se mouvait en un délicieux désordre qui cachait une harmonie planifiée, des mouvements gracieux par lesquels on évitait les flèches adverses et rendait la progression plus imprévisible. Le navire de Prestelance était là, à portée de main, et Phy’lis sentait d’ici l’odeur des asurs et de leur chair blanche qui ne demandait qu’à être écharpée.

« Ô glorieux sacrifice de sang qui de ces lieux s’en va jaillir !
Je prédis que la mort va frapper,
et vous vous en allez gésir.
Ce sera de toute beauté ! »

     Ils bondissaient déjà sur les navires d’Ulthuan. Ces vaisseaux gracieux avaient accueilli une flopée de grappins avides et avares, et des pirouettes de trapézistes permirent aux corsaires de se jeter au corps à corps alors que certains d’entre eux s’arrêtaient sous l’ombre du navire pour décocher tous les carreaux qu’ils pouvaient contre les vaillants défenseurs. Des corsaires tombaient raides morts à chaque seconde, mais cela ne parvenait pas à effrayer des créatures aussi égoïstes et obsédées que les elfes noirs. Des traits les fauchaient dans des cris, mais ils se savaient assez nombreux, et se croyaient chacun assez habile pour se tirer vivant de ce combat. Tous les hauts elfes n’étaient même pas encore montés sur leur pont, que les elfes noirs s’y étaient déjà invités. Phy’lis ne put s’empêcher de se donner en spectacle, debout sur le bastingage en lançant :

     « Oh, rendez-vous compte de l’honneur que vous fait Khaine en vous offrant la chance de périr et de souffrir par la main d’un être aussi beau que moi, et dans l’exécution d’un spectacle aussi merveilleux que celui que nous vous proposons. Allons, essayez de m’abattre, vous verrez que le script a déjà été écrit par Khaine lui-même et que tous vous êtes destinés à pâtir entre mes mains sans espoir d’y échapper. »

     En effet, les flèches dirigées contre lui eurent la fâcheuse tendance de le manquer, sans que cela soit une décision du destin et encore moins de Khaine. Le fourbe tragédien s’était entouré d’une aura déroutante avec ses plumes dans lesquelles étaient accrochées subtilement des tiges de fumigènes auxquels il bouta le feu en montant sur le navire. Des fumées multicolores montèrent, de sa tête, de ses épaules, de ses flancs et même de ses bottes, l’encerclant comme un bouclier démoniaque. Il exécuta des pas de danse qui ne firent que répandre ces volutes autour de sa splendide silhouette. Voilà à quoi il ressemblait quand on lui laissait le temps et le loisir de se préparer au combat, un démon sur le champ de bataille, un spectacle de sons et lumières à lui seul, un fumeux fumiste fanfaronnant non sans forfanterie, faisant figurer des forfaits toujours plus farfelus et effrontés.

     Des flèches, bien sûr, le touchèrent, hésitantes et mal dirigées, mais les mailles qui étaient rendues invisibles par son plumage ne faisaient que le faire paraître invincible. À lui seul, par son numéro glorieusement ridicule, il attira l’attention et la consternation des asurs qui dans un élan colérique concentrèrent leur hargne et leur juste mépris à bannir cette chose ricanante et détestable qui souillait de sa présence le pont de leur navire, mais cela ne fit que permettre aux corsaires d’avoir plus de répit pour grimper en hâte avec pavane et dantesque joie, s’émerveillant aux éclats en découvrant les visages colériques de leurs ennemis de toujours qui semblaient attendre d’être massacrés par leurs soins. Un délicieux combat s’annonçait, mais un grain de sable vint jeter à bas la machine que ces joyeux acrobates de cirque sanguinaires avaient érigée sur le podium de leur spectaculaire représentation. Sur le pont, organisant la riposte face à cet assaut soudain, un héros en armure rutilante, si blanc que cela en choquait la vision, apparut dans son champ de vision. Le capitaine en personne irradiait tant dans son immaculée blancheur qu’en comparaison le plumage féérique des vêtements de Phy’lis pouvait ne ressembler qu’à une terne et vile tentative qu’un chaotique ferait pour ressembler au ramassis vomitif qu’un corbeau des désolations deviendrait en laissant son noir se diviser en flagrantes vomissures.

     Le comédien n’avait jamais paru aussi noir qu’en comparaison du prince Aetholdyr Prestelance. Gracieux et imposant comme un séraphique paladin. Phy’lis se sentit immédiatement et instinctivement menacé par cette apparition, sifflant en se drapant de sa cape multicolore où une seule teinte manquait cruellement : le blanc.
     Son visage violacé de rage et noirci par son ascendance sauvage parut ressortir en même temps que sa colère. Pourtant, dans ses yeux rouges sangs, un éclat semblable à celui du rire se manifesta. Nul ne sut jamais pourquoi, il susurra en un couinement langoureux une phrase en reikspiel, cette langue humaine. Une phrase qu’il connaissait et trouvait agréablement bien servie à cette situation. Quel elfe aurait su dire ce que cela voulait dire. En tout cas, cela ressemblait à des vers.

     Il ricana puis reprit en langue elfique.

     « Vous… délicieuse entrave à ma gloire… venez… dansons ensemble pour le plus grand plaisir de Khaine… dansez avec moi… et priez donc le dieu du sang que je ne vous prenne pas vivants ! »

     Le prince répondit par la probité et le flegme guerrier de sa lignée. Cette créature venait de révéler un aspect plus flou et mal constitué de sa nature, opaque et translucide à la fois. Cet elfe noir en devenait dégoutant. Qu’à cela ne tienne, il fallait le tuer en tout cas, même si à première vue il ne semblait pas dangereux. Assez sûr de lui, bouclier et lance prêtes, il se précipita au combat avec l’idée d’en terminer rapidement.

     Phy’lis bondit dans toutes les directions les unes après les autres. La lance pourtant redoutablement foudroyante du prince n’arrachait que des plumes, car la parure et les fumées qui enrobaient la plantureuse silhouette de Phy’lis ne cessaient de tromper le regard et les sens. Le prince pouvait même se demander si oui ou non ses attaques touchaient sa cible, pour se rendre compte que celle-ci sautillait déjà sur son autre flanc avec des rires enfantins en récitant comme un poème alors que la lance cherchait à tout prix à le transpercer :

« Ô, voulez-vous voir le lit en flammes?
Voulez-vous descendre dans votre peau et vos cheveux ?
Vous souhaitez également coller le poignard dans la feuille.
Vous voulez aussi lécher le sang de votre épée ! »

     Puis s’ensuivait un ricanement et Phy’lis lui tirait la langue, ce qui n’était que pour mieux camoufler qu’il tirait son poignard. Un coup fut aisément paré par Aetholdyr, un second plus par miracle, mais au troisième Phy’lis parvint à se glisser si proche du prince que sa lance ne pouvait plus menacer le tragédien, et la lame de sa dague sembla se rendre éthérée pour toucher la chair sans réellement en avoir acquis le droit. Ou bien était-ce que le coup était trop rapide et la situation trop préoccupante pour que le prince puisse se soucier de deviner où il avait été touché ? En tout cas, une douleur le lança, mais il n’en montra rien, repoussant le comédien d’un coup de bouclier. Phy’lis le contempla avec hargne, grimaça, et continua de chantonner :

« Ô, vous voyez les plaies sur l'oreiller,
vous pensez que vous pouvez embrasser l'innocence,
vous pensez que tuer serait difficile
Mais d'où viennent tous les morts ? »

     Il semblait presque en transe, se remémorant les paroles d’une étrange tirade aux vers tortueux, qui en elfique sonnaient comme des menaces et des avances en même temps. En vérité, réciter ce texte lui donnait à la fois un aspect terrifiant, mais surtout permettait à son esprit de se concentrer sur la musicalité et la danse plutôt que sur la haine, la colère et la jalousie qui autrement auraient pu le mener à faire des pas bien trop empressés et virulents dans sa volonté capricieuse de voir le prince asur mordre la poussière.

     Il recommença son attaque, avec un nouveau tempo pour dérouter l’adversaire, se glissant jusque vers son visage pour l’aveugler de ses fumigènes scabreux, puis s’en retournant d’une pirouette dansante après avoir asséné un coup de dague venimeuse. Le prince asur ne se laissait pas avoir par tous ces futiles artifices. Il repoussait les attaques, et patientait pour l’occasion de frapper avec sa lance, parfaitement conscient que son ennemi finirait forcément par faire un mauvais pas.

     Ce mauvais pas vint : Phy’lis, comme un clown, marcha sur une des plumes de son costume. Il en fallait plus pour faire réellement trébucher un elfe. Mais le coup de lance de Prestelance n’avait pas besoin de plus que de la seconde de désorientation de Phy’lis alors qu’il venait d’échouer dans un de ses pas. La lance transperça des plumes, qui volèrent en tous sens, ne laissant que pour un regard acéré la vue des gouttes de sang qui perlaient dessus.

     Phy’lis avait bondi en arrière, tel un couard. Son visage grimaça dans la haine la plus grande qui soit, mais cette bouche haineuse se fendit en un sourire alors que du sang gouttait sur le sol.

     « Aha ah ! Ne sais-tu pas ce qu’est la guerre ! »

     Il commença à tournoyer sur lui-même en lançant des filets de fumée tout autour qui l’enrobèrent comme des tentacules voluptueux. Prestelance voulut en profiter pour attaquer, mais il soupçonnait une quelconque ruse. Alors il prépara sa lance, guettant le mouvement qui approcherait sa cible pour frapper avant d’être à portée de la dague.

« L’amour, c’est la guerre !
L’amour c’est la guerre !
Et je vous hais ! »

     Et le nuage de fumées et de plumes arrachées s’envola, en même temps que Phy’lis détalait par surprise. Décidément, cet adversaire était un peu trop coriace pour lui. Il l’avait blessé plusieurs fois avec sa dague empoisonnée, et s’était imaginé que cela suffirait, mais visiblement ce vil haut elfe était par on ne sait quel moyen capable de résister à ce venin. Peut-être n’avait-il pas assez remis de l’enduit sur sa lame après la bataille contre les singes de la jungle, les humains. Il se rua vers le côté opposé du navire, cherchant peut-être un moyen de se rendre utile à la bataille d’une autre manière. Pour s’assurer de ne pas avoir perdu la main, il égorgea par surprise deux archers asurs, s’ouvrant ainsi la voie vers l’autre navire, où il put apercevoir Sarquindi se battant avec une femelle asur. Une princesse elle aussi ? Il les observa plus attentivement, cherchant à repérer si la proie de Sarquindi était plus forte ou non que la sienne.



Du sang pour Khaine, des larmes pour Isha
     La Garde Argentée forma rapidement une ligne, derrière laquelle les archers asurs se réfugièrent, les traits commencèrent à tomber sur les corsaires. Les gardes des portes formèrent la deuxième ligne, prête à renforcer la première. Au milieu de la ligne, Yelmerion donna l’exemple et embrocha un elfe noir, accomplissant le premier sang. Elle enchaîna rapidement sur un deuxième qu’elle décapita.
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     Les affrontements s’étaient généralisés sur l’ensemble des deux navires elfiques. Désormais, des ponts inférieurs surgissaient des vagues d’asurs prêts à défendre chèrement leurs vies. Les corsaires continuaient à grimper aux bastingages. Dans les deux camps, chaque perte était immédiatement remplacée par un nouveau guerrier, la haine dans le regard et l’arme tirée.

     Sarquindi venait de sabrer un archer dans le château arrière. N’étant pas immédiatement menacé, il se baissa et enfonça ses doigts dans l’orbite de sa victime, en retira l’œil et le porta à ses lèvres. Il en goûta la surface avant d’y croquer à pleines dents.

     En dessous de lui, les soldats d’élite de la troupe asure venaient de surgir sur le pont. La garde d’argent, lourdement équipée, forma rapidement une ligne derrière laquelle les archers asurs se réfugièrent. Les traits commencent à pleuvoir sur les corsaires. Plusieurs d’entre eux furent criblés de projectiles l’instant d’après, avant d’avoir eu la moindre chance de trouver un couvert.

     Voyant le semblant de ligne de bataille que les hauts elfes tentaient de former, plusieurs druchii se regroupèrent et lancèrent un assaut contre le mur de bouclier de leurs cousins d’outre-mer. La violence du choc disloqua la ligne, mais coûta cher aux assaillants: huit d’entre eux furent rapidement transpercés par les lances. Les autres parvinrent à ôter la vie de plusieurs lanciers avant d’être repoussés par les moulinets de l’épée de Yelmerion. Un elfe noir se jeta sur elle mais fut décapité par un autre mouvement de la lame tourbillonante de la noble d’Ulthuan.

     Sarquindi, pourléchant ses doigts couverts de sang, se releva. Il remarqua immédiatement la cheffe asure dans la mêlée et esquissa un rictus cruel. Il sauta face à Yelmerion. Contrairement à son nouvel allié, Sarquindi ne parlait pas en combattant. Sa lame parlait pour lui. Une première attaque fut parée in extremis par l’asure qui tituba sous la violence du coup. Une seconde ne rencontra que l’air. Au troisième coup, le corsaire écarta l’épée de son adversaire mais celle-ci parvint à se baisser pour esquiver la frappe. Un coup de genou dans le côté la fit malgré tout rouler sur le côté. Le tumulte du combat sépara alors les deux adversaires.

     Frustré par la résistance imprévue de la noble, Sarquindi se jeta sur un lancier proche et l’éventra de bas en haut. Il ne vit qu’au dernier instant que Yelmerion le chargeait. Le druchii évita l’assaut d’un pas de côté et se remit immédiatement en garde. Les deux enchaînèrent les passes d’armes sans parvenir à prendre l’ascendant. L’acier de naggaroth passa plus d’une fois à un cheveux de la tête d’Yelmerion, mais celle-ci parvenait à tenir à distance les attaques les plus dangereuses par les mouvements de son épée à deux mains.

     Un tir de carreau perdu sépara les duellistes qui s’écartèrent à nouveau. D’autres traits venus de l’autre bout du pont se plantèrent autour des combattants. Un soldat asur profita de ce bref répit dans le duel des deux capitaines pour tenter de s’interposer. Sarquindi lui planta sa lame dans le palais et dégagea le corps d’un coup de pied. En relevant les yeux sur la noble d’Ulthuan, il la vit retirer son épée du corps d’un corsaire.

     Ce fut alors que Phy’lis fit irruption au travers de la foule.  Le comédien attira l’attention de Sarquindi en pointant un combattant à l’autre bout du navire. Celui-ci haranguait ses troupes et mettait à rude épreuve la garde d’un marin druchii. Son armure immaculée et son grand heaume blanc irradiaient de lumière dans les ténèbres de la nuit. Le capitaine corsaire reconnut aussitôt celui qui l’avait blessé lors de l’abordage deux jours plus tôt. Son sang ne fit qu’un tour. Délaissant sans même un regard la jeune elfe qu’il affrontait un instant plus tôt, il se rua à l’assaut d’Aetholdyr, qui combattait à l’autre bout du navire.

     Phy’lis regarda son allié de fortune s’éloigner, puis se tourna vers Yelmerion avec une révérence.

     « M’accorderiez-vous cette danse fortuite ? J’ai ouï dire que votre vie était à prendre, et il se trouve que ma lame manque de compagnie »
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     Yelmerion finit par tomber à terre ; elle exécuta une roulade, pensant esquiver un coup mortel, mais une guerrière fantôme se tint entre elle et sa mort. La princesse reconnut immédiatement Kallemmensha avec son bouclier d’obsidienne. Animée par la colère, l’aesanar repoussa facilement l'assaut d'un autre druchii. La commandante analysa la situation pour trouver le point faible des elfes noirs.
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     "L'échec est interdit ! Ne cédez pas, soldats !!"

     Au beau milieu du chaos, des combats, des lames qui chantent et s'entrechoquent, des flèches qui sifflent, des cris de guerre et des râles d'agonie ; au beau milieu de tout cela se tenait Aetholdyr.

     Le prince de Cothique avait perdu de sa superbe, criant, s'époumonant tout en donnant des ordres à ses troupes, avec une fougue à peine maîtrisée. Le flegme avait définitivement abandonné son esprit, désormais habité par la hargne et la culpabilité.

     "Archers! Tirs à volonté! Tirs à volonté, bon sang !!" ordonna-t-il, plus qu'énergique dans son ton.

     Sa patience avait été entamée, son orgueil avait beaucoup trop été froissé. L'aube approchait, et pourtant l'avenir s'assombrissait.

     D'abord il y avait eu cette embuscade, aussi soudaine qu'imprévue, le prenant de court lui et ses hommes, plongeant tout le navire dans la confusion.

     Ensuite, il y avait eu ce grotesque emplumé, qui l'avait littéralement abordé avec ses mots comme avec ses lames. Ce comique, avec ses tirades grandiloquentes, s'était sûrement crû dans les amphithéâtres de Lothern, à se dandiner dangereusement dans son costume, tout autour du noble.

     Toutefois, ce dernier avait fini par lui faire comprendre que la situation était bien plus sérieuse et tragique qu'il ne le croyait.

     Oui, il le lui avait fait comprendre, mais pas de manière définitive...

     Quelle honte.
     Comment ne l'eut-il pas tué ? Comment lui, un Grand de Cothique, un fier guerrier à l'entraînement de plusieurs siècles, avait-il pu laisser ce dégénéré échapper à son destin ?
     Il fallait effacer cette humiliation.

     Subitement, Aetholdyr tourna la tête dans tous les sens.

     Plus il regardait autour de lui, plus il voyait que la situation était précaire, voire franchement mauvaise.
     Partout sur le navire, les hauts-elfes semblaient débordés, isolés, tentant tant bien que mal de repousser les vagues d'assaillants druchii. Les asurs combattaient dos à dos, ou bien dos aux bastingages, aux murs, quand ils n'étaient pas dos au sol, déjà morts.

     En cet instant crucial, plus que les ordres, plus que les mots, ce sont les actes qui comptent. Avec le prix du sang, peut-être que le prince pourra racheter son honneur...

     Au milieu de tout ce tumulte, il aperçoit alors cinq gardes maritimes, coincés au niveau de la proue, se battant bec et ongles, avec acharnement face à sept squales de Naggaroth.
     Réfléchissant à peine, relevant son bouclier, abaissant sa lance, poussant un grand cri de guerre ; c'est avec une hardiesse insoupçonnée que le prince de Cothique fonce sur eux, les percutant sur leurs flancs, les prenant au dépourvu:


     "Courage!" cria-t-il, donnant un grand coup de bouclier à l'un d'entre eux, le déstabilisant, le projetant au sol pour ensuite lui planter sa lance dans la gorge.
     "Ténacité!" continua-t-il, tuant un deuxième squale, l'empalant, le transperçant de part en part avec son arme au niveau du torse.
     "Abnégation!" conclut-il, son arme fendant l'air, se figeant dans le ventre d'un autre corsaire qui tomba à genoux, grimaçant de douleur avant de mordre la poussière, le prince lui donnant un ample coup de pied, retirant par là même sa lance de son corps, désormais sanguinolente.

     A six contre quatre, motivés et soutenus par leur seigneur, les hauts-elfes prirent l'avantage, ne tardant pas à occire promptement les druchii restants.
     De suite après, avec rapidité, les gardes de Lothern s'alignèrent sur leur chef, comprenant instinctivement ce qu'il attendait d'eux.
     En une seconde, au milieu des combats et des clameurs, les boucliers se levèrent et les lances se baissèrent silencieusement ; en un clin d'œil, dans un grand claquement, les écus se vérrouillèrent simultanément, formant ainsi un début de phalange.

     Tout n'était pas perdu, pas maintenant, pas encore.
     Les enfants d'Isha peuvent plier, mais ils ne rompent pas. Jamais.

     Avançant pas à pas sur le pont du navire, animé par un prince et des gardes austères comme déterminés, le mur de boucliers se porta au secours des autres guerriers asurs qui, envers et contre tout, se battaient encore sur le pont.
     Les attaques des corsaires naggarothii, fulminants, ivres de rage, s'écrasèrent contre la phalange des gardes disciplinés d'Ulthuan, galvanisés par la présence de leur prince.

     "Hardi soldats! Hardi!
     Prêts à l'action!
     Prêts au combat!
     Prêts pour notre nation!
     Prêts au trépas!!"

     Les paroles d'Aetholdyr résonnèrent sur toute la nef, et ceux qui l'entendirent redoublèrent d'ardeur dans leur défense.

     Non. La défaite ne les accablerait pas, pas aujourd'hui.

     Dans ces affrontements, dans cette boucherie semblant sans fin, la formation tient bon.

     Du sang, beaucoup de sang est versé, des écus sont défoncés, des lances sont brisées, mais la volonté, elle, reste intacte. Petit à petit, l'offensive des druchii est encaissée, voire même contenue.
Alertés par les bruits du combat, d'autres asurs surgissent ainsi des entrailles du navire, armés, armurés et parés à en découdre. Ces renforts, plus que précieux, rejoignent rapidement la phalange, verrouillant à leur tour leur boucliers ; ou bien ils se postent sur la dunette, bandant leur arcs avec célérité, lâchant des volées de flèches sur les corsaires, perturbant désormais leur assaut avant même qu'il n'atteigne le mur de boucliers.


     Courage ; Persévérance ; Discipline: voilà ce qui ferait pencher le sort du combat en faveur des ulthuanii. Le prince savait cela, et malgré la situation incertaine, il était persuadé que la victoire lui reviendrait grâce à ces qualités.

     Quand soudain, une nouvelle vague, une nouvelle charge des druchii s'abattit sur son vaisseau.
Le choc et l'affrontement qui s'ensuivirent furent encore plus sauvages, brutaux et meurtriers que les précédents.
     Dans un grand fracas, avec une violence inouïe, la plus amère des haines se heurta à la plus inflexible des résolutions.

     On se battait sur un plancher gorgé de sang, et plus seulement pour vaincre, mais aussi pour tuer, pour exterminer son adversaire. Dans les deux camps, on hurlait désormais à mort, on se rouait de coups, on se combattait tout en piétinant les blessés et les mourants sous ses pieds.
     Beaucoup d'elfes noirs moururent, percés et lardés de coups de lances ; mais de nombreux hauts-elfes connurent aussi le même sort, tellement en fait que le mur de boucliers faillit céder face à cet assaut semblant implacable.

     Très vite, le prince de Cothique reconnut celui qui menait cette attaque. Un mélange de dégoût et de mépris s'empara alors de lui.

     Contre toute attente, ce sale traître, dont les ancêtres pervertis avaient partagé le même air et les mêmes terres que ceux d'Aetholdyr, était encore en vie.

     Comment ce maudit bâtard a survécu à la cuisante défaite que le prince lui avait infligée plus tôt ?
Un corsaire se jetant sur lui, Aetholdyr n'eut pas le temps d'approfondir cette question.
     Un pas de côté, et la lame du squale ne fendit que l'air ; un coup de bouclier, et l'elfe se retrouva sonné, à terre ; un coup d'estoc dans le cœur, et l'adversaire n'était plus.

     Tout ceci attira l'attention du capitaine des druchii, qui reconnut alors le prince.
     Au beau milieu de la mêlée, les deux personnages se toisèrent d’un regard des plus noirs.
     D'un geste vif, Aetholdyr lâcha son bouclier, le laissant tomber à terre, se saisissant de sa lance à deux mains, resserrant sa prise sur la hampe de son arme alors qu'il faisait un pas dans la direction de sa némésis.

     L'existence de ce capitaine était une infamie à elle seule, sa mort n'était donc pas une nécessité, mais un devoir. Et la véhémence envahit le prince à l'idée de l'accomplir.

     "Meurs, charogne !" s'exclama-t-il, impétueux, avant de se précipiter sur son opposant, qui fit de même.
     L'affaire était désormais personnelle...
********************************
     « Cette fois-ci, druchii, ce sera le cœur ou la gorge ! »

     Sarquindi s’aperçut avec une joie suffocante de cet énervement passager mais fatal de l’asur ; il lui fallut faire preuve d’un art martial proprement diabolique pour esquiver l’estocade experte du prince à la dernière seconde, la pointe de sa lance lui laissant une profonde entaille au cou. Entaille profonde et douloureuse mais ô combien lointaine de lui ôter la vie… (Aetholdyr : 3T, 1T annulée, 2T, 2B, 2 PV !!)
     Lui-même n’allait pas rater sa proie, oh que non, sa propre lame filant droit vers la trachée exposée du prince… qui se déroba en arrière, dans une chute disgracieuse, lâchant sa lance, tout pour s’éloigner de ce fil d’acier qui allait le tuer… Il finit dos à terre, complètement à la merci du corsaire, lisant dans le regard de celui-ci une seconde d’hésitation, une éphémère tentation vaniteuse de glisser quelque toxique remarque avant le coup de grâce… (Sarquindi : 5T, 1T annulée, 4T, 4B, 1 invu, 3 PV !!!)

     « ISHA  ET  KHAINE !! »

     Sarquindi manqua d’être empalé par trois lances d’un seul coup, effectuant une roulade latérale qui lui valut une retraite salvatrice vers le bord du navire où ses corsaires continuaient d’affluer. Dans une rage impuissante, il ne put qu’assister à la formation d’un mur de boucliers asurs autour du prince qu’il avait terrassé et raté d’un cheveu.

     Aetholdyr ramassa sa lance et voulut ordonner à ses lanciers de lui faire place mais, à son ultime consternation, constata que ses jambes le supportaient à peine, tant son corps avait senti son existence menacée ; ses doigts tremblaient également, son cœur ratait des battements, sa respiration était haletante. Invoquant la sagesse de ses ancêtres à son aide, le prince de Cothique profita du bref répit que lui accordèrent ses elfes aussi longtemps qu’il le put.

     Le duel des deux commandants parut presque décupler la violence des affrontements sur le pont ; dans le chaos des lames et des projectiles, Khaïne s’emparant petit à petit de tous les esprits, le prince et le corsaire n’eurent plus de combat singulier.      
**********************************
     Yelmerion fit face à un nouvel adversaire, les deux s’échangent des regards.

     “Quel nom devrais-je écrire sur ta tombe ?” dit Yelmerion en interrompant le silence.

     “La mort qui est au programme aujourd'hui n'est pas la mienne." répondit le corsaire

     "Au moins tu auras une épitaphe, je me prénomme Yelmerion d'Yvresse !"
     Elle exécuta une brève salutation de son épée avant d'engager le duel. Elle commença par un coup horizontal pour couper son adversaire en deux. Phy'lis, plus préoccupé par sa survie que par l'offensive, recule face à la première attaque, laissant la lame cueillir certaines de ses plumes. Revenant à la raison après un fantasme de combat facile, il fit jongler sa dague d'une main à l'autre pour passer à l'offensive. Une offensive d'apparence confuse, mais à l'incohérence calculée. Yelmerion ne prêta aucune attention à son adversaire. Qu'il danse aux joutes, il reste une cible en mouvement imprévisible. Elle prit son élan et courut sur le druchii avant de tourbillonner sur elle-même.

     Phy'lis s'imaginait que ce duel serait un coup bas dans un chaos irrationnel, celui d'une bataille où la confusion régnait en maîtresse absolue. Or, ce fut lui qui fut confus de voir la guerrière elfe se mettre à effectuer de grands moulinets avec son épée sur le pont de son propre navire. Ni grâce, ni préparation, celle-là refusait de danser avec lui. C'était une des raisons pour lesquelles il détestait les femelles. Incapables de se joindre à sa vision esthétique de chaque action. En tout cas, il perdit plus que des plumes, car il lui fallut se jeter à terre pendant que le lourd métal de la lame tranchait tout un plan de l'espace, écartant avec la subtilité d'un rocher les elfes et les cordages qui pouvaient se trouver sur son chemin. Au sol, déboussolé. Voilà que Phy'lis était une proie parfaite. La princesse s'arrêta lorsqu'elle vit le druchii se mettre à terre. Cette technique, bien que pratique, était assez déboussolante une fois terminée ; heureusement, Yelmerion était encore lucide et abattit son épée sur l'elfe noir encore au sol. "Vraiment, aucun nom." dit-elle en faisant cela.

     Phy'lis se sauva de peu en roulant sur le sol, mais il comprenait à quel point sa situation devenait intenable. En un mouvement dont la souplesse évoquait celle d'un serpent, il se redressa à côté de l'asur, sa lame prête à frapper. Viser la gorge lui semblait le mieux, mais dans son arrogance il commit une erreur en annonçant son attaque, sifflant à la méprisable haut-elfe: "Si vous en étiez digne je vous l'aurais bien dit, Mais de dignité, ô le plus lamentable des êtres, vous n'en eûtes jamais un atome !"

     Yelmerion se retourna en tenant son épée dans sa main pour un mettre un coup de poing avec sa main droite pour faire reculer son adversaire, puis elle continua en prenant son épée à deux mains. Son épée vint verticalement vers le druchii, alors que l'asure ne montra que son flanc droit.

     "La plus lamentable, vous m'en voyez navré mais vous n'arriverez jamais à vous faire connaître ainsi !"

     Le coup de poing fut sans doute plus douloureux que le coup de lame qui s'ensuivit, d'une part parce qu'il eut rouvert une blessure récente de Phy'lis en dépit de ses mailles et, d'autre part, parce qu'il n'y avait rien de plus humiliant pour un combattant elfe. Il avait l'impression de combattre un orque, un orque qui, comble de l'ironie, serait en train de gagner. Mais l'épée ne fut pas indolore pour autant, loin de là. Elle disloqua son armure camouflée et le fit reculer de terreur, un membre lacéré et fracturé, ou presque. Difficile à dire, car une adrénaline fielleuse coulait à présent dans ses veines. Le regard qu'il posa sur son ennemie était celui d'un sauvage chasseur de scalps. Il cligna des yeux. Il s'était assez éloigné pour préparer une nouvelle manœuvre, mais à présent son esprit oscillait. La fuite était peut-être une option viable. Remarquant que son adversaire semblait perdu dans ses pensées, Yelmerion prit appui sur un corsaire agonisant, un pied sur le sur la partie inférieure de la jambe, un autre dans son dos puis dans sa nuque, tout ça pour s'élancer en l'air avec un coup pied retourné, projetant Phy'lis une nouvelle fois à terre.

     "Arrête de dormir ! C'est un duel à mort, pas une auberge"

     Il y avait ce ton de mépris dans sa voix. En réalité, elle défoulait sa frustration sur le druchii. Phy'lis se retrouvait réduit à esquiver des coups, chacun trop puissant pour qu'il puisse les encaisser. Au final, dans une cabriole, il s'écarta vers le bastingage du navire en évitant la pointe de l'épée de Yelmirion. Il passa sa colère sur quelque archer qui avait le malheur de passer par là, qu'il poignarda et rejeta en direction de son adversaire. Puis il lança à la capitaine asure un regard de défi en posant un pied sur le rebord du navire. D'une impulsion, il prit de la vitesse et, tandis qu'elle le talonnait, il sauta par dessus la tête de l'asure, atterrit derrière elle dans un mouvement gracieux, s'épousseta puis partit en courant dans la direction opposée, ne cherchant plus à continuer le combat.

     Yelmerion le poursuivit un instant avant de le plaquer au sol et de le martyriser à coup de poing, laissant son épée à côté. Plaqué au sol, à la merci de l'elfe, il ne dut sa survie qu'à la colère irraisonnée de celle-ci. Plutôt que de saisir une dague pour l'achever, elle préférait le frapper avec ses poings gantés de métal, arrachant la splendeur emplumée de ses vêtements, et plus encore celle de son amour propre. Heureusement, Phy'lis n'avait pas, lui, de tels scrupules dans sa haine. Il ne vit pas exactement ce qui se passait, mais il y eut une ouverture, il se glissa avec un froissement de plumes et caressa la gorge de Yelmirion avec sa dague, mais finalement dirigea sa lame vers le nez de princesse d'Yvresse, lui arrachant un bout de chair, minuscule mais au beau centre du visage, donc bien visible. "Voici comment vous me retiendrez en mémoire, camarade !"

     « Espèce de fou damné !! »
     Elle s’empara de son poing armé et tordit le membre avec une telle violence que le visage du druchii se tordit sous la douleur alors que ses doigts lâchaient la dague. (Yelmerion : tests réussis ! 3T, 2B, 2 PV !!)
     Phy’lis eut alors un geste quasi instinctif, sa main libre se plaquant cruellement contre le visage de la princesse, ses longs ongles s’enfonçant dans sa peau délicate ; désorientant ainsi son adversaire, le comédien la repoussa et s’apprêta à lui rendre la monnaie de sa pièce… (Phy’lis : 1T, 1B, 1 PV !) Ce fut sans compter sur les réflexes de celle-ci : dans sa chute en arrière, Yelmerion se rattrapa sur ses paumes derrière elle, regroupa ses jambes et se détendit subitement tel un ressort, les talons de ses bottes jointes percutant le faciès du druchii avec une violence toute relative, mais qui suffit à inverser la trajectoire de son assaut et lui faire voir trente-six chandelles ! Lorsque Yelmerion se releva, elle le vit à terre, frémissant comme si son corps essayait désespérément de s’affranchir de l’impuissance soudaine de son esprit. (Yelmerion : tests réussis ! 4T, 3B, 3 PV !!! Phy’lis : 2T, 0B)

     À peine voulut-elle ramasser son épée pour en finir que sa vision périphérique capta, se détachant nettement dans un rayon de lune, toute une nuée de javelots dirigée droit sur la scène du duel… Elle ne dut son salut qu’à un bouclier qui trainait à portée de main, les projectiles en bois rebondissant sèchement sur la surface polie de l’objet.

