[Warcraft] Souvenirs d'un Chat

Où s'écrivent les histoires, hors du temps et des règles compliquées du monde réel...
Avatar du membre
[MJ] Le Grand Duc
Warfo Award 2019 du meilleur MJ - RP
Warfo Award 2019 du meilleur MJ - RP
Messages : 1600

[Warcraft] Souvenirs d'un Chat

Message par [MJ] Le Grand Duc »

Une série de textes à propos personnage que je joue en jdr sur World of Warcraft, serveur Kirin Tor.
[HRP] AVERTISSEMEMENT : Ce sujet illustre les pensées à la première personne d'un personnage fictif et contient de nombreux propos sexistes, homophobes, violents ou à caractère sexuel. [/HRP]






Camille Chat a vingt ans. Il est videur au « Trou Margot », une taverne sordide du port de Hurlevent où les marins et les dockers suants viennent boire leur maigre paie. Ce soir le rade est plein à craquer, un vieux sans dents joue de l’accordéon dans un coin, ça chante ça danse ça se bagarre pendant que des putes vérolées passent de client en client avant de partir avec l’un d’eux vers les chambres du haut. Ces filles Camille il les aime bien. De pauvres nanas, orphelines ou vagabondes, qui échouent ici le temps de se refaire une santé ou de crever de la syphilis. Y’a Daisy la grosse blonde qui arrête pas de rigoler, y’a Céline qu’a un coquard parce qu’elle s’est battue avec Georgette pour une histoire de maquillage volé, et y’a la Goulue qui, pour une p’tite pièce en plus, vous met son pouce dans l’cul quand elle vous suce. Le matou l’aime bien, la Goulue. Elle est gentille, elle lui apporte à boire quand il se caille le derche dehors à filtrer les entrées et elle a un regard triste, parfois. Du coup il leur arrive de baiser avant le service, avant que tout l’monde y passe sur la Goulue.  

Bon là ce soir l’ambiance chauffe un peu. Y’a une bande de petits cons, des fils de bourges qui viennent d’la ville haute pour s’encanailler au port et dépenser l’argent de leurs papas. Ils font beaucoup de bruit, ils salissent leurs habits chers avec notre mauvais grog, et en gros ils font tout pour faire les beaux et qu’on les remarque. Des petites merdes, ils sont plus jeunes que moi en plus. Nos habitués, des durs et des tatoués, ils grognent en voyant ça. Eux qu’ont rien et qui viennent chez nous pour oublier un temps leur misère ils aiment pas qu’les richous viennent jusqu’ici pour se la péter devant eux. Mais bon y disent rien. Parce que à Hurlevent faut faire attention à qui tu fais chier. Surtout quand t’es en bas d’l’échelle. Moi j’m’en fous. Bras croisés, j’reste dehors et j’fais mon boulot, c’est-à-dire que j’surveille le coin et que j’fais gaffe que les clodo y rentrent pas.

Sauf que là y’a la Pince qu’arrive. On l’appelle la Pince parce qu’il oublie toujours d’nous payer. Ce fils de pute a des putain d’oursins dans les poches. Et j’sais même pas c’est quoi son vrai nom. Et surtout je m’en branle. Tout le monde l’appelle la Pince, et c’est comme ça. Et donc la Pince qu’arrive et qui me dit.


- « Oh Salade. Y’a les blanc-becs qui font chier les filles. Ca commence à bien faire. Celui avec la barbichette là. Tu l’attrapes et tu le fous dehors avant que ça dégénère et qu’j’ai des problèmes. » qu’il me dit.

Alors moi je rentre. J’ai peut être que vingt piges mais j’suis déjà costaud. J’ai même des cheveux tu le crois. J’ai mis de la graisse de cochon pour faire des pics, c’est la mode à cette époque. Bref j’arrive, je rentre et là j’vois quoi : ces petits enculés qui entourent la Goulue et qui la poussent à droite-à gauche. Celui avec la barbichette il lui met une main au cul. Elle lui dit « arrête » et il lui colle une tarte.

Allez, c’est parti mon kiki. Je lui colle mon poing au coin de la gueule. Foudroyé. Ses copains ces tapettes ils disent rien. Je l’attrape une main sur la ceinture, une main dans son col, et je le tire vers la porte. Puis je le jette dehors, là où on vide les pots de chambre. Il tousse il se relève et il me regarde en me pointant du doigt.


- « Tu vas mourir. » qu’il me dit.

Et là il sort un couteau de son veston à dix pièces d’or couvert de merde de docker. Il sait pas que je viens du Val d’Est, ce petit con. La savate elwynienne il va la prendre dans la gueule que même sa mère elle va pas le reconnaître. Je suis sur lui d’un bond, je le dérouille comme il faut il a même pas le temps de me couper avec son canif de salon. J’suis sur lui, il pleure il râle. Je lui colle un marron dans la gueule, un de plus, pour la forme.


- « Tu n’es qu’un moins que rien ! Un sous-être ! Un fils de catin ! » et là qu’il me dit !

Alors là je vois rouge. On insulte pas Môman. Je le laisse se relever, je l’enchaîne à nouveau. Là je retiens plus mes coups, je vois rien autour de moi. Je lui colle la main dans la gueule, le genou dans le bide, je lui tord l’oreille, il pleurniche je lui fais une clé de bras si fort que j’entends « clac » quand l’os casse. Et puis il continue de m’insulter alors je prends son canif de merde et je lui coupe le petit doigt. Ca lui apprendra. Il hurle comme un beau diable, je me relève et je lui envoie un coup de pied sur le groin si fort qu’il s’endort.

Là je me réveille, je regarde autour de moi. Y’a des clients qui sont sortis pour regarder. Y’a les copains du petit con, y’a la Pince, y’a la Goulue qui me fixe avec ses grands yeux tristes. Et puis y’a une putain de patrouille de Bleus. Là j’me dis merde. Ils arrivent vers moi, ils me menottent. Y’en a un qui s’occupe de celui qu’est par terre et qui dit qu’il faut faire venir un brancard. Le sergent il questionne la Pince.


- « C’est un de vos employés ? »
- « Euh non enfin oui mais il vient d’arriver c’était son jour d’essai, on le ne connait pas on ne savait pas que c’était un tel sauvage. » qu’il bafouille, la Pince. « Tenez, il s’appelle Camille Chat ! C’est un vaurien, je ne comprends pas comment on ne s’en est pas aperçu avant … »

Il essaie de se couvrir le con. Il se chie dessus. La Pince si je te recroise, je t’ouvre le ventre. Le sergent il regarde le bourge à mes pieds, il me regarde.

- « Tu t’es attaqué à la mauvaise personne, Monsieur le Chat. » il dit en montrant l’autre qu’est encore dans les pommes. « C’est le fils chéri du duc Van Derburg, chancelier de la Maison des Nobles et proche conseiller de Dame Katrana Prestor. Tu te balanceras au bout du corde d’ici la semaine prochaine. »

Ah. Bah merde alors.
Je suis le Grand Duc, seigneur de ces bois. Je vis avec mes gens, loin de la folie des hommes. La nuit je vole dans les sombres profondeurs de la forêt. Mon regard d'acier partout se pose, et sans bruit, comme le vent, je file entre les branches des arbres séculiers. Je suis le Grand Duc, seigneur de ces bois.

Avatar du membre
[MJ] Le Grand Duc
Warfo Award 2019 du meilleur MJ - RP
Warfo Award 2019 du meilleur MJ - RP
Messages : 1600

Re: [+18] Souvenirs d'un Chat

Message par [MJ] Le Grand Duc »

Camille Chat marche sur la route de la forêt d’Elwynn, encadré par quatre soldats à la mine patibulaire portant le tabard au Lion. Le matou a la lèvre fendue, du sang plein la bouche et une arcade pétée qui commence déjà à gonfler de manière impressionnante. Il se tient les côtes et traîne de la patte mais reçoit de bons coups de pied au cul s’il n’avance pas assez vite. Plus tôt dans la journée, ces même soldats sont venus le chercher dans les geôles de la Garde de Hurlevent. Le sous-officier lui a alors offert un choix : la corde, ou dix ans de services dans la Division Pénitentiaire. Le Chat, vingt piges et animé par un irrépressible besoin de survivre, a choisi.

Et putain, dans quelle merde j’me suis fourré. A peine qu’ils m’ont enlevé les menottes et qu’on a passé les portes de cette putain de ville qu’ils m’ont tiré hors du chemin, derrière les arbres, et qu’ils m’ont passé à tabac. Jamais on m’avait éclaté comme ça. D’habitude c’est moi qui dérouille, bah là j’en menais pas large. J’ai essayé d’me protéger, de me rouler en boule mais ça pleuvait dans tous les sens. Les coups dans la gueule avec des gantelets ou des bottes à coque en fer je vous le dis ça fait pas du bien. Y me pètent des dents, l’autre m’éclate le front, et pis celui m’appuie le pif dans la terre que j’peux plus respirer. J’pense qu’ils vont me buter, que j’vais mourir et que c’est vraiment des enculés de m’enlever au gibet pour me faire mourir en me battant comme un chien. Mais en fait je meurs pas. Je suis cassé de partout mais ils me relèvent et on marche.

Alors là je réfléchis, quand même. Parce que j’ai beau voir plus qu’un d’un œil, là dedans ça tourne quand même. Quand j’étais en zonzon y’a la Goulue qu’est passée me voir. Elle m’a dit « gnagnagna j’suis enceinte, gnagnagna si c’est un garçon j’vais l’appeler Tomas si c’est une fille ce s’ra Bertille gnagnagna. » Merci la Goulue ça m’fait une belle jambe. Et pis je pensais au p’tit Baladinis, aussi, mon frangin. Le gosse a neuf ans, y’a plus Môman et il est bloqué avec Pôpa qu’est un putain d’escroc et d’ivrogne et qui vaut pas mieux qu’une putain de clochard. Et en plus il cogne fort ce con. Putain Bala, désolé mon vieux. Tu vas devoir te démerder sans moi. Je réfléchissais à tout ça, mais là j’y pense plus. C’est fini tout ça, rideau, au revoir, circulez y’a rien à voir. Là je pense surtout à pas me casser la gueule et à marcher assez vite pour arrêter de me prendre des coups de fourreau sur les arêtes. Et pis j’me dis qu’au final la corde au moins ça avait le mérite d’être plus rapide.

Je sais où on va, je connais le chemin. La garnison du Ruisseau de l’Ouest. On arrive. J’ai l’impression que j’vais tomber dans les pommes, même si je suis pas une tapette. Y a des tentes partout, des soldats qui s’entraînent, des types en rang. On me jette des regards que j’aime pas. Mes nouveaux copains me font rentrer dans le fort, je monte des escaliers, j’arrive devant un bureau et on me fait asseoir devant un type, une sorte d’officier.


- « Maintenant t’es un soldat, matricule E-XIV.» qu’il me dit et il me jette un tabard froissé dans la gueule. « Y’a pas beaucoup d’trucs que tu dois savoir, t’auras pas beaucoup à réfléchir. » qu’il continue. Il me prend clairement pour un con. « Déjà tu vas mourir en portant ce tabard. Demain, dans un mois, dans un an j’en sais rien, mais tu vas crever. » Génial. « D’ici là c’est simple : tu mouftes, on te tabasse. Tu re-mouftes, on te re-tabasses. Tu re-re-moufte … »
- « On m’re-re-tabasse ? » que j’lui dis.

Je prends une droite comme j’en ai rarement prise. Je crache une molaire par terre en me concentrant fort pour rester conscient. Ca m’apprendra à avoir une grande gueule.

- « Non. On t’arrache les ongles pis on te pend. Maintenant dégage. »

Et c’est reparti. On m’lève par les épaules et on m’amène ailleurs. Un type louche prend mes mesures, puis on m’assoit sur un tabouret. Un mec me tond la tête et me rase comme un boucher. J’m’en rends pas trop compte, je suis un peu dans les vapes. J’prends deux-trois baffes sans trop comprendre pourquoi, j’crois que c’est juste pour la forme. Et allez, rebelotte, on me bourlingue jusqu’à un grand dortoir qui pue la sueur et la merde. Et là y’a des types. Du genre qui fait peur, même à moi. Des regards de tueur d’enfant, des gueules éclatées, des sourires de psychopathes. Et puis costauds les ânes.

