[Warcraft] Souvenirs d'un Chat
- [MJ] Le Grand Duc
- Warfo Award 2019 du meilleur MJ - RP
- Messages : 1600
Re: [Warcraft] Souvenirs d'un Chat
Un soir, à Hurlevent
Fierté. Sentiment de revanche. Joie, peut-être ? Camille Chat était aux anges. Mais au moment où le Capitaine leva son bras pour le déclarer vainqueur, tous ces sentiments se bousculaient dans son crâne sans qu’il puisse correctement les digérer. Sa couenne tatouée luisait de sueur et son regard trahissait autant son orgueil qu’une certaine confusion, comme s’il se retrouvait désormais bloqué au sommet sans savoir trop quoi y faire. Sa bouche était ouverte, haletante, et il ressemblait finalement à un gros poisson hors de l’eau tandis qu’il balayait la foule des yeux avant que cette dernière ne se disperse.
Maintenant il fallait fêter ça. Peu grégaire, le mercenaire voulait pourtant faire la bringue avec les autres de la compagnie. Egoïste, il décida néanmoins d’utiliser une partie de son premier prix pour payer une tournée générale, probablement emporté par son enthousiasme. Alors il invita ceux qui étaient là et ouvrit la marche jusqu’au Quartier Nain pour préparer la fiesta qui s’annonçait. Il était excité comme une puce, le nouveau champion, et commanda plusieurs bouteilles de vodka alteracienne, ainsi qu’une dizaine de dés à coudre qu’il rempli lui-même et aligna sur le comptoir pour accueillir les autres.
Ils tardaient à venir. Camille attendait, cachant mal son impatience. Les minutes s’écoulaient pourtant, personne ne semblait arriver, et l’emballement de la brute se transforma peu à peu en une impassibilité déçue. Il l’avait dit à la prêtresse à Vaillance, et il se rappelait maintenant ses propres mots : « Sur la route t’es seul. Tout seul. » Comme il le faisait avec la plupart des choses de la vie, le Chat masqua sa contrariété avec une couche de balourdises.
- « Qu’ils aillent tous se faire foutre. »
Et il attrapa le premier verre pour se l’envoyer cul-sec avant d’encaisser une grimace crispée. Deuxième verre, hop ! Et troisième, et quatrième ! Putain ça chauffe. Je rote dans ma bouche, je recommence. Cinq, six, sept. Comme au bon vieux temps. Huit, neuf et dix. J’ai envie de vomir.
Bien entendu, le mercenaire trouve le moyen d’insulter le serveur pour une raison ou pour une autre. Le serveur appelle le patron, qui appelle le service de sécurité. L’ancien taulard se retrouve dehors, n’ayant réussi à sauver qu’une seule bouteille de vodka. La nuit est déjà avancée, il est tard. Les rues du Quartier Nain sont peu fréquentées. La lune brille, le matou rote et se rend subitement compte qu’il a envie de baiser. Alors, comme guidé par un vieil instinct, il suit ses pas qui le guident vers le port. Et pendant le trajet, il s’enquille la bouteille à même le goulot.
Lorsque Camille Chat décide de se mettre une murge à base d’alcool de grain et de mauvaise humeur, cette dernière suit généralement trois étapes assez clairement définies.
La première, dans le cerveau étriqué du champion, s’appelle peut-être « la Colère ». La Colère, c’est lorsque le Chat déverse sans s’arrêter des flots s’insanités à l’encontre de ceux qui croisent son chemin ou qui traversent son esprit. Tout n’est alors que violence, agressivité, attitude négative et comportement odieux. C’est pendant la Colère que Camille frappe. C’est là que, porté par quelque sentiment de haine ou de jalousie, il est capable des pires choses. Dans la Colère, il a un jour assassiné un camarade taulard en lui tenant la tête enfoncée dans les latrines uniquement parce que l’autre utilisait des dés truqués. Il avait tabassé une pute qui lui refusait ses services, il avait insulté un officier, il avait volé son croûton à un mendiant, il s’était torché avec un morceau de parchemin et l’avait glissé sous l’oreiller de Sioraï d’Erdeval.