     Yelmerion n’aperçut pas son détestable adversaire s’emparer d’un cadavre encore tiède pour ne pas lui-même finir décimé par la salve…
***
Modifié en dernier par Essen le 27 févr. 2021, 16:31, modifié 1 fois.

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Essen
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Re: [Event RP multijoueur] La Route d'Eldorado

Message par Essen »

La fin d’une cousinade
     Les défenseurs de la Lustrie n’avait pas raté l’occasion de faire d’une pierre quatre coups. Une imposante force de skinks s’était rassemblée sur la rive droite du fleuve. Les hommes-lézards tiraient sur les elfes, sans faire la moindre distinction entre Ulthuanii et Naggarothii.

     Alors que le ciel était calme, docile, il pleuvait sur les navires asurs: Il pleuvait la mort. Par centaines, des fléchettes enduites des pires poisons de la jungle s’abattaient sur le pont des bateaux. Les elfes qui avaient le malheur d’être touchés ne sentaient sur le coup qu’une simple piqûre. Certains, surpris par celle-ci, avaient la chance de baisser leur garde et de mourir tué par une épée, une lance ou une flèche. Les autres succombaient quelques secondes plus tard seulement, la bouche emplie d’une bave pâteuse, les yeux paniqués, et le feu aux veines.

     Mais il fallait plus que ça pour calmer la haine millénaire qui opposait les druchii et les asurs. Les corsaires et les lanciers n’avaient qu’à peine prêté attention aux nouveaux assaillants. Les couverts étaient rares sur le pont. Les boucliers des hauts elfes et les capes des corsaires apportaient un peu de protection aux combattants contre la pluie mortelle. Juste assez pour continuer à s’entretuer entre enfants d’Isha.
************************************
     La pluie de projectiles qui s'abattait sur le navire semaient une telle confusion que désormais Phy'lis pouvait disparaître et échapper à l'impétueuse combattante qui lui faisait face. Yelmerion poussa un cri de douleur puis de rage, rapidement elle ordonna la retraite, abandonnant toute velléité de poursuite envers les druchii.
***********************************
     D’un bond gracieux et trépignant, Phy’lis s’éloigna de quelques mètres de son ennemie. Il s’attendait à ce que ce combat soit plus aisé, et une part de son esprit commençait à douter que la victoire soit possible, à lui ordonner la prudence et la retraite, mais cette part infime de sagesse était inhibée par une soif de sang plus inflexible et cruelle que tout. Il ne pouvait pas poser ses yeux sur cette viande fraîche et luminescente sans avoir un instinct plus fervent que la raison elle-même lui criant de se jeter sur elle pour la dépecer et la détruire. La femelle asure devant lui éveillait tant de haine et d’excitation sanguinaire qu’il en avait oublié toutes ses autres préoccupations.

     « La dague, le sang et l’honneur de Khaine, sont indiscutables ! Mort, gloire, sang, saignez... » pour une fois ses paroles étaient basses, hésitantes, mal construites. Il fallait véritablement que Phy’lis fût dérangé pour en arriver à pareille extrémité. Resserrant sa poigne sur le manche de sa dague, il balaya du regard ses troupes, darda ses yeux affamés vers l’ennemi, puis eut un frisson. Il se tourna à nouveau vers ses hommes.

     Quelle était cette diablerie ? Des fléchettes pathétiques, qui ne pouvaient même pas être celles d’elfes, pleuvaient en une grêle meurtrière sur l’ensemble du champ de bataille. Des elfes des deux camps tombaient sous des tirs empoisonnés de sarbacanes.

     « Vehiyash ! »

     Le lieutenant émergea du combat et se glissa juste à côté de son maître. Une silhouette en cape de dragon des mers, du sang délicieusement étalé sur sa tenue et sa lame.

     « Messire, j’ignore ce qui se passe, mais ces tirs vont nous décimer si nous restons à découvert.

     - Frustrante déduction. Désolante conclusion. Mais êtes vous sûrs que la létalité de ces tirs est digne de nous inquiéter ?

     - Je ne saurais trop dire, messire. C’est arrivé de façon si subite, je ne sais pas si... »

     À cet instant, Vehiyash s’effondra en avant avec un cri de souffrance. Un projectile venait de toucher son œil. Il se mit à râler, à pester, et une salive mousseuse se déversa de sa bouche tandis qu'il rampait au sol.
     Phy’lis chatouilla son chapeau d’un air déconfit.

     « Voilà donc que ce danger est réellement confirmé. Que diantre pourrions-nous faire, sinon retourner vers les ombres, afin de mieux préparer notre riposte. »

     Une volte-face gracieuse, dans un froissement de plumes et de cape. Il lui fallait trouver un moyen de quitter cette bataille maudite, ce gâchis improbable. Mais comment ? Ses elfes voulaient continuer de se battre jusqu’à l’extermination la plus sanglante et la plus virulente de l’ennemi. Il le savait car il avait lui-même eu le même sentiment. Mais maintenant il se rendait compte de la futilité de ce combat. Ils ne gagneraient rien. D’une part, leurs alliés étaient bien trop obtus pour laisser des survivants, mais de plus l’immobilité en ces lieux ne pouvait signifier qu’une mort douloureuse et déshonorante. Non, Khaine voulait qu’ils attendent un autre jour pour exercer leur vindicte ancestrale.

     « Où allez-vous, abomination ! »

     Une asure avait rompu les rangs pour se lancer à la poursuite du tragédien. Celui-ci n’eut qu’un pincement de mépris sur son visage. Quel malheur que même la langue elfique et sa verve ne suffisaient pas à lui donner le bon mot, l’unique terme qui définirait à lui seul l’immense et tempétueux torrent de haine et de mépris qu’il aurait désiré cracher au visage de ces détestables êtres. Par chance, il n’eut pas à dire un mot. Une forme fit un bond par-dessus le rang des corsaires, une silhouette aux dents acérées déployées dans un sourire crochu, une lance dans une main, dans l’autre un grappin. Phy’lis eut un pressentiment qui le fit sourire. Le grappin sauta au visage de l’asure impudente, lui lacérant la joue avant d’être tiré en avant, s’agrippant au bouclier qui fut à moitié arraché des mains de la guerrière. Dans l’ouverture ainsi créée, la druchii plongea sa lance et empala l’adversaire avec un grincement sanglant.

     « Toi, fit Phy’lis en se tournant vers la corsaire qui venait de perpétrer ce preste massacre, comment t’appelles-tu ?

     - Moi, monseigneur ? Niark. Je suis Emesteh monseigneur. Niark. Pour vous servir. »

     La corsaire en question avait l’air plus folle que Phy’lis sans doute. Elle avait des dents limées pour sembler pointues, et ne pouvait empêcher un son nasillard de sortir de sa bouche entre chaque phrase.

     « Emesteh, tu es promue au rang de quartier-maitre et lieutenant. Tu transmettras mes ordres à partir de maintenant .

     - Quel honneur ! Niark. Quels sont les premiers ordres à transmettre monseigneur ? »

     Phy’lis réfléchit quelques secondes à la meilleure façon de convaincre ses elfes de lever le camp. Il fallait ruser.

     « Nous devons quitter les lieux. Ordonne un repli stratégique vers la forêt, en direction de nos embarcations. Dit leur que nous ne pouvons pas vaincre sur ce terrain et qu’il faut les attirer dans la jungle pour espérer les écraser.

     - Excellentissime, monseigneur. Niark. J’y vais. »

     Phy’lis se doutait que les asurs ne les poursuivraient pas. Ce n’était pas dans leur intérêt. Une fois ses corsaires écartés du combat, ils pourraient mieux observer la situation et réfléchir. Ils n’auraient alors aucune difficulté à reconnaître que rester à découvert sur ce champ de bataille était stupide, étant donnée cette pluie de projectiles empoisonnés, et que la poursuite de cette embuscade signerait leur perte à tous.
     Aussi, les corsaires de Phy’lis amorcèrent un repli. Tout au plus le tragédien murmura-t-il une dernière insulte, qui pouvait autant être destinée aux vils hauts-elfes qu’à son inconséquent allié, le sanguinaire Sarquindi. Il faudrait cependant aussi tirer cet énergumène de là, vivant si cela se pouvait. Phy’lis avait besoin de lui, de ses compétences de marin, et de son équipage...
**********************************
     Yelmerion, voyant la pluie de flèches qui ne cessait de s’abattre sur les rangs ulthuanii, donna alors l’ordre de la retraite.

     “Elfes! Repliez-vous sur mon navire! Les druchii courent à leur perte! Inutile de s'attarder sur eux!” ordonna l’Argentée, inspirée par la sagesse.

     La majeure partie de l’expédition entendit son appel.
     De Cothique comme d’Yvresse, archers, lanciers, gardes maritimes, tous obtempérèrent, tous lui obéirent. Avec toute la discipline dont ils étaient capables, tous les hauts-elfes se replièrent promptement. Reculant prudemment avant de surmonter les bastingages et les sabords, tous quittèrent le vaisseau du prince pour rejoindre celui de la princesse.

     Tous ?
     Pas vraiment…
     Certains, animés par un jusqu’au-boutisme et une vindicte implacable, continuent encore le combat contre leurs cousins honnis, envers et contre tout ; malgré les avertissements de Yelmerion, malgré les morts qui s’entassent à leurs pieds, malgré les fléchettes qui sifflent à leurs oreilles ou se figent dans leurs armures.

     Au centre de cet affrontement, au milieu de ce massacre repoussant sans cesse les limites de la raison et de la violence, se trouvait le Prince de Cothique, accompagné de ses soldats les plus fidèles et les plus forcenés….

     Son duel avec le capitaine des squales avait prélevé un lourd tribut sur lui.
     Mais puisant dans sa rancœur comme dans sa colère, le prince Prestelance trouvait encore la force, la force de donner rageusement des coups de hampe et d’estoc, empalant, brisant des côtes, faisant littéralement mordre la poussière à ceux qui lui faisaient face. Le sang s’écoulait de ses plaies, il était blessé de la tête aux pieds, mais il s’en moquait éperdument.

     “Aeltholdyr! Revenez! Ce n’est que peine perdue!” cria de nouveau la princesse d’Yvresse.

     Voyant le prince continuer, s’enfoncer dans son obstination, elle ordonna à Azshannar qui, jusque là, était restée en retrait, de tuer les druchii proches des soldats de Cothique, sans blesser ses alliés.
Des éclairs de magie noire fusent alors des mains de la sorcière, ne tardant pas à s’envoler vers le pont du navire de Cothique, lacérant, déchirant les chairs des druchii tout en épargnant miraculeusement celles des asurs.

     Soudain, les naggarothii se trouvèrent en mauvaise posture.
     Combattant déjà Aetholdyr et sa garde rapprochée, ils se retrouvaient désormais donnés en pâture à la plus noire des sorcelleries.

     Toutefois, de manière assez surprenante, ce n’était guère la victoire qui comptait le plus aux yeux de la princesse.

     “Aetholdyr! Je vous ordonne d'arrêter, exhorta l’Argentée, à la fois autoritaire mais aussi inquiète, ne m'obligez pas à intervenir!! - clama-t-elle.

     Toutefois, au milieu des combats, entre les clameurs et les nuages de magie noire qui ravagent le vaisseau du prince, elle n’entendit qu’un seul un cri:

     "JUSQU'À LA MORT!!”

     Aetholdyr avait-il perdu la raison? L’avait-il seulement entendue ? La princesse le comprit: il fallait agir, et vite.
     Dans tous les cas, une chose était sûre, le prince de Cothique a décidé d’en finir avec Sarquindi. A ses yeux, le capitaine des corsaires n’était qu’un sale traître, une vermine, une raclure qu’il se devait d’abattre. Ces volées de projectiles qui venaient de la jungle n’étaient qu’un simple contretemps ; un simple contretemps, mais qui l’avait quand même séparé de sa némésis. Qu’importe, Aetholdyr était plus que décidé à terminer ce qu’il avait commencé.

     Quelle ne fut pas sa réaction quand il entr’aperçut de nouveau le chef des squales, au beau milieu de ce tumulte, de cette lutte qui n’en finissait pas, et qui ne finirait jamais.
     Aussitôt, guidé par son courroux, serrant sa mâchoire et ses mains autour de sa lance, le prince commença à le charger.

     Mais d’un coup, Aetholdyr a le souffle coupé, on l’a percuté, on l’a pris aux flancs ; complètement déstabilisé, il tombe subitement sur le pont. Une fléchette siffla juste au-dessus de lui.
     La princesse d’Yvresse est intervenue juste à temps, l’ayant plaqué au sol, in extremis.
Azshannar incanta de plus belle des éclairs noirs sur les druchiis restants, les terrassant, les dispersant de tous les côtés :

     “Aetholdyr! Il faut nous replier! lança Yelmerion, toujours plaquée contre le prince.

     - Quoi ?! fit ce dernier, se démenant brusquement, finissant par se redresser. - Impossible…

     - Voyez! Voyez autour de vous!” répliqua la princesse.

     Elle voulait sauver des vies.

     Il voulait achever l’ennemi.

     Le noble tourna rapidement sa tête, jetant des coups d'œil tout autour de lui.
     Le sang comme la sueur souillaient le sol et ses vêtements, des cadavres éviscérés ou démembrés l’entouraient jusqu’aux genoux, son navire était en piteux état, des projectiles frappaient sans relâche ses gardes ; mais surtout, surtout, de la magie noire était utilisée… par son propre camp…

     “Trahison! lâcha-t-il subitement, On nous vole la victoire!!”

     Aux yeux du prince, il faut désormais arrêter cette sale sorcière, qui est sûrement de mèche avec les naggarothii.
     Car sinon, comment expliquer le succès de cette embuscade?
     Comment expliquer le fait qu’elle n’intervînt que maintenant? A la fin du combat?

     “Repli soldats! Repli! Il y a des traîtres parmi nous!” ordonna-t-il, bien malgré lui, ses mots transpirant la frustration.

     C’est donc dans la précipitation, sous les volées de flèches et des fléchettes, que Yelmerion, Aetholdyr et ses soldats ensanglantés se replièrent sur le bateau de la princesse. L’équipage de ce dernier, rattachant rapidement leur vaisseau à celui de Cothique, remorquant ainsi le navire hors des tirs et des druchii.
***************************************
     Depuis qu’ils avaient été séparés par le chaos de la mêlée, Sarquindi cherchait Aetholdyr. Les yeux fous du capitaine corsaire balayaient le pont du navire, qu’il traversait à grands pas. Il enjambait les corps agonisants des victimes des dards skinks, bousculait indistinctement les combattants, donnant parfois un coup d’épée meurtrier à tout asur que son reste de lucidité faisait lui reconnaître. Il ignorait complètement les nombreux projectiles qui lui passaient à côté du visage. Dans le panthéon elfique, Anath Raema, la déesse de la chasse, aveuglait son champion du jour à tout ce qui pouvait l’écarter de la traque du capitaine haut elfe.

     Un tourbillon de couleur enveloppa le corsaire. Sarquindi écarquilla des yeux et mis quelques secondes à réaliser que son nouvel associé, Phy’lis, se tenait devant lui. Le comédien estima avoir suffisamment capté l’attention du regard vide du capitaine druchii :

     « Entracte ! »

     Sarquindi le regarda, sans comprendre, et écarta son allié sans ménagement. Il fit quelques pas en s’éloignant mais fut rattrapé par Phy’lis :

« Qu’à la vie ou la mort vous vous soyez dédié
Ne pourra pas changer que l’entracte a sonné !
L’équipage va périr si vous restez ici
Nous reviendrons plus tard finir ces ennemis. »

     Le corsaire plaça sa lame sur la gorge du comédien avec un rictus cruel :

     « Vous osez me demander de fuir alors que cette pourriture de chien d’Asuryan est encore en vie ?

- Pas la fuite, un entracte, une pause dans l’action,
Pour changer le décor où laver votre affront.
Nous n’avons pas le choix : ce n’est pas en mourant
Sous ces fourbes fléchettes que vous serez gagnant »

     Sarquindi écarquilla les yeux, comme s’il prenait conscience du danger. Comme pour donner raison au comédien, il fut forcé de parer un dard du plat de la lame. Après une seconde de réflexion, il concéda:

     « Soit, Entracte, puisqu’il le faut. CORSAIRES ! AUX CANOTS ! »

     Souriant de cette décision, Phy’lis n’attendit pas un instant de plus et cabriola jusqu’au bastingage. Un haut elfe se rua sur lui pour le retenir mais le comédien lui planta d’un geste dramatique une dague dans le front. Puis, le druchii santa dans une pirogue en contrebas dans un froissement de plumes multicolores. Obéissant à l’ordre de leur capitaine, l’équipage corsaire cessa le combat et courut vers les embarcations. La majorité de leurs cousins ne les poursuivaient pas, trop occupés à se protéger des projectiles divers ou à grimper aux mâts pour préparer le départ en urgence du lieu du combat.

     Sarquindi tenta une ultime fois de retrouver sa proie dans le tumulte, en vain. Il cracha de dépit et fit demi-tour. Juste avant d’arriver au bord du navire, il arrêta plusieurs de ses corsaires. Désignant un duo de lanciers un peu trop téméraires qui tentaient de freiner la retraite des druchii, Sarquindi leur ordonna :

     « Je ne partirai pas les mains vides. Capturez-moi ces deux-là ! ils crieront pour les autres.»

     Les marins hochèrent la tête et se jetèrent sur les hauts elfes. Submergés par cette contre-attaque soudaine, ils furent rapidement assommés, trainés et descendus sur l’épaule jusque dans une pirogue. Sarquindi contempla une dernière fois le pont dévasté du navire blanc, puis quitta la scène à son tour.

***************************************
     A peine les navires asurs parvinrent-ils à distancer les lieux du massacre qu’une altercation eut lieu entre les deux commandants d’Ulthuan. Yelmerion et Prestelance étaient dans la cabine de ce dernier, Prestelance ayant convoqué son homologue pour réquisitionner la mage et la ramener dans les prisons de Saphery, d’où elle venait.

     “Une telle sorcellerie est interdite, et vous le saviez en plus!” insista un Aetholdyr encore marqué par les combats, sur un ton acerbe.

     “Les mages de Saphery ont autorisé qu’elle puisse accompagner des expéditions pour réduire sa peine” répondit calmement Yelmerion

     “C’est une traîtresse! C’est une druchii, ce n’est plus une asur! La mort est l’unique verdict pour cette engeance!” dit-il en tapant du poing sur la table.

     “Pourtant il me semble qu’elle les tuait en protégeant nos troupes!” s’exclama t-elle

     “Vous pouvez dire ce que vous voulez, la magie noire reste prohibée dans tous les cas!” répondit le prince

     “Puisqu’aucun de nous ne souhaite céder, je propose de régler cela en duel. Le gagnant décide du sort d’Azshannar.” proposa la princesse

     “Accordé!” lâcha Aetholdyr.
     Les deux commandants sortirent de la pièce et allèrent se préparer après avoir expliqué la situation à leurs elfes. Malgré que des mots violents avaient été échangés, Azshannar n’avait pas bronché, son utilisation de magie noire était parfaitement justifiée à ses yeux. Prestelance voulait la renvoyer dans les cachots qu'elle avait quittés, Yelmerion avait encore besoin d'elle pour se guider jusqu'à son artéfact.


*


     Au matin, après avoir envoyé deux éclaireurs vérifier la sûreté de l’endroit, les deux commandants se rejoignirent sur la terre ferme.
     Les lances, frappées à l’unisson contre les boucliers, résonnèrent : les Yvressii et les Cothiquiens encourageaient leurs seigneurs respectifs.

     À la différence des innommables affrontement de la veille, ce duel à l’aube dépassa rapidement le différend qui opposait les deux commandants pour devenir quelque chose de plus sacré, de plus noble, de plus haut, de plus unificateur : un combat selon les codes millénaires des asurs.
Prestelance tenait tantôt sa lance bloquée entre son flanc et son coude pour une succession de frappes de taille, tantôt appuyée sur son bouclier pour un essaim d’estocades ; Yelmerion devait faire appel à tous les trésors d’escrime qui lui avaient été inculqués par ses instructeurs pour ne pas céder un pouce de terrain au lancier, qui avait l’avantage de l’allonge. Son style en devenait nettement différent de celui du prince : là où ce dernier campait fermement sur ses appuis, en calculant chaque pas, elle n’hésitait pas à faire de rapides pas chassés, des feintes, voire des roulades risquées, destinées à la rapprocher de l’adversaire, ce dernier n’hésitant point alors à ses dérober pour rétablir son avantage.

     Malgré les pertes accablantes des deux camps, malgré les blessés et malgré l’incertitude de l’avenir, les deux équipages ressentirent au contraire un certain soulagement à contempler ce duel, manifestation épurée de la prouesse martiale de leurs commandants respectifs. Force fut de constater qu’aucun de ces derniers ne cédât un pouce de terrain à l’autre, chacun se démenant pour parer ou esquiver les attaques adverses.

     Le soleil s’était depuis longtemps levé au-dessus de la jungle infinie et de l’Amaxon majestueux ; impériaux ou bretonniens se seraient depuis longtemps demandés jusqu’à quand ces deux combattants pouvaient-ils encore ferrailler avec tant de ferveur. Or, pour les elfes, les heures prenaient l’apanage de minutes, l’ennui et la jalousie s’effaçaient face à l’admiration envers les deux duellistes. Aux alentours de midi, après une énième succession de passes d’armes, le prince et la princesse se figèrent lestement à quelques pas l’un de l’autre. Si la nuit précédente n’avait pas été un enfer sans nom, ils auraient pu continuer ainsi des jours durant. Or, à présent, la chaleur suffocante n’aidant pas, tous deux se sentaient épuisés et suaient à grosses gouttes. (Aetholdyr : 4T, 3B, 1 invu, 2 PV !! Yelmerion : 3T, 1T annulée, 2T, 2B, 2 PV !!)

     Tous deux sentaient que pour ne pas s’effondrer lamentablement à cause de la fatigue, ils devaient à présent en finir. D’une manière ou d’une autre, ils devaient surpasser la maîtrise d’autrui et rédiger ainsi un nouveau chapitre à la longue tradition martiale des asurs.
     Ils s’élancèrent.

     Le choc fut violent ; le plat de la lame de Yelmerion finit par s’écraser sur le casque d’Aetholdyr (Yelmerion : 4T, 4B, 1 svg, 1 invu, 2 PV !!!) avant que la princesse ne fut elle-même rejetée violemment par un heurt de bouclier en plein menton (Aetholdyr : 1T, 1B, 1 PV !!! Les deux combattants repartent à 1PV chacun).
     Tous deux à moitié assommés, ils repartirent dans un assaut effréné où les gestes se faisaient moins précis et où les muscles commençaient à crier grâce (Aetholdyr : 2T, 2B, 2 PV !!! Yelmerion : 3T, 3B, 3 PV !!! Les deux combattants repartent à 1PV chacun).
     Ils lurent dans leurs regards respectifs la même résolution où pas un seul n’avait l’attention de succomber face à l’autre. Leurs armes s’entrechoquèrent, leurs poignes furent mises à rude épreuve, en vain (Aetholdyr : 1T, 1B, 1 PV !!! Yelmerion : 3T, 2B, 2 PV !!! Les deux combattants repartent à 1PV chacun).
     Les deux équipages furent partagés entre l’envie de les faire cesser l’affrontement et la peur de commettre ainsi un sacrilège : l’échange ne discontinuait plus et les deux commandants semblaient à présent résolus de risquer jusqu’à leurs vies dans l’affaire :
     Aetholdyr : 2T, 2B, 2 PV !!!
     Yelmerion : 4T, 4B, 1 svg, 1 invu, 2 PV !!!

     Yelmerion : 2T, 0B
     Aetholdyr : 3T, 2B, 2 PV !!!

     Fidèle à une sorte d’instinct de son entrainement à la lance, Aetholdyr n’eut en réalité qu’effectué un pas en arrière et armé de nouveau un coup d’estoc vers le cou adverse ; l’horreur de ce qui allait s’accomplir ne le rattrapa qu’au dernier moment car il réalisa que la princesse allait subir le coup fatal, tous ses mouvements visiblement ralentis sous l’effet de la fatigue. Le prince raffermit sa poigne et stoppa net sa lance, dont la pointe effilée fit perler quelques gouttes carmin à l’ombre du menton de Yelmerion.
     Elle réalisa dans la seconde ce qui venait de se passer et en faillit se mordre la lèvre ; tout son corps avait été poussé à l’extrême et ce fut elle qui finit par faire preuve d’inattention. Par Isha, quel duel…

     Le roucoulement de la jungle et le roulis discret du fleuve ne peinèrent en rien le silence solennel qui s’était installé sur la rive, entre les deux. Tous les asurs étaient désormais suspendus aux lèvres de leurs commandants, leurs armes ayant fait parler d’elles pour des générations à venir, désormais. Le prince Prestelance avait retiré sa lance et avait refusé de la confier à un officier qui s’était prudemment proposé pour l’en délester. Yelmerion, quant à elle, avait rengainé sa lame et ôtait péniblement son casque, qui lui pesait terriblement. Aetholdyr suivit son exemple et confia son casque à l’officier, qui s’éloigna aussitôt. Alors et seulement alors, les deux duellistes s’observèrent l’un l’autre.

     La voix du prince fut rauque, tant la soif le tenaillait, mais n’en demeura pas moins impérieuse :
     « Soldats ! Saluez Yelmerion d’Yvresse ! »
     Le choc des lances contre les boucliers fut accompagné d’un vivat martial. La princesse, cependant, ne bougea guère d’un cil : la politesse de cet elfe était seulement signe de son excellente éducation et de son honneur, rien de plus. Elle avait perdu le duel et se demandait comment elle allait pouvoir accepter d’abandonner son amie et seule clé de réussite dans sa mission à l’équipage du Cothique.
     Aetholdyr, quant à lui, avait pris sa décision, il lui fallait à présent trouver un moyen quelconque pour la rendre justifiable aux yeux de sa cour sur le continent…

     « Princesse d’Yvresse, commença-t-il, la loi est formelle sur l’usage de la magie noire par les sujets du roi-phénix. Nos ancêtres nous ont laissés des instructions formelles en ce sens, desquelles dépend la stabilité du Grand Vortex et le salut de ce monde. Contrevenir à ces instructions est un acte de trahison et tout pratiquant de cette hérésie doit être mis aux arrêts par tout souverain d’Ulthuan qui se respecte. Par cela, je ne doute pas un seul instant, m’entendez-vous, un seul instant, que vous mettrez immédiatement la dénommée Azshannar aux arrêts à bord de votre navire et la présenterez au jugement souverain de votre oncle, à Tor Yvresse. N’est-ce pas ? »

     Yelmerion saisit la nuance du verdict. Elle inclina la tête en guise d’approbation. La magnanimité du prince en ce jour, elle la récompenserait plus tard, les dieux lui fussent témoins. Prestelance, quant à lui, reprit sur un ton nettement moins amène :

     « Je ne souhaite cependant pas mettre mes guerriers en péril d’un tel funeste voisinage. L’histoire de notre peuple regorge d’incursions démoniaques provoquées par moins que cela. Nous levons le camp sur le champ et j’insiste catégoriquement pour que votre navire reste en dehors de notre champ de vision. Je n’en suis point navré. »

     Une fois de plus, Yelmerion acquiesça silencieusement, elle-même plus sévère dans ses traits. La mise en garde du prince était fondée et elle le savait, seulement elle n’avait guère le choix : la Lame Lunaire devait être retrouvée, et son amie magicienne était son unique boussole pour ce faire.
     La princesse observa Aetholdyr lui adresser un bref salut avant de s’éloigner d’un pas qui restait droit malgré l’épuisement. Elle pria intérieurement Isha de préserver ce prince de Cothique avant de lancer à ses elfes : « Soldats ! Saluez Aetholdyr Prestelance ! »


     En traversant la haie de lanciers qui le saluaient, Prestelance se permit enfin un sourire sincère.

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     Les dernières marches à gravir furent les pires : Haakonson et les autres guerriers survivants les escaladèrent presque à quatre pattes, tant ils avaient donné de leur personne pour parvenir à l’ascension de cette immense ziggourat des temps anciens. De jour, l’expérience aurait sans doute été un fiasco lamentable : de nuit, ils pouvaient au moins éviter la chaleur abominable de la jungle qui entourait la vaste cité en ruines. Haakonson aperçut au sommet du temple la figure solitaire du seigneur vampire qui se découpait au clair de lune. Ce dernier se retourna aussitôt en sentant les regards posés vers lui et franchit le grand espace de la plateforme pour venir à la rencontre de ses nordiques. Le chroniqueur avait définitivement abandonné le manteau de fourrure et le couvre-chef qui allait avec, persuadé désormais qu’il gagnait bien plus à être libre de ses mouvements que de s’encombrer d’accessoires superflus. Lorsque son équipage fut entièrement sur place, pliés en deux et reprenant leur souffle, Von Essen leur déclara qu’ils ne le regretteraient pas car le rituel d’invocation pouvait désormais débuter. À la question portant sur la nécessité de grimper aussi haut, il indiqua sur un ton d’expert que la meilleure connexion était souvent établie sur les points surélevés. Il se rapprocha ensuite d’un autel délabré, lui-même surplombé d’un toit massif en pierres taillées. L’autel en question était lui-même un bloc unique au poids indéfinissable, proprement taillé sur les flancs et recouvert de bas-reliefs à moitié effacés par le temps. Les maraudeurs n’avaient aucun intérêt pour ces détails et se présentèrent auprès de l’autel tantôt en maugréant, tantôt en inspirant encore et encore à pleins poumons. L’ascension du temps ne leur avait certainement pas paru aussi ardue lorsqu’ils avaient commencé à gravir les premières marches de l’immense escalier…

     « Bien, glissa le chroniqueur à l’assemblée, Haakonson, est-ce que toi ou quelqu’un d’autre serait volontaire pour sacrifier un peu de sang sur l’autel ? »

     Haakonson lança au vampire un regard méfiant. Ses compagnons froncèrent les sourcils en voyant son expression, cependant le nordique répondit : « Et en quel honneur devrais-je te donner mon sang, vampire ? Mon sang appartient à Korn ! »

     Von Essen ne se laissa point démonter : il avait clairement conscience de sa démarche et n’avait seulement pas anticipé l’amalgame qui était pourtant évident entre la rituel chaotique qu’il allait tenter et sa propre nature maudite.

     « Exactement, Haakonson, c’est à Korn que j’ai l’intention de sacrifier ton sang. Le rituel que je souhaite exécuter s’adresse très précisément à votre dieu tutélaire.

     - Alors tu perds ton temps, Nessenov ! Mon dieu n’écoute pas les voleurs, or tu voles le sang des mortels pour ton propre profit, ta propre pitance.

     - Haakonson ! Si depuis le début de cette traversée, j’ai donné à toi ou à tes hommes des raisons de douter de mes pouvoirs, je souhaite l’entendre tout de suite !

     - C’est en me provoquant que tu veux obtenir mon sang, vampire ? »

     Von Essen se pinça le nez à la racine, juste entre les deux yeux. Il n’avait guère anticipé un tel scepticisme de la part de son équipage, qui ne l’était pas vraiment, certes, mais avec qui il avait au moins eu le temps de tisser quelques liens à travers les dangers affrontés ensemble. Non, en fait, c’était de ce côté-là qu’il devait creuser : « Du calme, tu as raison, Haakonson, tu as raison et j’ai tort. J’ai tort de ne pas vous mettre au courant sur la teneur exacte de ce qui va se passer, je vous dois bien ça après tout ce que nous avons traversé. Je t’explique tout et tu me dis ensuite ce que tu en penses, d’accord ? »

     Le nordique haussa ostensiblement les sourcils face à cet aveu assorti d’une solution diplomatique, avant de hocher finalement du chef. Il eut même un sourire en coin en voyant le vampire souffler de soulagement. Ce dernier lui expliqua alors en termes simples que le sacrifice du sang était destiné à entrer en contact avec les forces obscures de Korn, par-delà la jungle et les mers, par-delà le voile du chaos. À ces forces obscures, il demanderait pieusement les coordonnées aethyriques de quelque compagnie de braves fidèles de Korn désœuvrée qui chercherait gloire et pillages dans des terres lointaines. Une fois les coordonnées octroyées, il userait de poudre de malepierre pour ouvrir un portail dimensionnel permettant aux guerriers de Korn d’accéder à leur position, en plein cœur de la Lustrie, simplement en passant à travers le portail. Lorsqu’il eut fini, il tenta de percer l’expression barbue de Haakonson, en vain : en dehors des moments de combat où il se laissait aller à la rage, le guerrier conservait le plus souvent un flegme tout à fait admirable.

     « Tout d’abord, Nessenov, explique-moi une chose : quel est ton but, dans tout cela, au juste ?

     - Mon but dans tout cela ? La gloire, quelle question !

     - La gloire ?! Mais pour qui ? Tu ne vénères pas nos dieux, ni ceux du Kislev, à ce que je sache, et encore moins ceux des terres du sud !

     - Certainement, puisque je me vénère moi-même. Mes actes de gloire me glorifient moi-même, et je n’y vois aucun inconvénient.

     - Et nos dieux, dans tout ça ?!

     - Ma foi, nos intérêts convergent étonnamment souvent, Haakonson. Le seule différence est que là où vous accomplissez vos actes en leur nom, moi, je sème le chaos pour ma propre modeste personne et pour mes propres modestes intérêts. Rien ni personne ne m’obligera, cependant, à céder un seul pouce de ces intérêts à autrui, qu’il soit dieu ou mortel, homme, femme ou enfant.