- « Dis bonjour à tes nouveaux copains. » qu’il me dit le soldat avant de me pousser dans la cage aux fauves avec un grand coup de pied dans le derche.

Les autres ils se retournent vers moi et ils ricanent.


- « Oh bah teh une nouvelle tête. Tu sais comment qu’on dit bienvenue à la Pénitentiaire ? Non ? » qu’il me dit celui avec le regard le plus fou. « Viens là on va t'montrer ? Ca tombe bien, j’crois que Bebel il a fait tomber sa savonette. »

Oh putain. J’aurai p't'être du prendre la corde.
Je suis le Grand Duc, seigneur de ces bois. Je vis avec mes gens, loin de la folie des hommes. La nuit je vole dans les sombres profondeurs de la forêt. Mon regard d'acier partout se pose, et sans bruit, comme le vent, je file entre les branches des arbres séculiers. Je suis le Grand Duc, seigneur de ces bois.

Avatar du membre
[MJ] Le Grand Duc
Warfo Award 2019 du meilleur MJ - RP
Warfo Award 2019 du meilleur MJ - RP
Messages : 1600

Re: [Warcraft] Souvenirs d'un Chat

Message par [MJ] Le Grand Duc »

Camille Chat s’est fait des copains. Il a trouvé des jeunes recrues qui viennent d’arriver, tout comme lui, et qui ont décidé de se serrer les coudes. Ils partagent le même dortoir et sont inséparables : pendant les entraînements interminables à ramper dans la boue, à la cantine, en corvée de chiottes ou de patate. Les seuls instants où on ne les voit pas ensemble sont ceux où l’un d’eux a fait une connerie et se retrouve à l’isolement. Les conditions de vie à la Division Pénitentiaire sont dures, les punitions pleuvent pour un oui ou pour un non et le rythme des exercices imposés aux nouveaux arrivants est effréné. Les officiers ne sont pas là pour former des militaires, mais pour briser des éléments récalcitrants. Ce monde hostile et violent est un terreau fertile pour créer des liens puissants comme des inimités meurtrières.  

Déjà y’a le Gros Dédé. C’est un balourd dont la mère devait être une ogresse teh. Solide comme une souche et bien gras du bide, avec des paluches qui font ma tête. Il a l’air gentil et même con comme ça mais faut pas l’emmerder c’est moi qui vous l’dit. Entre nous ça a commencé avec une grande baffe dans ma gueule quand j’ai essayé de lui piquer son quignon de pain, c’est dire. Lui il vient d’Elwynn, comme moi. Il bossait pour un gang du Vieux Quartier et il s’est fait coffrer quand lui et ses potes sont allé fumer des types d’en face dans une ruelle sordide. Lui aussi, c’était la corde ou la Pénitentiaire.

Y’a aussi Félix, un p’tit nerveux des Carmines. Le genre teigneux, tout maigre, c’est que du nerf et de l’os. Féfé comme qu’on l’appelle c’est un sentimental dans l’fond, un poète, une âme sensible, une tapette comme moi j’dis. Il réfléchit tout l’temps, il a le regard qui saute et de longs doigts qu’on dirait qu’ils sont fait pour piquer des trucs. C’est c’qu’il faisait d’ailleurs, piquer des trucs. Sept ans au bagne pour avoir cambriolé un manoir du Quartier des Mages ou la Pénitentiaire.

Pis y’a Pine d’huître. Lui c’est un fils de marchand, un mec friqué à la base, et pis qui sait même lire et écrire. P’t’êt’ qu’il aurait pas dû, parce qu’il a pondu une sorte de billet contre le Roi et la Maison des Nobles, dans lequel il dit qu’les pauvres y doivent prendre le pouvoir et choisir eux-mêmes qui dirige, blablabla. L’exil à vie ou la Pénitentiaire. Le Pine d’huître il a la femme de son cœur à Hurlevent, alors il a choisi. D’ailleurs la femme de son cœur elle doit pas être jouasse, parce que Pine d’huître il a une toute petite bite. On le sait parce qu’on voit son p’tit machin quand on va se laver à la rivière. C’est pour ça qu’on l’appelle Pine d’huître, parce que si une huître ça a une pine ça doit pas êt’ glorieux. Bref.

Et l’dernier d’la bande c’est Maurice, que nous on dit Momo. Momo il est de la Marche, son plat préféré c’est donc la soupe au gravier. Solide, barbu, mais pas causant le Momo, il veut pas dire pourquoi qu’il est là. Il ressemble à une espèce de bête hirsute. Quand l’caporal l’a fait tenir deux jours d’affilé debout sous la pluie il a pas bronché. C’est un rustique. Si on crève tous il restera que lui, ça c’est sûr. Momo il parle pas beaucoup mais parfois il dessine avec du charbon, sur le bois d’son pieux. C’est joli c’qu’il fait. Il me montre parfois. Félix il dit que Momo il est là parce c’est un maçon. Un Défias, quoi. Moi j’en sais rien et puis j’m’en fous. Pour Momo, c’était on-sait-pas-quoi ou la Pénitentiaire.

Donc voilà ça c’est ma bande. Et c’qu’on fait avec ma bande, la plupart du temps, à par s’faire gueuler dessus par les matons et faire des pompes, c’est se cogner avec l’autre bande. Si si vous vous rappelez, mon comité de bienvenue, là. Bebel et ses enculés. Bah on se cogne dans les dortoirs, on se cogne à la rivière, on se cogne à la cantine et on se cogne à l’entraînement. Mais à l’entraînement on a le droit. Sauf que là ça commence à chauffer. Hier ils ont choppé Pine d’huître pendant que l’aut’ y devait astiquer les trucs de l’armurerie et ils l’ont tabassé et coupé une oreille avant de lui pisser dessus. Alors nous on a dit : faut se venger. Et ça tombe bien parce que demain on part en opération dans la Marche. On va attaquer un camp d’bandits. C’est là qu’on va s’venger, parce que Féfé il a pensé à un plan …

Donc le lendemain c’est trompette, tambour, tout l’monde en rang, on s’prend quelques claques et on met notre équipement pourri. Pis on marche, on traverse le pont et on va dérouiller les bandits. Rien d’bien méchant, les aut’ s’y attendaient pas et on les dégomme à cinq contre un. Pis après faut fouiller la zone. Alors nous on s’planque dans un coin et Féfé y dit bien fort :


- « Oh putain les gars, r’gardez ce magot ! Dépêchez-vous d’vous en mettre plein les poches avant qu’Bebel et ses gars arrivent. »

Et Bebel et ses gars y font quoi ? Bien vu l’aveugle, y z’arrivent. Et là putain, on leur tombe dessus. L’Gros Dédé il couche Bebel d’un coup de marteau dans la tronche. Moi j’prends mon canif et je surine le premier sur lequel j’atterris. Je frappe je frappe je frappe dans le mou le plus loin possible. L’autre y beugle je lui plaque la main sur la bouche. Je frappe je frappe je frappe. Y’a du sang partout, l’autre se débat plus. Je vois ses yeux vides qui me fixent. J’ai plus de souffle, je m’essuie le visage je me mets du sang partout. Et je regarde les autres. L’Gros Dédé, Féfé, Momo y m’regardent. Pis ils me relèvent et on s’tire. Au capo on dit qu’il restait des brigands là-bas, qu’on les a dérouillés mais que Bebel et ses gars y sont passés. Le capo il a l’air de s’en branler. On se rentre à la garnison et personne pose de questions.

J’avais jamais tué un type avant. Je revois ses yeux tout le temps, tout ronds, ternes, qui me regardent. Toutes les nuits il vient me voir, je peux plus dormir. J’mange pas parce qu’il me fixe. J’en peux plus. Je deviens fou, je vois l’autre gonze partout. Il est mort mais il me suit dans le dortoir, dans mon lit, tout le temps. Nique la Pénitentiaire, nique la Goulue, nique Bala. Je vais me pendre. Puis le capo y m’prend entre quatre yeux. Il est bien le capo, même si c’est un enculé d’ancien taulard qu’a purgé sa peine pour devenir maton. Il me dit :


- « T’as tué ton premier type. Tu dois t’saouler la gueule, baiser et te tatouer sa face. Et tu s’ras tranquille. »

Et là qu’y m’file une bouteille alors qu’on a pas l’droit de boire. Et d’m’amener de nuit à l’auberge de Comté-de-l’Or pour aller aux putes. Et d’trouver un gus louche pour me tatouer un monstre qui grimace sur l’épaule. Eh bah vous savez quoi. Ca a marché. L’autre y me fixait plus. J’sais pas pourquoi, j’sais pas comment, mais putain ça marche. Je vais pas me pendre en fait. Et l’autre enculé qu’j’ai suriné comme un sourd, j’y pense même plus. C’était le premier, mais pas le dernier.
Je suis le Grand Duc, seigneur de ces bois. Je vis avec mes gens, loin de la folie des hommes. La nuit je vole dans les sombres profondeurs de la forêt. Mon regard d'acier partout se pose, et sans bruit, comme le vent, je file entre les branches des arbres séculiers. Je suis le Grand Duc, seigneur de ces bois.

Avatar du membre
[MJ] Le Grand Duc
Warfo Award 2019 du meilleur MJ - RP
Warfo Award 2019 du meilleur MJ - RP
Messages : 1600

Re: [Warcraft] Souvenirs d'un Chat

Message par [MJ] Le Grand Duc »

Camille Chat a vingt-deux ans. A cette époque, et pour la première fois, la Division Pénitentiaire est envoyée hors des Royaumes de l’Est pour participer à la terrible campagne du Norfendre. Les taulards, les soldats qui leurs servent de matons et les officiers de cette terrible bande s’entassent dans des navires en partance pour le Donjon de la Bravoure qui est encore en cours de construction dans la Toundra Boréenne. Là-bas, ils seront déployés sur les nombreux théâtres d’opération de la région. Ils combattront pendant de longs mois, mal équipé face au froid et aux ennemis, peu approvisionnés et servant principalement de chair à canon. En effet, qui se soucie de la mort de quelques bagnards, aussi sordide soit-elle ? Puis, à l’appel du Commandant des forces de l’Alliance Bolvar Fordragon, ils feront route vers l’Est et traverseront la Transborée pour retrouver le gros de l’armée devant les entrées de la cité souterraine d’Azjol-Nerub.

Et là putain, y’a tout un paquet d’monde autour de cette grande crevasse gelée dans l’sol. Y’a des chevaliers tout brillants, des contingents d’fantassins, y’a des nains en rang avec leurs fusils et leurs sales trognes, y’a des gnomes sur des grosses machines qui doivent dérouiller sévère, y’a des bonnasses de Darnassus avec leurs arcs et y’a même deux ou trois paladins draeneï dont une que j’vous jure elle me faisait d’l’œil. Si si c’est vrai. Et pis y’a tout un régiment des gars d’la 7ème aussi. Pas des rigolos ceux-là. D’accord ils ont l’air cons avec leurs casques mais j’préfère les avoir avec nous que contre nous. Y’a même l’Commandant Bolvar ! Sur un gros cheval avec une armure, qui fait un discours là-bas, de l’aut’ côté ! Bon bien sûr nous les taulards on a la place à la con et on est trop loin pour entendre qu’est-ce qu’il dit. A la place c’est not’ con d’colonel qui s’avance devant notre troupe pour baver ses conneries. J’peux pas le voir, celui-là. Un mec d’mon âge, tout fringuant dans son armure neuve, pas une cicatrice. Un putain d’blanc-bec qu’on voit que quand faut palabrer mais qu’j’ai jamais vu combattre. Il y a du en sucer des queues à Hurlevent pour avoir ce poste. Il a les dents qui rayent le parquet et des petites mains toutes blanches qu’il a jamais trempé dans l’sang.