Là, en descendant vers les tripots les plus sordides du port, le mercenaire tournait à plein régime. Un habitant pressé lui coupe la route, il lui lance une bordée d’injure et lui fait un doigt d’honneur. Un mendiant vient lui demander une petite pièce, Camille lui retourne une mandale qui doit lui faire tomber les quelques dents qu’il lui reste. Puis, à défaut d’adversaires physiques, le matou s’en prend aux figures qui errent dans ses pensées. A commencer par ceux qui méritent le plus qu’il leur envoie une châtaigne bien sentie dans la gueule. Ouais, hein ! Parlons-en dans ce gros connard de Brisby. Quoi, il me crache dessus ? Devant tout l’monde ? Ça c’est un sergent ? Il a d’la chance que je sois discipliné, sinon j’me ferais un plaisir d’ouvrir cette grosse bedaine avec mon canif. Ah il faisait moins le beau ce fils de pute, quand j’lui ai collé la pâté. Héhé, tu l’as vu passer sous ta moustache débile, le titre de champion ? Gros con.
- « Ouais, gros con. » grommelle Camille, complètement ivre, comme pour plussoyer l’alter ego furieux qui habite son crâne.
Et pis ce con d’lieutenant aussi, il va en prendre pour son grade. Meuhmeuhmeuh moi moi moi meuhmeuhmeuh trop blasé trop fort trop de sacrifices trop un héros gnagnagna. Oh putain il me gaaaaaaaave j’ai bien envie d’lui faire fermer sa gueule. Bon il me mettrait p’têt’ une dérouillée ce con, mais un bon coup entre ses oreilles de cabot ça serait réglé tiens. Quelle merde ! Et ça c’est officier, ah ! Ca les f’rait bien rires à la Pénitentiaire. Et pourtant eux-mêmes sont de beaux enculés. Ca se dit Lieutenant, ça fait que parler d’lui, que pleurnicher, ça fait le beau sans cesse, ça peut pas s’empêcher d’donner son avis sur tout. Et puis il doit quand même en avoir marre de sucer le Capitaine sans cesse comme ça. Moi j’les connais les mecs comme ça. Il complexe sur sa p’tite bite et puis c’est tout. D’ailleurs il devait pas partir à la retraite ce connard ? Qu’est-ce qu’il fout là encore. Allez du vent, ça f’ra des vacances putain. Merde faut que j’vomisse.
Camille Chat s’appuie contre une charrette, en bas des rampes qui mènent au port, et vomit sur ses bottes. Pour faire passer le goût âcre, il boit une gorgée de vodka. Il est déjà dans un sale état. Parlant tout seul, s’agitant, le regard vide et la bouche baveuse, il fait probablement peine à voir. Mais gare à celui qui croise sa route, parce que la Colère n’est pas terminée.
Bah ouais ! Tous des enculés ! Et l’basané là ! Il m’en colle une, devant tout l’monde, personne lève le p’tit doigt. Ah ouais c’est comme ça qu’ça marche ? Je vais l’attraper lui, je vais le suriner derrière une écurie, je vais lui tailler les mollets, je vais lui enlever les oreilles et les lui faire manger. Et ce gros connard de nain. AH ! En v’la encore un qui a une bite d’la taille d’mon pouce, teh. Chef mercenaire mon cul, t’étais soubrette à Forgefer ouais. Gros jaloux. Toi aussi si j’t’attrape t’es foutu. Et puis l’autre enfoiré au crochet, celui qui m’a collé une beigne quand j’me noyais dans l’acide de vers de merde. Oh lui, oh lui qu’il me tourne pas le dos … Putain il est où ce tripot déjà !!!
Le mercenaire se retrouve bientôt à court de cibles mentales tandis que son taux d’alcoolémie continue de monter. C’est dans ces instants que la Colère s’éteint peu à peu et cède la place à la seconde phase de la murge : c’est l’Accalmie. C’est le moment où Camille arrive à se raisonner un peu malgré -ou peut-être grâce à- son état d’ébriété et se dit que non, le monde n’est pas tout noir. Non, on n’est pas toujours seul. Non, on ne nait pas dans la merde pour forcément mourir noyé dans son propre sang et regardant ses tripes glisser hors de son corps au milieu de la boue d’un champ de bataille criblé de trous d’obus et de morceaux de gens qu’on connait quelque part sur une plage pourrie de la côte Sud de la Pandarie. Oui, les pensées du taulard sont confuses comme ça. Parfois, le champion se dit que quand même, il y a des gens bien, avec qui il s’entend, et qu’il a même envie d’aider parfois. Il y a mon frangin bien sûr, mais ça j’ai même pas b’soin d’y réfléchir d’abord parce que c’est comme ça c’est mon frangin quoi. Mais y’a ceux qui me parlent, ceux qui m’apprennent à lire et à écrire, ceux qui me soignent, ceux qui rigolent et qui me sourient, ceux qui m’ont aidé à trouver l’mome. Y’a ceux qui s’offusquent pas de c’que j’dis des gros mots, et ceux qui ont pas peur de moi et qui m’aiment bien, et qui veulent qu’on se batte du même côté quoi. Et pis y’a le Capitaine. Il m’a dit qu’il venait de la rue comme moi. C’est peut-être vrai. Lui il m’a fait me sentir bien. Fort. Important. Ouais j’viens de rien et pourtant qu’tous ces fils de pute pédant me regardent là : je suis le champion. Eh ouais ma gueule. J’suis mercenaire, ouais, mais j’ai un cœur aussi tu vois.