     - Homme, femme ou enfant… répéta Haakonson, croisant les bras sur sa poitrine, levant les yeux vers le plafond de pierre, noir d’encre à côté du ciel constellé d’étoiles.

     - Maintenant, Haakonson, ma patience atteint ses limites : soit tu acceptes cette proposition d’alliance, soit tu refuses, pour toi et pour tes hommes, auquel cas je continuerai mon voyage seul. Ta réponse ? »

     Le nordique grimaça : le ton catégorique du seigneur vampire indiquait qu’il ne mentait pas et qu’il exigeait une réponse immédiate. Or, les dilemmes de ce genre étaient rares dans la vie simple et rude de tout habitant des terres gelées. Ami, ennemi… S’éloigner de ces deux notions vers quelque chose de plus vague demandait une souplesse d’esprit dont pas tout maraudeur pouvait se vanter. Haakonson, pour le meilleur ou pour le pire, réalisa qu’il faisait partie de ces rares exceptions…

     « Ma parole, Nessenov, tu es bien aussi fou que les autres membres de ton peuple, tu… Bah ! J’accepte, en mon nom et en celui de l’équipage ! Tu es fou, Nessenov, mais je sens que je serais lâche si je reculais face à un fou. Tu prétends que Korn va t’écouter, eh bien, soit, prouve-le avec ce sang que j’offre sur cet autel ! »

     Sous les regards ébahis du reste des guerriers, Haakonson sortit un couteau d’un fourreau pendant à sa ceinture et s’entailla profondément la paume, puis serra le poing blessé : un mince filet noir s’en écoula, se déposant sans bruit sur la pierre froide de l’autel.

     Aussitôt, Von Essen se reporta sur sa vision aethyrique : les vents arcaniques en Lustrie, il le savait déjà, étaient une horreur sans nom à invoquer, surveillés qu’ils étaient nuit et jour par les esprits indomptables des slanns, ces créatures qu’il ne souhaitait jamais rencontrer dans sa non-vie, de peur qu’une telle rencontre ne le renvoie dans les limbes. Le chroniqueur entendit Haakonson réciter une prière improvisée et comprit que son intuition avait visé juste : l’acte de foi du nordique attirait les courants chaotiques les plus éloignés et les plus dérisoires, encore fallait-il faire preuve de concentration et d’adresse pour les concentrer sur l’autel et obtenir l’effet escompté.

     Il fouilla dans une bourse d’excellente facture, en sortit une pincée de poudre verdâtre : la malepierre rongeait tout, il avait acheté la sacoche à grand prix auprès de ses contacts skavens… Du cuir de Malefosse, qu’ils avaient prétendu. Le vampire jeta la pincée à la surface de l’autel en s’assurant que nulle brise n’était là pour la disperser aussitôt. Il eut fugacement l’impression de jeter de la nourriture aux poissons qu’il s’efforçait d’attirer dans ses filets, si les poissons avaient été les vents corrupteurs et si lui avait été un sinistre pécheur. Le sang, cependant, le sang sacrifié devait être le réceptacle des vents maudit, le gage de foi et de fidélité lancé aux Puissances de la Ruine, plus précisément en l’occurrence – au Seigneur des Crânes, Khorne, la Guerre, la Rage, la Calamité.

     « N-Nessenov ! Ils… Ils me parlent ! Des voix me parlent, Nessenov !! »

     Priant pour que les autres guerriers n’intervinssent point, le chroniqueur fit brusquement le tour de l’autel et s’empara à deux mains de la tête du nordique dont le sang lui valait une audience avec les Puissances Obscures. Il fixa ses prunelles rougeoyantes dans les yeux exorbités de Haakonson, s’empara de la seconde où il fit attention, à lui, s’immisça immédiatement dans son esprit par l’hypnose, entendit à son tour les murmures du Chaos : « Parle ! Toi qui as osé invoquer mon nom, toi qui as sacrifié ton sang et la pierre de la Ruine à ton dieu, parle, ou subis mon courroux ! »

     Von Essen ne se perdit pas en vaines hypothèses s’il s’agissait bien du dieu suprême ou bien d’un démon inférieur : il ne s’agissait certainement pas des abrutis chargés du service après-vente des Khorne Flakes, et il devait jouer serré : « Je sers la Ruine et je sers la Calamité ! Je cherche le chaos et je cherche la gloire ! Perdu en Lustrie, je cherche la Guerre ! Perdu en Lustrie, je cherche les Guerriers ! Seul, je cherche le soutien des Fidèles ! Seul, je veux leur ouvrir le Sentier ! Que ce sang soit gage de ma foi, que cette pierre soit gage de ma puissance ! Que mes frères puissent me rejoindre afin qu’ensemble, nous portions la Ruine et la Calamité en Lustrie ! Je cherche le Sentier !! »

     Sous le commandement du vampire, Haakonson s’entailla l’autre paume et serra le poing de plus belle, le sang qui se déversait sur l’autel se chauffant subitement sans pour autant s’assécher, s’animant même d’une viscosité nouvelle qui lui faisait tracer des runes abjectes sur un bloc qui, des siècles durant, avait servi à invoquer le conseil des Grands Anciens. Von Essen, quant à lui, s’apercevait désormais que si ses précédents artifices avec le froid hivernal avaient pu être tolérés par les slanns, cette dernière audace allait immanquablement attirer leur ire sur lui : les vents du chaos tourbillonnaient à présent sans relâche au-dessus du temple en ruines, des lueurs furtives apparaissaient parmi les étoiles, crépitements sinistres qui n’avaient rien en commun avec les éclairs de l’orage. Le vampire n’eut cependant guère l’occasion de s’en rendre compte car les murmures reprirent dans l’esprit de Haakonson : « Traître ! Voleur ! Menteur ! Blasphémateur de surcroît ! Ton destin n’échappera pas au Trône des Crânes ! Le sang ne ment pas et la prière sera exaucée mais sois averti, misérable : tous les crânes reviennent à Khorne ! Le tien ne fera guère exception !! »

     Dans un fracas épouvantable, une fêlure déchira le voile de la réalité et un vent totalement étranger à ces terres s’y engouffra, glacé et chargé de pluie. Von Essen, encore légèrement étourdi par la malveillance des murmures, s’extirpa de l’esprit du nordique pour se concentrer sur la faille dimensionnelle qui s’ouvrait. Contournant les autres guerriers qui se trouvaient comme paralysés par ce qui se déroulait sous leurs yeux, le vampire regarda dans la faille et parvint à y distinguer ce qui devait être la Mer des Griffes, se dit-il, sous une pluie glaciale, avec un… navire qui fonçait droit vers l’ouverture arcanique.

     Von Essen sortit immédiatement une seconde pincée de malepierre, puis, se ravisant, en sortit une généreuse poignée ; enserrant la poudre brûlante entre ses doigts, il récita quelques mots de pouvoir destinés à asseoir sa domination sur la faille, par laquelle les écumes des vagues commençaient à se déverser abondamment. La faille était juste assez grande pour laisser passer le langshiff et le vampire n’aimait pas ça : la Ruine pouvait encore se jouer cruellement de son audace et influer sur la faille au moment le moins opportun. Son aura vampirique fut galvanisée par la malepierre, les vents corrupteurs éloignés de leur source reconnaissant le pouvoir du sorcier qui les domptait à présent. Le navire nordique, nettement plus grand que leur drakkar, d’ailleurs, se rapprochait. Sur impulsion du vampire, la faille s’agrandit, les eaux salées de la mer se déversant désormais sur la plateforme en un flot continu ; ceux qui gouvernaient le langshiff eurent l’intelligence de ranger leur voile et rentrer leurs rames lorsqu’ils empruntèrent le portail dimensionnel ; le flot des eaux les entraina vers le bord de la plateforme ; Von Essen gaina sa volonté et obligea sèchement les vents de magie à se rétracter et, alors que des échos de rires surnaturels se faisaient entendre, la faille se referma. Le langshiff, emporté par son élan, glissa sur les quelques derniers pouces qui le séparaient du grand escalier avant de piquer la proue la première vers le bas.

     Au bruit et aux cris qui s’ensuivirent, Von Essen eut un haut-le-cœur auquel le disputait une furieuse crise d’hilarité. Il y avait bien au moins deux-cents marches avant d’atteindre la grande place tout en bas…      
     Son équipage clignait des yeux, encore sous le choc de ce qui venait de se produire : fou ! Par Korn, ce vampire était complètement fou ! Les dieux leurs viennent en aide !  
:bat:  :bat:  :bat:

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Chapitre 3 : troisième journée de combats sur l’Amaxon

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     La cité abandonnée de Tlanxla eut préservé bon nombre de ses secrets en ce jour. Lorsque l’on rapporta au seigneur Skrolk, le Pestilentiellissime, Oui-Oui, que les derniers intrus-étrangers assoiffés de richesses s’étaient éloigné sa cité en ruines, le skaven sentit qu’un poids énorme s’était ôté de son esprit malade : la gigantesque maison de jeux souterraine du Temple Maudit n’avait point été découverte, les clans pouvaient de nouveau sereinement venir perdre leur malepierre et s’étriper joyeusement les uns les autres entre deux parties de cartes. Le Pestilentiellissime, Oui-Oui, ne savait guère qu’une fortune tout autre était convoitée par ces intrus. Il pensait cependant que si ce n’étaient point les choses-lézards qui s’occuperaient d’eux, ce serait tout simplement la jungle, sa meilleure assurance contre toute inspection-surprise du Conseil des Treize…
***
     On eut dit que la jungle se fût presque habituée à eux. Les intrus, peu importât leur nature, s’intégraient peu à peu à l’univers aussi vibrant qu’impitoyable du continent lustrien. Cet obscur baptême, fait de douleur, de maladies, de frayeurs et de privations, tous y étaient passés désormais, et tous avaient choisi leur camp : celui des prédateurs, et non des proies. Cependant, malgré cette acclimatation des plus dangereuses, les étrangers demeuraient des étrangers, les autochtones demeuraient des autochtones. La traversée de l’Amaxon ne passait jamais inaperçue pour qui que ce fût, surtout si quelques-uns laissaient derrière eux des traces de sang… Les plus sages à bord des navires éprouvaient ce même instinct qui caractérisait les survivants de longue date : l’étau se resserrait, et même le labyrinthique Amaxon devenait trop petit pour toutes les ambitions qui avaient le malheur de s’y croiser. Désormais, chaque instant comptait, et le moindre effort comportait en lui au moins une étincelle de vigilance quasi animale.



     
     Felbar le Fourbe (Doobloom) vs Helmut Markus Heldenhame (Vytrium)
 
     Depuis sa défaite contre « l’autre vampire », comme elle l’appelait désormais, Felbar s’était enfermée dans son cercueil à fond de cale et n’en sortait plus, digérant une sorte de rancœur tenace qui l’empêchait de retrouver ses esprits. Qu’elle rencontrât d’autres humains, comme l’autre fois, serait passé encore, or à présent cette jungle devenait trop étroite, bien trop étroite si tous les flibustiers de la région comptaient parmi leurs membres d’équipage au moins un vampire aussi doué qu’elle l’était. Son vaisseau fantôme avançait sans empressement : la vampiresse avait ordonné à GrAaflblabl, son redoutable second, de ne la déranger qui si la situation devenait critique. Une sorte de superstition lui faisait croire qu’après la rouste qu’elle s’était prise de la part du dernier « rafiot » (elle tenait à au moins insulter le navire), la situation ne pouvait plus devenir plus critique, elle avait atteint le fond de la honte et s’en extirpait désormais avec lenteur.
     Lorsqu’on lui signala qu’un navire les rattrapait à toute vitesse, Felbar tempêta contre cette infamie, en vain : l’Amaxon semblait indifféremment disposé à lui procurer de nouvelles rencontres…

     Le soleil se levait au-dessus de la jungle, une brume à peine visible s’élevant des eaux miroitantes du fleuve. L’Emmanuelle fendait les flots de l’Amaxon avec bonne allure, son équipage s’étant affairé la veille à procéder à toutes les réparations nécessaires depuis l’attaque des amazones.
     Il y avait sur le pont désormais non seulement des sentinelles, mais aussi un petit détachement de piquiers mobilisé nuit et jour car relevé régulièrement, donnant de loin l’illusion qu’un énorme porc-épic s’était installé sur l’Emmanuelle et surveillait les environs. Quelques mètres plus bas, un nouveau roulement avait été crée spécifiquement pour la surveillance de la sainte barbe, le commandant du navire ayant promis la cour martiale à quiconque trouvé assoupi ou même simplement distrait lors de l’accomplissement de sa veille. Helmut inspirait désormais crainte et respect à tout l’équipage : le récit de sa bravoure avait depuis belle lurette fait le tour du navire, parfois avec quelques enjolivements, cependant il était indiscutable que leur commandant avait sauvé l’intégralité de l’expédition et portait désormais des cicatrices toutes nouvelles, que le médecin de bord refusait catégoriquement de décrire aux plus curieux.
     Le branle-bas-de-combat s’était lui-même mué en une mobilisation discrète, les impériaux apprenant manifestement vite les tactiques de leurs ennemis : s’il y avait la moindre chance que le navire qu’ils venaient d’apercevoir droit devant ne les avait point remarqués, l’équipage de l’Emmanuelle était résolument déterminé à disposer de l’effet de surprise.

     Ce fut ainsi que les deux navires furent côte à côte dans un silence inquiétant. Les impériaux, prêts à en découdre, furent médusés en voyant le pont du vaisseau en-face totalement vide. La levée de toute ambiguïté provint cependant des chevaliers du Corbeau : ils reconnaîtraient cette odeur douceâtre de charogne entre mille, et le pont vide n’était rien d’autre qu’un insidieux guet-apens.
Les instructions furent promptement transmises aux canonniers : par la volonté de Sigmar et la sagesse de Morr, ils enverraient cette coquille pourrie par le fond…

     Le bombardement déchira le silence matinal de la jungle, provoquant un nuage de fumée blanche ainsi qu’un tintamarre de protestation des oiseaux des environs ; dans les instants qui suivirent, les sabords survivants du vaisseau-fantôme s’ouvrirent et le grondement des canons adverses répondit à ceux de l’Emmanuelle ; réalisant le danger auquel ils s’exposaient à présent, les canonniers lâchèrent leur deuxième salve sur les sabords adverses, rechargeant désormais leur artillerie au bruit du sifflet. Ce fut alors que le pont adverse grouilla subitement de monde et que des crans d’abordage furent lancés : réalisant que ces lâches mortels n’allaient tout simplement pas tomber dans le piège, Felbar avait ordonné l’assaut général.

     En d’autres circonstances, les chevaliers de Morr en première ligne auraient été amplement suffisants pour écraser le gros des troupes mort-vivantes qui bondissaient à bord de l’Emmanuelle ; la présence de Felbar et de GrAaflblabl les fit reculer. Réalisant au quart de tour que c’était à lui de jouer, Helmut Markus Heldenhame dégaina son épée et se mit crânement en travers du chemin de la vampiresse.
     Cette dernière n’avait cependant nullement l’intention de faire dans la dentelle : apercevant promptement de curieuses carences grossièrement rafistolées sur l’armure de l’impérial, Felbar déjoua sa garde en quelques passes et enfonça sa rapière dans son ventre mal protégé jusqu’à la garde. (Felbar : 4T, 4B, 1B annulée, 3 PV !!!)
     Le tonnerre des canons parut plus assourdissant que jamais à Helmut : il crut voir tous les mouvements autour de lui en accéléré, ou au ralenti, il ne savait plus, avant de perdre toute force dans ses bras et ses jambes et s’effondrer sur le pont.
     La formation impériale n’eut guère même le temps de frémir : irrépressibles, la vampiresse et son revenant brisèrent les hampes des piques et ouvrirent promptement une brèche dans laquelle les morts-vivants galvanisés s’engouffrèrent. En quelques instants, l’avantage bascula en la faveur de l’équipage maudit, plus personne à bord ne semblant en mesure de mettre un terme à la curée de Felbar. Les chevaliers du Corbeau ne fléchissaient point encore mais n’étaient guère en mesure ne serait-ce que de toucher la vampiresse en furie. La mort dans l’âme, le lieutenant Heinrich Durken prit sur lui la responsabilité d’ordonner l’abandon du navire : l’Emmanuelle était perdue. Lorsqu’Antonio Salieverri lui aboya des ordres d’une teneur capitale, Durken blêmit mais acquiesça et s’engouffra promptement dans les étages inférieurs du navire. Lorsqu’il fit face à la tâche, cependant, l’officier réalisa qu’il n’aurait jamais la volonté de le faire : mettre le feu à la sainte barbe de l’Emmanuelle, même dans l’espoir de faire sauter les morts-vivants avec, cela lui parut aussi infaisable que d’abattre un proche ou un enfant.

     En voyant les impériaux rompre les rangs et jeter leurs armes avant de sauter par-dessus bord et nager vers la rive, Felbar les arrosa copieusement d’insultes bien senties et ordonna à ses morts-vivants de ne pas achever ceux qui étaient incapables de fuir ou avaient la folie de se rendre : ils lui seraient tout aussi utiles vivants que morts… Les prisonniers furent ramenés à bord de son vaisseau, ainsi qu’à peine de quoi les nourrir, elle n’avait point encore oublié ce besoin qu’elle aussi avait éprouvé il n’y a pas si longtemps. Décidément, pour une remontée de pente, ça, c’était une remontée de pente ! Felbar et ses morts-vivants poussèrent encore longtemps des cris sauvages et victorieux après avoir laissé le navire ennemi derrière eux.
     À bord de l’Emmanuelle, Helmut gisait face contre terre, son armure lui pesant plus que jamais, à peine conscient. Il lui semblait presque entendre le Herr Salieverri lui parler encore de son requiem que l’on jouerait sans doute à de nombreuses funérailles.
     Contre sa poitrine, le talisman de la comtesse von Liebwitz palpitait férocement.



     Le capitaine Sarquindi (Ethgri Wyrda) vs Sargath, le Héraut des Mille Lames (Thaelin)

     Lorsque les elfes noirs du Rêve d’Atharti aperçurent droit devant une poupe qui leur sembla familière, chacun ressentit une crainte qu’il se garda bien d’avouer à ses congénères. Ce fut également avec une hésitation à la limite de l’acceptable que le rapport de cette apparition fut fait au capitaine, dont personne ne pouvait véritablement deviner l’humeur, surtout depuis leur assaut avorté de la veille. Fort heureusement pour le druchii qui s’acquitta de ce devoir, Sarquindi fut simplement trop distrait par la singularité de la nouvelle pour se permettre un quelconque accès de courroux envers son subordonné.
     Alors qu’il arrivait sur le pont, talonné de près par Phy’lis, son « bon allié de circonstance », la situation changeait déjà vers quelque chose de plus inquiétant : il était facile de discerner dans la clarté matinale que la galère qu’ils voyaient loin devant virait de bord et se retournait manifestement dans leur direction. Il était tout aussi aisé de détailler la proue du navire : ce n’était plus qu’une simple structure proéminente en bois, c’était un imposant… quelque chose… qui bougeait…

     Le premier trait de l’Arc du Désert manqua de trancher net le haut mât du reaver et déchira la voile, se plantant quelques centaines de coudées plus loin dans les eaux opaques de l’Amaxon. L’amalgame en os commença alors à puiser prudemment dans sa structure afin de créer une nouvelle flèche qui, si les dieux le voulaient, ne raterait pas sa cible.
     Sargath avait lui aussi reconnu le navire auquel il faisait face désormais. La fortune devait lui sourire pour ainsi lui permettre de régler ses comptes aussi rapidement.

     À bord du Rêve d’Atharti, le capitaine vociféra l’ordre de ramer à toute vitesse, quitte à perdre quelques esclaves dans le processus : ils devaient à tout prix neutraliser cette chose au plus vite. Au niveau inférieur, la cadence des rameurs s’accéléra ostensiblement. Au niveau supérieur, l’intégralité des elfes noirs disponibles fut réunie, Sarquindi laissant à son éloquent allié le soin de prodiguer aux troupes une harangue qu’ils n’oublieraient pas de sitôt. Lui-même estimait désormais la distance qui les séparait de la galère maudite, la nature approximative de la chose qui menaçait de trouer leur coque à tout moment et leurs possibilités, aussi minces qu’elles pussent l’être, d’esquiver le prochain tir.
     Le salut du reaver provint de là où Sarquindi l’attendait le moins : ignorant royalement le traitement d’orateur que Phy’lis réservait à leurs troupes, il n’avait guère remarqué les ordres que son allié avait donné à tous ceux qui arrivaient à suivre sa verve et qui les avaient exécutés en un temps record : un peu partout sur le pont du Rêve d’Atharti, des feux furent allumés. Sarquindi ne put qu’accuser les faits, soupçonnant un odieux sabotage, réalisant l’instant d’après que tout le combustible utilisé n’avait qu’un seul but : produire autant de fumée que possible. Quelques substances fumigènes furent même jetées dans l’eau, dissimulant partiellement à leur vision la galère ennemie, maximisant leurs chances de brouiller la vision de celle-ci.
     Lorsque le second tir de l’Arc du Désert tinta, le trait monstrueux perfora le château arrière du reaver, la pointe arrachant le gouvernail sur sa lancée, avant de sombrer dans les flots ; dans les minutes qui suivirent, les deux navires se frôlèrent brutalement, bousculant l’intégralité de l’équipage druchii, les vampires n’en revenant pas encore de la bassesse des tactiques employées par les mortels.

     Sarquindi reconnut immédiatement l’être à qui il avait abandonné l’une de ses précieuses lames ; la pensée de devoir se séparer d’une deuxième le visita comme un insecte répugnant, qu’il chassa en pensée avant d’ordonner l’abordage de la galère. L’exécution de l’ordre d’attaque fut immédiatement retardée par la terrifiante figure de proue de ladite galère : construction faite d’os et de crânes, elle pouvait rappeler le torse d’un centigor géant devenu amphibie ; dotée de deux monstrueux appendices et d’une tête massive aux traits diffus, la construction s’efforça de plaquer l’une de ses paumes gigantesques sur les elfes noirs réunis sur la proue du reaver.
     Si la plupart parvint à échapper à ce péril, un bruit abominable indiqua le funeste destin des moins chanceux.
     Sargath se tenait debout devant son trône : sa construction nécromantique serait l’instrument de sa vengeance et il n’allait guère se salir les mains sur des ennemis qui n’avaient manifestement aucun sens de l’honneur. Peu lui importait qu’il eût perdu contre l’un d’eux en combat singulier : ces mortels étaient une plaie sur la surface du monde et il ne reculerait plus devant aucun moyen pour en venir à bout.

     Sarquindi se souvenait vaguement d’un proverbe en ancien druchii qui sonnait un peu comme « Kil’zewiza, En’dzebat’l », proverbe qu’on lui avait rapporté était très populaire parmi les exécuteurs de Har Ganeth, qui détestaient plus que tout se voir décimer par une quelconque sorcellerie adverse avant même d’avoir pu lever leurs tranchoirs. En l’occurrence, tout portait à croire que leur ennemi était un sorcier dont le trépas signifierait également l’arrêt du monstrueux automate, comme ce fut le cas la dernière fois pour ses plus modestes pantins… Au terme d’un rapide conciliabule, lui-même et Phy’lis déjouèrent sans peine la vigilance de la construction en os et se retrouvèrent à bord de la galère, face aux deux vampires.

     Heinrich von Carstein comprit immédiatement l’intention de cet abordage en si petit nombre et sut que seul un miracle saurait dissuader son seigneur de refuser le défi. Le sylvanien rencontra ensuite le regard de Phy’lis, comprit qu’il regardait dans les yeux d’un dément, se prépara à vendre chèrement sa peau.
     Sargath et Sarquindi dégainèrent leurs armes, leurs « seconds » s’écartant presque naturellement vers le bastingage de la galère, chacun regardant tour à tour soit son opposant, soit le duel des commandants qui allait se produire une deuxième fois. Chacun espérait que ce serait la dernière.
Sargath aurait voulu croire qu’ils avaient bondi simultanément. Or, ce fut comme dans un mauvais rêve qui se répétait. L’elfe noir n’avait laissé aucune chance à son ennemi, comme la première fois : doté d’un instinct meurtrier aiguisé par des siècles d’entrainement et de massacre au cours des pillages, Sarquindi jouait non seulement de sa vélocité et de sa force, de loin supérieures par rapport à la moyenne de sa race, mais aussi de sa finesse : la pointe de sa lame trouva le cœur du vampire avant même que ce dernier ne put abattre son sabre sur lui. Terrassé, son ennemi s’effondra de nouveau. (Sarquindi : 4T, 4B, 4 PV !!!)
     Phy’lis et Heinrich von Carstein échangèrent des regards lourds de sens. Le dernier lut dans les yeux du premier le sort qui l’attendait et bondit promptement par-dessus-bord. Puis, le membre titanesque de l’amalgame s’abattit sur le pont de la galère, là où Sargath et Sarquindi se tenaient il y a un instant. Le druchii réalisa encore une fois dans la seconde à quel point il venait à nouveau de l’avoir échappée belle. Cette diabolique sorcellerie ne s’arrêterait-elle point ?!
     Les deux elfes noirs rejoignirent promptement le reaver et ordonnèrent de manœuvrer hors de portée de la galère ; il fallut faire une pénible marche arrière, la proue du Rêve d’Atharti perdant définitivement toute sa superbe face aux coups ahurissants de la construction. Sarquindi ordonna d’envoyer des projectiles enflammés avec le dernier combustible qu’il leur restait : l’espoir était maigre d’accomplir quoi que ce fut dans l’humidité ambiante, l’opération tenant plus d’une envie sauvage de voir le feu se répandre ne serait-ce qu’un peu sur cette galère maléfique. Cette dernière commença d’ailleurs à lentement dériver dans le sens du courant, indiquant aux elfes noirs qu’au moins, ils ne risquaient point d’être poursuivis par la « chose ».
     Sargath n’avait aucun doute que son acolyte reviendrait l’extirper de l’emprisonnement de la lame une seconde fois. Ce qu’il peinait à concevoir, en revanche, c’était ce qu’il ferait ensuite.      



     Qracl‘Naui (Hjalmar Oksilden) vs Alicia de Meissen (Alicia)

     La jungle requerrait de tous ses habitants une vigueur prodigieuse pour qui tenait à être la race survivante. Dans l’équipage d’Alicia de Meissen, il n’y avait que des hommes vigoureux, mus non seulement par la force de la foi et du patriotisme, mais aussi par une force intérieure bien plus universelle, que l’inquisitrice avait appris depuis longtemps à reconnaître. Cela n’était guère difficile, d’ailleurs : les faibles trépassaient, les forts perduraient. Ils lui rappelaient parfois certains talabeclanders qu’elle avait croisés au cours de sa carrière, des hommes qui priaient Taal, le dieu des forêts et des animaux sauvages, à moins que la ressemblance ne fût plus frappante avec certains middenlanders particulièrement coriaces, dévots du dieu-loup, Ulric. Ses stirlanders à elle étaient des hommes à l’extérieur et des bêtes à l’intérieur, elle en avait conscience. Elle avait tout simplement choisi de faire avec. Pourvu que leur allégeance envers l’Empire et leur obéissance envers elle demeurât intacte, Alicia était même prête à fermer les yeux sur les rares fois où ses hommes pouvaient accomplir quelque acte de cruauté barbare, d’autant plus s’il agissait de races ennemies à l’Empire.
     En l’occurrence, cependant, c’était bien parce qu’ils se trouvaient dans cet enfer vert que les choses étaient ainsi. Depuis leur dernier accrochage avec les créatures indigènes, l’inquisitrice éprouvait des pointes de douleur à chaque respiration et peinait encore plus qu’avant à s’assoupir en position allongée. C’était cependant dans sa nature d’ignorer la partie éreintante de ces dommages, il y avait toujours plus préoccupant dans cette jungle. Par exemple, Alicia savait pertinemment que leurs ennemis les traquaient sans relâche depuis deux jours, attendant vraisemblablement le moment opportun pour attaquer. Ils avaient eu raison de ne pas abandonner le reaver : au milieu du fleuve, ils n’étaient guère des proies aussi faciles que dans la végétation grouillante de bêtes.    

     L’impériale n’avait point tort : deux jours durant, les skinks de la cohorte de Tixyxyon s’étaient relayés pour maintenir à toute heure une vision claire de la position de l’embarcation des intrus. D’autres skinks sillonnaient encore la jungle à la recherche de renforts ; deux ou trois, enfin, avaient été envoyés dans la cité des Anciens la plus proche, afin de requérir le soutien des grands slanns. Comprendre leur absence présente n’était guère du ressort des skinks : ils se contentaient de faire ce qu’ils avaient été entrainés à faire depuis leur conception et d’acquiescer à tous les ordres venant des temples sacrés. Rares étaient parmi eux ceux qui naissaient « différents » et grandissaient ensuite auprès des vénérables slanns, encore plus rares étaient ceux qui avaient eu l’occasion de combattre avec eux contre des envahisseurs et avaient survécu pour le raconter.  
     Pendant tout ce temps, Tixyxyon avait également veillé sur Qracl’Naui, avec qui son lieu était toujours aussi fort, malgré la curieuse blessure que le kroxigor avait reçue à la tempe. La crise de folie avait depuis longtemps quitté l’esprit de ce dernier sans laisser aucune trace. Qracl’Naui ne nourrissait désormais plus qu’un seul vœu : accomplir son devoir et détruire pour de bon les intrus sur leurs terres. Le chef de sa cohorte, cependant, ne semblait guère aussi pressé que lui et lui intimait à chaque fois de partir chasser ailleurs ou de s’entrainer lorsqu’il lui faisait par sa fougue combattive. Qracl’Naui, qui vouait au skink une confiance aveugle, obéissait à chaque fois et ne revenait qu’au moment où il avait soit fini de chasser, soit fini de démolir des rochers à mains nues. Tixyxyon, quant à lui, recevait de temps à autres des renforts épars de skinks caméléons, dont certains portaient les nouvelles inquiétantes d’autres intrus présents dans d’autres parties du fleuve.

     Le reaver se rapprocha de la rive de l’Amaxon pour la raison la plus bestiale qui fût : les maigres provisions des précédents occupants du navire arrivaient à leur terme et il leur fallait inévitablement faire une halte de ravitaillement. Alicia de Meissen était au-delà du point où l’on disait que l’on n’aimait pas ça : la prise de risque faisait partie de leur quotidien, tous les hommes exécutaient ses ordres sans rechigner puisqu’ils reflétaient simplement l’accomplissement coordonné de leurs besoins. Leur débarquement se fit en bon ordre, la pénétration dans la jungle se fit avec l’attitude de prédateurs connaissant leur terrain. Tous espéraient le meilleur tout en étant préparés au pire.
     Le pire ne manqua pas de décevoir leurs attentes.

     La charge tonitruante de Qracl’Naui servit de signal au reste de la cohorte, qui surgit du sempiternel couvert végétal en brandissant leurs lances et leurs boucliers. Les skinks de Tixyxyon étaient de ceux qui suivaient la voie de Sotek, le dieu serpent : ils avaient fait le choix de renoncer aux projectiles pour se consacrer au corps-à-corps, pratique héritée de l’époque cataclysmique où les skavens avaient attaqué les cites-temples en si grand nombre qu’aucune embuscade n’aurait jamais suffi à en endiguer l’assaut.
     La mêlée s’engagea sous les frondaisons, aucun des combattants ne serait-ce que songeant au concept de prisonniers ou de remords.
     Alicia braqua son pistolet sur le kroxigor dès qu’elle le vit. Sa cible étant en plein mouvement, elle visa le torse et fit mouche (Alicia : 3T, 1T annulée, 2T, 2B, 2 PV !! Piétinement : 0B) mais cela ne stoppa guère l’élan de la créature, que l’inquisitrice n’esquiva que partiellement, et fut projetée contre un arbre (Qracl’Naui : 1T, 1B, 1 PV !). Le kroxigor poursuivit sur sa lancée et ratatina encore deux hommes avant de s’effondrer, inerte, une dizaine de pas plus loin : la blessure de son torse saignait abondamment, l’arme à poudre soigneusement entretenue de l’impériale démontrant une fois de plus son incontestable efficacité dans cet environnement hostile. (Alicia : 2T, 2B, 2 PV !!!)
     Ce nouveau déséquilibre des forces servit cependant de signal aux renforts des hommes-lézards pour punir les intrus avec leurs projectiles : javelots et fléchettes empoisonnées jaillirent depuis la canopée, déclenchant une retraite presque immédiate des impériaux : l’inquisitrice savait leur navire suffisamment proche et ils n’avaient aucune chance si cette rive était infestée d’ennemis. L’affaire fut réglée en quelques interminables minutes : les skinks de la cohorte étaient hargneux mais malingres en comparaison avec les troupiers triés par la jungle elle-même d’Alicia. La rive fut rejointe en accusant des pertes minimales et le reaver se défendit bec et ongles jusqu’à évacuer toute la troupe dans la sécurité relative des eaux du fleuve. Les provisions devraient attendre, ils avaient l’habitude.
     Tixyxyon, maudissant les intrus, se jura qu’il se rendrait en personne dans la cité-temple la plus proche pour requérir des renforts.