- « Fiers soldats de la Division Pénitentiaire ! » qu’il dit, ce con. « Aujourd’hui vous est offerte la chance de votre vie ! Celle de racheter vos fautes passées. Combattez pour l’Alliance, et vos tords seront lavés ! Mourrez pour elle, et votre gloire sera éternelle ! Ce jour, vous n’êtes pas des prisonniers. Vous êtes des héros ! »

Gros blanc. Personne dit rien, on entend juste Bolvar brailler de l’autre côté et les gars de la 7ème qui l’acclament comme si c’était le Roi en personne. J’vous dis pas la gueule qu’il tire, ce con d’colonel. D’ailleurs il se renfrogne.

- « Vous avez l’immense honneur de descendre rencontrer l’ennemi les premiers. Le reste de l’armée suivra après vous. » Ca m’aurait étonné con. Lui il la veut sa médaille, pour le sale boulot qu’on va faire. « Soyez digne de votre tabard et remontez de cette fosse en vainqueurs ou les pieds devant. »

Bonjour l’ambiance. Les officiers nous disent d’allumer des torches, et pis on descend. C’est comme une grande grotte de glace, avec des ruines en pierre noire d’un truc comme une civilisation ancienne. Y’a pas d’lumière, que les flammes qu’on porte sur nous, il pèle sévère et on entend plus rien de c’qui se passe à l’extérieur. Y’a plein d’toiles d’araignées aussi. Tout d’un coup j’sursaute parce que j’entends un gros craquement. C’est Dédé qu’a marché sur un crâne. Tout le monde se chie dessus, on serre les rangs et on avance. On voit pas à trois pieds d’vant nous mais on rencontre rien. On passe de grandes portes, et des trucs comme des forts, et des ponts en pierre par-dessus le vide. Au-dessus d’nous, une voûte infinie. Y’a pas un bruit. J’entends le baudrier de Pine d’huître tinter tellement il tremble. Et putain il caille.

Y’a Momo à côté d’moi. Celui que j’vous ai dit qu’il sera le dernier d’entre nous à clamser. Eh bah il me regarde en marchant et tout d’un coup un truc l’tire en arrière et il disparait dans les ténèbres sans même grogner. Et là quequ’chose souffle toutes nos torches en même temps. On est dans le noir complet. Pine d’huître se met à pleurer. Et des centaines d’petits points bleus s’allument dans la nuit, tout autour de nous. On serre encore les rangs, morts de trouille. Puis ils nous tombent dessus et c’est l’enfer.

On était deux cents de la Pénitentiaire à descendre. On sera trente-six à remonter.


Image
Je suis le Grand Duc, seigneur de ces bois. Je vis avec mes gens, loin de la folie des hommes. La nuit je vole dans les sombres profondeurs de la forêt. Mon regard d'acier partout se pose, et sans bruit, comme le vent, je file entre les branches des arbres séculiers. Je suis le Grand Duc, seigneur de ces bois.

Avatar du membre
[MJ] Le Grand Duc
Warfo Award 2019 du meilleur MJ - RP
Warfo Award 2019 du meilleur MJ - RP
Messages : 1600

Re: [Warcraft] Souvenirs d'un Chat

Message par [MJ] Le Grand Duc »

Camille Chat a vingt-cinq ans et va prendre part à la plus grande offensive menée par l’Alliance en Pandarie : l’Opération Bouclier. Il s’agit pour Varian Wrynn et ses alliés de contrecarrer les projets de domination de Garrosh Hurlenfer en empêchant la Horde de prendre pied sur la côte Sud de l’île-continent. Est ainsi orchestré un débarquement aux proportions formidables dont l’objectif est de repousser l’ennemi hors des plages, jusque dans les étendues sauvages de Krasarang, puis de prendre d’assaut ses bases arrière. Cependant les préparatifs de cette expédition colossale ne sont pas assez inaperçus aux yeux des espions d’Orgrimmar et les troupes de Hurlenfer se sont organisées pour faire face à l’assaut qui se prépare contre elles. Du temple de la Grue Rouge à la crique de Pao’don, la côte est truffée de positions fortifiées, de batteries d’artillerie et de pièges mortels. L’Alliance a mobilisé la quasi-totalité de ses forces pour cette opération. Il est trop tard pour faire marche arrière et la grande bataille éclate enfin. Les combats font déjà rage depuis le petit matin lorsque la Division Pénitentiaire est mobilisée.

J’pensais avoir vu l‘enfer à Azjol-Nerub. C’est parce que j’avais pas encore fait Krasarang. On est là entassés sur le pont du bateau et on voit le carnage qui nous attend. J’avais jamais vu autant de soldats, autant de galions. Tout autour de nous y’a des dizaines de navires qui canonnent tellement qu’on entend même plus c’que le colonel y dit. Y’a un déluge de feu qui tombe sur la jungle, là-bas. Ca répond, des boulets sifflent dans notre direction. Dans le ciel ça vrombit comme un nuage de mouches géantes, y’a des escadrilles de gyrocoptères et de griffons dans tous les sens qui se bastonnent avec les wyverns d’en face. Boum, explosion ! Une des machines à nous est touchée et s’écrase dans l’eau à côté de nous tellement fort que ça nous éclabousse. Là-bas sur la plage les gars de la 7ème ont déjà débarqué. C’est une boucherie, ils se sont fait canarder sec depuis les hauteurs pis y’a eu une charge des hordeux et ça a l’air d’être un putain d’bain de sang. Ca se cogne d’un bout à l’autre de l’horizon, j’sais même pas jusqu’où. Les soldats et même ceux d’en face c’est juste des petites figurines qui courent dans tous les sens et qui se percutent. Et y’a plein de figurines qui bougent pas, aussi. Puis loin au-dessus des arbres y’a le putain de Brise-Ciel qui tourne. Il lâche des grappes de petits champignons, c’est les parachutistes qui tombent doucement dans la forêt pour aller se faire buter derrière les lignes ennemis. Et en même temps ce bateau volant il tonne et il bombarde en manœuvrant parce que plus loin y’a un putain de double-dirigeable à tête de loup qui déboule en crachant du plomb par la gueule.

Là j’entends un cri, on lève tous la tête et on voit quoi ! Un zeppelin gobelin qui passe au-dessus de la flotte. Les gyrocoptères foncent dessus mais s’font tenir en respect. Y’a même une sentinelle qui tombe d’son hippogriffe et qui atterrit comme une crêpe à deux pas de moi. Je me prends une giclée de jus d’elfe dans la gueule et au même moment le zeppelin il largue ses bombes. BOUM BOUM BOUM. Le galion voisin s’fait réduire en miettes dans une explosion de flammes et de bitume. C’qu’il en reste coule et j’vois des marins hurler en sautant dans l’eau pour se faire bouffer par les requins. On se chie dessus putain. Pine d’huître il vomit. Bon au moins la canonnade fait moins d’bruit avec le bateau d’à côté en moins et on peut enfin entendre ce con de colonel.


- « Les forces spéciales du SI:7 sont en train de vous dégager la voie pour que vous puissiez atteindre l’objectif. Au signal, on monte dans les barges et on débarque. Le Roi veut que nous prenions cette colline. » Il pointa un truc vers la jungle, où ça pète sévère. Mais avec la fumée et le bordel ambiant on voit rien d’précis. « Là-bas se trouvent des batteries gobelines qui clouent deux régiments de la 7ème et les empêchent de progresser. Si nous voulons remporter cette bataille, nous devons prendre ces batteries et les neutraliser ! »

L’colonel y fait moins l’beau qu’avant. C’est parce que depuis la campagne des Hautes-Terres du Crépuscule il monte à la baston avec nous. J’sais pas trop si il a vraiment eu le choix. On dit qu’ça vient d’en haut, qu’il s’est pris un soufflon et que maintenant il doit se salir les mains aussi. Mais j’m’en branle un peu. Au moins il en bave comme nous. C’est toujours un connard que j’me ferais un plaisir d’suriner si j’en avais l’occasion, mais au moins il voit c’que c’est le vrai merdier. Et comme par hasard il nous prend un peu moins pour des cons depuis.

Et là BOUM on entend une grosse explosion vers là qu’on doit aller. Y’a un des grands arbres de la jungle qui tremble et qui s’écroule sur une tour et l’emporte avec elle dans un boucan pas possible. On entend encore de la pétarade puis une fusée rouge et très brillante file en ligne droite vers le ciel, loin-au-dessus de la jungle, et pète en vol. La canonnade de not’ flotte s’arrête, on entend plus que le bordel des combats sur la plage et les vrombissements dans le ciel. Pis le colonel siffle dans son sifflet et beugle.


- « AUX BARGES ! »

Et là c’est le branle-bas de combat. On a tous la trouille au ventre mais on se précipite sur les échelles en corde qui descendent à nos canots. Ils sont tout p’tis, ces canots, et sont complètement fermés à part la rampe devant et des écoutilles. On monte à vingt dedans, dans la mienne j’ai le Gros Dédé, Féfé et Pine d’huître et y’a le capo aussi. Pis on largue les amarres et c’est parti. Y’a des petites hélices gnomes derrière pour qu’on avance, et y’a pas d’gouvernail. Ca veut dire : tout droit, et rien que tout droit. Par les écoutilles je vois toutes nos autres barges de part et d’autre. On s’éloigne de notre flotte, on s’approche de la plage. Là-dedans c’est grosse ambiance. Pine d’huître il vomit, Dédé il prie d’revoir sa femme et ses gosses, et y’a une baltringue qui se chie dessus, littéralement. Moi je serre Titine, ma brave Titine. Titine c’est ma massue. J’l’ai prise à un orc dans les Hautes-Terres que j’ai tué à mains nues, en l’étranglant. C’est un peu ma meilleure amie, ma petite chérie. Entre elle et moi c’était le coup d’foudre. On s’est tout de suite plu et, depuis qu’on est ensemble, j’l’ai écrasée dans la gueule d’un paquet d’enculés.

Et là la canonnade reprend d’plus belle. Nos boulets sifflent au-dessus pour aller s’écraser dans la jungle. Et depuis la jungle ça pète aussi et ça siffle dans l’autre sens. J’regarde par l’écoutille et je vois les deux barges sur bâbord qui éclatent comme des coquilles de noix, avec des morceaux de prisonniers qui volent dans tous les sens. J’ai déjà la gerbe. Faut dire qu’y’a du roulis. Puis le bordel de la plage se rapproche. Cris, pleurs, choc de l’acier contre l’acier, mugissement de monstres, crépitements d’éclairs, cors de guerre, tambours ! Tout l’tintamarre d’une bonne grosse boucherie de merde.

Le capo il se retourne vers nous et il gueule pour couvrir le vacarme.


- « QUAND ON ACCOSTE JE BAISSE LA RAMPE ET VOUS FONCEZ. PAS D’RETARDATAIRES, VOUS FONCEZ DROIT DEVANT. COURREZ COMME SI VOUS AVIEZ LA PUTAIN DE GARDE AU CUL. LE PREMIER QUE JE VOIS TIRER AU FLANC JE LE PLANTE. »  Ah ça crois moi mon pote, j’vais courir.

On s’approche, on s’approche.


- « VINGT SECONDES ! TENEZ VOUS PRÊTS. »

Les boulets tombent autour de nous, y’a de grands gerbes d’eau dans tous les sens. Pine d’huître me vomit dans l’dos, je lui colle une beigne pour le réveiller.

- « CINQ SECONDES ! RACAILLE UN JOUR … ! »
- « RACAILLE TOUJOURS !!! » qu’on gueule en chœur, et j’entends ça résonner dans les autres barges aussi.

C’est le cri d’guerre de la Pénitentiaire. C’est un peu con mais c’est pas nous qu’on la choisi, c’est les officiers qui nous disent de dire ça. BONK. Ma tête cogne celle de Dédé devant moi quand la barge s’arrête net dans le sable.


- « POUR LE ROI !!! » hurle le capo et il fait tomber la rampe.

Qu’on traîne ou pas, le capo il plantera plus personne. Parce qu’il est le premier à crever. A peine la rampe tombe que des flèches arrivent droit d’en face jusque dans la barge. Lui il tombe sans crier avec deux dans le buffet et une dans la gorge et moi j’en prends une qui se coince dans l’épaulière. On piétine son corps et on fonce.