- « Bah ouais ». se répond-il à voix haute.
Ouais j’me bats pour l’or, mais ça fait pas d’moi un enculé. Moi au combat j’vais chercher les copains, j’ai pas peur d’prendre les coups. Et pis d’abord si la compagnie elle m’donne bah moi je rends. J’suis quand même un type sympa. Et j’suis sympa avec les autres types sympas. Et y en a. Et si y’a un truc pour lequel j’peux battre quand y’a plus d’or, c’est les types sympas.
- « Ah bah putain le v’là ce putain de tripot. »
Camille Chat rentre à cette adresse pour marin syphilitique, paye une pute édentée, n’arrive pas à bander à cause de l’alcool, vomit sur le lit miteux, se faire virer par la sécurité après un coup de poing dans la gueule qui lui laissera un œil au beurre noir. C’est donc le moment parfait pour déclencher la troisième phase de la murge : le Chaos. Le Chaos, c’est lorsque la brute est tellement soûle que, en plus de voir double, elle voit des scènes qui n'existent plus, qui le dévorent, qui le bouffent. Camille titube, ne sait pas où il est, se vomit probablement dessus. Des voleurs lui tirent sa bourse sans même qu’il ne s’en aperçoive. Il déambule de nuit sur la rade comme un clochard, tombe sur des caisses abandonnées, se vautre et n’arrive même pas à se relever. A une patrouille nocturne qui passe sans s’arrêter, il balbutie :
- « Hé c’est moi HIC l’champion ! C’est moi l’chamHICpion d’accord … »
Puis il vomit dans sa bouche et manque de s’étouffer, allongé sur le dos. Il est beau, le Champion de la Rétribution. Dans sa tête, tout est brouillé. Des bruits tapent contre la plaque en fer qui remplace un morceau de son crâne, faisant plus de boucan qu’un gong. Ses compagnons taulards hurlent en sautant des barges qui les ont emmenés sur la plage. Les flèches et les balles tombent comme la grêle, l’écume des vagues est rouge. Je cours, je cours, c’est saccadé autour de moi. J’ai perdu mon épée, elle est tombé dans l’eau, dans le sable, j’ai pas le temps de la retrouver. Je me cache derrière une machine de guerre dont l’essieu est rompu. Je vois l’Gros Dédé à côté, il est à genoux et il regarde ses intestins qui sortent de son bide comme de grosses anguilles luisantes. Il a l’air surpris l’Gros Dédé, comme quand j’ai aligné une combinaison du Grand Amiral aux dés ou quand l’sergent lui a dit que sa peine était purgée après cette mission et qu’il allait pouvoir rentrer voir sa bonne femme et ses chiards. Là il regarde ses tripes avec amour, comme qu’il regarderait ses gosses, et pis un troll arrive par derrière, lui tire les cheveux en arrière en l’égorge propre.
Camille vomit encore une fois. Il abandonne cette bouteille, rampe un peu à l’abri d’une caisse ouverte, se roule en boule. Il est rustique, et surtout très soûl. Il pourra dormir là sans soucis. Mais quelque chose le dérange. Dans sa tête, les images sont confuses et l’invitent tantôt à la violence et au meurtre, tantôt au pardon et l'oubli éternel. Camille veut disparaître, n'être rien. Ses souvenirs l'assaillent, il se met à pleurer comme un bébé, puis jure comme un charretier. Il se caille et tremble un peu. Il crache devant lui, forçant pour garder les yeux fermés, et tente de faire disparaître les images qui attaquent son esprit en chantant la seule chanson qu’il connait et qu’il a apprise à l’armée. Sa voix tremble.
- « Dans la troupeuh y’a pas d’jambes de bois …y’a des nouilleuh mais ça n’se voit pas. La meilleure façon d’marcher, c’est encore la notreuh …. Y faut met’ un pied d’vant l’aut’ et recommencer … »
Le matou pleure un peu, complètement ivre et perdu, puis se calme, rote et se dit que quand même il doit ressembler à son Pôpa, cette sale merde. La honte. Tout ira mieux demain. Allez Dédé, n’y pense plus. Tout ira mieux demain.