     Fiodor le Non-Mort (Arcanide Valtek) vs Yelmerion d’Yvresse (Lynairyth)

     À bord du vaisseau qui avait quitté Tor Yvresse quelques longues semaines plus tôt, l’on continuait encore à retrouver de temps à autre une fléchette empoisonnée fichée dans les planches du pont ou du bastingage, présents littéralement empoisonnés de la veille de la part des créatures protectrices de la forêt tropicale. En apparence aussi inoffensifs que des échardes, ces objets étaient retirés avec la plus grande prudence avant d’être jetés dans le fleuve. Une seule avait été gardée par la magicienne Azshannar, désireuse de trouver une occasion pour identifier le venin employé. Il lui fut cependant impossible de trouver un moment opportun pour ce faire : depuis la veille où la princesse Yelmerion, son amie mais surtout la commandante de toute l’expédition, avait négocié son avenir au cours d’un duel mémorable contre le prince Aetholdyr de Cothique, la Ténébreuse ne disposait plus vraiment d’un moment de répit, taraudée à la fois par les regards de tout l’équipage et par sa propre conscience : elle devait à tout prix rester concentrée sur la divination, afin qu’ils retrouvent enfin la Lame Lunaire et puissent enfin remettre le cap sur Ulthuan. Yelmerion ne lui en disait rien, elle se doutait que la magicienne ne fuyait à aucun moment ses responsabilités et se contentait d’accomplir la sienne en supervisant les nombreuses réparations que devait subir le vaisseau depuis la cruelle bataille contre leurs détestables cousins. Toutes deux avaient en commun le fait que leur patience et leur hardiesse étaient constamment mises à rude épreuve au cours de cette traversée de l’Amaxon, fleuve qui leur paraissait désormais interminable et auquel les cartes de Tor Yvresse, pensaient-elles désormais, ne rendaient guère justice. Les esprits avec lesquels la magicienne parvenait à communier n’avaient depuis longtemps plus la même conscience des distances et des nécessités propres aux vivants, aussi Azshannar luttait pour ne pas se laisser aller au pessimisme lorsqu’elle entendait de nouveau que le but de leur quête était proche ; elle se contentait désormais de transmettre à l’état-major la direction globale à prendre. La princesse et son lieutenant avaient eux aussi appris à s’en contenter, bénissant intérieurement les dieux que la direction générale concordait avec la direction générale du fleuve. Ils priaient également Asuryan, Isha et Mathlann que leur traversée ne les fît rencontrer un obstacle qu’ils ne pourraient surmonter. Ensuite, ils priaient Khaine afin qu’il leur octroie la force et la résolution de venir à bout de n’importe quel obstacle qui se dresserait sur leur chemin.
     Lorsqu’un navire fut aperçu au loin, les elfes survivants se rassemblèrent sur le pont, armés de pied en cap et résolus à sortir victorieux de n’importe quelle bataille.

     À bord du Corbeau Centenaire, lorsque la vigie indiqua la présence d’une cible potentielle d’abordage, Fiodor le Non-Mort pointa immédiatement sa longue-vue dans la direction indiquée et se figea : un vaisseau de la lointaine Ulthuan était facile à reconnaître pour qui connaissait Marienburg comme sa poche, et la vision de ce navire eut tout d’abord pour effet de raviver dans la mémoire du vampire certains souvenirs de sa vie antérieure. Il en fut cependant distrait lorsqu’il perçut distinctement le craquement sonore de phalanges naines à ses côtés. Derrière lui, rares étaient les marins qui n’attendaient pas les ordres de leur capitaine, déterminés que tous étaient à l’idée de pouvoir enfin saccager quelque navire qui ne fût pas rempli à ras-bord de morts-vivants sanguinaires. Fiodor, cependant, prit bien le temps de soupeser la situation nouvelle qui s’offrait à son attention : d’abord un ancien compagnon d’armes aussi petit et aussi large qu’une commode, puis ça. Décidément, cette jungle regorgeait de surprises en tous genres, il ne regrettait point du tout d’avoir mis le cap sur l’estuaire de l’Amaxon le jour fatidique où il avait mis la main sur cette carte au trésor. Le vampire baissa le regard en direction de Thrond : le barbu lui rendit un regard noir qui ne laissait aucun équivoque sur l’opinion du nain vis-à-vis de la fréquentation du fleuve par des asurs. Fiodor lui fit signe de la tête : il comprenait. Lui-même ne portait guère les elfes dans son cœur : les rares fois où il les avait observés à Marienburg, ils lui avaient paru bien trop arrogants envers les humains avec qui ils cohabitaient ; les rares fois où il les avait croisés en pleine mer, c’était le plus souvent le moment où ils essayaient de fuir le plus vite possible, ces satanés longues oreilles transportant toujours leurs marchandises sous solide escorte navale. Or, ici, le navire semblait seul, curieusement seul, et surtout terriblement éloigné des voies maritimes marchandes, sans parler du fait qu’il avançait délibérément à contre-courant de l’Amaxon, un peu comme eux, d’ailleurs…
     « Ma parole, glissa le vampire à demi-voix, avec un ton qui trahissait l’énervement, il semblerait que ces proprettes se croient tout permis, n’importe où, n’importe quand… »
     À ces mots, Thrond lâcha, lui aussi d’une voix sourde, une série monocorde de mots en khazalid parmi lesquels Fiodor reconnut quelques insultes qu’il connaissait. Le reste devait sans doute être des promesses de mort prochaine et de rancunes bientôt réglées. Tout ce qui s’ensuivit demeura dans les souvenirs du vampire comme une succession d’ordres parmi les plus véhéments qu’il n’avait jamais donnés à ses hommes : outre le chargement des canons, il devait y avoir quelque chose autour des armes à feu, de la poudre, de l’affutage des sabres, de menaces de mort en cas de lâcheté ou d’indiscipline, de promesse de richesses et de proies faciles, de glorieux massacres et du sort peu enviable qu’ils réserveraient à ces « elfettes » une fois qu’ils auraient envoyé leur vaisseau par le fond.
     Le Corbeau Centenaire vira de bord et l’on ouvrit les gueules des sabords : avant de cuisiner la viande, il fallait d’abord l’attendrir !

     Le vaisseau asur accusa la première salve de bombardement de plein fouet : si la proue tint bon, les boulets ricochant sur la coque robuste et élancée du navire, deux projectiles sifflèrent un peu plus haut, envoyant quelques marins malchanceux ad-patres et faisant voler les planches du bastingage en mille copeaux. La riposte fut cependant immédiate : l’unique baliste contenue à bord lâcha une salve de six carreaux successifs qui perforèrent le flanc du Corbeau Centenaire comme des aiguilles, causant des pertes parmi les canonniers et provoquant un rugissement féroce du la part du maître d’équipage. Le bâtiment du Non-Mort dérivant lentement dans la direction du courant, la distance qui séparait les deux vaisseaux s’amenuisait à vue d’œil et sur le pont du vaisseau asur, les archers survivants lâchèrent une première salve qui obligea l’équipage de Fiodor à se mettre à couvert. La seconde salve des canons eut la malchance de rater la baliste une seconde fois, laissant à cette dernière l’opportunité de répliquer avec six autres carreaux tout aussi meurtriers que les six premiers. Le Corbeau Centenaire vira de bord, un crépitement discret signala que les quelques arquebuses contenues à bord étaient employées avec les meilleurs espoirs, la seconde salve des archers elfiques les obligeant toutefois à reconsidérer cette prise de risque. Les deux navires allaient se croiser lorsqu’il fut manifeste que les deux atouts de chaque navire eurent la même idée d’intimidation de masse : Thrond Ventre-de-Fer et Azshannar la Ténébreuse se tenaient l’un comme l’autre à la proue de leurs navires respectifs, le nain ayant apprêté son lance-flamme et l’elfe sentant déjà les énergies interdites crépiter entre ses paumes. Tous deux se repérèrent, constatèrent la même malveillance dans le regard d’autrui, libérèrent chacun un torrent de flammes dont les origines ne pouvaient être plus différentes : le liquide hautement inflammable du lance-flamme croisa le jet de magie noire à l’état brut ; les deux proues s’embrasèrent immédiatement.
     Il avait fallu en revanche la bienveillance d’anges gardiens pour que les deux incendiaires ne s’entretuent suite à ce premier et dernier échange de politesses : Fiodor eut reconnu la nature des flammes de la magicienne et avait in extremis tiré son associé barbu par le col avant que son corps ne soit cuit dans son armure sous le maléfice ; quant à Yelmerion, elle fit moins preuve de moins de ménagement en tirant brutalement son amie par la cheville, la faisant trébucher mais en échappant toutes deux par miracle au jet de flammes aveuglantes du nain.
     Dans les instants qui suivirent, les pirates du Corbeau Centenaire lancèrent l’abordage du vaisseau d’Ulthuan sous le commandement de Monsieur Flouz, le second ; la ligne de défense des asurs se forma sous les cris de harangue de Lecmentor le Gris, les lances abaissées au-dessus des boucliers ne promettant qu’une mort sans gloire à quiconque tenterait de franchir la ligne. Ce fut le noble également qui attira sur lui l’attention de Marcel de Parravon, les deux ennemis échangeant immédiatement des regards féroces suivis d’insultes bien senties. Leur combat s’engagea au milieu-même de la mêlée, pendant que sur la proue se relevaient prestement la princesse et la magicienne, Fiodor le Non-Mort atterrissant immédiatement à quelques pas d’elles, sabre au clair. Le capitaine chargea.
     Leurs lames se croisèrent dans une gerbe d’étincelles et leur échange d’escrime fut fulgurant ; à l’offensive redoutable du pirate (Fiodor : 4T, 3B, 2 invus, 1 PV !), Yelmerion opposa toute la rapidité et la souplesse dont elle était capable (Yelmerion : 1T, 1B, 1 PV !) ; intérieurement furieux de faire face à un adversaire insaisissable, Fiodor redoubla d’adresse et feinta en essayant de tromper la vigilance de son opposante (Fiodor : 3T, 2B, 1 invu, 1 PV !), s’exposant lui-même dans le processus à des blessures guère profondes mais douloureuses que lui infligeait la princesse avec la pointe de son épée (Yelmerion : 3T, 2B, 2 invus, 1 PV !). Puis, brusquement, tout bascula : au détour d’une énième parade, un coup de pied de l’elfe le cueillit en pleine poitrine, suffisant pour le faire reculer de quelques pas seulement, droit dans les flammes qui léchaient abondamment la proue élancée du vaisseau… Surpris, il ne comprit que trop tard que la distraction du brasier dans son dos octroya à son ennemie l’ouverture suffisante pour le charger de front, l’empalant au travers du poitrail et le clouant à la proue en feu ; de douleur tout d’abord, de fureur aussi, Fiodor hurla comme rarement il avait hurlé. (Yelmerion : 4T, 4B, 4 PV !!!)
     Le hurlement de leur capitaine sapa le moral des pirates ainsi qu’une vague réduit à néant un monticule de sable sur une plage ; comprenant que les choses n’allaient pas du tout, que leur assaut était devenu bien trop incertain, les membres d’équipage du Corbeau Centenaire opérèrent une retraite aussi rapide que, curieusement, efficace : les asurs furent contraints de refermer leurs boucliers lorsqu’une petite bombe fut larguée par un des humains quittant leur bord.
     Yelmerion ne pouvait plus se rapprocher de l’homme en feu et ne s’en préoccupait guère, à tort : se débattant comme un forcené, Fiodor finit par s’extirper du piège de bois, de flammes et d’acier qui menaçait de l’anéantir et eut le réflexe salutaire de se jeter hors du vaisseau. La princesse estima rapidement l’état de ses troupes et constata avec soulagement que les pertes avaient été minimes ; leur magicienne était également saine et sauve, le navire ennemi était à leur merci ; ce fut à cet instant qu’un nouveau jet de flammes dévastatrices s’abattit sur le pont dans quasiment toute sa largeur, le liquide qui se consumait dégoulinant insidieusement des boucliers elfiques dont certains ne seraient plus jamais utilisables ; ce qui avait commencé comme un incendie partiel se mua en incendie sérieux. Sur le Corbeau Centenaire, Thrond Ventre-de-fer renonça à recharger sa machine infernale alors qu’ils s’éloignaient de plus en plus du vaisseau des elgi. S’ils venaient à en redemander, il n’hésiterait pas à se montrer généreux, c’était sur le compte de la maison…
     La princesse d’Yvresse ramassa son épée encore fumante alors qu’elle se fut retrouvée en première ligne dans l’opération effrénée d’éteindre les flammes voraces qui se répandaient sur leur navire. Par Isha, Asuryan et Khaine, si ces humains et ce nain abject osaient un jour vouloir réitérer leur audace, elle serait en première ligne pour réduire tous leurs rêves à néant.
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Modifié en dernier par Essen le 06 mars 2021, 23:14, modifié 1 fois.

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Re: [Event RP multijoueur] La Route d'Eldorado

Message par Essen »

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     Le prince Aetholdyr Prestelance (Johannes la Flèche) vs Von Essen (Essen)

     Le jour était sur le déclin lorsque le vaisseau-aigle de Cothique arriva en vue de quelque chose qui ressemblait à la poupe d’un navire dépassant de la jungle. Le prince Prestelance distingua une multitude d’individus fourmillant autour : il lui sembla que certains allumaient des feux de camp. Puis, il apparut manifeste que le vaisseau-aigle venait d’être remarqué à son tour car les individus sur la rive s’agglutinèrent subitement autour de leur embarcation et, Aetholdyr peina à croire ce qu’il voyait, soulevèrent la large construction en bois et la mirent à l’eau en l’espace de quelques minutes.
     Le prince annonça sèchement au Heaume des Mers qui se tenait toujours à ses côtés qu’ils allaient subir l’attaque de ces hommes, qui qu’ils fussent. En le voyant s’éloigner pour alerter les troupes survivantes, Aetholdyr rejeta négligemment la possibilité de toute intention pacifiste que ces hommes pouvaient avoir envers eux : les symboles sur les boucliers de ces sauvages, il les avait reconnus.  

     Von Essen s’était tout simplement joint au mouvement collectif lorsque le branle-bas-de-combat fut déclaré ; son équipage comptait désormais une bonne cinquantaine de nordiques armés jusqu’aux dents, et leur langschiff soulevé par la seule force de leurs bras lui parut aussi léger qu’une plume. À la différence des mortels avec qui il avait commencé cette traversée, il ne connaissait guère autant tous les guerriers qui s’étaient joints à leur force et qui en représentaient même la majorité. En revanche, il avait dû procéder aux présentations minimales dès la veille, lorsque l’équipage de Haakonson et lui-même durent faire face au groupe beaucoup plus large et menaçant de « Gust le Cruel », un guerrier aussi massif qu’une armoire, véritable monolithe incarné à la gloire de Korn, à l’autorité que manifestement seuls ses propres dieux pouvaient lui contester. Le chroniqueur s’était même demandé pourquoi cet individu exceptionnel ne possédait point d’armure du chaos ; cependant, il entraperçut sur le dos de ses paumes et sur la peau de son cou quelque chose qui ressemblait à des rides bien trop proprement agencées pour être des traces de vieillesse. La peau du nordique avait muté, Von Essen ne doutant pas que son poignard peinerait à transpercer ce qui paraissait affreusement proche à des écailles de drake du nord.
     Il fut également totalement dépassé dans ses attentes vis-à-vis de l’attitude que ces « renforts » auraient pu avoir envers lui : le vieux Gust l’eut transpercé du regard lorsque Haakonson lui eut expliqué le rôle que le vampire avait joué dans leur arrivée en Lustrie. Puis, il s’était exprimé dans un dialecte que Haakonson parut avoir toutes les peines du monde à comprendre, cependant finalement le message fut transmis : Von Essen était reconnu comme celui qui allait les conduire vers leur prochaine cible de massacres glorieux au nom de Korn. Il serait traité avec respect, non pas comme un guerrier mais comme un messager divin ; jusqu’à un signe contraire des dieux, les duels contre lui étaient déclarés interdits par Gust. Sur le coup, le chroniqueur ne put que hocher la tête en signe d’approbation, après quoi il fut royalement ignoré par les nordiques qui passèrent le reste de la nuit à réparer le langschiff que la chute depuis le haut temple avait modérément endommagé. Au petit matin, ils étaient à flots sur l’Amaxon et passèrent la journée à se relayer sur les rames. Le vampire, quant à lui, s’était dissimulé sous son manteau de fourrure pendant que le soleil était haut dans le ciel, revenant brièvement sur quelques notes qui constitueraient le début de ses mémoires.

     À présent, leur langschiff allait irrémédiablement croiser la route du vaisseau elfique qu’ils venaient d’apercevoir ; Von Essen aurait donné sa main à couper qu’il ne s’agissait pas celui qu’ils avaient déjà croisé plus tôt : les runes elfiques sur les boucliers et les bannières indiquaient un royaume différent, sans parler des blasons. L’héraldique d’Ulthuan devait cependant être le cadet des soucis de Gust et de ses hommes, auxquels Haakonson et son équipage s’étaient joints avec ferveur. Les nordiques avaient entonné un puissant chant guerrier, si l’on pouvait appeler cette succession de cris un chant, succession de cris entrecoupée du fracas des armes contre les boucliers.
     La salve de flèches lâchée depuis leur cible ne causa que des dommages superficiels ; ce fut moins le cas du trait de baliste qui transperça les rangs des nordiques. Cependant ce premier sang ne parut que décupler leur hargne ; lorsque les deux navires furent suffisamment proches, les crochets d’abordages et les haches de jet volèrent par dizaines et l’abordage commença avec une telle férocité que Von Essen crut que les elfes n’avaient aucune chance.

     Aetholdyr ne demeura point en retrait, au contraire : il connaissait les us de ces sauvages et aperçut immédiatement celui qui devait être leur chef. Se battant au premier rang de ses elfes, le prince lança un mince couteau de jet en direction de l’humain. Le projectile se ficha dans le cuir et la maille du guerrier, qui sembla apercevoir celui qui en était l’émetteur. Il rugit quelque chose qui devait être une prière et fut sur le point de relever le défi lorsqu’un brutal coup de poing venant d’à côté l’en empêcha : un humain bien moins impressionnant bouscula crânement le chef et se rua en direction du prince.
     Contrairement aux nordiques, cet humain-là n’avait point de bouclier et ne semblait guère aussi dangereux. Aetholdyr voulut l’embrocher d’un simple coup d’estoc mais fut stupéfait lorsqu’il ne sentit rien là où il aurait dû sentir le torse de cet être (Aetholdyr : tests réussis ! 2T, 0B). Les coups de taille de son ennemi furent cependant bien trop évidents à parer, ce qui ne contribua qu’à rajouter une couche au mystère qui entourait cet individu (Von Essen : 1T, 1T annulée, 0T).
     Le mystère s’épaissit encore lorsque le prince capta brièvement le regard de son adversaire : il fut comme distrait par l’étrange couleur de ses yeux, rouge sang, se sentit soudainement comme emprisonné dans ses mouvements ; de rage, comprenant qu’il avait affaire à un sorcier, Aetholdyr enchaîna une suite d’estocades aussi redoutables que nombreuses, et son bras armé sentit la résistance familière des chairs, et son oreille perçut le grognement de douleur de son ennemi. Il fut aveugle, cependant, à la pointe de l’épée qui le cueillit droit à l’abdomen avec la puissance d’un trait de baliste, avant de se rétracter brutalement. Aetholdyr entendit confusément les bruits du combat aux alentours, mais ne distingua que le bruit de sa propre chute. (Aetholdyr : tests ratés ! 2T, 2B, 2 PV !! Von Essen : 4T, 4B, 1 invu, 3 PV !!!)
     La violence de la mêlée décupla autour du commandant asur : Von Essen se retrouva à ferrailler dos contre dos avec Gust le Cruel car, à eux seuls, ils avaient percé la ligne de boucliers des elfes ; ces derniers étaient parvenus à transporter le prince blessé à l’arrière de leurs lignes et se battaient avec l’opiniâtreté qui leur était propre, cependant la force et la fortune ne semblaient pas de leur côté en ce jour : le Heaume des Mers s’en aperçut et sonna la retraite pendant qu’il restait encore des réserves de courage dans les cœurs de ses soldats.
     Au terme d’une bataille qui dura bien au-delà du crépuscule, les elfes avaient abandonné le vaisseau-aigle aux nordiques et s’étaient rétractés jusqu’à la rive opposée de l’Amaxon sur des barques légères. Entièrement absorbés par le combat, ni les uns, ni les autres n’avaient remarqué la venue d’épais nuages qui voilaient désormais la quasi-totalité du ciel nocturne : les guerriers de Khorne avaient à peine entamé le pillage du navire d’Ulthuan lorsqu’une pluie torrentielle commença à tomber.
     Le pillage s’accéléra quelque peu et des imprécations rageuses contre le climat local furent rapidement étouffées par le clapotis de l’averse. Le vaisseau-aigle fut ensuite laissé à la dérive et l’équipage du langschiff se mit à la recherche d’un autre endroit où établir un campement.
     Sur l’autre rive de l’Amaxon, le médecin de bord du prince appliquait à celui-ci les meilleurs bandages qui étaient à sa disposition.




     Ixi’ualpa, Guerrière Aigle des Amazones, (Gromdal) vs Corus (vg11k)

     Les épais nuages de pluie qui avaient recouvert la jungle avaient entièrement voilé les lunes jumelles et les étoiles et l’obscurité ne pouvait être plus complète. Toutes les créatures vivantes, à l’exception de quelques rares espèces, s’étaient tapies chacune dans sa tanière ou dans les hauteurs des arbres, à l’abri approximatif des feuillages. Sur l’Amaxon, la Lorelei avançait prudemment, une veille constante étant maintenue sur le pont afin de parer à toute funeste éventualité. Le capitaine Molos se tenait à la barre ; d’ici quelques heures un de ses subordonnés viendrait l’y remplacer. Le champion de l’équipage, Corus, se reposait quelque part aux étages inférieurs. Tout était calme.

     Des feux s’allumèrent tout d’un coup sur les deux rives, illuminant des silhouettes dansantes sur la rive, de frêles embarcations qui les attendaient, la quiétude de la nuit éventrée telle une paisible créature par les cris aigus et vibrants qui provenaient des deux côtés.
     Même pour Molos, qui en avait vu d’autres, la vision eut de quoi lui glacer le sang dans les veines : l’existence de ces brasiers au milieu d’une telle averse tenait de l’absurde, l’impression d’une attaque d’ampleur était puissante et fit miroiter dans son imagination la fin aussi inattendue que brutale de leur expédition. Le vieux capitaine se ressaisit cependant, ordonnant immédiatement de lever tout le monde et de se préparer au combat. Il réalisa bien assez vite que si les feux ne suffisaient guère à estimer correctement le nombre des assaillants, la Lorelei devenait on ne peut plus visible au milieu du fleuve, sa silhouette massive était simplement inratable !

     Les amazones qui investissaient l’Amaxon les unes après les autres ne sentaient ni la pluie, ni la fatigue et ne sentiraient probablement pas la douleur si l’on les transperçait de part en part. Sur leurs pirogues, les guerrières Kalim exultaient à la seule pensée du nouveau carnage qui s’offrait à elles. Rakt’cheel, leur cheffe, avait totalement oublié l’existence d’autres amazones que ses guerrières, totalement oublié sa haine envers Ixi’ualpa : tout ce qui comptait dans son esprit drogué, désormais, c’était le nombre de sacrifices qu’elle pourrait bientôt offrir à Rigg, et l’extase qui en résulterait.
Le pirogues se rapprochaient rapidement et l’on pouvait de mieux en mieux distinguer la Lorelei ; les mâles qui s’agitaient à bord du navire ciblé, les guerrières Kalim exultaient à la seule pensée de la terreur qu’ils devaient éprouver à présent. Elles poussaient des cris et des claquements de langue, hurlaient leur gratitude à Rigg pour cette opportunité de combat qu’elle leur offrait et se sentaient en harmonie complète avec la jungle, avec le fleuve et avec leurs proies frémissantes.

     Ixi’ualpa n’adhérait pas aux rites des Kalim mais ne pouvait rester indifférente au spectacle sacré auquel celles-ci s’adonnaient. Leur sauvagerie était contagieuse et la guerrière aigle le sentait ; ce qui lui faisait prendre un autre parti, c’était son aversion pour la défaite absurde : s’il y avait de meilleurs moyens de venir à bout d’un ennemi qu’au prix de nombreuses vies perdues, l’amazone voulait les appliquer aussitôt et exécrait ses consœurs dès qu’elles ignoraient les tactiques guerrières au profit du fanatisme religieux, de plus en plus souvent stérile en termes de résultat.
     Avec ses guerrières, Ixi’ualpa se rapprochait de la poupe du navire : dans le noir, l’amazone avait refusé à contrecœur de s’aventurer à l’intérieur du navire. Ce qu’elle pouvait faire, en revanche, c’était d’escalader le bâtiment et de frapper là où leurs ennemis pouvaient se croire à l’abri.

     Molos continuait à diriger le navire : le laisser tout simplement à la dérive pouvait l’éloigner du centre du fleuve et le capitaine préférait garder un maximum de distance de là où la jungle semblait vomir des ennemis. Son ouïe fine lui indiqua cependant un grattement furtif qui provenait d’une direction qui n’avait rien à voir avec leurs flancs. Molos se retourna et vit plusieurs femmes enjamber le bastingage de la poupe du vaisseau. Une vive lumière surgit d’un outil, non, d’une arme que tenait l’une d’elles. Molos hurla le premier nom qui lui était venu à l’esprit : « CORUS !! »

     Au départ idéalement placé pour repousser les assaillantes avec son trident sur la proue de la Lorelei, le grand guerrier poussa un juron lorsqu’il entendit le cri de détresse de son capitaine. Lançant un « Je m’en occupe ! » à qui pouvait encore l’entendre dans le chaos de l’assaut, Corus franchit le pont du navire en quelques enjambées et franchit l’escalier menant à la dunette arrière en un souffle.
     L’amazone la plus proche ne comprit même pas ce qui lui arrivait lorsque le trident du marin perfora sa gorge et s’en rétracta sèchement ; les trois autres, dont celle qui tenait une arme incandescente qui diffusait une vapeur constante à cause de la pluie, se figèrent durant un instant avant que l’une d’entre elles ne jetât sur lui un projectile que le champion dévia avec son trident.

     « Vous deux, le barbu ! claqua l’ordre d’Ixi’ualpa avant qu’elle n’engageât brutalement le nouveau venu. »
     Elle réalisa immédiatement sa hardiesse : dans les lueurs incertaines des feux lointains et le feu-follet qu'était la pointe de sa lance, ses frappes étaient tout aussi incertaines que celles de son adversaire qui maniait lui aussi une arme d’hast ; tous deux échangèrent de foudroyantes estocades assénée quasiment à l’aveugle ; tous deux n’en sortirent guère indemnes (Ixi’ualpa : 2T, 2B, 2PV !! Corus : 5T, 1T annulée, 4T, 4B, 1 svg, 1 invu, 2 PV !!).
     Corus aperçut de coin de l’œil que son capitaine avait tout simplement bondi hors de la dunette sur le pont un peu plus bas et que ses deux assaillantes l’y avaient suivi ; il ne pouvait cependant guère lui être d’une quelconque assistance, sa propre adversaire lui ayant cruellement entaillé les chairs de son arme brûlante (Ixi’ualpa : 1T, 1B, 1 PV !!!). Lui-même, cependant, n’était guère en reste, sentant que la guerrière ne déviait les coups redoutables de son trident qu’au prix de blessures superficielles mais de plus en plus nombreuses (Corus : 5T, 5B, 2 svg, 2 invus, 1 PV !!! Les deux combattants repartent à 1 PV chacun).
     Ixi’ualpa s’était sentie obligée de reculer pas après pas face aux attaques de ce guerrier redoutable ; elle n’avait jamais encore rencontré de mâle dont le style de combat lui serait paru étrangement proche du sien. L’amazone aperçut cependant que les blessures qu’elle avait assénées ralentissaient les mouvements du marin (Corus : 4T, 4B, 2 svg, 2 invus). Elle-même, galvanisée par l’adrénaline, sentait à peine les lacérations infligées par le trident et redoubla d’ardeur dans ses attaques ; en l’espace de quelques instants, Corus sentit une demi-douzaine d’estocade lui perforer le torse, la chaleur surnaturelle de la pointe lui causant mille douleurs qu’il n’aurait jamais pu s’imaginer auparavant. L’amazone paracheva son œuvre par un redoutable coup latéral qui cueillit son ennemi en pleine tempe et l’envoya chuter dans les ténèbres par-dessus le bastingage (Ixi’ualpa : 3T, 2B, 2 PV !!!). Après seulement, elle sentit la tête lui tourner.

     Corus ne revenait pas et ses marins, bien que braves, commençaient à céder tout simplement sous le nombre d’ennemis : Molos réalisa avec amertume qu’ils étaient en train de perdre la bataille. Son propre combat, d’ailleurs, avait eu tout d’une fuite à travers le pont des deux guerrières qui le poursuivaient, leurs lances leur procurant un cruel avantage sur le sabre du capitaine. Lorsqu’il lui parut manifeste que leur défense s’était muée en deux dernières poches de résistance, l’une sur la proue, l’autre contre le château arrière de la Lorelei, Molos beugla à ses hommes de se jeter à l’eau.
     Les guerrières Kalim furent quelque peu dépassées par cette manœuvre car la fuite des humains n’eut rien de panique : les deux groupes de survivants élirent chacun une direction à prendre et écrasèrent les quelques amazones qui leur barraient la route vers le bord du navire. Beaucoup d’entre elles plongèrent à leur suite, désireuses de faire des prisonniers, ce qui jusqu’à présent leur avait été sèchement refusé. Ce qui se déroula sous la surface du fleuve parut cependant ne donner aucun résultat ou, plus exactement, aucune des poursuivantes ne refit surface, c’est ce qui sembla à Rakt’cheel alors qu’elle s’attendait à voir ses guerrières triomphantes avec au moins quelques sacrifices. En désespoir de cause, elle ordonna la fouille du navire de fond en comble mais ne trouva pas exactement ce qu’elle recherchait : les deux mâles enchainés tout au fond avaient tout de prisonniers qui n’avaient guère pris part au combat. Leur sacrifice n’aurait strictement aucune valeur…
     Ixi’ualpa fut rejointe par ses deux guerrières survivantes : Haa’thee, une de ses rares camarades de longue date, et Luxia, guerrière Kalim qui avait décidé de sortir du giron de Rakt’cheel. La quatrième guerrière et amie de Luxia avait péri, hélas, par le trident du mâle qu’Ixi’ualpa lui jura qu’elle avait envoyé rejoindre ses ancêtres. Les trois amazones parvinrent ensuite à retrouver leur pirogue et s’éloignèrent aussi vite qu’elles le purent du vaisseau : les cris des guerrières Kalim à son bord prenaient des notes de démence, l’absence de prisonniers éveillait en elles une fureur à la croisée entre folie et infantilité. Ixi’ualpa réactiva sa lance, serra les dents et cautérisa la plaie la plus profonde que son adversaire lui avait laissée sur le flanc. Les dieux l’avaient encore protégée du passage vers le Grand Inconnu, Rigg en fût louée.

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Essen
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Intermèdes III



     Les dépouilles des quelques étrangers tués lors de l'assaut avaient été entassées près du mât principal alors que leur meneuse avait les deux mains dans le torse d'un des hommes capturés dans les cales. Dominées par leur soif de sang, Rakt’cheel et quelques kalims étaient restées sur la Lorelei pour en finir avec les prisonniers, maigres offrandes mais seules victimes à leur disposition.

     Étudiant les corps des membres de l’équipage tombés au combat, l'une des kalims s'attarda sur ses armes et son accoutrement excentrique. Mollets, poignets et gorge complètement exposés : leurs protections étaient toutes garnies d'ouvertures, s'en était risible. Autant ne pas en porter et moins gêner ses mouvements. Et puis qu'ils étaient laids, tous barbus et… fronçant les sourcils, elle nota que tous, sans exception, avaient de la barbe sur les joues. Mais étonnamment pas le menton. De plus, tous arboraient un colifichet en forme de coquillage autour du cou. Conque, pétoncle, coquille d'escargot… Tous avaient un unique gris-gris.


     Une poignée des guerrières fanatiques redescendirent le long de la coque, accrochées aux cordages de la Lorelei. Leur victoire sur ces étrangers avait quelque chose de vexant suite à leur surprenante fuite organisée. Quel genre de marins se jetait à l'eau en abandonnant leur navire aux agresseurs, se laissant couler sans laisser de traces ? Ce dénouement avait été suffisamment singulier pour doucher l'entrain de ces kalims, et la koka, se dissipant, renforçait leur intense fatigue. Seul le petit groupe resté sur le pont fêtait plus ou moins leur victoire. Un humble sacrifice valant mieux qu'une absence de sacrifice.

     Une fois à bord de leur pirogue, les trois femmes s'écartèrent du navire et commencèrent à ramer en direction du rivage. Jusqu'à ce qu'un corps flottant à la surface, dos nu exposé, interpella l'une d'elles et, prestement, qu’elles se dirigèrent vers lui. La crinière sombre de longs cheveux et les tatouages sur ses omoplates ne laissaient que peu de doutes : il s'agissait d'une autre guerrière kalim, probablement tombée lors de l'assaut. L'une des amazones tendit la main pour hisser la dépouille à bord… mais un soubresaut anima soudain le corps.

     Avant qu'elle ne puisse comprendre ce qui se passait, le corps fut aspiré sous l'eau dans de grandes éclaboussures. Surprise, la kalim leva les bras pour se protéger tandis que ses consœurs se levaient dans la pirogue, pointant leurs armes vers quelques menaces tapie sous la surface. Mais, excepté des remous qui se dissipèrent rapidement, rien ne vint troubler l'onde, semblable à un miroir dans la nuit et reflétant les feux sur la rive.


 
     Avec un rictus, la guerrière referma ses doigts sur l'un des pendentifs. Elle ne put retenir une moue de dégoût en le sentant encore tiède sous ses doigts. Puis, sectionnant la cordelette de la babiole, elle s'en empara.