Putain on est encore dans l’eau, on s’est échoué sur un banc de sable. J’ai d’la flotte jusqu’à la taille. L’écume est rouge, l’eau bouillonne et devant nous sur la plage c’est un bordel sans nom. Ca se bastonne dans tous les sens, y’a des types qui rampent en appelant leur mère, de ce côté y’a des chevaucheurs de loups qui chargent et là-bas y’a tout un contingent de gars d’la 7ème bloqué derrière un talus et qui s’font canarder depuis une position au-dessus de nous, au pied des premiers arbres.

Alors on patauge dans cette soupe chaude pour se tirer là et y a des flèches et des balles qui sifflent sur nous. Toutes nos barges se sont échouées pareil alors j’vois toute la Pénitentiaire dans la même merde. Le type à côté de moi c’est celui qui s’était chié dessus. Il marche en criant et tout d’un coup j’vois la panique dans ses yeux quand un truc sous l’eau le mord et le tire vers le fond. Il disparait, ça bouillonne rouge et moi j’me bouge le cul comme jamais. Y’en a un paquet qui tombent mais on arrive finalement sur la berge. Là y faut monter pour aller niquer les gobelins alors on se met tous à courir.

On galope on galope. Tout d’un coup le sable se dérobe sous mes pieds et deux trois autres gars, on tombe dans un trou. Je me relève au milieu des pieux, les autres ont pas eu de chance y se sont empalés. Y’en a un encore vivant il me regarde avec de grands yeux ahuris alors qu’il a les tripes qui sortent du bide, encore attachées à la pointe en bois qui le traverse. J’m’appuie sur le rebord, je sors de là et j’rejoins les autres qui courent sans me retourner.

Putain on a pris pied sur la plage, j’y crois pas. Là on se regroupe, y’en a quelques uns qui se battent contre des trolls des taurens et autres saloperies mais le gros d’entre nous on s’en fout on s’arrête pas et on se prépare à charger l’artillerie au-dessus. Mais là c’est quoi qui déboule : une brigade entière de kor’krons. Ouais, ceux bien énervés là. Et y’en a une autre qu’arrive de l’autre côté je sais même pas d’où ils sortent. Putain ils y tiennent à leurs putains de canons. Là on peut pas reculer, c’est parti pour la foire au bourre-pif.

Ca commence par un grand coup de gourdin dans ma tronche qui m’envoie voler. J’suis sonné complet, j’ai plus Titine dans les mains. Je tâtonne dans le sable je la cherche. Je trouve un truc, je l’attrape. Ah non c’est un bras. Je marche à quatre pattes dans les boyaux et le merdier, ce sable c’est juste de la boue rouge, ma tête siffle bordel. Je vomis, je rampe vers une carcasse de catapulte et je regarde un peu ce putain de bordel autour de moi. J’vois l’Gros Dédé à genou en train de ramasser ses intestins. Putain c’est con, c’était son dernier déploiement avant d’avoir purgé sa peine. Et puis c’était mon pote. Il a l’air ahuri, comme s’il était étonné de se retrouver là, sur cette plage, plutôt loin d’Elwynn. Et puis un troll arrive par derrière, l’égorge, et un kodo fou sans cavalier piétine le tout en chargeant dans le vide comme un sourd qui sait pas où qu’il est. J’dois retrouver mon arme. PUTAIN oui ! Titine ma chérie t’es là. Je la prends, je saute sur mes pieds et je tombe sur le premier orc qui passe. Titine vient lui rentrer la tête dans les épaules, la cervelle explose y’en a partout. J’vois plein de nos types tomber, ça s’annonce mal. Je vais au prochain orc et là j’entends une grande clameur. Puis y’a un éclair de lumière blanche, quatre kor’krons tombent en même temps et je vois une énorme boule de cristal qui se balance au-dessus de la mêlée. Les orcs refluent et je le vois : un putain de paladin draeneï, qui saute sur la foule des ennemis et qui les envoie au tapis comme qu’on fauche les blés. Son armure brille, son marteau scintille, et tous les taulards poussent derrière lui en gueulant comme des cinglés pendant que les orcs refluent. C’est beau putain, on dirait un dieu.


Image

Il colle une sale dérouillée, les kor’kron sont en déroute. Le paladin se casse ailleurs sur la plage pour niquer des mères et nous on se regroupe à nouveau pour continuer à avancer. C’est même le colonel qui prend la tête du truc, épée à la main, qui achève un orc et qui beugle.


- « CHARGEZ TAS DE RACLURES ! »

Et nous les raclures on fait quoi ? Bah on gueule comme des ânes et on charge en montée. Là-haut y a des fusils et des nids de sulfateuses gobelines qui font tomber tout le premier rang. Mais faut bien qu’ils rechargent ces cons et nous on continue de courir. On saute les murs de sacs de sable, on est sur eux, ces petits enculés verts courent dans tous les sens, on ravage leur position, on les massacre, on les extermine. On en a bavé, ils payent. Y’en a pas un qui s’échappe, c’est pas beau à voir. On prend leurs canons, leurs mortiers, leurs fusils. C’est pour nous ! Mission accomplie bordel. L’aide de camp du colonel tir une fusée en l’air. Le contingent de la 7ème qu’était bloqué se met à avancer et s’enfonce dans la jungle. La flotte arrête de canonner et des chaloupes bourrées de fantassins sont mises à flots pour vomir toujours plus de troupes sur la plage. La moitié des bateaux met les voiles pour aller pilonner ailleurs. Cette section de la côte est à nous, mais il en reste d’autres et ça pète d’Est en Ouest tandis qu’dans l’ciel le combat continue. Au loin y’a le zeppelin de tout à l’heure qui tombe dans la jungle comme au ralenti, en feu. C’est beau.

- « ALLEZ ON SE  REVEILLE.  Il Y’EN A D’AUTRES QUI ARRIVENT. »

Quoi ?! Putain mais c’est pas possible, y peuvent pas admettre que c’est perdu là ? Bah non, y’a toute une troupe de kor’krons tout frais qui déboulent de la lisière et qui foncent sur nous.

- « SALADE ! AU CANON. »

Gnagnagna. J’saute sur une sulfateuse, Pine d’huître vient me tenir le ruban de munitions, et j’enclenche le manchin, puis feu ! TATATATATATATATATATATATATATA. J’vois rien tellement ça ébloui, cette merde. J’entends le colonel qui gueule « Chaaaaaaargez » et le bordel recommence sur fond d’explosions et d’éclairs magiques.

J’me dis qu’elle va être encore longue, cette journée. J’savais pas encore que Krasarang, pour moi, ça allait être dix mois.
Je suis le Grand Duc, seigneur de ces bois. Je vis avec mes gens, loin de la folie des hommes. La nuit je vole dans les sombres profondeurs de la forêt. Mon regard d'acier partout se pose, et sans bruit, comme le vent, je file entre les branches des arbres séculiers. Je suis le Grand Duc, seigneur de ces bois.

Avatar du membre
[MJ] Le Grand Duc
Warfo Award 2019 du meilleur MJ - RP
Warfo Award 2019 du meilleur MJ - RP
Messages : 1600

Re: [Warcraft] Souvenirs d'un Chat

Message par [MJ] Le Grand Duc »

Camille Chat s’essuie le front avec le col de son tabard qui est déjà trempé de sueur. Le soleil tape sans pitié sur son crâne rasé, si fort que l’on pourrait y faire cuire un œuf. Les mouches vrombissent autour du prisonnier comme autour d’une charogne, et le matou n’a même plus l’énergie de les chasser de son visage. Il se contente de regarder droit devant lui, la gorge sèche et la peau brûlante, se concentrant fort pour rester debout malgré l’insupportable chaleur, l’épuisement et la déshydratation.

Voilà un mois que la Division Pénitentiaire est déployée dans les Tarides. La situation dans la région est tout à fait instable depuis que la révolte des trolls Sombrelance contre Garrosh Hurlenfer a dégénéré en véritable guerre civile. L’Alliance, en position de force, décide alors de presser son avantage en mobilisant des troupes dans le secteur afin de prêter main forte aux rebelles et de préparer le terrain pour un assaut en bonne et due forme sur Orgrimmar.

Le climat est ingrat, les conditions de la mission sont particulièrement difficiles et la chaîne d’approvisionnement inexistante. Les gars de la Pénitentiaire se retrouvent livrés à eux-mêmes dans la savane, sous un soleil de plomb et la menace constante que font peser les patrouilles kor’kron. Bientôt la grogne monte dans les rangs de ces hommes pourtant endurcis par les horreurs de la guerre. Assoiffés, sans cesse pourchassés et moribonds, les prisonniers ont besoin d’un défouloir. Et ils vont en trouver un.



Image

On est planqués dans les hautes herbes de la brousse, à l’ombre d’une longue ligne d’acacias, comme une putain de meute de fauves. Là-bas, là où la chaleur fait trembler la vue, y’a un village. Pas un fort, pas un camp retranché, pas un dépôt d’munitions ou une tour de guet. Un village tout simple, avec une vingtaine de huttes et de bâtiments de pierre et d’os comme en font les orcs, avec de grands pans en tissu rouge pour faire de l’ombre. En même temps il fait chaud, putain. Ça tape. J’ai l’impression d’avoir la cervelle qui bouillonne. On est là comme des vautours en plein cagnard, à fixer des orcs qui font tranquillement leur vie dans ce village comme si de rien n’était. Eux ils savent pas qu’on est là. On dirait même qu’ils savent même pas qu’y a la guerre chez eux. Là y’a deux orcquesses qui tirent l’eau du puits, là y’a un type qui charge un kodo comme si tout était normal, et pis y’a même des p’tits orcquillons qui jouent dans la poussière. Tous ces gens font leur p’tit train-train tranquillement. Moi ça fait cinq ans que j’fais la guerre, alors ces orcs là tout d’un coup j’crois que j’les envie un peu. Ils font leur putain de vie quoi, comme que les gens ils font sûrement chez nous, à Elwynn. Tout pareil.

Sauf que nous on est pas venus pour trier les lentilles. On a enfin semé les brigades des autres tarés mais ça faisait une semaine qu’on les avait aux basques. Pour qu’on s’en sorte, l’colonel il nous a divisé en deux groupes différents. Les kor’kron ils ont suivi les autres. Ca fait d’nous les chanceux tandis qu’nos copains y doivent plus avoir mal aux dents. Mais bon ce qui reste ferai pas la fierté de not’ bon Roi. On ressemble à des putains de clodos. Des pouilleux, des crèves-la-faim. J’ai plus de semelle aux bottes, j’ai pas bu une goutte d’eau depuis la veille et je commence à voir double. Ce matin j’en ai vu un en train de mâchouiller la sangle en cuir de son bouclier pour oublier qu’il avait la dalle. Et y a aussi cet abruti de Klaus qu’a mangé des baies sauvages et qu’est mort dans la nuit en chiant ses tripes liquides par le cul. On l’a laissé aux hyènes. D’ailleurs c’est ça, on ressemble à des hyènes. Tout à l’heure j’ai dit qu’on était une meute de fauves. Non non, on est une bande de charognards galeux, bien remontés et qui perdent la boule. Putain je sue d’la raie. J’vous ai dit qu’il faisait chaud ?

Bon. Ca commence à s’agiter. On halète comme des putains de clébard. L’colonel lève le poing, on se réunit autour de lui comme une horde d’affamés, pendus à ses lèvres. L’colonel il a pris un coup d’vieux. Il a son cache-œil depuis un méchant coup de surin à Krasarang, sa barbe sale lui bouffe la gueule et il a un bandage tâché autour du crâne. Il a même laissé tomber ses épaulières dorées. Là il ressemble à un brigand. Et nous aussi, tous pleins d’poussière et de puces qu’on est, débraillés et qu’on pue la sueur et la mort. Et surtout l’colonel, il a l’air d’avoir autant les crocs que nous. Dans le dernier œil qu’il lui reste je vois l’envie de boire, de manger, de baiser, de tuer. C’qu’il reste quand on enlève tout l'superflu. C’est ça qui fait un vrai humain. Et rien d’aut’.


