S’approchant donc du pont, Thomas put un peu mieux apercevoir ce qui était en train de se passer ; Du côté Normand, on avait installé une sorte de petit poste de péage, un cabanon en bois avec de la toile et des drapeaux ducaux. Derrière des sacs de sable se tenaient deux sergents de Normandie, armés uniquement d’arcs longs. Ils étaient en train de discuter avec ce qui semblait être une caravanière : Une grande femme blonde, mince, accompagnée d’un jeune garçon et d’une dame aux cheveux gris. Le trio avait avec eux un Brahmine qui enfonçait ses deux grosses têtes dans un abreuvoir, l’effort de devoir porter des tas de sacoches semblant l’avoir assoiffé.
De l’autre côté du pont, dans le territoire de la Commune, d’autres sacs de sable. Un drapeau flottait au vent, une armoirie représentant une sorte de gros rat, ou un autre rongueur, sur un fond vert. Thomas n’eut aucune idée de ce que ce drapeau voulait dire, mais il aperçut un gars avec un pistolet-mitrailleur en train de fumer une cigarette de l’autre côté.
Alors que Thomas s’approchait, l’un des archers, un tout jeune homme aux cheveux bruns, les joues joufflues, habillé d’un gros manteau de chasseur avec un insigne cousu sur l’épaule, leva une main gantée pour arrêter le coursier.
« Hélà, l’ami ! Si tu fais route vers Paris, je te conseille de faire attention : Le pont est tenu depuis hier soir par les Mulots d’Argenteuil. C’est une bande de mercenaires qui font payer très cher la « tranquillité » qu’ils offrent aux habitants du coin.
Tu ferais mieux de faire demi-tour jusqu’à Dreux, et descendre vers Chartres. »
La caravanière blonde cracha par terre, avant de sortir de sa poche une dragée en amande qu’elle croqua.
« Conneries, à Chartres aussi ils font payer très cher le péage… »