     Elle ne put retenir un hoquet de surprise et trébucha en arrière, les yeux rivés sur le corps du pirate. Sa réaction interpella les autres kalims les plus proches, qui remarquèrent à leur tour ce qui avait fait réagir leur sœur. Rapidement, la quinzaine de femmes encore à bord du navire forma un demi-cercle autour des dépouilles, si bien que Rakt’cheel dû jouer des coudes pour le franchir, les bras écarlate de sang. Enfin, elle put contempler le cadavre avec des yeux ronds.


     « Qu'était-ce ? Interrogea l'une des rameuses, stupéfaite. Un caïman ?
     — Non… ils n'attrapent pas leurs proies comme… »

     Un choc sourd sous la pirogue manqua de les propulser toutes les trois à l'eau. S'accroupissant pour assurer leur équilibre, elles échangèrent quelques regards. Puis se rassirent avant de reprendre leurs rames. Nul besoin de mots : elles n'étaient pas en sécurité. Plongeant leurs pagaies, elles synchronisèrent vite leur effort, se pressant vers la terre ferme. L'amazone en queue d'embarcation poussa un cri de surprise quand quelque chose attrapa son aviron. Quelque chose qui s'avéra être de longs doigts blafards lorsqu'elle s'efforça de garder sa prise. Quelque chose doté d'un visage efféminé et de barbillons, arborant un sourire bardé de crocs acérés.

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Illustration par Gromdal

     Le cri en provenance du fleuve attira l'attention des amazones ayant déjà rejoint la berge, comme celle des kalims à bord. Ces dernières se détournèrent du corps étrange et se pressèrent contre le bastingage. Plusieurs désignèrent la pirogue retournée, perplexes. Que s'était-il passé ? Leurs sœurs ne refaisaient pas surface… Personne n'avait rien vu ?

     Le regard de Rakt'cheel alla des cadavres à la pirogue. Suite à leur succès, la majorité des amazones avaient regagné la terre ferme. Seule elle et les plus fanatiques étaient restées pour sacrifier les quelques prisonniers. Sa frustration de n'avoir pu capturer la majorité de l'équipage de pirate fondit comme neige au soleil.

     « C'est mon navire. » grogna une voix calme dans son dos.

     Les guerrières pivotèrent d'un seul bloc, se tournant vers l'autre côté du pont, où l'étranger avait grimpé lorsqu'elles s'étaient précipitées vers le bastingage opposé. Plusieurs autres pirates, dégoulinant d'eau, passaient le rebord, leurs regards trahissant leur soif de vengeance.

     « Mais… mais ils… balbutia l'une des kalims à présent en sous-nombre. Sous l'eau tout ce temps ?! »


     Dans une crique légèrement à l'écart de la berge, là où était retourné le principal de la troupe amazone, Ixi’ualpa et ses deux camarades s'étaient relevées en entendant les cris de leurs sœurs. De leur position, elles pouvaient apercevoir la pirogue non loin, mais il n'y avait nulle trace des amazones revenant du navire capturé vers la berge principale. Ne restait que l’embarcation retournée, trahissant qu'il s’était effectivement passé quelque chose.

     Sans attendre, Luxia et Haa’thee se précipitèrent vers l'embarcation avec l'intention évidente d'aller leur porter secours. La guerrière-aigle quant à elle mit un instant à les imiter, posant une main sur son abdomen lancinant. Néanmoins, son hésitation lui fit remarquer un mouvement dans l'eau qu'avaient raté ses camarades.

     Le sommet du crâne et les yeux d'un homme venaient de percer la surface de l’eau, à quelques mètres seulement, approchant de la terre ferme. À ses cheveux en dreadlocks et ses rouflaquettes, ainsi que le trident qui perça l'onde à son tour, elle reconnut rapidement celui qui avait eut raison de la sœur d'arme de Luxia. Sauf qu'Ixi’ualpa l'avait occis, l'empalant de sa lance avant de le projeter par-dessus bord. Nul homme n'aurait pu survivre à un tel sort, et encore moins sortir de l'eau pour venir à elle avec une lueur d'excitation dans le regard. Moins encore en ayant sa tunique flambant neuve bien que dégoulinante d'eau, comme si elle n'avait jamais été percée à plusieurs reprises par sa lance !

     « Tu es une adversaire de valeur, déclara Corus en avançant dans le sable à portée de lame. Mais je refuse de m'incliner encore. Pas contre un second opposant. En tant que Champion de K'Kligir, je ne peux pas le tolérer. »

     Secouant la tête, Ixi’ualpa chassa sa stupeur puis fit un pas en retrait avant de prendre une posture de combat, lance pointée vers le pirate revenu d'entre les morts. Elle était prête à en découdre. La douleur de sa blessure s'était envolée. Elle fit abstraction de son environnement et des deux autres amazones n'ayant peut-être pas remarqué l'envahisseur qui… qui venait de planter son trident dans le sable.

     Circonspecte, l'amazone l'observa porter la main à une breloque pendue à son cou. Lui la fixait avec intensité, puis arracha son médaillon.

     Ixi’ualpa cligna des yeux. L'homme avait disparu, laissant place à un… à une créature à la peau bleutée et luisante comme celle d'un batracien, affublée d'une tunique comme elle n'en avait jamais vue, brillante comme de la nacre. Tunique qui, elle, avait été complètement ruinée au niveau du torse et de l'abdomen.

     Les yeux de Corus, d'un jaune intense et aux pupilles fendues, tels ceux de reptiles, étaient rivés sur elle et luisaient d'intelligence. Ses cheveux avaient été remplacés par quelques sortes de pseudopodes lui tombant derrière les épaules. Sa barbe par des barbillons reliés entre eux par d'une membrane écarlate. Dans la chair de part et d'autre de sa gorge, des fentes jumelles frémissaient à chacune de ses inspirations. Ses avant-bras présentaient le même genre de barbillons rougeâtres aux allures de nageoires qui ornaient ses joues. Tout comme ses mollets.

     « Que… qu'est-ce que tu es … » murmura-t-elle entre ses dents serrées, toujours en position de combat, la pointe de lance ciblant son torse.

     Esquissant un sourire qui dévoila des dents acérées, Corus prit le temps d'enrouler son collier autour de son poing, puis reprit son trident de la même main. Il n’avait pas compris un traître mot de ce qu’elle venait de dire et elle, probablement, ne le comprenait pas non plus. Cependant, le langage corporel était universel : son expression surprise, certes fugace, ne laissait aucun doute. Levant de l'autre bras son bouclier où était sculptée une silhouette entourée de serpents, il répondit :

     « Bats-moi une seconde fois, humaine, et je te dirai ce que je suis ! »

     Sur cette provocation, il se jeta en avant dans une éclaboussure, trident brandit. Se contorsionnant en levant le bras, Ixi’ualpa évita de justesse les pointes mortelles qui ne firent qu’érafler son vêtement au niveau de l’aisselle. Elle effectua quelques pas de côté pour retrouver son équilibre et retrouver une posture défensive. Corus ne lui en laissa pas la possibilité, pressant son avantage et effectuant une nouvelle fente de son trident. (Corus 5T, 1anulée, 3B, 2svg, 1Invu)

Image
Illustration par Gromdal

     Écartant la tête, elle évita les pointes qui ne traversèrent que ses cheveux. L’une des perles jumelles, sous ses oreilles et retenant ses mèches sombres, éclata néanmoins. Sans se laisser démonter, elle se fendit à son tour, leurs armes se croisant alors que le pirate repliait le bras. Cette fois, la contre-attaque d’Ixi’ualpa fit mouche. L’étranger récolta une estafilade aux barbillons de la joue dans une gerbe de flammes. (Ixi’ualpa 1T, 1B, 1 PV)

     Reculant d’un pas, son entrain douché par ce à quoi il venait d’échapper, Corus se mit sur la défensive. Le feu n’était pas quelque chose qui l'effrayait particulièrement depuis son séjour à la surface. Néanmoins, aussi près de son visage, il était prêt à reconsidérer cet avis. Il se renfrogna en ouvrant la bouche, montrant à nouveau ses dents aiguisées.

     Ixi’ualpa quant à elle s’empara de ces précieuses secondes pour réfléchir à toute allure, la surprise liée à l’apparence de son adversaire étant passée. Sa nature humaine n’était qu’une illusion. Voilà pourquoi il n’avait pas arboré les blessures dues à leurs premières passes d’armes. Cependant, sa “véritable tunique”, songea-t-elle, faute de mieux pouvoir la nommer, était sévèrement endommagée, signe qu’il avait bel et bien subi ses coups de lance ravageurs. Et surtout, il saignait là où elle l’avait éraflé à la joue. S’il saignait, il pouvait mourir. Aussi se précipita-t-elle en avant à son tour, sans chercher à comprendre comment il avait pu survivre au traitement qu’elle lui avait infligé à bord du navire.


     Le combat tourna court à bord de la Lorelei. Les kalims, surprises à leur tour de se faire aborder, luttaient à plus de trois contre une alors même que les effets exaltants de la koka s’étaient dissipés et même pire, les accablaient d’un contre-coup, affaiblissant tant leurs corps que leurs ardeurs. Quelques-unes firent malgré tout encore preuve d’obstination, empêtrées dans les filets de multiples retas des pirates, jusqu’à ce qu’elles soient rouées de coups par les pirates n’ayant pas vraiment apprécié se faire chasser de leur propre bâtiment.

     Approchant les corps de ses hommes près du mât, Molos s’accroupit devant la créature à peau bleu sombre ayant remplacé le marin. Puis il posa solennellement la main sur la poitrine humide du corps inerte.

     « Puisse Stromfels recueillir ton âme, murmura-t-il dans un souffle. Puisse-t-il recueillir toutes vos âmes. »

     Quelques secondes, il resta immobile et silencieux. Jusqu’à ce que l’un de la demi-douzaine de pirates du tas de dépouilles ne tousse en crachant un peu de sang.

     « Apportez-lui de l’eau ! s’écria aussitôt le capitaine, interpellant ses hommes passant à tabac les prisonnières. Apportez… »

     Ce n’est qu’alors qu’il remarqua les multiples pirogues mises à l’eau sur les rives. Leur retour à bord n’était pas passé inaperçu et, malgré le coup d’éclat de leur reconquête, celle-ci serait de courte durée s’ils n'agissaient pas rapidement. Aussi aboya-t-il à ses marins d’aligner la dizaine de prisonnières le long de la rambarde, bien en évidence. La plus entêtée lui fut apportée, le visage tuméfié et du sang venant recouvrir la peinture blanche étalée sur sa peau. Il n’eut toutefois pas le loisir de s’y attarder. Il entendait des éclats métalliques, trahissant qu’un combat avait encore lieu alors que le pont du navire avait été sécurisé (Corus 2T, 1B, -1PV ; Ixi’ualpa 2T, 1B, 1PV). Perplexe, Molos grimpa jusqu'au gaillard arrière et découvrit qu’un des membres de son équipage était manquant. Il s’en était allé ferrailler seul jusque sur la terre-ferme !


     Corus fut frappé par la hampe de lance en plein estomac malgré son bouclier levé, lui coupant le souffle. C’est de justesse qu’il parvint à lever son écu, bloquant la pointe de lance comme l’amazone effectuait un pas en retrait en décrivant un arc de cercle avec son arme. Écartant son défenseur, le champion effectua une nouvelle fente fulgurante en guise de représailles.
     De justesse, la guerrière aigle planta son arme dans le sable et intercepta le trident entre deux pointes. Ixi’ualpa se fit toutefois entailler les deux poignets au passage. Mais cela lui évita de se faire empaler (Corus 4T, 4B, 1 svg, 2 invu, -1PV). Marquant un temps d’arrêt, l’étranger poussa un sifflement approbateur, appréciant l’originalité de la parade avant de se dégager de quelques pas en arrière (Ixi’ualpa 2T, 0B).


     « Dites, on ne devrait pas aller l’aider ? interrogea l’un des membres d’équipage en désignant le combattant solitaire.
     — Non, rétorqua sèchement Molos. Bougez-vous et captez-moi cette brise ! Qu’on sorte de ce fffoutu bourbier ! »

     Sur la rive, les amazones convergeaient en nombre vers le duel, faute de pouvoir approcher du navire en raison des otages exposées. Molos leur jeta un regard sombre qui glissa jusqu’à son champion, qui leur offrait involontairement le temps d’apprêter les voiles. Plus vite ils auraient décampé de ce guêpier, mieux ils se porteraient.

     Malgré tout, il alla se pencher par-dessus la rambarde, bousculant deux femmes immobilisées par des marins, dague contre la gorge. Les ignorant royalement, Molos releva la tête, sa longue barbe pendant dans le vide. Puis il poussa d’étranges sifflements de gorge à l’adresse de la surface, l’amazone prisonnière la plus proche fronça les sourcils d’incompréhension.


     Saisissant la reta à sa hanche du bras portant son bouclier accroché à son poignet, Corus surprit l’amazone en tentant de lui envelopper le visage dans les mailles acérées d’un revers furtif. Celle-ci interrompit sa charge et l’évita en se penchant en arrière, le dos arqué. Malgré cela, elle se fit entraîner de côté, les cheveux happés par le filet. Elle tomba de côté et roula dans le sable, poussant un cri comme la douleur envahit sa blessure au ventre tout juste cautérisée (Corus 3T, 2B, 2PV !).

     Néanmoins, malgré ses yeux plissés, Ixi’ualpa discerna l’ombre de son adversaire s’interposer devant les feux allumés plus loin sur la berge au-delà de la crique. N’écoutant que son instinct, elle roula de côté et but la tasse en se retrouvant dans l’eau, évitant néanmoins le trident qui se planta dans le sable (Ixi’ualpa 2T, 1B, 1PV ! Les deux combattants repartent avec 1PV !).

     Reculant sur les coudes et s’enfonçant dans l’eau, Ixi’ualpa s’efforça de mettre de la distance entre elle et la créature à peau bleutée. Plutôt que pousser son avantage, celle-ci se contenta de raccrocher sa reta à sa hanche, lui faisant signe du menton de se relever.

     « Debout humaine, déclara-t-il. Je veux t’ôter la vie debout plutôt que rampante. Tu mérites pas d’être ainsi déshonorée après un duel si glorieux. »

     Sur quoi, sans même savoir si ses mots avaient furent compris, il leva haut son bras armé et passa le trident dans une boucle de cuir, entre ses omoplates. Puis, il s’empara du glaive accroché à son autre hanche. De la lame, il fit à nouveau signe à Ixi’ualpa de se relever.

     Ce qu’elle fit avec une lenteur mesurée, reprenant son souffleet prête à bondir au moindre coup-fourré. La scène avait tout d’une exécution car, dans sa chute et avant de prendre du recul, son arme lui avait échappé. Elle gisait à présent quelques pas derrière l’étranger.

     Patiemment, Corus attendit qu’elle soit relevée et ai retrouvé ses deux appuis pour charger. Poussant un sifflement de triomphe, il brandit son épée pourvue d’un crochet accompagné de quelques éclaboussures.

     En désespoir de cause, Ixi’ualpa fit un pas en retrait, de l’eau jusqu’aux mollets, portant une main à son poignet opposé. Comme le pirate effectuait un bond en avant à renfort d’éclaboussures, elle lui jeta au visage le brassard qu’elle venait de s’ôter. La surprise fit manquer sa mise à mort à l’étranger et son épée ne trancha que de l’eau (Corus 4T, 3B, 1svg, 1invu, 1PV).

     Sifflant de frustration, Corus fit volte-face et courut après l’humaine, la rattrapant à toute vitesse dans l’eau peu profonde. Celle-ci se précipita sur sa lance, se jetant en avant sur les derniers mètres. Elle roula au sol et pivota sur un genou d’un mouvement félin, effectuant un revers de sa lance fraîchement retrouvée. Elle vint frapper au poignet le champion qui s’apprêtait à frapper à nouveau. L’arme lui échappa des doigts et alla voler dans l’eau (Ixi’ualpa 2T, 2B, 2PV ! Les deux combattants repartent à 1PV !).

     Corus ramena son bras contre lui, sa nageoire de poignet douloureusement vrillée. Grimaçant, son regard jaune alla de l’amazone à sa lance ardente retrouvée. Il esquissa un sourire contrit, révélant ses crocs, avant de lever son bouclier plutôt que prendre le temps de se saisir de son trident : il ne lui avait pas laissé le loisir de reprendre son arme, il n’y avait pas de raison qu’elle le lui accorde.


     Molos poussa un juron en constatant que le duel ne tournait pas en la faveur du champion de son équipage. S’emparant d’un pistolet caché à l’intérieur de son épais manteau, il s’empressa de lever le bras pour tirer en l’air et interrompre leur combat, dut-il s’attirer le courroux de Corus pour cette intervention. Mais un ridicule grésillement fut tout ce qu’il obtint : son séjour dans le fleuve avait évidemment trempé la poudre.

     Il jura à nouveau en jetant son arme sur le pont, réclamant un pistolet sec. Toute proche, Rakt'cheel profita de la confusion engendrée pour soudain se redresser en infligeant un coup de l’arrière du crâne au marin qui la maintenait immobile. En un éclair, elle fut sur le Molos, un poignard apparu comme par magie à sa main et fusant vers la gorge du capitaine… sauf que la barbe de celui-ci s’enroula autour du poignet armé au vol. Il stoppa net l’attaque pernicieuse de la femme, l’entravant avec la force d’un étau. Stupéfaite, elle se tourna vers lui, les yeux ronds pour la seconde fois cette nuit-là. Il lui décocha un regard noir, silencieux. Accroissant encore la pression sur son bras, il l’obligea à ployer le genou sous la douleur...


     Prenant l’initiative en désespoir de cause, Corus chargea et fit effectuer un arc-de-cercle à son bouclier. Il anticipa le mouvement de l’amazone vers son épaule exposée, avec l’intention de faire glisser la lance sur cette protection, puis de la frapper à la tête. Mais le prenant à contre-pied, elle se décala sur la gauche du pirate (Corus 2T, 2B, 1svg, 1invu).

     Profitant de l’ouverture béante dans sa défense, la lance traversa l’abdomen de Corus et ressorti dans son dos. Il hoqueta quelques instants, stupéfait, avant de baisser les yeux sur la hampe enfoncée dans son ventre, les genoux flageolants (Ixi’ualpa 3T, 3B, 3PV !!).

     Ixi’ualpa retira sèchement sa lance, le privant d’appuis. Incapable de tenir debout, Corus tomba à genoux, laissant s’échapper une gerbe de sang qui gicla par ses branchies. Haletante, l’amazone posa le pied sur son épaule et le repoussa en arrière. Il s’effondra sur le dos, dans l’eau, bras grands écartés. Difficilement, il toussa, quelques vaguelettes portant une eau écarlate aux pieds d'Ixi’ualpa.

     Un coup de feu retentit brusquement sur la Lorelei passant à un jet de pierre comme Ixi’ualpa, avancée dans l’eau jusqu’à mi-mollet, levait sa lance pour percer le cou du vaincu, juste sous le menton. Elle se tourna vers l’origine de la détonation et ce n’est qu’alors qu’elle put remarquer les guerrières kalims alignées contre le bastingage. Toutes avaient une lame sous la gorge. Depuis la hauteur du Gaillard arrière, Molos désigna du sabre les amazones capturées. En particulier leur meneuse qu’un marin devait maintenir debout pour qu'elle ne s'effondre pas.

     Le geste se passait de mots : l’homme à la peau bleue mourrait, les amazones également.

     En signe de “bonne foi”, Molos cracha un ordre à ses pirates. La seconde suivante, ils balançaient des kalims par-dessus bord, ne gardant que celle qu’il identifiait comme leur cheffe, Ratch’keel, ainsi que quelques autres, à côté de lui...

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Illustration par Gromdal

     Refaisant surface, les amazones libérées s’empressèrent de nager jusqu’à la berge proche ou vers les pirogues approchantes. Elles ne furent pas entraînées sous l’eau, même si Ixi’ualpa ne remarqua pas ce détail.

     Ixi’ualpa resta un immobile pendant tout ce moment, qui parut à Molos comme à sa prisonnière, extrêmement long. Depuis le bateau, Ratch’keel renvoyait à l’amazone son regard dur. Le visage de la guerrière aigle s’était fermé, insondable. Celui de la kalim s’empreignit de résignation face au sort qui lui était réservé : Ix’iualpa ne la portait pas dans son cœur, et elle le savait.

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Illustration par Gromdal

     La guerrière baissa, lentement, sa lance... Posant une main sur le corps inconscient de Corus qui flottait sur l’eau, elle le poussa doucement en direction du cœur du fleuve. Elle manqua de bondir en retrait lorsque dans une grande éclaboussure de forme massive perça la surface près du corps à la peau bleue.

     Le visage dégoulinant d’eau, une femme jusque-là embusquée sous l’eau sombre s’interposa entre l’amazone et son adversaire vaincu.

     Non, pas une femme, réalisa Ixi’ualpa avec stupeur. Des barbillons verdâtres ornaient ses joues et ses yeux jaunes étaient similaires à ceux du vaincu. Ses dents également étaient aiguisées, semblables à une multitude d’aiguilles, menaçant l’amazone comme elle feulait en sa direction.

     Sans prononcer un mot, la créature s’empressa de passer un bras puissant autour de l’abdomen de Corus. Puis elle l’emporta avec elle dans les profondeurs, arrosant copieusement la guerrière-aigle d’un puissant coup de la nageoire, terminant la queue de poisson reliée à ses hanches en lieu et place de jambes.

     Abasourdie, trempée et éreintée, Ixi’ualpa leva néanmoins le regard vers le navire, à temps pour voir les dernières prisonnières basculer par-dessus bord. Après quoi la Lorelei glissa rapidement, poussée par la brise nocturne, et s’éloigna de ce bras de fleuve inhospitalier, laissant les amazones à leurs retrouvailles.


***


     La créature creva soudain la surface de l’eau, secouant la tête avec quelques éclaboussures. Après avoir pris la mesure de son environnement immédiat, un méandre marécageux du fleuve, elle s’empressa de se diriger vers des racines noueuses plongeant dans l’eau boueuse. Tenant fermement son fardeau contre sa poitrine nue, elle s’efforça de s’y frayer un chemin. Mais son corps imposant ne lui permettrait pas d’aller bien loin, l’obligeant vite à se contorsionner à moitié découverte. Aussi, après quelques minutes d’hésitation, flottant au milieu des racines des arbres immenses, étudiant cet environnement étrange, elle jugea qu’ici il serait plus en sécurité. Si y accéder était difficile pour elle, il le serait également pour cet énorme reptile croisé sous la surface.

     Remarquant non loin un agrégat de branches et racines formant presque une cage naturelle, la créature aux traits féminins s’y dirigea. D’un regard, elle convint qu’en aucun cas elle ne pourrait y entrer. Ce qui la conforta en accord avec ses précédentes réflexions.

     Avant de glisser le corps à l’intérieur de l’enchevêtrement végétal, elle porta toutefois les doigts à la main de son protégé. Même inconscient, il avait continué à serrer le poing autour de son colifichet. S’en emparant, elle le lui passa au cou et redonna à Corus son apparence humaine. Après quoi elle le glissa aussi délicatement que possible à l’intérieur, bataillant pour faire passer le trident accroché dans son dos, puis grimaçant lorsqu’il toussa et cracha un peu de sang. Mais une fois l’opération effectuée, elle s’en retourna d’où elle venait d’un discret plongeon.

     Glissant lentement dans l’eau et la vase, Corus était revenu à lui. Il s’était laissé manipuler, à moitié conscient, serrant les dents lorsque la douleur avait irradié à travers son abdomen. Mais à présent, il se laissait aller, gisant presque complètement immergé. Où qu’il se trouve, la nixe l’avait déposé à l'abri du prédateur rencontré dans l’eau du fleuve. Ici il pouvait baisser sa garde. Laisser l’eau cicatriser sa terrible blessure. Fermer les yeux…

     Un temps indéfini passa durant lequel il erra entre rêve et semi-conscience, la lumière de la lune - à moins que ce fut le soleil ? - jouant avec les racines le surplombant.

     Lentement, l’eau dans laquelle il baignait se teinta de rouge. Son engeance avait le don de régénérer dans l’onde, mais même eux avaient leurs limites. Cette fois, il aurait besoin de temps...
*
     Mannslieb était basse dans le ciel, mais sa douce lumière éclairait les rives en apparence calmes de l’Amaxon. Cependant,même la nuit, celles-ci étaient emplies d’une multitude de sons, allant du bruissement des feuilles aux cris de quelques animaux nocturnes. Dans cette étrange cacophonie, il aurait été aisé de ne pas remarquer la forme qui avançait péniblement sur la berge, boitant à moitié, et animée d’un souffle rauque. Mais pourtant, autour d’elle régnait un silence irréel. Fiodor le non-mort, vampire redoutable dans son état normal, était à présent fatigué, blessé, et plus que tout il était assoiffé de sang. Cette envie de meurtre compulsive semblait presque instinctivement ressentie par toutes les formes de vies alentour, qui s’éloignaient le plus silencieusement du monde. Et ce à son grand dam, car il avait soif. Oui, très soif.
     Son apparence ne payait pourtant pas vraiment de mine. Ses vêtements déchirés étaient brûlés par endroit, ses cheveux habituellement coiffés et attachés tombaient en une cascade noire sur ses joues creusées. Il se déplaçait avec précaution, et un regard attentif s’apercevrait rapidement d’une certaine difficulté dans le mouvement. Et surtout, une plaie béante déchirait son abdomen, signe indélébile de sa récente défaite face à la princesse Ylmerion. Mais un seul regard à ses yeux aurait suffi à n’importe qui pour tourner les talons. La sclère noircie, et l’iris rouge vif, dépourvu de pupille, rendaient inhumaines ces deux fentes habituellement si froides. Et le sourire béat qui lui fendait le visage n’aurait en rien atténué cette sensation.

     L’esprit de Fiodor était empli de pensées qui se bousculaient les unes avec les autres. Il avait faim, ou soif, ou les deux. Il lui fallait du sang, du sang frais, du sang humain, ou elfe, ou même nain, tout pourvu que ce fut du sang. DU SANG ! Il voulait arracher le bras de cette elfe, le manger, le lui faire manger, ou la dévorer elle. C’était flou, il déciderait une fois sur place, mais il ne pouvait s’empêcher de s’imaginer la massacrer de mille façons différentes, sans réussir à déterminer laquelle lui ferait le plus plaisir. Pourtant, un petit recoin de son esprit lui rappela que ce n’était que passager, que sitôt le prochain adversaire trouvé cette elfe quitterait ses pensées. Mais ça ne l’empêchait pas de rêver au démembrement de la princesse, encore et encore.
     Il pensait aussi à son équipage. Où étaient-ils ? Depuis qu’il s’était extirpé du fleuve, il les avait perdus de vue, mais il n’avait pas eu le temps de s’en soucier au début, trop occupé qu’il était à refermer sa blessure par nécromancie. C’était chose faite à présent, mais l’effort que cela représentait l’avait affamé, au grand dam de toutes les créatures environnantes.

     Puis tout d’un coup il se figea. Une odeur avait pénétré ses narines. Du sang.

     Du sang frais !

     Il y en avait, tout proche. Ses yeux scrutèrent les alentours avec frénésie. Il n’y avait pas de doutes, quelque-chose saignait, pas loin. Et cette odeur, cette odeur lui rappelait…
     Rien.
     Ou plutôt si, mais ce n’était pas net. Ce n’était pas du sang humain, pas tout à fait, mais ce n’était pas celui, musqué, d’une bête sauvage. Non, c’était plus proche du sang d’un poisson. Mais ça n’en avait pas l’odeur fade. C’était le sang d’une chose qu’il n’avait jamais vue. Instinctivement, il posa la main gauche sur la garde de son épée, qu’il avait miraculeusement gardée malgré toutes ses péripéties.
     Puis une autre odeur, plus subtile, lui parvint petit à petit. C’était celle de la peur. Oh, oui, cette créature avait peur, rien qu’un peu, et peut-être même inconsciemment, mais ça suffisait pour savoir qu’elle se cachait. Fiodor secoua la tête, souriant de plus belle. S’il avait trouvé le moyen d’étancher sa soif tout en goûtant à une nouvelle saveur, cette soirée allait certainement être plus belle que la journée qui l’avait précédée.
*

     - Si tu ne sors pas, petit poisson je vais venir te chercher.

     La voix de Fiodor brisa la quiétude ambiante avec la subtilité d’un poignard dans une gorge. Son timbre était plus aigu que d’habitude, son ton plus traînant. Il était ici le chasseur, et non le capitaine. Ses yeux fixaient la direction approximative de l’odeur si entêtante du sang : une mangrove, où il devinait plus qu’il ne voyait une forme se réfugier.

     L’éclat de voix tira le pirate blessé de sa torpeur. D’instinct il tourna la tête dans toutes les directions, cherchant ce qui venait de rompre le silence relatif de la jungle lustrienne. La lumière qui perçait entre les racines l’entourant avait baissé, ne devenant plus qu’une pénombre ambiante. Ici et là, des clapotis et coassements de quelques animaux sauvages se faisaient entendre, ayant bercé son repos.

     Combien de temps avait-il dormi exactement ? Quelques heures ? Une journée entière ? Impossible à dire. Cependant, il en avait la certitude, ce qu’il venait d’entendre n’était pas un rêve, bien que le sens des mots lui échappa dans son état comateux.

     Prenant appui sur ses coudes, plongés dans la fange, il se redressa péniblement, le ventre cisaillé par une douleur atroce. Son corps était maculé de boue, baignant dans l’eau trouble jusqu’à la poitrine. Cela ne le dérangeait nullement et, en vérité, il serait bien resté dans cette position quelques heures de plus. Mais que quelqu’un ou quelque chose soit aussi proche, dans une forêt aussi vaste, ne pouvait être une coïncidence. Il s’arracha à son matelas de limon avec un bruit de succion, puis se tourna de côté. D’une main sur son abdomen, il constata l’état de sa blessure. La cicatrisation était bien avancée au vu de ce qu’il avait subi, mais pas terminée.

     Qu’importe, il faudrait que cela suffise. Tendant de bras, il serra le manche de son trident, posé contre quelque racines, et utilisa cet appuis pour se redresser. Aussi silencieusement que possible. Où était l’importun l’ayant réveillé ? L’avait-il localisé ? Avait-il réellement perçu sa présence ? Dans le doute, il resta immobile. Silencieux. À l'affût.

     Fiodor fit quelques pas en avant, les sens en alerte, le regard toujours fixé vers l’obscurité des mangroves au bord du fleuve. Ses lèvres étaient plissées, au point que sa bouche ne formait plus qu’une fente tremblante. Car il tremblait, de faim et de violence difficilement contenue. Les odeurs et les sons l’agressaient de partout, et il voulait faire de l’ordre dans son esprit, sans y parvenir. C’était presque trop pour lui, mais sans trop savoir comment il parvenait encore à garder son calme. Un miracle. Mais ce petit jeu l’énervait déjà. Sa voix claqua de colère.


     - Petit poisson, je perds patience. Si tu ne sors pas maintenant, ce sera au bout d’une pique !

     Petit poisson ? Au bout d’une pique ? songea Corus avec un sentiment de confusion mêlé d’irritation.

     Clairement c’est à lui qu’il s’adressait. Et qu’il persifflait.

     Avec une grimace qui ne devait plus rien à la douleur engendrée par sa blessure, Corus se releva, les mollets à moitié plongés dans la boue. Puis, péniblement, s’arracha à la gangue pour se glisser à l’extérieur. Il était le champion des arènes de K'Kligir ! Il n’était pas question qu’il laisse un simple maraudeur le provoquer ainsi !

     Escaladant ces mêmes racines l’ayant jusqu’à présent abrité, maculé de boue, il se révéla à la lueur de la lune. Sa machoire et ses bras tremblaient. Mais ce n’était ni de froid ni de douleur. Non.
Quelqu’un venait de bousculer sa fierté. De l’insulter. De le menacer.

     Quelqu’un qui allait en payer le prix.

     Sondant la pénombre, il chercha celui-ci du regard, perçant aisément l’obscurité. Nulle embarcation ne se trouvait à proximité. L’intéressé était donc à pied. Du côté de la berge. Où justement il le découvrit avant de froncer les sourcils, surpris par son accoutrement en à peine meilleurs forme que le sien. Le visage, les rouflaquettes et dreadlocks maculés de boues, il ne devait vraiment pas payer de mine. Quand à sa tunique humaine, générée par le charme de son médaillon, elle avait littéralement changé de couleur, devenue marron-verdâtre. Elle avait toutefois meilleure allure que sa véritable tunique dissimulée sous l’illusion… Toutefois, aussi pitoyable qu’il paraisse - dégoulinant de boue, d’eau et de sang - son bouclier et son trident orientés vers l’inconnu étaient parfaitement fonctionnels. Avec une adresse propre à ceux de son espèce, il s’approcha en sauta d’une racine noueuse à une autre sans glisser malgré ses chausses recouvertes de limon.

     Scrutant les ténèbres, la main toujours accrochée à la poignée de son arme, Fiodor finit par figer le mouvement chaotique de ses yeux. Il avait capté, au milieu de la mangrove, deux petites lueurs. Il rendit son regard à Corus, et haussa les sourcils pour bien montrer qu’il l’avait repéré. La traque prenait fin. Il vit alors émerger, dans un clapotis d’eau boueuse et sanguinolente, la forme imposante du champion de la Lorelei. Il constata rapidement son piteux état, ses vêtements au moins aussi ruinés que son propre accoutrement, mais aussi et surtout la détermination imprimée sur son visage. Le triste état de Corus rappela douloureusement à Fiodor sa propre piètre forme, mais il chassa cette pensée. Qui qu’il fut, ce mortel n’avait visiblement pas l’intention de se laisser insulter, et encore moins de se rendre.
     - Bon, maintenant, petit poisson, je vais te prendre du sang. Beaucoup de sang. J’ai soif, au point que je pense bien ne pas pouvoir me maîtriser très longtemps. Alors ne t’avise pas de résister.