- « Les gars c’est le moment. » qu’il dit. Il a un air de chien fou. Il veut se venger, il veut du sang, le p’tit colonel. Il va en avoir. « On crapahute depuis des semaines, tout ça pour quoi, pour se faire pourchasser comme de la vermine par ces salauds. »

Y’a comme une rumeur énervée qui courre dans les rangs de bêtes puantes qu’on est. Il fait chaud, la tension monte.

- « Ce village, nous allons l’attaquer. Et vous aller tout prendre. Tout. C’est à vous. Ce que vous ne pouvez pas prendre, vous le brûlerez. Ce sera ça en moins entre les mains de l’ennemi. »

Là tout l’monde s’agite. Moi mon sang ne fait qu’un tour, j’ai les mains qui tremblent sur Titine. Mais y’a quand même un connard de sous-off pour dire quelque chose.

- « Mais mon colonel, et les villageois ? Ce ne sont que des civils, pas des soldats. »
- « Tuez-les tous. » qu’il lâche l’autre. Chaud le type.

Ça f’rait presque froid dans l’dos si j’étais pas si sonné par la chaleur et la soif. Le soleil nous tape dessus, les gars sont comme électrisés. Ça se propage, les yeux s’écarquillent, les veines battent. Olala, si ils savaient ce qui arrivent sur leur gueule ces pauvres orcs.

Il fait chaud. L’colonel il fait tourner son index et on se déploie comme un seul homme pour encercler le village. J’ai Féfé et Pine d’huître avec moi. Féfé il a pas l’air serein, j’pense que l’idée de buter du civil ça lui plait moyen. Pine d’huître a un bras en écharpe et est tellement à l’ouest qu’on dirait un mort-vivant. Et moi j’m’en branle de tout ça. J’ai soif, si soif que j’pourrai boire ma pisse. Ou d’l’eau croupie. Ou du sang. Il fait chaud. Alors on est là, couchés dans l’herbe jaune. Le soleil tape. On attend l’signal. J’entends les grillons, et les p’tits orcquillons qui rient dans l’village. Il se passe rien. J’ai les jambes qui tremblent, j’ai les dents qui claquent. Mon bide se tord. IL FAIT CHAUD. Je deviens taré. On attend dans la poussière, encore et encore. PAM PAM. Deux coups de feu et un cri de femme. C’est pas l’signal mais je m’en branle, je fonce ! Féfé et Pine d’huître ils courent sur mes talons et les autres aussi. En fait tout l’monde court et le cercle il se referme sur le village et ceux qui sont dedans.

Concentré Camille, concentré. J’suis pas l’premier arrivé et ça s’bastonne déjà. Ça court dans tous les sens. Un orcquillon m’passe entre les pattes en pleurant, je le calcule même pas et je rentre dans la première hutte. Vide. Je saute sur une cruche en terre. De l’eau putain ! DE L’EAU ! Je me la vide sur la gueule, je bois tellement de grosses gorgées que je m’escanne et je tousse comme un démon. AAAaaaaaah bordel ça fait du bien. Et puis là, un cuissot d’gros dindon. Je me jette dessus comme un rat et j’y plante les crocs. Putain j’suis malin, y’a personne dans ma hutte j’ai pas besoin de me battre pour bouffer. Dehors ça fracasse, ça hurle, ça pleure. Ca sent déjà le brûlé. Mais moi j’m’en branle, je bouffe comme un crève-la-main, comme un animal en cage.

Je ressors au soleil. Y’a déjà des corps étendus par terre. Y’a les deux orcquesses qui tiraient l’eau du puits. Le sang fait comme de grosses flaques brillantes dans la poussière, jusqu’à ce qu’on le piétine et que ça fasse de la boue. Il fait chaud putain. D’autant plus chaud qu’y déjà une hutte en train de cramer. Putain l’isolation en paille ça brûle bien. Et là j’vois mes gars qui courent dans tous les sens. Y’en a ils bouffent des trucs, d’autres ils boivent dans des outres. J’en vois trois s’acharner sur le kodo, trancher de belles entrecôtes dedans alors qu’la bête elle beugle toujours. Et j’en vois d’autres qui passent avec des trucs dans les mains, des fourrures, des bijoux en cuivre, de l’ivoire. Les salauds ! Ils laissent rien pour les autres !


- « Oh Salade viens là ! Y’a tout c’qui faut ! » qu’il me gueule le Féfé !

Moi j’attends pas je cours avec Féfé et Pine d’huître jusqu’à une autre hutte. On est comme fous, c’est l’hystérie générale. Autour c'est le chaos. Tout l’monde s’en donne à cœur joie, partout où tu poses les yeux y’a un corps d’orc qui rampe. Nous on arrive dans la hutte et on prend tout c’qu’on peut. On a les bras chargés de babioles, on regarde même pas on rafle large. On pourra trier plus tard, là faut juste prendre le plus possible. Et juste au moment où on va sortir y’a un truc qui cogne sur un panneau en bois, dans la hutte. Féfé il pose son butin, il arrache une espèce de porte de placard qu’on avait pas vu et là y’a une orcquesse. Elle nous regarde, elle a l’air paniquée. J’ai le sang qui bat aux tempes. Pine d’huître y regarde Féfé, Féfé il m’regarde. Et moi j’dis.


- « Chopez-la. »

Féfé et Pine d’huître y s’jettent dessus. Elle hurle et elle se débat mais Féfé il lui écrase un pot en terre sur la tête, ça la sonne, on lui attache ses poignets aux poteaux de la hutte. Il fait chaud bordel, j’ai la tête qui tourne. J’ai les mains moites. Mais je bande comme un putain de tauren.


- « Pute borgne, tenez-la cette furie ! » que j’gueule en débouclant ma ceinture.

Ils l’attrapent, ils l’immobilisent et lui écartent les jambes de force. Elle feule comme une tigresse, Féfé lui met une énorme patate dans le pif et lui fourre un torchon roulé en boule dans la bouche. Ils la tiennent bien, elle essaie de se débattre mais je lui file des coups puis j’arrive, froc aux chevilles et trique monstrueuse en main. J’lui fais son affaire, j'la besogne comme un buffle, les autres ils regardent et dès qu’elle bouge BIM châtaigne dans sa truffe. Ca vaut pas mieux qu’une bête ! Puis j’me relève, j’ai chaud, j’lui crache dessus. J’y vais pour prendre mes affaires mais Féfé il dit :


- « Attends j’y passe aussi oh ! »

Alors il y passe aussi. Elle bouge déjà presque plus, j’vois des larmes couler sur sa gueule d’orcquesse. J’m’en fous, je surveille nos bibelots pour pas qu’on nous les pique si y’a quelqu’un qui rentre. Dehors c’est hurlements, incendies et pots cassés. Pis c’est à Pine d’huître, il est tout excité il tremble. Là elle c’est fini elle se débat plus, elle regarde le plafond de sa hutte de merde. Puis quand on a terminé j’prends Titine et j’y vais pour écraser la tête de l’orcquesse mais Pine d'huître il dit :

- « La bute pas Salade. On peut p’êt’ passer la récupérer tout à l’heure. Comme une prisonnière, un otage. Ça peut rapporter du fric ça. Ou on la vendra comme esclave à Cabestan. » Pas con le Pine d'huître.

Bon on la laisse attachée, cuissots écartés, avec son torchon bien enfoncé au fond d’la gueule, et on va piller d’autres huttes. C’est le bordel, dehors et il fait de plus en plus chaud. Torride. Des semaines, des mois, des vies de frustration et de violence qui jaillissent comme un torrent de sang dans la gueule, plus fort que le soleil qui nous tape sur la caboche. C’est pas beau à voir. On fait des tas de tête de villageois, y’en a qu’on découpe pour s’amuser. Y’en a qu’on pend. On ricane on les asticote avec des brandons enflammés l’temps qu’ils meurent. J’vois Féfé passer en courant, le regard fou et tout sourire, avec un bébé orc empalé sur une lance qui glisse le long de la hampe. Tout le monde s’esclaffe. Il faut chaud. C’est une fournaise. Le village flambe. Ca sent le graillon brûlé. Y’a le colonel au milieu, torse nu j’sais même pas pourquoi. Il est couvert de sang, il se marre, il boit une bouteille de rhum qu’il jette dans une hutte ensuite et ça s’enflamme plus fort encore. Puis il dit que la fête est finie et qu’on se casse avec c’qu’on peut emporter. Et moi j’me dis merde ! Faut que j’aille récupérer l’autre qu’on va vendre comme esclave !

J’me mets à courir entre les huttes enflammées, je retrouve la notre dont le toit commence à brûler. Je rentre et je vois un petit orcquillon, grand comme un gosse d’une dizaine d’année. Il pleure sur le corps de l’orcquesse qui elle bouge plus du tout, les yeux ternes. On a dû lui enfoncer l’torchon trop loin dans la bouche pour pas qu’elle gueule. Elle s’est étouffée. J’y vais pour lui prendre ses bracelets quand même, ils ont l’air en or. Le petit orc qui pleure il pousse un cri d’rage et il se jette sur moi avec un couteau de cuisine. Je lui écrase Titine sur la tronche et je le réduis en pulpe en quelques coups. Puis j’prends les bracelets d’sa mère qu’est morte et j’me tire rejoindre les autres. Y’a des cadavres partout, des gosses empalés devant les corps pendus de leurs parents, tout le village n’est plus qu’un brasier immense. Putain il fait chaud.



Épilogue

Comme d’habitude, y’en a toujours qui savent pas fermer leur gueule. C’est remonté aux oreilles de l’état-major, c’qui s’est passé. Non pas notre guerilla héroïque contre les kor’kron. C’est l’affaire du village qui a fait jaser. Sauf qu'en fait c'est des gentils qu'on a buté, pas des méchants. Pas pratique ces guerres civiles. Bref. Ca a pas plu. L’colonel il a été « démis de ses fonctions ». J’sais pas bien en quoi ça consiste précisément mais c’que j’sais c’est qu’on va plus le voir de sitôt et qu’on a un nouveau colonel. Une femme, en armure, cheveux courts, manchot, l’air sévère, certainement mal baisée. On s’est dit qu’on allait en faire c’qu’on voulait, qu’on en avait vu d’autres et que c’est pas une putain de mégère comme ça qu’allait nous faire filer droit.

On se trompait. Sa première décision d’officier c’est de pendre un type sur dix pour le pillage du village. On a cru que c’était une vanne, mais non. On s’est aligné. Et elle, avec une armée de matons derrière elle, elle comptait en nous tapant le haut du crâne avec le bout de sa cravache. A chaque fois qu’elle disait « dix » ça partait pour l’échafaud. Y’en a un malin il a compté en avance et il s’est aperçu qu’il était un « dix ». Il a voulu changer d’place, le type d’à côté a pas voulu, donc il s’est enfui. L’colonel elle l’a abattu d’une balle dans l’dos. C’est pas une rigolote. Moi j’étais un « neuf ». Autant vous dire que j’ai sué d’la raie. Et Pine d’huître c’était un « un ». Donc bon pas besoin que je vous donne des nouvelles du gonze qu'était entre nous. Par contre j'vous vois venir et non c’était pas Féfé.

Féfé il a pas attendu le nouveau colonel. Il s’est pendu tout seul, le lendemain du pillage. J’l’ai trouvé en allant pisser, il se balançait tranquillement au bout de sa corde, la tête toute violette. La nuit lui avait porté conseil. Ah oui, il était comme ça Féfé, un sentimental. Il se posait toujours beaucoup de questions, il cogitait quoi. Ca pouvait pas être bon. Je pense que le coup de trucider du bébé ça a été un peu trop pour son petit cœur fragile. Ou alors violer une typesse devant son gosse, j’sais pas.

Et moi c’que j’en pense ? Que j’ai bien eu les boules quand il a fallu rendre le butin aux officiers. J’suis sûr que ces enculés en ont bien profité. Et des fois j’pense à ce petit orcquillon que j’ai buté. Si il faut Tomas il a son âge. Ca me ferait drôle quand même que j’apprenne qu’un orc a fait ça au chiard, même si que j’le connais pas. Et puis j’me dis qu’il faudrait songer à faire comme Féfé, quand même, un jour. C’est p’t’être faire plus de bien que d’mal tout compte fait.
Je suis le Grand Duc, seigneur de ces bois. Je vis avec mes gens, loin de la folie des hommes. La nuit je vole dans les sombres profondeurs de la forêt. Mon regard d'acier partout se pose, et sans bruit, comme le vent, je file entre les branches des arbres séculiers. Je suis le Grand Duc, seigneur de ces bois.