Fierté. Sentiment de revanche. Joie, peut-être ? Camille Chat était aux anges. Mais au moment où le Capitaine leva son bras pour le déclarer vainqueur, tous ces sentiments se bousculaient dans son crâne sans qu’il puisse correctement les digérer. Sa couenne tatouée luisait de sueur et son regard trahissait autant son orgueil qu’une certaine confusion, comme s’il se retrouvait désormais bloqué au sommet sans savoir trop quoi y faire. Sa bouche était ouverte, haletante, et il ressemblait finalement à un gros poisson hors de l’eau tandis qu’il balayait la foule des yeux avant que cette dernière ne se disperse.
Maintenant il fallait fêter ça. Peu grégaire, le mercenaire voulait pourtant faire la bringue avec les autres de la compagnie. Egoïste, il décida néanmoins d’utiliser une partie de son premier prix pour payer une tournée générale, probablement emporté par son enthousiasme. Alors il invita ceux qui étaient là et ouvrit la marche jusqu’au Quartier Nain pour préparer la fiesta qui s’annonçait. Il était excité comme une puce, le nouveau champion, et commanda plusieurs bouteilles de vodka alteracienne, ainsi qu’une dizaine de dés à coudre qu’il rempli lui-même et aligna sur le comptoir pour accueillir les autres.
Ils tardaient à venir. Camille attendait, cachant mal son impatience. Les minutes s’écoulaient pourtant, personne ne semblait arriver, et l’emballement de la brute se transforma peu à peu en une impassibilité déçue. Il l’avait dit à la prêtresse à Vaillance, et il se rappelait maintenant ses propres mots : « Sur la route t’es seul. Tout seul. » Comme il le faisait avec la plupart des choses de la vie, le Chat masqua sa contrariété avec une couche de balourdises.
- « Qu’ils aillent tous se faire foutre. »
Et il attrapa le premier verre pour se l’envoyer cul-sec avant d’encaisser une grimace crispée. Deuxième verre, hop ! Et troisième, et quatrième ! Putain ça chauffe. Je rote dans ma bouche, je recommence. Cinq, six, sept. Comme au bon vieux temps. Huit, neuf et dix. J’ai envie de vomir.
Bien entendu, le mercenaire trouve le moyen d’insulter le serveur pour une raison ou pour une autre. Le serveur appelle le patron, qui appelle le service de sécurité. L’ancien taulard se retrouve dehors, n’ayant réussi à sauver qu’une seule bouteille de vodka. La nuit est déjà avancée, il est tard. Les rues du Quartier Nain sont peu fréquentées. La lune brille, le matou rote et se rend subitement compte qu’il a envie de baiser. Alors, comme guidé par un vieil instinct, il suit ses pas qui le guident vers le port. Et pendant le trajet, il s’enquille la bouteille à même le goulot.
Lorsque Camille Chat décide de se mettre une murge à base d’alcool de grain et de mauvaise humeur, cette dernière suit généralement trois étapes assez clairement définies.
La première, dans le cerveau étriqué du champion, s’appelle peut-être « la Colère ». La Colère, c’est lorsque le Chat déverse sans s’arrêter des flots s’insanités à l’encontre de ceux qui croisent son chemin ou qui traversent son esprit. Tout n’est alors que violence, agressivité, attitude négative et comportement odieux. C’est pendant la Colère que Camille frappe. C’est là que, porté par quelque sentiment de haine ou de jalousie, il est capable des pires choses. Dans la Colère, il a un jour assassiné un camarade taulard en lui tenant la tête enfoncée dans les latrines uniquement parce que l’autre utilisait des dés truqués. Il avait tabassé une pute qui lui refusait ses services, il avait insulté un officier, il avait volé son croûton à un mendiant, il s’était torché avec un morceau de parchemin et l’avait glissé sous l’oreiller de Sioraï d’Erdeval.
Là, en descendant vers les tripots les plus sordides du port, le mercenaire tournait à plein régime. Un habitant pressé lui coupe la route, il lui lance une bordée d’injure et lui fait un doigt d’honneur. Un mendiant vient lui demander une petite pièce, Camille lui retourne une mandale qui doit lui faire tomber les quelques dents qu’il lui reste. Puis, à défaut d’adversaires physiques, le matou s’en prend aux figures qui errent dans ses pensées. A commencer par ceux qui méritent le plus qu’il leur envoie une châtaigne bien sentie dans la gueule. Ouais, hein ! Parlons-en dans ce gros connard de Brisby. Quoi, il me crache dessus ? Devant tout l’monde ? Ça c’est un sergent ? Il a d’la chance que je sois discipliné, sinon j’me ferais un plaisir d’ouvrir cette grosse bedaine avec mon canif. Ah il faisait moins le beau ce fils de pute, quand j’lui ai collé la pâté. Héhé, tu l’as vu passer sous ta moustache débile, le titre de champion ? Gros con.