     Provocation puérile, et bien inutile, Fiodor s’en doutait. Mais c’était plus fort que lui. Il aimait jouer, et garder la mine sombre et implacable devant ses hommes pouvait le lasser. À présent qu’il était seul, il entendait bien jouer un peu plus du plat de la langue.

     Haussant un sourcil d’étonnement, Corus dévisagea son vis-à-vis du bandana au bottes. S’attarda sur la blessure similaire à la sienne auquel nul humain ou elfe n’aurait put survivre. L’éclat écarlate de ce regard luisant dans la nuit. La solution se fit évidente. Cet importun était de la même espèce que celui l’ayant déjà défait lors du premier assaut de la Loreleï sur l’Amaxon. Une sangsue portant un masque d’humanité. Une macabre parodie de vie.

     Lentement, il esquissa un sourire, s’efforçant de masquer sa douleur comme sa fatigue.


     - Tu peux certainement essayer, déclara-t-il. Mais je préviens, d’autres que toi se sont cassés les dents.

     Narquois, il insista bien sur ce dernier mot, mettant en évidence le fait qu’il ai deviné la vraie nature de son interlocuteur. Fiodor, qui ne s’y attendait pas, se contenta seulement d’étendre son sourire en penchant légèrement la tête sur le côté d’un air légèrement paternaliste, révélant ses crocs aiguisés. Cette défiance, il l’avait déjà vue, maintes et maintes fois. Ces jeux de mots, il les avait déjà entendus, et même utilisés avant de s’en lasser. Mais le jeu, le jeu l’avait pris, et il s’entendit presque répondre :


     - Oh, ne t’inquiète pas. J’ai les dents solides.

     Ces mots furent suivis d’un silence tendu. La tension montait.

     Puis ce fut l’explosion.

     En un éclair, Fiodor dégaina son arme, et se rua en hurlant comme un damné sur un Corus qui l’attendait de pied ferme. Il avait déjà levé le bouclier, la mine résolue à vendre chèrement son sang. Dans un fracas métallique, l’arme du vampire s’écrasa sur la protection du guerrier, qui cependant recula sous la force de l’impact. Corus serra les dents, se rappelant soudain de la force de ces créatures.

     Mais de la force, il en avait aussi.

     D’un mouvement simultané des bras et des hanches, il repoussa immédiatement l’attaque du vampire. Puis se lança dans un déluge d’attaques en profitant de son allonge supérieure. Le trident fusa vers les points vitaux de son adversaire, visant là la gorge, ici le cœur. Mais à chaque fois Fiodor parvint à esquiver de justesse ou à dévier l’arme de son épée. Ses mouvements étaient pourtant imprécis, voire inutiles. Corus en ressentit une intense frustration car son propre état physique limitait grandement ses capacités martiales. Il ne parvenait pas à en profiter. Fiodor, de son côté, n’était que colère et insatisfaction. Lui avait voulu se défouler, se lancer à corps perdu dans un combat. Mais il devait à présent se concentrer et rester calme pour éviter de finir embroché. D’une certaine façon, cet adversaire l’impressionnait, car lui manifestement n’avait pas le même problème. De plus, il n’arrivait toujours pas à interpréter son odeur insolite. Péniblement, il commençait à se résigner à jouer au jeu de l’esquive, espérant que ses sautes d’humeur ne le mènerait pas à l’erreur.

     Ce fut pourtant ce qui finit par arriver. Parant une énième attaque du champion d’arène, Fiodor se tourna sur le côté, laissant son flanc grand ouvert. Corus ne perdit pas un instant et s'engouffra dans l’ouverture. Il ramena à lui son trident d’une main experte puis effectua une fente fulgurante vers ce point faible. La frustration qui s’imprima sur le faciès du vampire révéla, si c’était nécessaire, qu’il ne s’y attendait pas. Il ne put se détourner assez vite. Une vive douleur lui vrilla l’esprit alors que l’arme de Corus s’enfonçait dans sa main gauche, la perforant de part en part. Son hurlement de douleur résonna dans la jungle et fut la cause involontaire d’un massif mouvement de panique animalier à des lieues à la ronde (Corus : 3T 2B 2PV !).

     Corus eut un bref rictus de satisfaction, qu’il réprima aussitôt. Cette blessure était bon signe, mais il ne fallait pas s’arrêter en si bon chemin. Son adversaire allait certainement faire de plus en plus d’erreur.

     Aussi quelle ne fut pas sa surprise en voyant Fiodor lâcher son épée et s'empaler la main jusqu’à la garde du trident, refermant les doigts dessus.


     - Je t’ai eu petit poisson !

     D’un coup sec et puissant, le vampire blessé écarta le bras avec cri mêlant rage et douleur. Corus, horrifié, sentit son arme lui échapper des mains, violemment tiré en avant. Jetant le trident dans les fourrés, Fiodor laissa la furie s’emparer de lui, son adversaire à présent désarmé. La bête qui était en lui se révéla petit à petit tandis que ses doigts se changeaient en griffes. Que son visage s’allongeait. Que sa mâchoire se garnissait de crocs. Corus, désemparé, reçut de plein fouet le premier coup de griffe à l’épaule. Si son bouclier bloqua le suivant, la troisième attaque fut un brutal uppercut au ventre. Il se plia en deux, le souffle coupé et échappant une gerbe écarlate, frappé en plein sur sa blessure à peine refermée. Acculé, le combattant aux dreadlocks porta une main tremblante à sa hanche, cherchant son épée à la pointe pourvue d’un crochet. Mais ses doigts ne trouvèrent que de l’air.

     « Zut » jura-t-il, réalisant l’avoir une nouvelle fois égaré.

     En désespoir de cause, il opéra un pivot sur le sol tout en se redressant, ayant l’intention d’envoyer son bouclier dans le visage de la bête devant lui. Mais Fiodor, éructant un ricanement rauque, esquiva d’un bond. Il atterrit derrière Corus, qui, hébété, n’eut pas le temps de se retourner. Le vampire lui porta un coup de griffe qui l’entailla de l’épaule aux reins, déchirant sa tunique. Sous le choc, ce dernier n’eut même pas la présence d’esprit d’hurler avant de s’écrouler (Fiodor : 4T 3B 3PV !).

     Corus balbutia, étalé au sol et le dos en feu. Sa situation était mal engagée. Mais même si cela devait être sa fin, il n’était pas question qu’il meure de cette façon. Pas vautré au pied de quelque rejeton abject de la surface. Porté par sa fierté, il se releva sur les coudes, assez pour voir tomber entre ses mains le pendentif à la lanière tranchée.

     L’illusion brisée, sa véritable nature fut révélée au vampire lorsqu’il se tourna vers lui, bien qu’encore à terre. La peau de son visage était toujours maculée de boue, mais d’une teinte bleue et huileuse. Les barbillons rougeâtres ayant remplacé sa barbe soignée vibra en écho au feulement sauvage qu’il poussa, révélant ses crocs pointus, sans être aussi développés que ceux du vampire. Ses yeux jaune au pupilles fendues cherchèrent le regard écarlate de son bourreau. Pour la seconde fois en approximativement une journée, sa véritable nature d’être amphibien était percée à jour.

     Fiodor, de son côté, savoura un instant sa victoire, mais il n’oubliait pas sa faim. Ses narines humaient toujours l’odeur du sang frais, d’autant plus qu’il en avait les griffes. Griffes qu’il lécha avec une lenteur consommée. Son ouïe percevait le cœur de Corus, qui battait... qui battait... Chaque battement était comme un appel. Une tentation de la plus haute sophistication. Mais surtout, il étudiait la créature qui, à terre, le défiait encore. Ses nageoires. Sa peau bleue et abîmée. Ses yeux jaunes. Ses barbillons. En tant que pirate centenaire, il devait bien admettre que c’était la première fois qu’il posait le regard sur une telle forme de vie. Une sorte d’homme-poisson. L’Amaxon était vraiment le lieu de tous les étonnements.

     Alors, d’un geste vif, Fiodor se saisit de Corus par le haut du crâne et le souleva d’une main, mettant le visage de l’homme-amphibien devant sa propre gueule. Corus porta les doigts au poignet du mort-vivant, luttant contre sa prise. En vain. Sur son visage passait l’odeur nauséabonde et glaciale du souffle du vampire. L’autre main de Fiodor l’attrapa au cou, juste sous les branchies, lui arrachant un glapissement d’effroi. A nouveau le vaincu lutta inutilement contre cette poigne implacable lui broyant la chair. Un instant passa alors que Fiodor, frustré de ne pas trouver de zone adéquate à mordre au niveau du cou, se rabattait sur le poignet. Une nouvelle fois il dut revoir son choix d’où planter ses crocs : les avant-bras de Corus étaient garnis de nageoires rigides et garnies des pointes qui lui éraflèrent le visage. « C’est la dernière fois que je m’attaque à ce genre de proie » se dit-il avec amertume. Mais celle-ci disparut, en même temps que tout le reste de ses sensations, quand il planta ses dents dans le creux du coude de Corus, qui cette fois poussa un cri de panique.

     L’extase. Voilà comment Fiodor décrirait ce moment plus tard. Plus qu’un bien-être soudain, c’était l’assouvissement de plusieurs heures de privations et de retenue qui, à cet instant, l’emplissait en entier. Le liquide chaud se déversait dans sa gorge par torrents et il sentait petit à petit les doigts de Corus relâcher ses poignets. C’était divin, plus divin que tout ce qu’un humain peut ressentir dans sa courte existence, plus divin que leurs tristes repas ou leurs pauvres étreintes amoureuses. Ce sang, c’était la force, c’était la vie, c’était l’amour, c’était le bonheur et le frisson du plaisir, c’était tout cela à la fois, et bien plus encore.
     Et au fur et à mesure qu’il sentait sa soif s’apaiser, Fiodor sentit ses idées devenir de plus en plus claires et sa victime toujours plus inerte. Le chaos de ses sens s’amoindrit jusqu’à devenir tout à fait supportable. Sa colère diminua, et au fil des secondes et des minutes qui passaient il s’aperçut que son corps reprenait son apparence normale, ‘humaine’, sans griffes ni crocs, mais avec des mains et des dents.

     Enfin, au bout de ce qui lui parut être une fraction de seconde, et à Corus une éternité, il relâcha son étreinte. Puis laissa choir au sol le guerrier amphibien exsangue. Ce dernier laissa échapper un faible râle en se recroquevillant sur lui même, qui fit baisser les yeux à Fiodor.


     - Ainsi, tu es toujours en vie ? Eh bien soit, tu as de la chance, petit poisson. En bon pêcheur, je vais relâcher ma prise si je ne la consomme pas.

     Joignant le geste à la parole, il fit rouler Corus du pied, l’envoyant droit dans l’eau de l’Amaxon. Il l’observa rapidement se perdre dans les mangroves, emporté par le courant.

     C’est alors qu’il remarqua un son qui le fit sourire, et que la restauration de ses sens lui permit maintenant de distinguer à travers tous les autres. Ce son, c’était celui du sifflet spécial de son second. Le son de son équipage. Monsieur Flouz ne l’avait pas oublié visiblement. Ayant soudain totalement oublié Corus, il ramassa son épée et s’élança en direction de son second, et, il l’espérait, de son bateau.
*
     Bien plus tard cette même nuit, le navire glissa doucement sur l’eau. Précédée de remous familiers, la Loreleï progressait sans un bruit à quelques mètres seulement des racines noueuses, plongeant dans l’eau trouble.

     Accoudé au bastingage, Molos poussa un léger sifflement désapprobateur en observant le corps flotter plus bas, dos vers le ciel.


     - Remontez le, indiqua-t-il à son équipage sans cacher sa déception. S’il est en vie, plongez le dans un tonneau de ffflotte.

     Las, il observa l’opération sans plus rien dire, les bustes et visages féminins crevant ponctuellement la surface pour observer ou aider les pirates à hisser le corps inconscient. L’une de ces créatures marine tendit d’ailleurs l’arme du blessé à un marin. Son fameux trident.

     A nouveau Molos siffla de désapprobation, puis porta distraitement la main à l’épée du guerrier pendue à sa propre ceinture. Lors de sa diversion sur la plage des femmes-guerrières, il avait perdu cette lame pour la seconde fois. Là, son trident.


     - Dernière fffois qu’on passe après toi bonhomme, murmura-t-il dans sa barbe comme le corps inanimé de Corus passait devant lui, transporté par ses hommes.

     Le fameux champion de K'Kligir faisait peine à voir. Les barbillons du côté gauche de son visage étaient pliés selon un angle improbable. Son visage et sa gorge étaient boursouflés là où la poigne du mort-vivant avait maltraité sa chair. Ses coupures et hématomes étaient trop nombreux pour être comptés. Quelque arme tranchante avait cisaillé sa tunique et la peau de son dos sans aucune distinction. Sa blessure à l’abdomen, mal cicatrisée, avait pris une inquiétante teinte laiteuse. Enfin, en addition de tout cela, quelque chose que Molos n’expliquait pas avait dû lui arriver. Corus semblait… émacié. Voire amaigri. Et cela n’était nullement dû à une régénération interrompue ou quelques repas manqués.

     La surface n’a pas été tendre avec toi, songea le capitaine du navire comme il était emporté dans le ventre protecteur du navire.


     - Capitaine, vint l’interpeller l’un de ses hommes. Puis-je…
     - Parle, l’interrompit-il aussitôt.
     - Je… Corus est mal en point et nous avons perdu plus d’un tiers de l’équipage, se reprit-il. Les nixes sont harcelées par la faune locale et nous par d’autres équipages des terrestres.

     Il marqua un arrêt, scrutant les expressions de Molos. Lorsque la barbe de celui-ci se tortilla, comme animée d’une vie propre, il reprit toutefois :


     - Que fait-on pour l’Appel ? Nous…
     - Nous fffferons ce qui doit être fffait, coupa Molos avec autorité. Quitte à brûler la Loreleï et rentrer à la nage, bien que cela ne m’enchante guère. Mais nous irons à Chaqua et nous rapportons l’Appel de Dagon. Une telle opportunité pourrait ne pas se représenter avant des siècles.

     Ce à quoi le pirate hocha la tête, discipliné, puis retourna à ses tâches. Soupirant, Molos revint s’accouder à la rambarde, lorgnant sur les femmes pourvues de queues de squales nageant plus bas. Distraitement, il porta un cigare à ses lèvres sans bouger les mains. Puis l’alluma de la même façon.

     L’Appel de Dagon, songea-t-il en inspirant une bouffée de tabac. L’un des nombreux artefacts détenus par les sauriens et dotés d’une puissance incommensurable. Déplacer les montagnes… modifier le lit des fleuves… faire pleuvoir du feu…

     ...contrôler la marée.

     Cette relique devenue légende pour leur peuple lui paraissait à portée de griffes et pourtant si inaccessible…
*
     Au même moment, plus en aval, un autre bateau récupérait son capitaine. Monsieur Flouz observa silencieusement Fiodor alors que ce dernier franchit le bastingage après avoir été ramené en chaloupe. Le marin aux cheveux gris serrait effleura inconsciemment le sifflet qui lui pendait au cou, ravi de voir son chef remonter à bord. Autour de lui, les marins étaient rassemblés, attendant les ordres. Au premier rang, la silhouette massive et métallique de Marcel de Parravon se découpait, les lueurs verdâtres de son regard étant bien visibles en cette heure de la nuit. En retrait, Thrond Ventre-de-fer avait la mine des mauvais jours.

     Fiodor fit quelques pas puis s’arrêta. Tous pouvaient voir ses blessures, malgré la pénombre, du fait de la lueur de Mannslieb et des quelques braseros du pont. Ses vêtements déchirés, ses cheveux décoiffés et surtout ses nombreuses plaies auraient pu lui enlever une partie de sa superbe, mais le vampire se tenait droit, l’expression fermée et le regard perçant, comme à son habitude. Les secondes paraissaient s’étendre pour les spectateurs, qui s’aperçurent, horrifiés malgré ce qu’ils savaient de leur capitaine, que son visage était couvert de sang séché, ainsi qu’une partie de son cou. Il ressemblait à un tueur revenant de la guerre, mais n’avait absolument pas l’air de s’en rendre compte. Toisant les marins, une expression de colère passa sur son visage. L’ordre claqua, sec et sans réplique.

     « Qu’est-ce que vous regardez, bande de rats d’égouts ? Tout le monde à son poste, et que ça saute ! Faites vos roulements de nuit ! »

     La magie de l’autorité opéra. Les pirates du vampire, tous depuis longtemps hypnotisés par ses soins pour lui obéir, fusèrent aux quatre coins du « Corbeau Centenaire », poursuivis par les habituelles harangues du maître d’équipage. Fiodor, lui, s’approcha de Flouz, qui n’avait pas bougé.


     - Je vais me changer et me détendre un peu, puis je prendrai la barre. Tu iras te reposer à ce moment.


     - Bien capitaine. Le repas a été bon ?

     Fiodor jeta un regard surpris sur son second, qui était le seul qui osait parfois lui parler comme ça. Monsieur Flouz savait toujours quand il pouvait s’exprimer avec lui, et devait avoir compris que pour une fois, malgré les apparences, il était de bonne composition. Fiodor s’humecta les lèvres. À cette distance, le second s’aperçut de l’existence de l’importante cicatrice de la main gauche du vampire, et hoqueta de surprise.


     - Un peu épicé. J’ai mangé du poisson. Ça change.

     Puis, sans plus d’explication, il plongea vers sa cabine, uniquement suivi par Thrond qui se demandait si, par hasard, il ne pouvait pas profiter du moment pour fêter leurs retrouvailles avec une bouteille de rhum. Ou deux.

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Essen
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Re: [Event RP multijoueur] La Route d'Eldorado

Message par Essen »

     L’attaque de ces saloperies de lézards, la deuxième, avait été une plaie. À nouveau Alicia mordait le bastingage du reaver. À nouveau elle était collée à une couchette pour plusieurs jours, à se refaire des blessures reçues du combat.
     Le moral avait pris du plomb dans l’aile, de même que leur effectif, celui-ci sérieusement réduit par les combats, les blessures, s’infectant rapidement sous ce climat tropical et le froid de la nuit. Sans parler des insectes qui, à mesure que l’on progressait à l’intérieur des terres, se faisaient plus nombreux pour vous harceler et vous pomper le sang. Il avait d’ailleurs fallu grouper les hommes par deux, afin de s’assurer, après chaque descente à l’eau, que les sangsues et autres parasites ne restent pas collées dans le dos d’un de ses gars.

     Au moins les esclaves intégrés à la troupe étaient-ils en forme, assurant l’entretien et la navigation de l’embarcation. C’était toujours ça de pris.
     De même, les quelques morts qu’ils avaient sur les bras avaient permis de réduire l’urgence concernant la recherche de nouvelles rations. Après tout, moins de bouches à nourrir, c’était un rationnement qui pouvait durer plus longtemps, qui était rallongé dans le temps.
     Sans compter d’un bonus inattendu, cadeau de l’attaque précédente. Eh oui. Les ennemis laissaient sur le taquet un bon paquet des leurs.
     Eh oui. Car n’étant pas humains, ils n’étaient pas sujets aux interdits religieux morriens. En fait, leur consommation pouvait même être interprétée comme l’application de commandements taalites. Manger ce que l’on chasse. Car ces bestioles, en plus d’être comestibles, avaient un petit goût de poulet en bouche. Pourvu qu’on enlève correctement les écailles et qu’on cuise de la bonne manière leur chair, on pouvait les consommer.
     Et les consommer on le fit, permettant de rallonger à nouveau les rations.
     Si la prochaine attaque pouvait être aussi aisément repoussée, et laisser sur le carreau autant de ‘‘vivres’’, alors l’inquisitrice souhaitait que les lézards reviennent faire les malins. Plus ils attaquaient, moins la faim, ce terrible danger, ne viendrait les menacer. Merci les crocos.

     Les prochains jours à voguer paresseusement sur le fleuve furent consacrés à récupérer de la fatigue des combats, des blessures. Alicia de Meissen somnolait dans sa couchette, tandis que l’équipage faisait de même dans les hamacs, ou essayait de pêcher à la ligne depuis la poupe, les plus chanceux tombant sur des pirhanas n’ayant pas assez de mâchoire pour directement couper la ligne lorsqu’ils mordaient celle-ci.
     On avait aussi eu du caïman, ce petit crocodile des rivières, abattu au fusil.
     La poudre commençait à se faire rare. Trop pour pouvoir avoir un impact sérieux lors de la prochaine rencontre martiale, aussi mieux valait dépenser celle-ci à bonne escient, pour rallonger une fois de plus les vivres.

     Plus tard, la vigie, pas complètement endormie par la chaleur, distingua sur l’autre rive des éclats lumineux. Après plus grande attention, on estima qu’il s’agissait là d’humains. Matériel impérial, barbes d’une semaine…. C’était là des impériaux en jungle depuis peu.
     Prenant la décision de se rapprocher prudemment, au moins à portée de voix, la capitaine tanna les quelques hommes présents sur le pont pour s’activer en armes, laissant dormir ceux à la cale.
     Arbalètes sorties et pointées vers ces étrangers, par mesure de précaution, elle s’enquit de l’état des provisions de ceux-ci, pour avoir la bonne surprise que ces nouveaux venus étaient dotés de ce qu’il lui fallait.
     Alors qu’elle concoctait un plan pour passer par les armes ceux-ci et s’emparer de leurs ressources, elle retint son bras lorsque ces proies lui demandèrent à rejoindre son groupe.
     Leur capitaine était en effet tombé au combat, et ils étaient à la recherche de n’importe quoi, n’importe qui, pourvu qu’ils aient une direction et une chance de rentrer à la métropole, ou même simplement e se tirer de cet enfer vert.
     Un moyen de redonner du corps à sa compagnie à l'effectif déclinant ?
     Elle était prenante.

     Et ainsi Alicia de Meissen vint renforcer ses stirlandais fatigués par des nulners et autres racailles urbaines, aux larges réserves de poudres, de vivres et de barriques d’eau.
     Sûr, ces métropolitains allaient déchanter, la moitié crevant certainement dans les jours à venir à cause du climat et des maladies, ne pouvant s’adapter à celles-ci en un si court espace de temps, mais sous son commandement, elle ferait en sorte que l’autre moitié ait une chance de survie.


     Ainsi le reaver continua-t-il à dériver paisiblement sur le fleuve, en direction des mystérieuses cités d’or….

*

     La première chose qu’il sentit fut le roulement des vagues contre la coque du navire. La seconde fut la tiédeur des planches du pont. Poussant un gémissement de fatigue mêlée des vestiges de douleur, Helmut Markus Heldenhame, garde Nulner, dirigeant attitré de l’expédition de Nuln sur l’amaxon, se releva en s’aidant de son épée.
Le cri des oiseaux semblait le narguer. Il leur hurla donc des imprécations dessus, pour se soulager, principalement. Il tituba ensuite jusqu’aux bastingages. Aucune trace de l’équipage. Mais aucune trace des morts-vivants. Combien de temps était-il resté dans entre vie et trépas ? Il ne savait plus.
     Il accéda avec peine à la cabine, où il vit que tous les objets de valeurs avaient été emportés par les pirates pourrissants et leur effroyable sangsue de capitaine. A la pensée de cet adversaire si redoutable, ses blessures lui rappelèrent leur existence.
     Poussant un gémissement de reddition face à la douleur lancinante, il se laissa tomber lourdement sur la chaise qui sentait encore l’encens des temples de Morr, signe que son occupant avait été un membre de ce culte.
     Il se figea soudainement. Du bruit. Et des bruits inquiétants. Des voix, des rames. Des humains cette fois. Le nulner brandit son arme, mais dût bien vite la baisser nouveau, faute de pouvoir la manœuvrer avec ses blessures.
     Quelqu’un criait son nom. On le cherchait. Il restait donc d’autres survivants. Des impériaux, avec un peu de chance. Ensuite, des bruits de pas. Quelques hommes. Sur le pont. Ils entrent. Du vert, Hochland ou Stirland. Bien, des compatriotes de l’empire. Un peu de blanc et gris, de surcroît. Ses hommes avaient donc survécu. Du moins, quelques-uns. Il croisa le regard d’un de ses hommes, qu’il reconnut comme étant le timonier. N’en pouvant plus, il se laissa de nouveau sombrer dans le néant de l’inconscience…




***




Image

Une grande douleur tira subitement le prince de son inconscience. Lui qui était resté inanimé pendant si longtemps écarquilla d'un coup ses yeux, et tenta de bouger son corps. Mais une main assez ferme l'en empêcha:

"Doucement, mon commandant. Je suis en train de refaire vos pansements, lui dit alors son médecin, presque interrompu dans son travail.

-Docteur. Depuis combien de temps suis-je bloqué dans cette couche? lui répondit Aetholdyr, plissant ses yeux en direction de son soigneur.

Eh bien, cela doit faire un jour. Presque deux, je dirai. reprit-il, tout en entourant la poitrine du prince de nouvelles bandes de lin blanc.

-Presque deux jours... répéta le guerrier, comme s'il n'arrivait pas à prendre conscience du temps écoulé, Presque deux jours? fit-il encore, sous le coup de la surprise.

-Oui, c'est à... le médecin n'eut pas le temps de terminer sa phrase, Aetholdyr l'interrompant soudainement.

-Docteur, répondit-il, sur un ton devenu d'un coup intraitable, Je veux que vous convoquiez mon état-major. Aller les chercher immédiatement!

-Permettez-moi encore quelques secondes, fit le soigneur, d'un air désormais circonspect, Il me faut terminer vos bandages.

-Les bandages attendront, médecin. Vous pourrez les continuer plus tard! Le temps nous manque! Pour l'amour des dieux, allez chercher mes officiers!

-Bien... reprit prudemment le docteur, achevant tout juste de fixer l'un des pansements avec de la cire, Je m'en vais les chercher, mon prince." termina-t-il, sortant rapidement de la tente, laissant là sa trousse de soin et tout son matériel.

Aetholdyr se releva, pivotant sur son couchage, avant de poser ses pieds au sol pour se mettre debout. Un tel geste, effectué brusquement aprés plusieurs heures d'inertie complète, le fait se sentir pesant et courbaturé ; sans parler de la douleur qui le relance à nouveau. Alors son regard se balade nerveusement dans toute la tente, recherchant son armure, sa lance et son bouclier.
Quand le Heaume des Mers et l'Oeil-de-Faucon entrèrent dans le petit pavillon de toile, ils trouvèrent un prince paré pour la bataille, mais à l'air bien sombre, et qui semblait s'appuyer sur son arme et son pavois:

"Enfin! Ce n'est pas trop tôt! lâcha Aetholdyr, Officiers! Au rapport! Et où est donc passé la Sentinelle des Lanciers?

-Elle s'est sacrifiée pour couvrir notre retraite face aux barbares. expliqua le chef du régiment des archers, tandis que le medecin entrait à son tour dans la tente, se faisant tout petit pour récupérer son matériel.

-Quoi? Notre retraite? répéta le prince sur un ton presque acerbe.

-Nous leur avons abandonné le navire, intervint alors le Heaume des Mers, avec tout le professionnalisme qu'on lui prêtait, Nous avons établi un campement sur la rive du fleuve, en attendant votre réveil. continua-t-il, alors que le docteur sortait rapidement des lieux, sa trousse et ses outils dans les mains.

-Et où est notre navire? reprit Aetholdyr.

-Il est à la dérive sur le fleuve. J'y ai envoyé du personnel pour le sécuriser, mais il est mal en point: cale inondée, coque endommagée, voiles déchirées, gréements coupés, pont supérieur et baliste complètement saccagés... Ces porcs ont tout pillé, et même profané nos défunts qui reposaient à l'intérieur.

-Merveilleux! lâcha alors le prince, pince-sans-rire, dans un sarcasme plus que mordant, Ecoutez-moi bien, Heaume des Mers. Je veux que vous retourniez sur le vaisseau, que vous preniez tout ce qui est utile, et que vous le brûliez ensuite.
Tout ceci fait, revenez au camp."
reprit-il toujours renfrogné.

Les visages des officiers se figèrent subitement. Le Heaume des Mers fronça même les sourcils face à cet ordre si radical:

-Mais... fit-il, sa tête penchant légèrement sur le côté, Mais mon commandant, la vaisseau est certes endommagé ; toutefois il est enco...

-Nous n'avons pas de temps à perdre! interrompit Aetholdyr, balayant littéralement ses objections d'un revers de la main, Le navire est de toute façon dans un sale état. Si nous passons des jours à le réparer, alors nos ennemis auront tout le temps pour trouver la cité d'Or et la piller! continua-t-il de débiter, toujours inflexible et intraitable, Les dieux l'ont voulu ainsi! Alors exécution!"

-Mon Prince, sauf votre éminent respect, comment allons-nous pouvoir lutter contre les autres navires que nous croiserons en cours de route? Nous n'avons que des barques à manœuvrer et des archers comme puissance de feu. A nouveau, loin de moi l'intention de vous nuire, mais tout ceci me semble plus qu'hasardeux." intervint l'Oeil-de-Faucon, parlant rapidement, une certaine inquiétude au bord de ses lèvres.

Le regard ombrageux d'Aetholdyr se braqua sur celui du chef des archers. Les quelques secondes qui suivirent furent les plus longues et les plus pesantes dans toute cette conversation. Le prince soupira alors brièvement du nez:

"Puisque vous le dites, officier. Heureusement, j'ai conçu une parade à ce genre de problème! Maintenant, écoutez-moi bien!"

C'est ainsi qu'Aetholdyr leur présenta le plan à suivre en cas d'attaque d'un vaisseau, ladite présentation fut bien rapide, presque expédiée par un prince à l'humeur de plus en plus sombre. Une fois tout ceci fait, aprés un nouvel ordre sèchement donné, le Heaume des Mers quitta prestement la tente du guerrier, s'embarquant en trombe sur une barque, allant appliquer les directives qui lui avaient été données:

"Oeil-de-Faucon! Je n'ai toujours pas entendu votre rapport! fit soudain Aetholdyr envers l'officier, qui était resté dans la tente aprés le départ.

-Eh bien... C'est-à-dire que les choses ne vont pas pour le mieux au sein de l'expédition...

-Ne perdez pas de temps dans des formules et autre courbettes, officier! interrompit à nouveau le prince, grinçant dans ses propos, Nous sommes en guerre! Le temps nous manque! Alors allez droit au but!"

Le chef des archers ne put qu'incliner de la tête, à la fois respectueux de son supérieur et craintif de son châtiment.

-Bien mon prince. Nous avons perdu la moitié de nos effectifs au cours des derniers combats. Seul un quart est indemne, l'autre est constitué de blessés plus ou moins graves, mais ils sont toujours aptes à porter une arme si nécéssaire. L'abandon du navire a porté un coup au niveau des réserves.
Nous n'avons plus beaucoup de vivres, et d'eau en particulier. Les gardes-maritimes ont vidé tout leurs carquois dans les derniers affrontements, ils n'ont plus de munitions pour tirer. Il n'y a que les archers qui peuvent encore le faire ; mais là aussi, les réserves s'amenuisent. Et vous le savez déjà mais...


-Oui oui, je sais! Nous avons perdu le chef des lanciers au combat. grogna Aetholdyr, Quel est le moral des troupes?

-Toujours disciplinés et prêts au combat. Mais je crois que le doute commence à circuler dans les rangs.

-Soit. Maintenant, allez leur annoncer qu'il faut lever le camp. Préparation des paquetages, mise à l'eau des canots, rapidement! Exécution!"

En deux temps trois mouvements, le chef des archers sortit au pas de course du petit pavillon, allant en tout hâte transmettre les ordres du prince. Ce dernier, aprés avoir vérifié qu'il avait toutes ses possessions, les rangea rapidement dans une grande sacoche, avant de la mettre en bandouillère sur lui et de sortir de sa tente. Alors qu'il marchait dans le camp, son humeur massacrante fut alors un peu atténuée par ce qu'il voyait.
Tout autour de lui, le bivouac grouillait soudainement de soldats dynamiques et laborieux ; partout, les tentes étaient démontées avec rapidité, les feux de camp était promptement étouffés, l'équipement était rassemblé en vitesse avant d'être transporté sur les canots et les barques, elles-mêmes déjà en train d'être mises à l'eau.

Le prince, s'appuyant sur sa lance, porta alors sa main au niveau de son torse, pour la retirer tout de suite aprés. Sous son armure, les blessures étaient toujours vives. Une fois qu'ils auront embarqués, il faudra que le docteur l'ausculte à nouveau.

Cette expédition avait pourtant si bien commencée.
Mais il en fallait plus pour abattre le prince de Cothique, bien plus.
Aetholdyr, animé par une impérieuse fierté, est venu ici pour défendre l'honneur et la crédibilité de son peuple, voire de sa race entière, même si l'on peut dire que les résultats sont mitigés, pour l'instant.
Toutefois, dans tous les cas, ce ne sont pas des suceurs de sangs ou des dégénérés de Naggaroth qui vont l'arrêter:

"Mon commandant."

Le prince Prestelance se retourna subitement, derrière lui se tenait le Heaume des Mers, en compagnie de gardes maritimes, qui le flanquaient sur les côtés.