Avatar du membre
[MJ] Le Grand Duc
Warfo Award 2019 du meilleur MJ - RP
Warfo Award 2019 du meilleur MJ - RP
Messages : 1600

Re: [Warcraft] Souvenirs d'un Chat

Message par [MJ] Le Grand Duc »

Image



Quand Camille Chat va-t-il enfin mourir ? C’est ce que se demande l’intéressé alors que sa barque glisse sans un bruit sur le bayou fétide. Le paysage autour de lui n’est qu’eau noire, végétation en décomposition et palétuviers géants dont les racines plongent à la verticale dans ce delta sinistre tels des piliers de pierre grise au sommet desquels, loin là-haut, s’épanoui une canopée verte et bruyante. En haut, la vie et la lumière. En bas, les profondeurs saumâtres du marécage et tout ce qui y rampe. Le matou est accroupi à l’avant de la petite embarcation tandis que d’autres rament derrière lui. Il est déjà ivre et rend mollement leurs regards aux crocilisques qui infestent la boue des berges, ne prenant même plus la peine de chasser le nuage de moustiques qui grouille autour de lui. Camille est plongé dans ses pensées, grosse tête posée sur son gros poing, et songe à sa fin tandis que la Division Pénitentiaire s’enfonce toujours plus loin dans les canaux vaseux de Nazmir.

Il a escaladé les murs d’Orgrimmar pour se jeter contre la Horde de Garrosh. Il s’est battu sur un autre monde, dans les déserts et la jungle. Il s’est perdu au milieu des glaces. Il a chaviré quelque part dans le Grand Océan. Sur le Rivage Brisé, il s’est jeté le premier contre les batteries démoniaques en espérant disparaître sous le feu gangréné. Il s’est brûlé au soleil de Vol’dun, il a tremblé sous la foudre de la vallée Chantorage, il a été emporté par une avalanche à Drustvar. A Boralus, et parce qu’il trichait aux dés, un gang entier s’est jeté sur lui. A Zuldazar il a mangé un plein bol de champignons vénéneux. Les six autres qui ont partagé son repas étaient morts le matin suivant. Pas lui. Camille Chat ne mourrait pas. Avait-il neuf vies comme son patronyme le suggérait ? Pourquoi ne parvenait-il pas à en finir avec cette vie qui n’avait pas de sens ? Dix ans. Dix ans qu’il portait le tabard au Lion, des fers autour du cou et que sa peau se recouvrait de cicatrices et de tatouages. Il était un meurtrier alcoolique qui ne se levait le matin que pour recevoir des coups, en distribuer, se torcher la gueule à la vodka alteracienne et tout recommencer le lendemain. Et s’il crevait enfin ? Tout le monde s’en foutrait, c’est comme si qu’on écrasait un moustique. Pôpa ? Au diable cet ivrogne de merde. Baladinis ? Pas vu depuis le départ pour la Pénitentiaire. Son frangin l’avait sûrement oublié depuis. Le p’tit Tomas ? Il ne le connaissait même pas. L’enfant n’avait sûrement aucune idée de son existence.

Non. Camille Chat voulait décidément mourir. C’était mieux pour tout le monde, il en était persuadé maintenant. Et pourtant ça n’arrivait pas. Féfé s’était suicidé après les Tarides, mais le matou n’avait pas l’estomac pour s’ôter la vie seul. Animé par un irrépressible besoin de survivre, il fallait que quelqu’un l’aide, le force un peu pour mettre un terme à tout ça. Pine d’huître lui y était arrivé. Il était tombé à l’eau sur la côte de Tiragarde et une espèce de mollusque géant avait essayé de le gober tout rond. Au lieu de ça, le coquillage l’avait séparé en deux au niveau du râble et y’avait une moitié de Pine d’huître qui flottait sur la vague en lâchant de l’intestin grêle comme de la corde derrière lui. L’ironie quand même, Pine d’huître buté par une putain d’moule.

Mais cette fois bordel, j’le sens bien. Cette mission de merde c’est ma dernière. C’est la belle. Après j’aurai purgé ma peine et la Pénitentiaire me jettera. Donc c’est dans ce marécage pourri que je dois tirer le rideau. Et ça me va. Il est temps. On est là, deux douzaines de barques qui se suivent. Et moi bien sûr, j’suis dans la première. On doit ravitailler une base à nous quelque part au bord de cette rivière à la con, on sait même pas où. On va tous y passer, c’est tout c’qui compte. Y’a un sorcier avec nous, dans la barque qui suit la mienne. Pas un d’ces premiers de la classe à la con de Dalaran, non. Lui c’est un prisonnier, avec toute sa p’tite escorte personnelle de matons qu’ont pas l’air tendres. On dit qu’ils l’ont sorti du Caveau, que c’est un psychopathe qui se baigne dans le sang des enfants et qu’il mange du cœur cru au petit-déjeuner. Le Caveau c’est là qu’ils gardent les magiciens tarés et qu’ils les torturent pour en faire des armes dociles et dévastatrices. Lui là il est assis, un gros collier bizarre autour du cou, et il a les yeux qui papillonnent. Il est shooté complet, j’vois pas bien à quoi il peut servir. Dereck Ravenloft, qu’ils l’ont appelé. P’t’êt’ qu’il est juste là pour mourir lui aussi. On est là, tous à la queue-leu-leu, et on rame dans cet enfer vert. Et moi j’attends qu’une chose, c’est qu’la mort nous tombe dessus depuis là-haut, ou nous aspire depuis en dessous.

C’est des frondaisons que ça arrive, parce que tout d’un coup y a des cris de sauvages et des fléchettes à poil rouge qui pleuvent comme la grêle sur toute notre colonne. Ça fuse des arbres en haut, ça tombe des grandes statues couvertes de mousse qui nous regardent passer, ça tombe des joncs et des lianes. Derrière moi y’en a deux trois qui ripostent, j’entends des coups de feu qui frappent la végétation au-dessus de nous, mais à quoi bon. L’agresseur est invisible dans le mur vert. Moi je me marre comme un cinglé et je m’envoie une rasade de vodka en attendant la piqûre pendant que sur ma barque ça gueule comme des cochons. Y’en a plein qui sont touchés, ils tombent, ça tangue et j’manque de sauter dans la flotte. D’ailleurs elle est à éviter, la flotte, parce que les crocilisques ils sont déjà là et y a un qui déchiquète un p’tit gars à nous en roulant dans l’eau avec plein d’éclaboussures qui deviennent pleines de sang. D’accord j’suis volontaire pour y passer mais pas comme ça quand même ! Et puis j’suis un Chat, j’aime pas l’eau, c’est comme ça. Bon bien sûr les cure-dents ils sont empoisonnés et y’a des mecs derrière moi qui se roulent sur les planches avec de l’écume rouge aux lèvres et qui convulsent avant de crever dans leur chiasse. Ça a l’air de piquer ce machin, mais j’en ai aucun qui m’touche. Pourtant ça devrait pas tarder, et toute la colonne va crever, et nos copains ils auront jamais leur ravitaillement. L’ennemi on le voit même pas, des putains trolls de sang comme on a déjà combattu cent fois dans ces putains d’marécages.

Mais là j’entends les types dans la barque derrière et y’en a un qui gueule :


- « Enlevez-lui son collier, vite ! »

J’me retourne et j’vois les matons qu’enlèvent le gros collier du sorcier-taulard. Pis y’en a un qui lui met une grande tarte pour le réveiller. L’autre il cligne des yeux et il se lève. Autour ça continue d’pleuvoir des fléchettes, les trolls chantent et poussent des cris d’macaques depuis les arbres autour de la rivière et nous on fait les cibles, on crève en bavant. Sauf que Ravenloft, il se met à agiter les bras. Il fait des gestes bizarres mais calculés, les poings fermés sauf l’index et le p’tit doigt. Il trace des signes dans l’air pendant qu’la mort pleut tout autour. Un d’ses matons est touché dans la gorge et tombe à l’eau. Le bordel que font les crocilisques en le bouffant ça gêne même pas le mage qui continue sa chorégraphie de tapette sous poudre de mandragore. L’air commence à onduler autour de lui. Y’a des trucs qui crépitent.  Ca devient du sérieux. Même moi j’ai les poils qui s’dressent. J’le vois ses lèvres bougent il dit des trucs mais j’entends pas quoi. Puis ses yeux s’illuminent. L’eau autour d’sa barque bouillonne, ses gardiens encore vivants se mettent à hurler.

Et c’est là qu’est l’tout paradoxe du Chat. Gnagnagna j’ai envie d’mourir. Gnagnagna faut que tout s’arrête. Gnagnagna adieu monde cruel. Bah en attendant j’ai un putain d’bon réflexe et j’me jette au fond d’mon bateau, sur les collègues qui agonisent. Et j’fais bien, parce qu’au même moment le monde s’embrase avec une explosion tout autour de nous. J’vois un torrent de feu qui passe au-dessus, qui arrose les berges avec un rugissement de dragon. J’entends les trolls. Ils chantent plus. Ils hurlent. Y’a des torches vivantes qui sautent dans l’eau pour se faire bouffer par les sauriens. Y’a de la fumée partout. La chaleur devient insupportable, le marécage brûle c’est une fournaise. Je lève un peu la tête au-dessus du rebord de la barque. J’vois le sorcier qui s’est rassit tranquillement comme si de rien n’était alors que de chaque côté de l’eau c’est un mur de flammes qui se reflète sur la rivière.

Bon bah la mort c’est pas pour aujourd’hui. Parce qu’après le prochain méandre on arrive à la base, et on lâche le ravitaillement. Et c’est comme ça qu’elle finit, ma dernière mission. Ca y est. Dix ans d’Pénitentiaire. J’ai purgé ma peine. On m’enlève mon collier à matricule, on prend mes plaques et mon tabard, on me colle une dernière baffe et on me dit « casse toi » en me jetant dans le premier transport pour l’arrière.

Et là c’est le vide. J’vais faire quoi moi ? Putain, mais où est-ce que j’vais aller crever …

Suite à ces évènements, Camille Chat s'engage avec son frère dans la guilde Rétribution.
Je suis le Grand Duc, seigneur de ces bois. Je vis avec mes gens, loin de la folie des hommes. La nuit je vole dans les sombres profondeurs de la forêt. Mon regard d'acier partout se pose, et sans bruit, comme le vent, je file entre les branches des arbres séculiers. Je suis le Grand Duc, seigneur de ces bois.

Avatar du membre
[MJ] Le Grand Duc
Warfo Award 2019 du meilleur MJ - RP
Warfo Award 2019 du meilleur MJ - RP
Messages : 1600

Re: [Warcraft] Souvenirs d'un Chat

Message par [MJ] Le Grand Duc »

Camille Chat a neuf ans, un sourcil déjà fendu et les genoux toujours noirs et bugnés. Il porte une vieille salopette dont une des bretelles ne tient plus et la corde de ses espadrilles s’enfuie de tous bords. C’est un enfant turbulent, sauvage, mauvais joueur, boudeur, mais un enfant tout de même. Il fait toujours la gueule, son petit nez froncé et ses joues gonflées. Mais les mauvais jours, Maman Chat lui fait du lait chaud et lui donne un bâton de réglisse à machéguer. Et tout va mieux pour le petit matou.