"Vos ordres ont été exécutés, fit-t'il, toujours aussi sobre et professionnel, Que faut-il faire ensuite?"

Un léger sourire se dessina sur le visage d'Aetholdyr, mais il garda ses sourcils froncés et son front plissé:

"Rapidité, Discipline, Efficacité : voilà des choses que j'aime voir, officier! son ton était toujours acerbe, profond, mais plus négatif, Suivez-moi!

La petite troupe se faufila à travers les groupes de soldats, vers la berge où se trouvaient les barques, certaines étant déjà à l'eau et chargées de matériel:

"OEIL-DE-FAUCON!" cria alors le prince.

Quelques secondes à peine, et le chef des archers surgit, passant à la hâte entre huit soldats en manoeuvre:

Oui mon commandant? fit-il, tout haletant qu'il était.

-Où en est la levée du camp? Ou en est l'embarquement? interrogea Aetholdyr.

-Les choses sont presque terminées, mon prince. répondit l'officier.

-Bien, bien! Achevez votre tâche, nous partirons sous peu!

-Mon prince! Oui mon prince!", répondit-il avant de disparaître à nouveau.

Au bout de quelques instants, le noble de Cothique et son second parvinrent au niveau des barques, toutes préparées et prêtes à prendre le fleuve.

"Restez ici!" ordonna Aetholdyr envers son officier les gardes maritimes qui l'accompagnaient.

Se hissant sur l'un des canots, il s'éleva sur la proue, surplombant ainsi tous ceux qui l'entouraient:

"Rassemblement soldats! Rassemblement! Sur moi!"

En quelques secondes, presque toute l'expédition -les blessés graves ayant déjà été déposés dans les barques- accourut vers lui ; tout le monde était présent, silencieux, attendant quelque chose de la part du prince.


Soldats! La destinée n'a pas été tendre envers nous ces derniers jours!
Les difficultés et les épreuves commencent à peser de plus en plus, sur vos épaules comme sur les miennes!
Mais ce n'est certainement pas une raison pour abandonner notre expédition!
Les victoires les plus douces ne parviennent qu'au prix du sang! De la souffrance! De la douleur et des larmes!
Les dieux nous regardent! Ils jugent et jugeront nos actions futures!
L'honneur de nos pères! De nos fils! Et de nos petits-fils sont en jeu! Ulthuan ne doit pas perdre la face!
Soldats! Je ne vois que deux issues à cette aventure!
La Mort, que favorisent le Doute et le Désespoir:
Et la Victoire, que soutiennent la Ténacité, la Vertu et la Discipline!
Rappelez-vous de cela soldats! La Victoire ou la Mort!
Maintenant tous à vos postes! Et souquez ferme!
Nous ne connaîtrons pas l'infamie! Jamais!"


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Essen
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Re: [Event RP multijoueur] La Route d'Eldorado

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     Dans les terres de Lustrie, là ou des combattants se disputaient pour un trésor mythique, une troupe s'aventurait aléatoirement dans ce désordre : Firvulniel « la Joyeuse » était une élue d'Asuryan en provenance de la Citadelle du Crépuscule ; elle était accompagnée par une troupe de maîtres des épées. Bien qu'elle eût fait vœu de silence, elle savait faire rire toute sa troupe, même les plus tristes et mélancoliques d'entre eux. Le jour où elle voulut explorer les environs de la Citadelle, forteresse bâtie il y a des siècles aux abords de la jungle, les maîtres des épées dits « Lame du Soir » l'accompagnèrent dans sa quête.
     Ce qui aurait dû être une simple expédition se transforma en enfer pour les Lames du Soir : Firvulniel, en effet, n'avait pas le sens de l'orientation, elle passait sept fois à faire le tour d'une ruine en jurant qu'elle n'était pas perdue. Au bout de nombreuses semaines ils avaient traversé la Lustrie de part en part. Les Hommes Lézards étaient perdus quant aux motivations de ces étrangers mais, puisqu'ils attaquaient tout intrus des Puissances du Chaos à vue, il fut ordonné de les surveiller de loin sans pour autant entraver leur progression.
     De leurs côté les asurs eurent remarqué qu'ils étaient surveillés mais Firvulniel ne s'en soucia guère... Arthras, le capitaine des Lames du Soir, fit jurer à toute son escouade de ne plus jamais se laisser guide par Firvulniel ni de lui laisser de cartes.
     Un matin, épuisé par des marches incessantes, Arthras prit la parole :
     « Ça suffit maintenant, voilà des semaines que vous nous avez baladés. Donnez-moi la carte, que je nous ramène en ville...
     - Que je vous donne la carte ! Mais voyons, capitaine, nous sommes presque arrivés, et sans faire de détour, expliqua l'élue avec ses gestes, langage de signes que toute la garnison avait appris à comprendre
     - Arrivés où ?! Nous sommes perdus au milieu de la jungle, inutile de nous mentir, élue !
     - Et que suggérez-vous, Capitaine ? gesticula la commandante, l'air étonné.
     - Que vous me donniez cette fichue carte, Firvulniel !
     - En oubliant les titres, Arthras ? Et que se passera-t-il ensuite après vous avoir donné cette carte ?
     Elle fit semblant d'être choquée puis lui montra la carte pour savoir ce qu'il souhaitait en faire.
     - Je n'ai que faire des titres quand on me fait tourner sept ou huit fois autour des mêmes monuments délabrés. Donnez-moi cette carte je vous indiquerai la route à suivre.
     - Et bien tenez, Arthras et guidez nous, tâchez de pas nous perdre.
     Firvulniel lui tendit la carte sous le regard incrédule des soldats, qui ne revenaient pas du ton qu'Arthras tenait à sa supérieure et de la réaction de cette dernière. Arthras, retourna plusieurs fois la carte avant de pointer le chemin avec son épée :
     - Si on remonte cette rivière, on arrivera devant une cascade paradisiaque et sans danger.
     À ce moment-là, un cadavre fut aperçu, descendant la rivière en flottant.
     - Sans danger... l'élue regarda ironiquement le cadavre flotter.
     - Asuryan, pardonnez-moi si je la frappe.
     L'élu sourit et fit un signe de prière comme pour dire que le dieu elfe le pardonnerait, puis elle fit signe de continuer en direction du haut d'une colline escarpée. Arthras soupira et les elfes commencèrent à escalader, la montée fut difficile.
     - Par Hœth, c'est impossible ! s'écria le premier épéiste qui avait fini de monter.
     
     Devant eux se dressait le vaisseau de la princesse Yelmerion d'Yvresse.

     - Asuryan si tu dois me punir, cessez de le faire par elle. »
     Le capitaine implorait son dieu devant l'élue qui sourit à sa victoire. Firvulniel et Arthras conduisirent ensuite leur troupe jusqu'à Yelmerion, Arthras fit les présentations.
     Il poussa ensuite un cri de joie quand Yelmerion leur proposa de les accompagner : il ne serait plus perdu au milieu de la Lustrie...
*
     Quelque part dans la jungle, Veckir, despote de Ss’ildra Tor de son état et « saigneur des hommes-lézards », pillait comme bon lui semblait, que pouvait-il craindre ? Il avait bien eu vent de ce « soi-disant trésor » que ces idiots de corsaires étaient partis chercher, alors qu’il y avait une multitude de cités d’hommes lézards à piller pas loin. Les sang-froid ne sont que des proies pour le saigneur d’hommes lézards ! En l’espace de quelque mois il avait rassemblé un beau butinet, contrairement à ses cousins asurs, Veckir savait quand se retirer...

     Valandral marchait depuis bientôt une semaine. Cette fois, elle les attraperait, elle avait promis aux Homme lézards qu'elle les vengerait s'ils la laissaient passer. Quelle idée d'accepter mais elle ne laisserait pas des elfes noirs lui échapper.
     Elle finit par les atteindre dans une ruine antique et les y attaqua. Chaque martelier elfe équivalait son adversaire. Valandral se retrouva rapidement devant Veckir qui souffla dans une corne appelant ses autres guerriers en renfort. Voyant un piège se refermer sur eux, les asurs se mirent en cercle et se défendirent coûte que coûte. Un à un les druchii étaient démolis, leurs crânes éclatés, enfoncés dans le torse. Les asurs repérèrent d’autre séides du roi sorcier qui se faisaient violemment repousser par... par d'autres asurs dirigés par une forgeronne, leurs marteaux éclatant les casques et écrasant les lourdes armures noires. Valandral faisait usage de son marteau contre les guerriers du dieu du sang, des silhouettes familières vinrent lui prêter main forte et repoussèrent avec elle les suppôts de Veckir. Le saigneur d’homme lézard voyant des centaines d’asurs arriver se retira rapidement avec ses adeptes.
     Une fois la bataille terminée, elle remercie ses alliés, reconnaissant la bannière argentée d'Yvresse. Parmi leurs rangs se trouvait une élue d'Asuryan au couleur de la Citadelle du Crépuscule et une guerrière fantôme. Les maîtres des épées et les marteliers firent connaissance avec le reste de l’équipage, les uns soufflant et remerciant Isha de ne plus être perdus, les autres se reposant après une longue traque. Yelmerion était ravie d'avoir de nouveaux commandants sur qui compter : Firvulniel, Arthras et Valandral.

     Alors que tous se reposaient et profitaient du repos des combats et de la marche, Kellemmensha partie comme à son habitude, pour elle le temps des réjouissances étaient derrière, elle voulait trouver d'autres druchii à massacrer. Valandral, la voyant partir, se mit à la suivre. L’elfe de Nagarythe prit la parole :
     « Je vais apporter la mort, je n’espère pas en revenir. Fais demi-tour, si tu veux encore vivre.
     - Je vous laisserai pas mourir seule, Asnar.
     - C’est ton choix. »

     Au bout d'un moment les deux elfes retrouvèrent Veckir et ses druchii qui s'apprêtaient à prendre en embuscade un kroxigor. Veckir se tenait derrière, prêt à frapper la bête avec un dreich lorsque l'asur bondit dans son dos en enfonçant son bouclier dans la nuque de l'elfe noir. Il poussa un cri qui avertit le kroxigor du danger, celui-ci se retourna et attrapa le premier elfe qu'il trouva et le lança sur sa sauveuse : pour lui elle était une intruse de plus. Le projectile fut découpé en deux avec la dreich ramassée au sol. Valandral s’abattit sur un autre elfe noir, la bête se déchaîna sur tout ce qui passait à portée. Les asurs l’évitèrent soigneusement, Valandral en restant à distance et Kallemmensha en l’utilisant comme un tremplin pour atteindre les druchii, les plus retranchés. Elle sautait de corsaire à furie, d’exécuteur à garde noir, donnant des coups de bouclier aussi dévastateurs que le kroxigor avec sa masse. En moins d'une minute, les corsaires étaient tous au sol, plus ou moins en morceaux, le seul qui restait encore vivant prit les jambes à son cou. Le bouclier d’Obsidienne était devenue rouge écarlate.
     « Je n'ai pas de raison de te tuer mais lui, oui, dit la guerrière en montrant le fuyard de son bouclier. »
     La seule réponse fut un rugissement.
     Elle partit rejoindre ce dernier « fils à **** » alors que l'un des corsaires qu’elle venait de tuer volait dans les airs au-dessus, dépassant même les arbres avant de retomber la tête la première dans l’Amaxon, près d’un… bateau un peu plus loin ? Le bateau semblait sinistre et rempli de sombres secrets…


***


     Von Essen somnolait paisiblement dans la soute à provisions du langschiff. Si la chaleur y régnait toujours autant qu’à l’extérieur, il y avait un peu moins d’humidité et il s’était débrouillé pour calfeutrer les quelques minuscules failles qui auraient pu laisser passer le soleil. Il y avait, bien entendu, les odeurs qui auraient pu gâcher le confort du chroniqueur, cependant ce dernier n’avait guère trop réfléchi avant de se boucher les narines avec un peu de cire, ce qui diminuait drastiquement ses capacités olfactives jusqu’à un niveau où la seule chose qui aurait pu capter l’attention de son nez, c’était le sang frais. Or, l’on ne mettait jamais de la viande sanguinolente dans une soute à provisions, cela allait de soi, même pour des nordiques vénérant le dieu du sang et de la guerre.
     Il était impossible d’affirmer que le vampire rêvât de quoi que ce fut : recroquevillé de partout à cause du manque d’espace, l’être aurait pu ressembler de loin à une de ces étranges momies curieusement embaumées dans les tumuli de l’Empire, vestiges d’un temps où Sigmar n’était guère encore né et l’on se permettait absolument toutes les superstitions possibles et imaginables. Von Essen était de ceux qui préféraient ne croire qu’à ce qu’ils voyaient ; en contrepartie, le chroniqueur était convaincu d’avoir vu suffisamment de choses dans sa non-vie pour être prêt à croire en quasiment tout et n’importe quoi. Depuis l’invocation chaotique du langschiff, il dissimulait quelques regrets quant au brusque changement occasionné dans sa propre situation : ses quelques nordiques qu’il pouvait reconnaître parmi tous les autres, les nouveaux, eux avaient été prêts aux aussi à remettre en doute leurs anciennes croyances et à rejoindre le seigneur vampire dans le champ des mille et un possibles. L’arrivée de Gust le Cruel et de sa bande, qui croyaient dur comme fer que leur arrivée en Lustrie avait été uniquement du fait de Korn, semblait avoir effacé tous ces doutes parmi les hommes de Haakonson. Même pour eux, désormais, il était « le messager du Chaos » et non pas ce curieux allié de circonstance qui n’hésitait pas à dompter les vents maléfiques. La veille, il avait cru apercevoir une lueur de compréhension dans un bref échange de regards avec Haakonson, celui qui parlait le reikspiel et était nommé interprète officiel par Gust. Hélas, c’était là tout ce qui était resté de leur complicité récente : tout semblait désormais parti pour être rythmé selon les rites et les coutumes de Korn, dont plus de la moitié n’intéressaient guère le chroniqueur. Par Nagash et les neuf Boyars, il avait même été désagréablement surpris en réalisant que la gloire du duel qu’il avait volée à Gust ne lui valait aucun mauvais traitement de sa part, pas même la faveur d’un classique « Comment as-tu osé ?! », non, pour le chef des maraudeurs, il devait passer désormais pour la volonté de Korn incarnée, et c’était la volonté de Korn, et non lui-même, qui était venue à bout du prince haut elfe. Par le sang de S… truc, les dieux du chaos devaient bien rire de sa détresse actuelle, si l’on pouvait la qualifier de la sorte. Ah, tiens, l’odeur de sang frais, du sang frais d’elfe, du sang frais d’elfe… Du sang frais d’elfe ?!

     Von Essen s’extirpa brusquement de la soute à provisions, couvert de pied en cap de son manteau de fourrure et de son chapeau afin de narguer l’astre diurne. À bord de leur navire, les guerriers ramaient avec le même entrain qu’à l’accoutumée, sans aucun doute persuadés que la gloire les attendait au plus profond de la jungle. Nul ne semblait en alerte, Gust le Cruel taillait quelque chose en bois avec un couteau, lové dans le creux de la proue majestueuse du langschiff. Comment pouvait-on être la terreur du monde civilisé et tailler des bouts de bois à ses heures perdues ?! Le chroniqueur s’en détourna cependant pour scruter les rives du fleuve à droite comme à gauche : si l’odeur de sang avait atteint ses narines et qu’ils n’étaient guère attaqués, c’est qu’un combat devait avoir lieu dans les environs, une escarmouche, même. Ce fut alors que le vampire aperçut du mouvement sur la rive droite : un guerrier en armure rutilante s’était extirpé de l’épais couvert de la végétation et semblait désormais affairé à nettoyer son arme dans les eaux du fleuve. Il ne devait sans doute pas être seul mais aucun autre guerrier n’apparaissait à ses côtés. Or, Von Essen réalisa que leur langschiff fendait les flots à bonne allure et qu’ils allaient bientôt perdre de vue cette apparition solitaire.    
     « Aakonson !! »
     L’intéressé, surpris, fit néanmoins un vif signe de la main pour montrer qu’il écoutait sans s’arrêter de ramer. Cela eut le don d’horripiler le vampire mais il préféra poursuivre :
     « Continuez sans boi, je bous rejoins ce soi’ au b’us ta’ ! »
     Au vu du fait que le nordique eut cessé de ramer, Von Essen comprit qu’il avait compris et pas compris en même temps.
     « Fais-boi conbiance, nob d’un squelette !! Je bais ‘elier ba bière de boyer à botre bavire !! »
     Il était cependant manifeste qu’il lui faudrait bien plus de temps pour rassurer son compagnon sur la fiabilité de cet énième tout de passe-passe et du temps, eh bien, il n’en avait point.
     « KUCHIYOSE NO BONEY !! »
     Son sortilège d’invocation surprit l’intégralité de l’équipage car l’on pouvait difficilement accepter l’apparition d’une sinistre créature équine au beau milieu des rameurs. Un destrier d’ombre n’était d’ailleurs guère facile à invoquer en plein soleil, Von Essen dut de nouveau employer une pincée de malepierre afin de compenser l’insuffisance du vent concerné. Enfourchant crânement la monture arcanique, le chroniqueur la mit immédiatement au galop et Gust le Cruel faillit se jeter par-dessus-bord lorsque cette apparition de l’absurde le survola pour quitter le langschiff et opéra un virage serré entre ciel et Amaxon.    
     Von Essen n’avait pas pris le temps de relier sa pierre de foyer au navire des nordiques et se demandait si le destin le punirait pour son empressement. Il écarta cependant son inquiétude vers les confins de son esprit : une nouvelle rencontre des plus incongrues l’attendait et il était hors de question de la laisser passer.


***


     Kalemmensha, guerrière de Nagarythe de son état, faisait partie de celles qui ne se laissaient guère démonter par le surnaturel. Sorcières et maléfices étaient monnaie tellement courante sur les champs de bataille impliquant des naggarothi qu’elle crut de prime abord que c’était une énième sorcière sur pégase qui descendait sur elle depuis les cieux. Son ouïe, cependant, était formelle : celui qui hurlait comme un dément en pleine descente (« OUIII !! ») était un homme ; enfin, cela ne lui importât guère plus que s’il était une tortue : « quelque chose » de sombre se dirigeait vers elle à toute vitesse et la guerrière réagit comme pour tout ce qui pensait la faire bouger de ses appuis : elle leva son bouclier et apprêta son épée. Il y eut un « boum » sonore qui confirma que le bouclier d’obsidienne de la guerrière avait une fois de plus rempli son rôle (Von Essen : 3T, 2B, 2 invus !), après quoi Kalemmensha pourfendit de la pointe de son bouclier quoi que ce fût qui retomba lamentablement devant elle (Kellemmensha: tests réussis ! 4T, 4B, 2 invus, 2 PV !!). Sentant que c’était la base de son cou qui venait d’être enfoncée, le chroniqueur constata qu’il aurait peut-être du mal à s’extirper de ce mauvais pas : son invocation s’était, bien entendu, dissipée. Il ne sentit presque pas la douleur lorsque la pointe fut retirée de son cou, son grognement outré quittant sa gorge avec le même retard qu’a le tonnerre après la foudre.
     Le coup suivant, horizontal, visa sa tête (Kellemmensha: tests réussis ! 3T, 2B, 2 PV !!!) Kelemmensha l'expédiant sèchement dans les flots de l’Amaxon. Eh bien, lui qui pensait tutoyer le ciel, voilà qu’il se mettait à tutoyer les poissons. Tu parles d’une rencontre !!


     « Kal’, tu viens ?
     - Encore un moment, forgeron ! La peste soit de cette jungle peuplée de fous ! Qu’ils viennent tous en même temps et non un par un, ce sera plus vite fini !! »

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Chapitre 4 : quatrième journée de combats sur l’Amaxon


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     Le chaos se brisait contre les terres lustriennes ainsi que le faisait l’écume de l’océan. Si le Grand Vortex d’Ulthuan attirait à lui la magie déchaînée des Désolations, épargnant au monde entier la dernière invasion démoniaque que celui-ci connaîtrait avant d’imploser, les cités-temples dispersées, semblait-il, aléatoirement dans l’immense continent lustrien occupaient à la fois un rôle d’observation, de surveillance et d’assainissement. Or, pour les nombreuses races étrangères qui tentaient régulièrement d’implanter leurs colonies sur ces terres ou simplement d’en piller les ressources, cet état de fait restait le plus souvent inconnu : seuls quelques rares érudits des peuples elfiques se doutaient de l’importance de ces étranges créatures appelées slanns dans le fragile équilibre du monde… Cependant, pouvait-on véritablement imputer la faute aux multitudes profanes, souvent elles-mêmes manipulées par leurs pairs plus rusés et moins scrupuleux qu’eux ? Débarquant sous un grand ciel bleu, ils venaient en envahisseurs, leurs cœurs gonflés d’espoirs et de promesses souvent surfaites voire farfelues ou, parfois, au contraire, avec une connaissance parfaite de l’hostilité de la jungle qui se dressait alors devant eux, enchevêtrement interminable de plantes et de lianes peuplé de toutes sortes de créatures mortelles qui en gardaient jalousement les secrets. Comment pouvaient alors ces étrangers, aigris par les privations que leur infligeait ce nouveau continent, songer à une quelconque place dans un équilibre qui dépassait les limites de leur conscience et qui souvent allait à l’encontre de leur foi ? Quant aux temps immémoriaux, quand la jungle avait jadis été un paradis terrestre crée par les Anciens, ces temps-là furent à jamais révolus depuis l’avènement catastrophique d’une espèce nouvelle sur ces terres, une espèce qui proliféra tellement qu’elle ravagea jusqu’à certaines cités-temples, brisant la veille millénaire des slanns qui les habitaient et pillant tous les artefacts de pouvoir arcanique. Depuis l’avènement du clan Pestilens, le paradis était devenu un enfer pour quiconque osant y pénétrer et les cites-temples qui se dressaient encore dans toute leur splendeur devaient à présent nourrir une guerre constante avec ces parasites à fourrure.
     Quelle place, dans ce théâtre sanglant de guerre, de résilience et de voracité, la jungle réservait-elle aux quelques nouveaux venus qui bravaient à présent tous les dangers de la Lustrie en empruntant l’unique sentier qui semblait en visiter les moindres recoins ? Tout portait à croire que les dieux, désormais, lorsqu’ils devenaient las de surveiller les querelles du Vieux Monde ou les luttes fratricides sur les océans, tournaient leur attention vers ces quelques équipages menant leurs navires sur l’Amaxon, de plus en plus loin, vers une destination qui semblait proche, si proche…





     Felbar le Fourbe (Doobloom) vs Ixi’ualpa, Guerrière Aigle des Amazones (Gromdal)

     La brume matinale ne s’était pas levée, elle s’était même épaissie. À bord du vaisseau-fantôme de la capitaine Felbar, l’équipage mort-vivant fut sévèrement réprimandé par la vampiresse lorsque leur navire manqua de rentrer droit dans une mangrove. L’Amaxon semblait devenir de plus en plus méandreux, les courants indiquaient la présence régulière d’affluents, aussi la capitaine finit par tenir constamment la barre du navire, s’orientant avec une boussole rustique afin de garder le cap vers le sud. De plus, elle prêtait constamment l’oreille aux bruits aux alentours : ce brouillard laiteux, c’était la première fois qu’elle l’observait depuis qu’ils avaient pénétré dans l’embouchure du fleuve. Felbar détestait cette puanteur d’embuscade. Il lui arriva même d’abaisser la main vers la garde de sa rapière à plusieurs reprises : fausse alerte à chaque fois. La vampiresse détestait ça. C’était elle, normalement, l’apparition fantomatique, pas ses ennemis…
     Là ! Une torche, sur le fleuve ! Quelqu’un !
     Felbar dégaina sa rapière pour de bon et une demi-douzaine de mousquets rouillés furent pointés en direction de la lumière flottante.

     Une pirogue vide ! Une pirogue vide ?!

     Felbar effectua une volte-face fulgurante en faisant décrire un arc de cercle redoutable à sa rapière ; sur la poupe derrière elle, les amazones les plus téméraires glapirent autant de douleur que de surprise.

     « AUX ARMES ! À L’ARRIERE, MOUSSAILLONS !! »
     « RIGG MAUT LAATA HAI !! »

     « GRAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA !!! »

     Felbar se retint de justesse de foncer dans le tas : ennemis trop nombreux, et les deux marins qui avaient été là par hasard venaient d’être embrochés sous ses yeux ; leur non-vie acheta à la vampiresse quelques précieuses secondes du fait qu’il fallut aux assaillantes le temps de comprendre qu’un « mort » continuait évidemment de bouger avec seulement une pointe de lance fichée entre les cotes… ce qui n’était pas toujours son cas à elle.
     La capitaine n’eut cependant que le loisir de ces considérations : alors que son équipage accourait, l’une des guerrières l’attaqua.

     Une pointe effilée est souvent ce qu’il y a de plus simple et d’efficace et les deux combattantes frappèrent d’estoc ; tout se déroula affreusement vite ; Felbar sentit une douleur cuisante sous son aisselle droite (Ixi’ualpa : tests réussis ! 3T, 1B, 1 PV !) ; son adversaire avait reculé aussi vite qu’un serpent, profitant de l’allonge de sa lance pour garder l’avantage ! (Felbar : 1T, 1T annulée, 0T)
     S’ensuivit un échange d’estocades successives dont la mêlée générale sembla s’écarter instinctivement : les amazones investissaient le pont du navire et faisaient face à la hargne des morts-vivants pris de court, cependant tout cela n’avait guère d’importance pour les deux combattantes : chaque attaque menaçait de mort, chaque fibre du corps était tendue à l’extrême (Ixi’ualpa : tests réussis ! 1T, 0B ; Felbar : 3T, 2B, 2 invus !). Cependant, soutenue désormais par son équipage, Felbar fit reculer son ennemie : coincée contre le bastingage, celle-ci voyait ses options drastiquement limitées (Ixi’ualpa : tests réussis ! 1T, 0B !), alors sa rapière demeurait tout aussi létale (Felbar : 3T, 3B, 2 invus, 1 PV !).
     Tout se déroula cependant différemment lorsque l’humaine se jeta soudainement sur elle telle une panthère, abandonnant sa lance et l’entrainant Felbar à terre ; éberluée à la fois par la rapidité de l’assaut et l’étrangeté sauvage de celui-ci, la vampiresse reçut subitement deux coups de poings foudroyants dans la mâchoire ; les quelques instants qu’il lui fallut pour comprendre enfin ce qui se passait furent les instants de trop : Ixi’ualpa avait sorti sa dague d’un geste fluide et la planta jusqu’à la garde dans la poitrine adverse. Atteinte droit au cœur, la capitaine se raidit, un rictus haineux se figeant sur ses traits. (Ixi’ualpa : 4T, 2B, 2 PV !!!)

     « GRAAAAAAAAAAAAAAA !!! »

     Les cris de victoire des amazones se bloquèrent dans leurs gorges face à au déchaînement de violence du seul mort-vivant qui dépassait tous les autres d’une bonne tête. Son cri, bien qu’étouffé par l’intense humidité de l’air, vibrait de férocité et rappelait le rugissement d’un kroxigor. Ignorant totalement la présence des ennemies sur la poupe, le revenant sauta brusquement sur le pont et arracha la grille qui retenait l’accès à la cale à l’étage supérieur, où il disparut immédiatement du champ de vision des amazones, ses cris rageurs témoignant cependant de son emplacement exact.
     Rakt’cheel dirigea ses guerrières-kalim dans les entrailles du navire et elles eurent vite-fait de trouver le mort-vivant : dans un craquement épouvantable, il venait de défoncer à mains nues la coque épaisse du vaisseau et élargit drastiquement la brèche en broyant les planches avec une force insoupçonnée ; l’eau s’y engouffra ; GraAflblabl rugit cette fois-ci en direction des amazones qui hésitaient à l’approcher. Rakt’cheel beugla son cri de guerre en retour : il était hors de question qu’elles laissassent ce sauvage ennemi sombrer ainsi, sans lui livrer bataille !
     Lorsque l’on rapporta la nouvelle à Ixi’ualpa, elle comprit qu’il y aurait des cris pendant de longs et pénibles moments encore : de nouveau privées de sacrifices, les kalims ne pouvaient simplement partir sans gloire. Elle-même avait eu son lot, elle pouvait partir avec ses guerrières.

     Quand le second du navire-fantôme se tut enfin, l’eau avait entièrement inondé la cale et les kalims, épuisées, durent lutter encore pour ne pas finir prisonnières de l’épave.





     Le prince Aetholdyr Prestelance (Johannes la Flèche) vs Fiodor le Non-Mort (Arcanide Valtek)

     Les barques ulthuanii fendaient les flots avec une discrétion toute relative : elles étaient conçues de prime abord pour l’évacuation de troupes et la survie en pleine mer. Les asurs qui les manœuvraient, cependant, avaient reçu des ordres dont l’importance allait de soi : soit ils parvenaient à tromper la garde de quelque navire de mauvaise fortune, soit ils tombaient en pâture à celui-ci. Le sort des quelques blessés qu’ils transportaient, par ailleurs, serait réglé en premier : dans les conditions où ils étaient calés dans les barques, à la merci de l’humidité et de la pluie, ils dépériraient bientôt. Chacun, cependant, se rattachait à l’exemple donné naguère par leur prince : au-delà du sens évident de ses paroles, Aetholdyr de Cothique avait impressionné tous ses elfes par son attitude vigoureuse, non, féroce, lors de sa harangue. Dans le timbre de sa voix, les fils d’Ulthuan avaient entendu le rire grinçant de Khaïne ainsi que la majesté d’Aenarion le Défenseur. Leur prince n’avait guère cédé au défaitisme, au contraire : il paraissait raffermi dans sa détermination à vaincre.
     Dès lors, chaque elfe manœuvrant les barques sentait en y repensant les échos des batailles passées visiter son esprit dans une sorte de rêve éveillé. La plupart ne pensait même plus à leurs proches laissés par-delà le Grand Océan : tout ce qui comptait, c’étaient les combats à venir et les victoires qu’ils allaient remporter. Puissent Isha et Asuryan veiller sur les royaumes asurs ; ici, ils remettaient leur sort entre les mains de Khaine.


     Ils faillirent passer à côté. Aetholdyr réprima l’envie de se donner une claque lorsque l’on rapporta du milieu de leur colonne la présence d’une silhouette anormale à tribord. Ils avaient failli la rater dans ce même brouillard qui leur procurait un tel avantage… En lui, instinct meurtrier et discipline de fer se croisèrent brutalement pour donner naissance à quelques ordres clairs et précis, lâchés dans un murmure et véhiculés tout aussi discrètement parmi la colonne. Les barques commencèrent à virer de bord direction de la tâche sombre qui se dessinait à côté de la façade bien plus intimidante de la rive densément boisée. Les mêmes pensées demeuraient présentes dans l’esprit de chacun : ils avaient failli passer à côté, Khaine soit loué qu’ils ne fussent pas passés à côté !

     « FEUER !! »

     Deux détonations simultanées furent suivies du crépitement lamentable de quelques mousquets. Ce vacarme cisailla les oreilles des elfes et leur ôta en même temps la moindre illusion quant à leur avantage de surprise. Leurs ennemis ne dormaient pas.
     Aetholdyr Prestelance retint une ferme envie de franchir la dizaine de mètres qui les séparait à la nage.
     « Souquez ferme, soldats ! MORT ! MORT À NOS ENNEMIS, PAR KHAINE !! »
     « FEUER ! »
     Le vacarme des armes à poudre accusa un certain retard par rapport à l’invective prononcée ; aucune barque ne fut retournée mais la proximité d’un boulet en fit tanguer une et envoya plusieurs guerriers dans les flots, sans compter d’éventuelles pertes dont seuls des cris isolés pouvaient attester. Les ulthuanii se rapprochèrent néanmoins du navire ennemi avec une redoutable vélocité, les canons à bord devenant définitivement inutiles.
     À ce moment-là, les asurs démontrèrent que leurs sombres cousins n’avaient guère le monopole de l’art de l’abordage. Bien que sous un feu nourri, les barques s’agglutinèrent à l’arrière et le long du bord exposé du navire, des grappins furent lancés ; opérant en binômes, les pupilles dilatées par l’adrénaline et leurs armes aussi tranchantes que le jour où elles furent forgées, les elfes bondirent à l’assaut. Le navire étant à faible tirant d’eau, ils n’avaient même pas d’escalade à effectuer, atterrissant droit sur le pont où leurs ennemis se jetèrent sur eux, sabres au clair.

     Fiodor se retrouva une fois de plus en première ligne ; une fois n’est point coutume, il s’agissait d’une ligne de défense ! Le vampire aurait eu beaucoup de choses à dire à ces assaillants à qui ils avaient même accordé un passage sain et sauf sans les attaquer, il n’avait simplement pas été d’humeur et ne voulait pas tenter le diable dans l’inconcevable purée de pois qui recouvrait actuellement les environs. Tout ce qu’il disait maintenant, cependant, c’étaient des ordres à l’adresse de ses hommes, plus souvent des invectives, même. Ce fut alors qu’un elfe qui atterrit d’abord sur le bastingage du pont bondit à présent sur lui, lance en avant.
     Fiodor dévia l’estocade et arma un coup de poing redoutable qui s’écrasa sur le casque ailé de l’asur (Fiodor : 3T, 1T annulée, 2T, 2B, 1 invu, 1 PV !) ; ce qui ressembla à une perte d’équilibre se solda cependant par une frappe horizontale de l’elfe qui impacta son pied d’appui et le fit trébucher (Aetholdyr : 4T, 3B, 2 invus, 1 PV !). Fiodor fit un saut carpé pour se relever mais ressentit immédiatement la pointe de la lance cisailler les chairs de sa gorge (Aetholdyr : 4T, 2B, 2 PV !). Il s’effondra alors : feindre la mort était bête, méchant et injustement efficace, surtout contre les meilleurs bretteurs qui existassent. À peine l’elfe se fut détourné de lui qu’il frappa par derrière… Quel diable de sixième sens l’avait-il averti au dernier moment ?!! (Fiodor : 5T, 3B, 2 invus, 1 PV !)
     D’un revers de coude et d’un crochet du pied, Aetholdyr fit chuter son adversaire et, de toutes les forces dont il se sentait capable, le transperça en plein abdomen avec sa lance, clouant le vampire aux planches du pont (Aetholdyr : 4T, 4B, 2 invus, 2 PV !!!) ; la supercherie ne marcha pas deux fois cependant, aussi l’asur dégaina un glaive, son arme secondaire, dont il se servit pour déjouer la garde de son ennemi et lui clouer au pont son bras armé ; en vérité, nul n’aurait su prédire si l’elfe aurait pu venir finalement à bout de son adversaire, sans doute le plus coriace qu’il eût jamais affronté, si ces soldats n’étaient pas accourus avec leurs propres armes. L’équipage humain avait affronté les asurs avec toute l’habileté dont leur race était capable mais ces derniers semblaient inarrêtables en ce jour ; l’absence de leur capitaine à leurs côtés finit par décourager les hommes.
     Puis, un jet de flammes aveuglant fit croire à Aetholdyr que le maudit navire abritait également un dragon ou quelque mutation abjecte qui s’en rapprochât ; lorsqu’il croisa le regard d’un nain qui venait de surgir depuis le château arrière, des millénaires de haine et de rancœur ancestrale se rappelèrent à tous deux en l’espace de cet instant. Vétéran et académicien des champs de bataille, le prince de Cothique reconnut la nature de l’appareillage du dawi, s’empara de sa lance et la projeta dans sa direction.
     Thrond sentit la pointe riper contre le haut de son casque mais un craquement sec lui indique quelque chose de bien plus grave : le réservoir de gaz était fêlé ! Un chuintement à peine audible lui confirma l’infirmité provisoire du lance-flamme, et le nain comprit qu’il faisait face à l’une des pires situations qu’il avait imaginées : Fiodor l’ayant persuadé de rester en retrait, soi-disant qu’il fallait économiser la précieuse puissance de feu pour des cas d’extrême nécessité, eh bien, voilà, l’extrême nécessité arriva la première ! Et l’ennemi avait l’ascendant ! Et quel ennemi, par Grimnir !!

     Lorsque Fiodor retrouva peu à peu l’usage de sa vue, il vit la canopée verte au-dessus d’eux et comprit tout : le Corbeau Centenaire, ils l’avaient abandonné aux proprettes.

     Quelques lieues plus loin, délirant de fièvre à cause de blessures anciennes et nouvelles, Aetholdyr jurait à qui voulait l’entendre qu’ils devaient absolument retrouver ce nain, raser sa barbe et apporter sa barbe à Khaine.





     Le capitaine Sarquindi (Ethgri Wyrda) vs Von Essen (Essen)

     Le chroniqueur poussa un grognement capricieux lorsqu’il comprit qu’une perche à crochet s’était rapprochée de lui et que l’heure de la méditation à la surface de l’Amaxon touchait à son terme. Avant qu’elle et ses consœurs n’endommageassent son habit déjà méconnaissable, il s’agrippa à l’une des perches et se laissa hisser par quiconque la tenait à l’autre bon. En se retrouvant à bord d’un navire manifestement peuplé d’elfes noirs, Von Essen se demanda s’il n’aurait pas mieux fait de plonger au fond des eaux, comme le font parfois les poissons apeurés.
     Les regards que lui jetaient les elfes noirs n’avaient rien d’amical : il avait surtout l’impression qu’ils tenaient absolument à paraître moqueurs et intimidants, bien que la fatigue se devinât cachée sur les traits de certains. Lui-même aurait eu tout le mal du monde à paraître intimidant : dégoulinant de partout et en haillons, il devait avoir piètre allure. Ce fut alors que son regard croisa celui d’un druchii en particulier : son costume lui rappela immédiatement certaines fêtes populaires impériales et tiléennes. En revanche, ce ne pouvait être décemment un elfe noir ainsi accoutré, si ?...

     Phy’lis détaillait sa trouvaille (enfin, « leur » trouvaille, passons) avec une curiosité teintée d’une méfiance grandissante. Qui était cet hurluberlu, ce primitif, cet animal perdu que quelque mauvais propriétaire avait sans doute voulu noyer dans les eaux énigmatiques du fleuve ? Un esclave égaré par un autre reaver ? Trop de couches de vêtements pour un esclave. Un rescapé d’une malencontreuse escapade ? Ce devait être ça, un rescapé d’une malencontreuse escapade…

     Sarquindi apparut nonchalamment sur le pont. Il lui était arrivé de revoir le navire-colosse de sa nemesis en rêve et il voulait se changer les idées. La rumeur qui lui était parvenue par une de ses « oreilles » à bord lui suffit pour quitter ses quartiers. Qui sait ? Après tant de désagréments, le destin leur avait enfin octroyé une petite récréation ? La première chose qu’il entendit de récréatif fut un « Bonjour ! Je m’appeler Vonessenne ! », articulé dans un eltharin à l’accent qui lui donna soit envie de rire à gorge déployée, soit de vomir son repas. Il accomplit un miracle de sang-froid en optant pour une approche plus officielle et redoubla simplement de vitesse pour se retrouver face à la source de loisir.
     Il fit des yeux ronds en voyant l’humain dont l’habit rouge et noir laissait tomber encore de grosses gouttes sur le pont et se tourna mécaniquement vers Phy’lis : un tel étalage de couleurs devait forcément être le fruit de ses manies. Son allié, cependant, s’esclaffa : pour une fois, cette incongruité au milieu du vert et du… blanc qui les entouraient n’était pas de son stratagème. L’article était authentique !  
     « Je m’appeler Vonessenne ! Et vousse ? »
     Cette fois, Sarquindi ne tint plus : le rire s’échappa de sa gorge telle le cours d’un fleuve détruisant les digues qui le retenaient. Il s’appuya sur l’épaule de son allié, plié en deux, ignorant royalement l’assemblée autour de lui qui se permettait seulement quelques sourires nerveux. Ah, que c’était bon d’être le commandant ! On pouvait faire ce qu’on voulait ! Et rire à gorge déployée quand on voulait !
     « Je suisse de l’Empire ! »
     L’équipage du Rêve d’Atharti ne savait plus trop où se mettre alors que leur capitaine avait fini par abandonner son appui et se roulait désormais par terre. C’était plus fort que lui ! Plus fort que lui !!
     « J’être ami ! A-mi ! »
     L’elfe noir fini par rester en place, agenouillé, les larmes aux yeux : il savait qu’à toute nouvelle parole de cet énergumène, ses genoux ne le tiendraient pas mais, comme ça, au moins, il demeurait en place.
     « Vousse comprendre ? A-mi-euh ! »

     Phy’lis, se sentant nettement écrasé par la crise d’hilarité du capitaine, comprit immédiatement que c’était l’effet comique de cet énergumène qui mettait son allié dans cet état et paraissait involontairement s’attirer sa faveur. Parbleu, si c’était ainsi, peut-être que cet animal perdu pourrait faire office d’oiseau savant dans sa troupe d’artistes… Oh, l’idée avait son charme, ses horizons multiples valaient au moins la peine d’être explorés ! En vérité, il était désormais hors de question d’infliger un quelconque dommage à ce perroquet lustrien, qui manquait de plumes, certes, mais ne manquait pas de présence scénique ! Par ailleurs, comment allaient-ils le lui faire comprendre ? Enfin, c’était comme pour tous les animaux, il fallait d’abord essayer de les amadouer…

     Lorsque l’on apporta une coupe de vin à Von Essen, il comprit que… qu’ils n’allaient pas le tuer tout de suite, à moins qu’il ne s’agît d’un moyen affreusement élaboré d’empoisonner un inconnu. Le vin, il n’en voulait pas, cependant il ne voulait pas non plus faire l’affront de refuser ce qui devait être l’hospitalité. Et si…

     Lorsque la coupe de vin fit le tour de quelques druchii moins haut gradés et atterrit entre les mains de l’état-major, Sarquindi écarquilla les yeux avant de s’effondrer sur place, de nouveau secoué de spasmes d’hilarité, les bruits qui quittaient sa gorge ressemblant aux plaintes d’un supplicié. Phy’lis fut quant à lui paralysé de stupeur : la coupe était froide, le vin à l’intérieur était glacé ! Non seulement c’était un oiseau savant, c’était également un prestidigitateur ! Un talent ! Une perle ! Une gemme du spectacle repêchée dans les eaux du fleuve ! Louée soit Atharti pour avoir épargné la vie de cette créature formidable ! Elle ferait fureur à la cour de son mécène, non, elle ferait fureur à la cour du Roi-Sorcier ! La voilà, la voilà, cette étincelle d’absurde, cette pincée de drogue à éternuer qui fait rire et pleurer n’importe quel public avant de se faire étourdir sous le tonnerre des applaudissements !! La voilà !!  
     « Cher allié ?
     Phy’lis haussa les sourcils : le capitaine aurait-il surmonté son mal ? Son tourment ? Son délice ?
     - Oui ?
     - Vous ne comptez pas l’apprivoiser, tout de même ?
     - Vous voulez rire ? Mais je vais – »

     L’estocade de Sarquindi fusa avec la vitesse de la foudre. Là où elle aurait dû décapiter l’humain qui se tenait là, une brume rouge et noire apparaissait indistinctement et s’éloigna tout aussitôt du navire. Le capitaine renifla de mépris : peut-être qu’il avait commis une erreur mais il préférait une inimitié ouverte à un rapprochement aussi mensonger que dangereux. Cet « humain », après tout, n’en était évidemment pas vraiment un… (Sarquindi : 5T, 4B, 1 invu, 3 PV !!!)
     Il ne fut guère surpris en trouvant à Phy’lis l’expression d’un enfant à qui l’on venait de briser son jouet favori. En attendant, jusqu’à nouvelle trahison, c’était lui, le capitaine à bord du Rêve d’Atharti, et lui seul décidait de l’acceptation d’animaux exotiques à son bord !  

     Von Essen n’avait dû son salut qu’à son instinct, fallait-il croire : dès que l’elfe avait fini de rire, il eut senti un besoin oppressant de devenir aussi intangible que possible…





     Alicia de Meissen (Alicia) vs Yelmerion d’Yvresse (Lynairyth)

Les hostilités débutèrent dès que, à travers le brouillard, la vigie du vaisseau de Tor Yvresse distingua les contours bien trop familiers d’un reaver druchii. La baliste serre d’aigle fut immédiatement pointée en direction de leurs cousins honnis et tous adressaient des prières aux dieux avant l’affrontement imminent. Les balistaires, cependant, brûlaient tout autant de l’instinct meurtrier ambiant et décidèrent cette fois-ci de se surpasser en essayant d’abattre le navire ennemi avant même qu’il ne se rapprochât. Le trait unique fusa, un craquement se fit entendre, suivi d’un gémissement étouffé : nettement visible dans l’opacité déclinante, le mât principal du reaver s’affaissa ; des cris de se firent entendre de loin.

     Puis, deux détonations claquèrent sèchement dans la quiétude du jour déclinant : Alicia avait installé quatre canons au bord du reaver : deux sur les flancs et deux à l’avant, n’hésitant pas à malmener le bastingage sur la proue pour aménager les fenêtres de tir. Les canonniers recrutés à bord de l’Emmanuelle, qui suivait non loin, firent leur office.

     L’un des boulets perfora le château arrière du vaisseau ulthuanien ; l’état-major entendit des cris à l’étage inférieur. Des paroles incrédules furent échangées : les druchii s’étaient-ils abaissés à user d’armes à poudre, désormais ?!
     Le vaisseau vira de bord et se retrouva bientôt à quelques dizaines de coudées du reaver, leurs flancs se faisant face mais les équipages toujours incapables de distinguer les visages ennemis d’en-face. Alicia, qui avait installé une torche à l’arrière du reaver et ordonné le même procédé pour la proue de l’Emmanuelle, savait qu’avec la puissance de feu de cette dernière, ils avaient l’avantage. L’inquisitrice avait repoussé dans un coin de son esprit toute considération quant à l’identité claire de leurs ennemis : ils avaient tiré sans sommation, ils récolteraient ce qu’ils semaient. À bord de l’Emmanuelle, Helmut Markus Heldenhame aperçut également la silhouette du vaisseau qui se rapprochait d’eux en biais, désormais. Il n’aimait guère ce qu’il voyait mais n’avait nullement l’intention de subir un deuxième fiasco d’affilée : les sabords de l’Emmanuelle, portant toujours les séquelles de leur combat contre les morts-vivants, s’ouvrirent.
     De seconde en seconde, le vaisseau se rapprochait et le commandant s’apprêta à donner le signal aux canonniers. Ses yeux s’écarquillèrent lorsqu’il distingua enfin la proue du vaisseau. Puis, des bannières à son bord. Il savait peu, très très peu sur les haut elfes mais ce qu’il savait lui suffisait pour savoir les distinguer des elfes noirs, ennemis jurés de l’Empire.
     « Commandant !
     - Attendez !
     - Commandant, ils vont être sur nous !!
     - Ne tirez pas, vous m’entendez ?! Ne tirez pas !! »
     Helmut accourut sur le pont depuis la dunette arrière ; il commettait peut-être la plus grave erreur de sa vie et ses tripes lui hurlaient quant au danger auquel il s’exposait. Par Sigmar, devait-il tirer sur un navire…
     « Tirez ! Feu ! FEU !! »
     Le souvenir qu’eux-mêmes faisaient usage d’un navire ennemi l’aiguilla sur un possible et ignoble subterfuge tendu par leurs ennemis. Il sentait son sang battre dans ses tempes alors que le tonnerre des canons inonda son ouïe. Si c’étaient des elfes noirs à bord d’un navire asur, il devait absolument prendre la décision qui imposait de parer à cette éventualité. Et puis, quand bien même s’agissait-il de leurs alliés d’Ulthuan, savait-on seulement leurs intentions véritables ici, loin de leurs palais et de leurs intentions paternalistes…

     Le vaisseau de Tor Yvresse fut perforé dans plusieurs endroits, et rares étaient les endroits qui n’abritaient point d’elfes armés de pied en cap et prêts à en découdre, tant ils avaient dû être entassés à bord du navire. Leur abordage se heurta à une formation compacte de hallebardiers et de piquiers, ceux-là comportant également quelques officiers nouvellement nommés, recrutés parmi les durs à cuire de l’expédition d’Alicia. Ceux-là haranguaient les troupes et se battaient là où les elfes menaçaient de briser la formation, compensant leur infériorité martiale par leur endurance et leur brutalité. L’état-major asur, cependant, aperçut le reaver en train de s’approcher d’eux ; Yelmerion, flanquée de ses meilleurs lieutenants et d’une escouade de lanciers restée en réservé, décida de tenir ce flanc du vaisseau.

     Alicia maudissait à présent le brouillard : s’ils avaient vu le vaisseau plus tôt, ils auraient pu le trouer comme une passoire avec l’Emmanuelle et envoyer tout son équipage nourrir les piranhas ! À présent, à présent ils devaient régler le sale boulot à l’ancienne, évidemment ! L’inquisitrice, bien que sentant tout son corps encore convalescent, harangua sa bande mélangée de stirlanders, de nulners et d’esclaves en leur promettant que, si ça se trouve, eh bien, les elfes eux aussi avaient un petit goût de poulet !
     Lorsqu’il se retrouvèrent bord à bord avec le navire ulthuanii, l’inquisitrice chercha instinctivement la personne qui devait être la plus haut gradée à bord, aperçut une elfe blonde dont l’armure semblait la plus ouvragée de toutes celles qu’elle voyait. Elle sortit son pistolet dont elle vérifia la charge. Vociféra quelques instructions à ses hommes.

     Ils s’abattirent sur les elfes qui les déchiquetèrent presque tous avant même qu’ils ne puissent frapper ; l’inquisitrice n’avait besoin que de ces quelques secondes pour décharger son arme sur sa cible à bout portant (Alicia : 3T, 3B, 1 invu, 2 PV !).
     La princesse accusa la douleur dans son ventre de plein fouet ; elle connaissait l’existence des armes à feux mais n’avait jamais subi de blessure semblable. En revanche, elle sentit clairement son ennemie s’emparer d’elle et lui mettre une dague sous la gorge en hurlant quelque chose dans sa langue barbare ; révoltée par tant de bassesse, Yelmerion s’empara de sa propre dague et visa le flanc exposé de l’impériale ; l’acier elfique ripa sur l’acier impérial (Yelmerion : 1T, 1B, 1 svg). Elle sentit aussitôt une poigne de fer se refermer sur main armée et tenter de lui vriller le poignet (Alicia, entrainement martial : 0T) mais la princesse déjoua la tentative et parvint même à lacérer la main adverse (Yelmerion : 4T, 2B, 1 svg, 1 PV !). Sentant que sa proie allait lui échapper de la sorte, l’inquisitrice se résolut au plus risqué : Yelmerion sentit la dague impériale se resserrer contre son cou (Alicia : 3T, 3B, 2 invus, 1 PV !!!). Le signal était sans appel : si elle ne cessait pas immédiatement, elle mourrait.
     Mourir sans être parvenu à remplir sa mission était inacceptable. Priant Hoeth de lui accorder la patience et Khaine – pour lui offrir la vengeance, la princesse ne résista guère davantage.


     Dans les deux heures cauchemardesques qui suivirent, Helmut observa les elfes se retirer, les mines de marbre, sur leur vaisseau quasiment hors d’usage. Il n’avait jamais vu une mêlée aussi sauvage s’interrompre d’abord puis se solder de la sorte. Il était incapable de distinguer clairement l’inquisitrice, qui était parvenue à retourner à bord du reaver avec son otage, mais frémissait à l’idée de ce que devait éprouver sa victime à l’heure qu’il était.
     Yelmerion n’éprouvait que la froide conviction qu’elle était encore en vie et que la vie de cette humaine, elle, ne serait plus jamais à elle tant que Yelmerion respirait encore. Son devoir envers Yvresse passerait toujours avant tout mais, à la moindre occasion, cette humaine saurait qu’elle n’aurait pas dû la laisser en vie. Enfin, Yelmerion adressait une prière silencieuse à Ereth Kial : l’humaine n’avait guère relâché son emprise sur elle et rien ne retenait sa dague de lui trancher la gorge. Si, dans un coin replié de son intelligence, la princesse réalisait qu’elle n’avait croisé aucun elfe noir de tout l’affrontement, que tout ceci n’était peut-être qu’une monstrueuse et abominable erreur, présentement, ses instincts prévalaient, sa foi, ses convictions profondes. Sa douleur aussi.
     Alicia, quant à elle, vivait dans l’instant. Grâce au sacrifice dévoué de quelques hommes, elle avait pu exploiter la faille dans l’armure du géant qu’était ce navire truffé de guerriers sanguinaires. Tout n’avait depuis tenu qu’à la chance et à sa puissance physique : les elfes tenaient-ils à ce point à sa proie ? Oui, elle avait eu de la chance. Sa poigne suffisait-elle à maintenir juste ce qu’il fallait de pression de la lame sur le cou délicat de sa proie ? Oui, grâce à Sigmar, elle se sentait encore la force de faire durer la situation. Pendant combien de temps encore ? Il fallait qu’ils se servissent de l’opportunité pour en finir. Par les dieux, dans cette jungle, au milieu de nulle part, qui saurait le destin de quelques elfes noyés tout au fond de l’Amaxon ?
     Elle siffla ses ordres à un de ses hommes survivants, qui hurla les instructions à l’adresse de l’Emmanuelle. À bord du vaisseau ulthuanii, où bon nombre d’elfes comprenaient le reikspiel, des visages blêmirent et l’on ne sut quoi faire. Puis, depuis le bord de l’Emmanuelle, une réponse fut criée : refus catégorique d’obtempérer. S’ensuivit encore une demi-heure de terreur et de tension constantes où il apparut manifeste aux elfes que quelqu’un semblait tenir absolument à épargner leurs vies ; les noms « Heldenhame » et « von Meissen » résonnèrent de manière de plus en plus sonore alors que la lumière du jour décroissait.
     Puis, les deux navires s’ébranlèrent, laissant le vaisseau de Tor Yvresse, dont la moitié des cales avait pris l’eau, sur place avec tous ceux qui s’y trouvaient. Tout devenait de plus en plus sombre.

     Helmut Markus Heldenhame dut négocier au prix fort la sauvegarde des haut elfes et de l’otage : dès qu’il remettrait celle-ci entre les mains des siens, en chaloupe, il devrait rejoindre lui-même, par la seule force de ses bras, les deux navires qui l’attendraient beaucoup plus loin. Nuln devrait désormais moult avantages à la colonie de Markus Wulfhart et lui, Heldenhame, devrait s’en porter garant.
     Le wissenlander supporta sans mal ces promesses qui lui pèseraient dans un avenir encore incertain. Cette nuit, au moins, il aura préservé l’honneur martial de sa patrie.

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Intermèdes IV

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     Il faisait nuit noire mais la lumière était partout dans le ciel : Von Essen avait rarement vu autant d’étoiles en même temps, c’en devenait presque intimidant. Il s’était octroyé ce court moment de contemplation presque à contrecœur car c’était également un moment d’hésitation. Le vampire avait les idées claires mais hésitait à les mettre en œuvre. Tenait-il à ce point à mettre encore une fois son existence en péril ? Devait-il à ce point constamment vivre sur le bord d’une lame de rasoir ? Lui, dont le corps svelte ne devait son intégrité actuelle qu’à la vigueur impie du vampirisme, lui qui avait visité les limbes et qui en était revenu à grand prix, pouvait-il valablement remettre tout ceci en jeu encore une fois, qui en préfigurerait sans doute encore mille autres fois, encore et encore ? À part le sang, c’était son nectar favori, c’était ce qui faisait trembler la moindre parcelle de son être… Le chroniqueur étira ses membres ; il se tenait sur la rive de l’Amaxon, à quelques centaines de pas du campement de ses nordiques, qu’il était parvenu à retrouver. Les vents du chaos ne restent guère insensibles aux sacrifices rituels impeccablement réalisés et Von Essen avait appris à relier leurs mouvements célestes aux lieux desdits sacrifices. Ce qui le retenait à présent de rejoindre le campement, c’était le risque avéré que ses plans immédiats allaient peut-être causer plus de dégâts que de bénéfices, voire pire, un regrettable gâchis. Se retirer maintenant était cependant hors de question, et le vampire quitta l’ombre des arbres pour se diriger lentement vers ses nordiques. « Ses » nordiques, par Nagash, « ses » nordiques qu’un certain Gust lui avait cupidement retirés.  

     Haakonson et ses frères d’armes poussèrent comme les autres des cris de joie brutaux pour acclamer le retour du messager de Korn. Le guerrier crut ses oreilles lui jouer des tours lorsque le messager lui ordonna de traduire sa demande à Gust, leur chef : c’était un défi. Le vampire voulait défier leur chef.
     Haakonson n’était point un faible, Korn aurait fait de lui un amas d’os et de chair informe s’il avait été un faible. Ainsi, il désira plus que tout d’enfoncer sa hache dans le crâne du vampire au moment où ce dernier le menaça de faire de lui son pantin servile s’il ne traduisait pas immédiatement sa demande. Seule la curiosité de Gust, que ce dernier ne manqua guère d’exprimer, le retint dans son envie. Canalisant sa fureur avec discipline, le guerrier lui transmit sans trop de difficulté ce que le messager avait à lui dire.
     L’ensemble du campement devint silencieux ; le murmure du fleuve et la boîte à musique de la jungle furent les seules sources de bruit pendant un moment qui parut durer trop longtemps ; Gust semblait réfléchir. Le messager ne le quittait pas du regard et beaucoup de maraudeurs voyaient dans ses yeux l’éclat écarlate de Korn. Il était chétif, ce messager, mais Korn ne pouvait faire d’erreur sur la personne, le messager avait fait montre de sa puissance lors du dernier combat contre les elfes. Gust, enfin, prononça sa réponse, celle que peut-être tous ses guerriers attendaient : la volonté du dieu suprême serait accomplie séance tenante. Le yeux du chroniqueur s’illuminèrent brièvement, telles deux étoiles rouge sang.

     La rive était mince, beaucoup de buissons avaient dû être précédemment ôtés pour faire de la place à tout l’équipage du langschiff. Beaucoup d’animaux avaient également fui l’endroit au moment où le campement fut établi : ceux qui n’étaient point conscients de cette nouvelle présence étrangère finissaient généralement piétinés ou passés par le fil d’une épée. Des feux avaient été allumés de part et d’autre du langschiff ramené sur la rive. Le chef et le messager finirent par se placer à un endroit suffisamment large à leur goût, entre trois feux crachotants, entre trois douzaines de guerriers de la Norsca dont la moitié était en train de fabriquer des torches avec ce qui leur passait sous la main. Gust avait ramassé son casque, son bouclier et sa hache ; Von Essen portait toujours sa dague et avait tout simplement emprunté une épée pour le duel. Le propriétaire de l’épée sentait désormais qu’il jouait lui aussi un rôle plus important dans le grand dessein de Korn.
     Gust examina pour la énième fois le messager de la tête aux pieds : il avait affronté des hommes plus petits que lui lors de ses nombreux raids dans les terres fertiles du sud. Ils avaient de la hargne, ces gringalets, parfois, ils avaient de la hargne. Celui-là, cependant, était le messager de Korn et ne serait certainement pas comme les hommes faibles des terres du sud. Le vieux guerrier remercia Korn pour l’honneur qu’il lui accordait d’affronter son messager : il ne retiendrait aucun de ses coups car ce serait sinon un blasphème.
     Von Essen exultait, comme il l’avait anticipé, car devant lui se tenait un homme digne des sagas comme celle de Hjalmar Oksilden. Il allait affronter un de ces hommes dignes des sagas, un peu comme il avait jadis joué au chat et à la souris avec Silvère de Castagne, le preux paladin de la Dame du Lac. Le vampirisme, quel heureux fruit du hasard, quel destin inconcevable : il ne pouvait demander mieux, il ne désirait nul autre place que celle dans ce cercle de féroces guerriers quelque part au cœur d’un continent gorgé de mystères. Une fois que le piétinement des hommes en quête de torches se tut, le chroniqueur se mit en garde ; Gust apprêta ses armes ; le chroniqueur attaqua.
     Le guerrier nordique ressentit un net malaise : les yeux, les yeux du messager, c’était comme si quelqu’un semait le doute dans son esprit, c’était comme s’il n’avait jamais combattu de sa vie ! (Gust : tests ratés ! 0T)
     Le vampire, cependant, réalisa qu’il faisait véritablement face à une machine créée uniquement pour le combat : malgré le ralentissement causé par l’hypnose, Gust para ou bloqua toutes ses estocades ! (Von Essen : 1T, 0B)
     Pendant un instant, les deux duellistes se figèrent ; Gust secoua vigoureusement la tête, comme pour se libérer d’un mauvais rêve (Gust : tests réussis !) ; Von Essen comprit que le guerrier avait compris et fonça droit sur lui, conscient qu’il fallait en finir au plus vite ; le colossal nordique poussa un grondement martial et abattit sa hache d’un geste expert qui aurait coupé n’importe quel homme en deux ; Von Essen, qui, par un bond furieux, eut enfoncé son épée à moitié entre le cou et l’épaule du nordique, se prit le fer de la hache en plein dans les côtes et alla s’écraser contre le mur de boucliers des spectateurs.
     Tous deux se redressèrent, malgré ces blessures abominables. (Von Essen : 2T, 2B, 2 PV ! Gust : 1T, 1B, BM : 2PV !)
     Le vampire dut concentrer toute sa volonté pour rester debout : il sentait que sa colonne vertébrale n’était plus tout à fait intacte et qu’il ne pouvait attaquer en l’état (Von Essen : 0T). Il parvint cependant à piéger de nouveau son adversaire (Gust : tests ratés !). Il comprit que cela ne suffirait pas lorsque le guerrier se rapprocha de lui, hache levée haut pour frapper, et abattit son tranchant sur le crâne du vampire (Gust : 2T, 2B, 1 invu, BM : 1 PV !!!).

     La hache heurta le sable de la rive ; face à Gust se trouvait quelque chose qui ressemblait à un nuage noir refusant de se dissiper.

     « Félicitations, Gust le Cruel ! »

     L’intéressé écarquilla les yeux. Jamais, jamais il ne s’était attendu à ce qu’il voyait à présent. Jamais un serviteur du dieu suprême n’aurait eu recours à ce qu’il voyait à présent. Il sentit encore une fois le doute s’immiscer en lui : qu’était-ce que ce messager inhumain ?! Un duel ne pouvait se terminer ainsi !
     « Haakonson ! gronda-t-il. Qu’a-t-il dit à l’instant ?! »
     Il chercha son interprète du regard et remarqua dans l’expression du guerrier du dégoût, de la fureur, mais aussi… autre chose ?
     « Au nom de Korn, que s’est-il – »

     Le chef des maraudeurs sentit sa gorge se nouer et son cœur battre comme jamais auparavant, lui procurant une souffrance nouvelle qui venait s’ajouter à celle, plus familière, de sa blessure ; il tomba alors à genoux, lâchant ses armes, car ce fut sa tête qui fut vrillée à son tour par un mal innommable. La voûte céleste prit pour lui une teinte carmin lorsque tout son être fut secoué par une voix d’outre-monde qui, en même temps qu’elle résonnait dans son crâne, elle démolissait l’édifice de son esprit : « INCAPABLE ! IN-CA-PABLE !! VA, GUST L’INCAPABLE, VA ET NE VIS PLUS QUE PAR LE SANG ET LA DOULEUR INFINIS !! »

     Le cercle de boucliers frémit. Ce qui se déroula sous leurs yeux fut abject ou glorieux, selon la folie qui habitait la foi des maraudeurs : leur chef hurlait à l’agonie alors que ses chairs se boursouflaient et que sa peau virait au rouge vif ; ses yeux injectés de sang finirent par quitter leurs orbites ; son crâne finit par se dilater tellement que son épiderme éclata en de nombreux endroits avant de pendre misérablement de tous les côtés, ne laissant apparaître que des muscles nouveaux qui s’ajustaient aux mâchoires canines de l’enfant du chaos. Ses membres désormais aussi puissants que difformes et dégoulinants encore de fluides incolores, l’enfant du chaos émit des sons qui ressemblaient aux râles d’un homme que l’on étouffait.
     Von Essen se matérialisa derrière son ennemi métamorphosé, si l’on pouvait encore parler de derrière pour une telle monstruosité. Le chroniqueur sentait la volonté du Khorne se canaliser à travers l’esprit de son dévoué serviteur, maintenant déchu mais toujours redoutable. Il sentait également l’hostilité de la créature envers lui : son dieu devait maintenant la guider aveuglement vers son ennemi le plus proche.
     Allons donc, c’était du sale boulot mais il devait finir ce qu’il avait commencé !
     Les maraudeurs de Gust étaient encore paralysés de stupeur et d’incompréhension lorsque le chroniqueur s’abattit sur l’être difforme dont une seconde gueule canine surgit brusquement à l’arrière ! Ses crocs de refermèrent sur le bras gauche que le vampire lui opposa (Enfant du chaos : tests réussis ! 3T, 1B, 1 PV !) ; ce dernier planta profondément sa dague dans la structure osseuse de la gueule et finit par l’arracher à la masse chaotique (Von Essen : 4T, 1B, 1 PV !). Ce succès fut de courte durée : l’enfant du chaos était aussi massif que Gust et s’abattit tout simplement sur le vampire, prit de court par ce déferlement de chair et d’os impies (Von Essen : 3T, 0B) ; son torse lui signala que quelque chose s’enfonçait entre ses côtes et il déduisit avec dégoût qu’il s’agissait des côtes déformées en pointes acérées de la créature (Enfant du chaos : tests réussis ! 1T, 1B, 1 PV !). C’en fût trop pour le vampire :
     « AMATERASU ! »
     Von Essen puisa avec allégresse dans ses mêmes vents qui flottaient autour de la créature et les asservit à sa volonté ; au contact de sa malédiction, ceux-ci prirent la forme de flammes noires s’attaquant voracement aux chairs de l’enfant du chaos, dont les râles s’intensifièrent. La créature faillit se refermer sur sa proie pour la broyer avec toute sa force maudite mais le chroniqueur se mua en brume sans la moindre honte : il en était ainsi et il montrerait à « Korn » que, malgré l’admiration qu’il portât à ses fanatiques, il n’avait aucune intention de devenir leur jouet. Le vampire reprit forme physique à quelques pas de la créature et l’enveloppa de flammes nécromantiques avec méthode et sang-froid auxquels se mêlait de la cruauté. D’abord secoué de spasmes qui se traduisaient par des coups mortels assénés à l’aveugle, l’enfant du chaos finit par choir dans une masse abjecte d’os et de cendres grises. (Von Essen : 3T, 2B, 2 PV !!!)

     Alors que le premier maraudeur s’élançait vers lui en beuglant le nom de son dieu, Von Essen décida solennellement qu’il ne regretterait strictement rien à ce qui allait suivre. Que les dieux maudits dominent leurs chiens de guerre de leur vivant ! Il offrirait à ces nordiques l’honneur et la gloire de lui servir dans la mort.

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