Avec les copaings on va pêcher au Lac de Cristal. Normalement on a pas l’droit parce que l’an passé y’a Géraldine qui s’est faite enlever par les murlocs mais nous on est costaud d’abord et puis on a pas peur ! Y’a Valou qu’a même piqué un couteau à son père, Sigid il a sa fronde et moi j’ai une grosse bûche. Alors qu’ils viennent les murlocs ! Nous ce qu’on adore c’est gratter fort la terre avec nos ongles noirs pour trouver des vers bien juteux. Après on les attache au bout de la ligne et on va pêcher. On attrape des goujons, des perches, des gardons et même parfois des ablettes. On a trouvé un p’tit endroit tranquille bien caché d’où personne peut nous choper, même pas le vieux Père Julien. D’ailleurs Sigid il a dit que si le Père Julien nous trouvait ça s’rait une bonne occasion pour le saigner. C’est tout c’qu’il mérite le Père Julien, parce qu’il profite de la messe pour essayer de nous toucher le zizi. Nous on est p’têt’ des gamins mais on est pas con. On sait que c’est pas bien. Alors si il vient par là avec son regard mouillé et son haleine de gnoll on le bute. Croix d'bois, croix d’fer.

Et pis moi c’que j’adore aussi c’est quand on va mettre la râclée à la bande du Comté-de-l’Or. Nous on est « l’armée du Val d’Est » et eux c’est juste des p’tits pédé. J’sais pas trop c’que ça veut dire mais j’ai entendu Béber l’bouvier dire ça la dernière fois en parlant du prévôt royal. Et vu qu’il l’aime pas trop ça doit pas être bien gentil. Alors nous c’qu’on fait c’est que quand nos papas ils sont à la scierie ou dans les bois bah on prend des frondes et des bâtons et on va attaquer les autres du Comté-de-l’Or. Des fois c’est eux qu’attaquent aussi. On se tabasse derrière la ferme des Champierreux et c’est vraiment trop bien. J’adore. On prend des trophées, on arrache les lacets de leurs souliers quand on peut. Et eux ils font pareil. On a appelé ça la « guerre des lacets ». Moi j’crains rien j’ai pas d’souliers à lacets, Môman elle dit qu’c’est trop cher et que « ça sert à rien pour c’que j’en fais ». Enfin quand même, la dernière fois Sigid il a tiré un gravier dans l’œil d’un pédé du Comté-de-l’Or et après y’a un sergent qui est venu et qui l'a fouetté avec une branche quand même. Des fois ça barde. Mais bon c’est ça l’prix de la bagarre aussi. Et j’vous le dis : ça vaut le pinfle.

Là on a fait la guerre des lacets toute la journée et on s’est bien fait maraver parce que Sigid il a la fièvre et Valou il est grondé. Alors j’étais tout seul dans l’armée. P’t’être j’aurai pas du y aller. Ils m’ont cassé une dent et Môman va me passer un soufflon. Mais bon pas grave parce qu’après elle me donnera quand même un bâton de réglisse. Elle est trop bien Môman. Bon alors je rentre à la maison. Comme prévu j’me fais gronder et comme prévu je boude alors Môman elle vient m’amener un bâton à machéguer. Héhé pas bête le Camille.

Et puis là j’entends des gros pas dehors et la porte elle s’ouvre. C’est Pôpa. Et il a la tête de quand il a beaucoup travaillé à la scierie et qu’il est fatigué. C’est Môman qui appelle ça comme ça, mais moi je sais c’est pas vrai. Ca fait des mois qu’il est plus à la scierie parce que le contremaître il le veut pas parce qu’il est tout le temps bourré. Alors il est toujours bourré mais juste il travaille plus. Et c’est pour ça qu’on a pas d’argent. Là Pôpa il a l’air super bourré. Il a une bouteille dans la main. Môman elle est pas contente.

- « C’est à cette heure là que tu rentres ? » qu’elle lui dit.
- « Ta gueule sorcière. » il lui répond.

« Ta gueule » ça veut dire « tais toi ». Mais Môman elle est pas du genre à se taire. Elle a son caractère Môman. Alors elle gueule. Lui aussi il gueule. Et puis comme d’hab il lève le poing. Il menace de la frapper. « Pas devant le petit » qu’elle dit, comme d’hab. Et lui comme d’hab il s’en fout et il commence à la cogner méchant. Il lui met des baffes, elle tombe, il lui met des coups de pied. Elle hurle.

Moi dans ma poche j’ai le couteau du papa de Valou qu’il m’a prêté pour aller faire la guerre des lacets. Et je le serre fort dans mon dos. Ma Môman elle est trop gentille pour qu’un pédé comme Pôpa il la frappe. Alors j’vais aller lui planter dans le ventre. Pour aider Môman. J’vais sûrement en prendre une mais j’m’en fiche. J’ai déjà perdu une dent, j’suis pas à ça près. Alors je prends mon couteau, je pousse un cri et j’saute sur Pôpa.

La beigne m’attrape en vol, je roule par terre j’sais même pas où j’suis. J’vois le pied arriver en plein dans mon ventre pour me plier en deux. J’peux plus respirer.


- « Petit enculé … Tu voulais tuer ton père, HEIN ? Tu vas voir … » qu’il dit Pôpa.
- « NON. » Ca c’est Môman. « Pas le petit ! Georges, pas le petiot, il y est pour rien ! CAMILLE. Va dans ta chambre. »

Moi je m’enfuis en courant dans l’escalier. J’ai trop honte de laisser Môman toute seule mais mais j’peux rien faire contre Pôpa il est trop fort. J’suis qu’un gamin moi. J’m’en vais en criant et j’entends que ça cogne en bas. Môman elle dit « Georges pas trop fort, Georges j’suis enceinte. » Puis j’entends que ça cogne quand même, y’a de la vaisselle qui se casse, c’est le bordel.

Moi je saute sur mon lit et fous la tête dans l’oreiller et je crie tellement fort que je peux plus respirer. Je crie, je crie, je crie jusqu’à c’que je m’endorme tellement que j’ai crié. Puis j’suis réveillé plus tard, par un pas lourd dans l’escalier. J’connais la routine, c’est Pôpa. Il va venir pleurer et s’excuser z’allez voir.


- « Pardon mon Camille, pardon … pardon, excuse-moi … » qu’il dit en rentrant.

Teh, j’l’avais dit. Il vient dans le lit avec moi en pleurant comme un bébé. Il pue l’alcool et la sueur et la pisse et il pleure, il pleure en me caressant la tête. Moi j’dis rien. Il s’excuse, il dit c’est pas sa faute, il dit il est très triste, qu'il voulait pas me cogner, que sa vie c’est un enfer, blablabla. Toujours la même rengaine. Puis il s’endort comme ça, il se met à ronfler. Il pense que j’lui pardonne ce pédé. T’inquiète Georges, t’inquiète. Pour l’instant c’est toi qui colle les beignes, mais attends qu’petit Chat il devienne grand.
Je suis le Grand Duc, seigneur de ces bois. Je vis avec mes gens, loin de la folie des hommes. La nuit je vole dans les sombres profondeurs de la forêt. Mon regard d'acier partout se pose, et sans bruit, comme le vent, je file entre les branches des arbres séculiers. Je suis le Grand Duc, seigneur de ces bois.

Avatar du membre
[MJ] Le Grand Duc
Warfo Award 2019 du meilleur MJ - RP
Warfo Award 2019 du meilleur MJ - RP
Messages : 1600

Re: [Warcraft] Souvenirs d'un Chat

Message par [MJ] Le Grand Duc »

Le lion, le chat et la mésange

Camille Chat marche de long en large sur une plage de Féralas, se baissant parfois pour ramasser une pierre ou un coquillage qu’il lance rageusement dans les vagues. La compagnie mercenaire dans laquelle il a signé est en campagne dans les terres sauvages où sa mission est de récupérer un héritage ancien pour le compte d’un commanditaire hurleventois. Pour honorer leur contrat, les engagés de la Rétribution devront gagner les faveurs des kaldoreï, affronter satyres, ogres et autres créatures malfaisantes, remporter le Grand Tournoi de Hache-Tripes et déjouer les manigances des équipes adverses. Ils ont déjà affronté de grands dangers, et de plus grands périls les attendent encore. Mais là, sur cette plage, le taulard ne pense pas à tout ça.

Non, il pense à sa mésange. Charlie Stardust, une gilnéenne au caractère bien trempé et au regard sévère. La brute en est fou. Lui qui n’a connu que les prostituées du port de Hurlevent et dont les relations sentimentales se limitaient à quelques pièces contre une passe, il est aujourd’hui complètement gaga d’une femme dont les sourcils froncés le font pourtant frémir. Son gros cœur bat plus vite lorsqu’il la voit, la chaleur envahit son poitrail de buffle et les miasmes sinistres qui oppressent son esprit s’écartent lorsque le matou retrouve sa belle dans la moiteur de sa tente.

Camille est amoureux, à sa plus grande surprise et à son grand désarroi. Il a massacré, violé, pillé, connu les sévices et les tortures, vécu une vie de violence où nulles émotions n’existaient sinon la rage et la soif de sang. Et le voilà désormais émerveillé comme un enfant, rougissant parfois, lorsqu’il voit Charlie se dévêtir devant lui. Ce minois boudeur lui fait tourner la tête. Il pourrait tuer pour frotter encore une fois son nez cassé dans cette crinière d’ébène, inspirer profondément pour capter son odeur, passer ses paluches sur ces hanches et ces fesses musclées. La nuit, lorsqu’elle dort d’un sommeil lourd en retour de mission, le Chat écoute son souffle chaud et laisse courir le regard sur cette silhouette féline dans la pénombre. Il la révère, la chérit, connait chacun des détails de son corps et se délecte à chaque fois de la dévorer. Intense, il en idolâtre le moindre détail, la moindre imperfection : ses joues creuses, les taches de rousseur que le soleil piquant de Kalimdor fait apparaître sur son visage fin, les cicatrices qui marbrent ses membres, la grue rouge de Krasarang qui niche dans son dos.

Mais voilà. La mésange est un oiseau libre aux mœurs volages. Bien qu’il dise le contraire, Camille n’aimerait rien plus que d’enfermer ce joli volatile dans une cage dorée pour pouvoir l’admirer à longueur de journée, la garder pour lui seul. Mais lui qui a connu les fers, les entraves et les barreaux d’une prison, il sait qu’il ne peut s’y résoudre. Incapable de le formuler aussi clairement dans son esprit, il a pourtant bien conscience que séquestrer Charlie est au-delà de ses forces pourtant immenses. C’est faire d’une pierre deux coups fâcheux : la perdre pour toujours et s’attaquer à ce qui l’a secrètement maintenu en vie toutes ces années passées à la Pénitentiaire, le besoin viscéral, animal, sauvage ! de jouir de sa liberté.

Alors le Chat traîne dans les ombres lorsque sa mésange le quitte, rôde et tourne sur lui-même en maugréant. Il la regarde s’éloigner sur ses longues jambes. Il sait où elle va, oooooh oui il le sait. Elle va retrouver Lomerak. PUTAIN. Camille enrage, exulte. Il essaie de se trouver des raisons. Pourquoi a-t-il envie d’ouvrir la gorge du Bleu ? De le pendre avec ses propres tripes en l’asticotant à coup de tison chauffé à blanc ? Est-ce là une manifestation naturelle de l’antagonisme entre un taulard et un ancien garde de la Cité Blanche ? Est-ce simplement parce qu’il lui vole sa belle le temps de leurs foutues et -présumées- platoniques balades ?

Non. La vérité est pire et torture le matou. Camille Chat ne déteste Lomerak Owein que parce qu’il l’admire, le jalouse furieusement, rêve d’être lui. Lomerak fut un fier officier de la Garde Urbaine, loyal au Roi et à Hurlevent, qui a versé son sang pour défendre la veuve et l’orphelin. Camille n’est qu’un fils de pute sans foi ni loi qu’on envoyait en première ligne aux côtés des ratés de sa trempe. L’un est droit, juste, courageux et sincère. L’autre est turbulent, mauvais comme un ail, belliqueux et menteur. Le Bleu est le fier papa d’un fils promis à un avenir honorable. L’ancien prisonnier est le père indigne d’un enfant qu’il a abandonné et qui est mort sans le connaître. Un héros contre un vaurien. Un chat de gouttière contre un lion. Le matou voit la mésange attirée par cette lueur flamboyante que même lui suivrait dans l’action les yeux fermés. Alors il se rêve en champion, comme à travers un miroir brisé où il voit tout l’inverse de ce qu’il est.

Il en veut au monde entier, et à Charlie encore plus. Mais est-ce bien juste ? Sa pensée déroule, et Camille se maudit en excavant peu à peu la douloureuse réalité. Que peut-il apporter à cette femme, lui qui ne cause que barouf et désordre partout où il passe, qui s’attire les foudres de tous et qui semble incapable d’exprimer autre chose que la colère ou la rancœur. Impatient comme un gosse, seules ses pulsions dictent sa conduite sans jamais qu’une réflexion préalable ne vienne le freiner. Malhonnête et trompeur, il ne manquera pas de blesser la mésange en tournant autour d’une autre d’un peu trop près. Il ne pourra pas lui offrir une belle vie, une maison, une famille car il aura dépensé toute sa paye en boisson ou sera mort avant. Et jusque-là, il ne fera que l’étouffer par ses humeurs et sa jalousie, se rendra insupportable, tout à fait désagréable et de mauvaise compagnie.

PUTAIN. J’suis qu’une merde, j’la mérite pas. En fait elle a bien raison, d’aller voir le Bleu. J’serais une fille j’irai aussi, tiens. J’sais même pas pourquoi elle y est pas allée avant. Conneries … Putain. Lui bah ouais, il saura la rendre heureuse. Quand ils prendront leur p’tite retraite ils iront tranquillement s’installer à Hurlevent, avec tous ses copains d’avant, et pis ils auront une jolie maison en ville et feront des enfants et la mésange elle s’ra aux anges. Ouais Camille, allez ducon. Pour une fois dans ta putain de vie, r’garde les choses en face. C’est ça l’courage, c’est pas charger et dérouiller des mecs. Ca tout le monde peut le faire. Allez Camille, tu prends tes couilles à deux mains et tu vas voir Charlie, tu lui dis « casse toi tu m’intéresses plus » et tu la laisses partir. Tu lui rendras service. Toi t’es bon que pour le casse-pipe, la potence ou la boisson, et rien d’autre. T’as cru que t’étais fait pour l’amour ? Mais regarde toi, espèce de gros trou du cul. T’es un idiot, tu sais à peine lire et écrire, t’as plus de gens qui veulent te voir crevé qu’en vie et t’emmerdes tous les gens qu’tu croises. Allez allez, va la voir ta jolie mésange et laisse la partir. Tu pourras aller crever tranquille.



Paradoxalement, la grande force de Camille Chat réside dans sa capacité à ne pas trop réfléchir sur sa condition. Ne pas se poser de questions, c’est continuer d’avancer. Sans rien améliorer, certes, mais sans devenir fou non plus. Résister, survivre. Mais lorsque le matou commence à se faire des nœuds au cerveau, un nouveau mécanisme intervient de manière tout à fait naturelle : le déni. Et chez l’ancien taulard, le déni prend la forme d’une amnésie soudaine, inconsciemment volontaire, qui lui permet de faire s’envoler les idées noires qui le rongent d’un simple remous de matière grise. C’est là sa façon de surnager au-dessus de ce qui cherche à l’engloutir.

Non, Camille ne va pas renvoyer Charlie. Pas encore.
Oui, le Chat va continuer de se rêver Lion.
Et il continuera de tituber sur cet équilibre instable en espérant secrètement que les choses se passeront au mieux de par elles-mêmes, et en sachant pertinemment que ce ne sera pas le cas.
Je suis le Grand Duc, seigneur de ces bois. Je vis avec mes gens, loin de la folie des hommes. La nuit je vole dans les sombres profondeurs de la forêt. Mon regard d'acier partout se pose, et sans bruit, comme le vent, je file entre les branches des arbres séculiers. Je suis le Grand Duc, seigneur de ces bois.

Avatar du membre
[MJ] Le Grand Duc
Warfo Award 2019 du meilleur MJ - RP
Warfo Award 2019 du meilleur MJ - RP
Messages : 1600

Re: [Warcraft] Souvenirs d'un Chat

Message par [MJ] Le Grand Duc »


Image

Extrait de l’essai « Pratiques et traditions ancestrales, une étude des comportements humanoïdes » rédigé par le Comte de Blancpenoy et édité aux éditions du Nénuphar.
Pour les hommes se tatouent-ils ? Quel besoin impérieux peut-il pousser un être de raison à volontairement scarifier sa peau et à encrer cette blessure afin de marquer éternellement la forme parfaite que lui a donné la nature ?

Les trolls qui vivent dans les îles tropicales au large de Kalimdor se tatouent pour que leurs Loas puissent les voir depuis le royaume des esprits. Les Marteaux-Hardis et les Sombrefers le font pour indiquer à tous leur appartenance au clan et à la famille. Les Mag’har d’Outreterre incrustent dans leur peau des récits de chasses et de combats épiques, et les mystérieux Shen’dralar d’Eldre’thalas canalisent l’énergie arcanique grâce aux encres enchantées qu’ils ajoutent à leurs pigments.

Chez tous les peuples qui pratiquent cet art, que leur foyer soit en Azeroth ou dans d’autres mondes, le tatouage est synonyme de pouvoir, de lien ou de magie. Il est la tentative de l’être conscient de contrôler sa chair, de dépasser les frontières du monde physique en créant un passage, un pont entre le domaine du tangible et celui de l’invisible. C’est une marque sacrée, un symbole d’appartenance, un élément esthétique qui permet de différencier le connu de l’inconnu, le sacré de l’impie, l’ami de l’ennemi. Aussi idiot un ogre soit-il, il ne frappera pas son semblable si ce dernier arbore les mêmes tatouages que lui.

Les habitants des nations dites « civilisées » (terme qui n’est, comme le soulignait mon éminent confrère le conservateur Cogne-Roche du musée de Forgefer dans son ouvrage de référence intitulé « Les Empires Trolls », que largement relatif) ont cependant tendance à considérer le tatouage comme un élément vulgaire, signe de mauvais goût au mieux, d’infamie au pire. A Hurlevent, ils n’apparaissent que dans le dos des marins et des prostituées, de la soldatesque et de la racaille qui infeste nos geôles. Jamais un patricien respectable ne voudra que sa fille ne salisse ainsi sa peau d’albâtre et un baron au visage ou aux mains tatouées serait assurément la risée de la Maison des Nobles.

C’est pourtant faire preuve ici d’une grande fermeture d’esprit, car le tatouage n’est rien d’autre qu’un lien entre un être perdu dans cette existence dépourvue de sens, et ses aspirations au divin et à l’éternel. Tant que ces individus à la sensibilité profonde marcheront sur la vaste terre, ils continueront d’encrer leur peau, comme une ode touchante dédiée à l’infini et aux mystères.


Camille Chat, machine vrombissante en main, est penché sur le postérieur d’un soldat de la 7ème Légion. Langue tirée dans un effort de concentration, il trace consciencieusement les deux cercles, le long fourreau, la petite fente, puis saupoudre le tout de quelques traits pour représenter les poils. C’est le treizième pénis qu’il tatoue en moins d’une heure. Et pour cause, car cette escouade d’élite vient de perdre le pari qu’elle avait lancé aux gars de la Division Pénitentiaire, la veille au camp, lorsque l’ordre de mission était enfin tombé. Les deux corps conjoints devaient alors prendre une position tenue par la Horde, un temple en ruine quelque part dans la mangrove de Nazmir. Le combat avait été féroce, les pertes nombreuses, mais c’était bien un taulard qui avait arraché l’étendard rouge sang du sommet du temple pour le jeter dans la boue. Alors désormais les gars de la 7ème faisaient la queue devant la tente du matou, tirant la gueule sous les quolibets des crapules en attendant de recevoir le prix de leur orgueil. Camille exulte, aussi fier que revanchard : il est bien content de tatouer des bites.

Il serait inexact d’affirmer que le Chat est complètement stupide. Certes, c’est une brute mal dégrossie dont les centres d’intérêts sont assez précisément tournés vers la bagarre, la boisson et les femmes. Un gros bonhomme gonflé de testostérone, élevé à la dure, qui a eu un parcours chaotique et à qui on a rarement demandé de faire fonctionner son cerveau plutôt que ses muscles. Mais il n’en reste pas moins un homme, marbré des mêmes peurs, incertitudes et questionnements que tout un chacun. Limité, l’ancien prisonnier semble incapable d’exprimer ses émotions autrement que dans le tumulte de la violence et de l’injure. Frustré, il n’arrive le plus souvent qu’à communiquer de manière primale, n’utilisant que les leviers de la crainte qu’il peut inspirer à autrui ou du respect acquis dans le sang.

Mais ce butor qui était encore analphabète il y peu possède un don aussi inexplicable qu’incongru : celui du dessin. Camille Chat est capable, comme nul autre pareil, de capturer les formes et les mouvements du monde autour de lui pour les coucher sur la peau, qu’elle fut celle d’un parchemin ou bien d’un être vivant. Il a une maîtrise innée des proportions, il excelle à saisir l’atmosphère d’une image et ses croquis s’animent comme une scène pleine de vie. Et parce que le matou est mu par un féroce instinct survivaliste, il mise naturellement et inconsciemment sur ce cadeau de la nature pour communiquer d’une manière qu’il lui est impossible de faire avec ses mots. Ce qu’il ne sait exprimer en parlant, il le fait en tatouant.

Dessiner des bites sur les gars de la 7ème, c’est les forcer à l’humilité, leur dire que la racaille a sa place aux côtés de la fine fleur de l’Alliance. Lorsqu’il grave Chi Ji la Grue Rouge sur le bras de Landen Bervann ou dans le dos de la mésange, c’est pour se rapprocher de ceux qui ont survécu au même enfer que lui, comme une tentative de les ancrer pour toujours dans son monde. Quand il pose un phare sur l’épaule de Taylor Dagern ou qu’il couvre le corps de Dereck Ravenloft d’un ciel orageux, il imprime sa griffe indélébile sur des gens qui ont croisé sa route et qui comptent probablement plus pour lui qu’il ne pourrait jamais l’admettre de vive voix. En poinçonnant la paume de Thesryn Alarone, il lui fait l’aveu silencieux d’une amitié sans failles. Et quand la lune est pleine et qu’un mercenaire profite de la nuit pour venir le trouver, le matou se fait alors le complice de secrets qui viennent s’allonger discrètement sur la peau de son affidé.

Son corps lui-même n’est qu’une page sur laquelle se déroule l’histoire du Chat, sans même que l’intéressé ne s’en rende vraiment compte. Sur ses jambes, ses bras, son torse apparaissent les symboles de ce qui a marqué sa vie, comme le condensé ésotérique d’une existence cabossée par les événements. La draeneï lascive parle de sa virilité, l’ancre et l’astrolabe de ses déploiements, les crânes de ses victoires, le garde de ses défaites. Pour l’observateur attentif, il s’y concentre ses peurs et ses pulsions, mais aussi toutes ses contradictions : quand une épaule porte le portrait d’un frère qu’il a aimé et failli à protéger de la mort, l’autre arbore le masque grimaçant du premier homme qu’il a tué et dont le fantôme le hante encore aujourd’hui.

Du caractère pandaren indiquant « force » -c’est du moins ce que Camille croit, car il signifie en réalité « oignon », la faute à un moine facétieux de Micolline- tatoué derrière son oreille, jusqu’aux chaînes à ses chevilles en passant par le matricule de la Pénitentiaire gravé sur ses phalanges, le Chat pare son corps de son propre récit, cherchant à laisser ainsi son empreinte dans le tumulte de l’existence, avec la force rageuse et le souffle rauque qui le caractérisent.

Parmi tous ces tatouages, il en manque un. Celui qui doit raconter la nouvelle vie du matou, les changements drastiques et profonds qui se déroulent en lui, les amitiés et inimités, les aventures et les morts : la dague de la Rétribution. Mais cette dague se mérite et Camille Chat, malgré toute sa mauvaise foi et son comportement exécrable, compte bien s’en montrer digne.
Je suis le Grand Duc, seigneur de ces bois. Je vis avec mes gens, loin de la folie des hommes. La nuit je vole dans les sombres profondeurs de la forêt. Mon regard d'acier partout se pose, et sans bruit, comme le vent, je file entre les branches des arbres séculiers. Je suis le Grand Duc, seigneur de ces bois.

Répondre

Retourner vers « Écrits Libres »