- « Ouais, gros con. » grommelle Camille, complètement ivre, comme pour plussoyer l’alter ego furieux qui habite son crâne.
Et pis ce con d’lieutenant aussi, il va en prendre pour son grade. Meuhmeuhmeuh moi moi moi meuhmeuhmeuh trop blasé trop fort trop de sacrifices trop un héros gnagnagna. Oh putain il me gaaaaaaaave j’ai bien envie d’lui faire fermer sa gueule. Bon il me mettrait p’têt’ une dérouillée ce con, mais un bon coup entre ses oreilles de cabot ça serait réglé tiens. Quelle merde ! Et ça c’est officier, ah ! Ca les f’rait bien rires à la Pénitentiaire. Et pourtant eux-mêmes sont de beaux enculés. Ca se dit Lieutenant, ça fait que parler d’lui, que pleurnicher, ça fait le beau sans cesse, ça peut pas s’empêcher d’donner son avis sur tout. Et puis il doit quand même en avoir marre de sucer le Capitaine sans cesse comme ça. Moi j’les connais les mecs comme ça. Il complexe sur sa p’tite bite et puis c’est tout. D’ailleurs il devait pas partir à la retraite ce connard ? Qu’est-ce qu’il fout là encore. Allez du vent, ça f’ra des vacances putain. Merde faut que j’vomisse.
Camille Chat s’appuie contre une charrette, en bas des rampes qui mènent au port, et vomit sur ses bottes. Pour faire passer le goût âcre, il boit une gorgée de vodka. Il est déjà dans un sale état. Parlant tout seul, s’agitant, le regard vide et la bouche baveuse, il fait probablement peine à voir. Mais gare à celui qui croise sa route, parce que la Colère n’est pas terminée.
Bah ouais ! Tous des enculés ! Et l’basané là ! Il m’en colle une, devant tout l’monde, personne lève le p’tit doigt. Ah ouais c’est comme ça qu’ça marche ? Je vais l’attraper lui, je vais le suriner derrière une écurie, je vais lui tailler les mollets, je vais lui enlever les oreilles et les lui faire manger. Et ce gros connard de nain. AH ! En v’la encore un qui a une bite d’la taille d’mon pouce, teh. Chef mercenaire mon cul, t’étais soubrette à Forgefer ouais. Gros jaloux. Toi aussi si j’t’attrape t’es foutu. Et puis l’autre enfoiré au crochet, celui qui m’a collé une beigne quand j’me noyais dans l’acide de vers de merde. Oh lui, oh lui qu’il me tourne pas le dos … Putain il est où ce tripot déjà !!!
Le mercenaire se retrouve bientôt à court de cibles mentales tandis que son taux d’alcoolémie continue de monter. C’est dans ces instants que la Colère s’éteint peu à peu et cède la place à la seconde phase de la murge : c’est l’Accalmie. C’est le moment où Camille arrive à se raisonner un peu malgré -ou peut-être grâce à- son état d’ébriété et se dit que non, le monde n’est pas tout noir. Non, on n’est pas toujours seul. Non, on ne nait pas dans la merde pour forcément mourir noyé dans son propre sang et regardant ses tripes glisser hors de son corps au milieu de la boue d’un champ de bataille criblé de trous d’obus et de morceaux de gens qu’on connait quelque part sur une plage pourrie de la côte Sud de la Pandarie. Oui, les pensées du taulard sont confuses comme ça. Parfois, le champion se dit que quand même, il y a des gens bien, avec qui il s’entend, et qu’il a même envie d’aider parfois. Il y a mon frangin bien sûr, mais ça j’ai même pas b’soin d’y réfléchir d’abord parce que c’est comme ça c’est mon frangin quoi. Mais y’a ceux qui me parlent, ceux qui m’apprennent à lire et à écrire, ceux qui me soignent, ceux qui rigolent et qui me sourient, ceux qui m’ont aidé à trouver l’mome. Y’a ceux qui s’offusquent pas de c’que j’dis des gros mots, et ceux qui ont pas peur de moi et qui m’aiment bien, et qui veulent qu’on se batte du même côté quoi. Et pis y’a le Capitaine. Il m’a dit qu’il venait de la rue comme moi. C’est peut-être vrai. Lui il m’a fait me sentir bien. Fort. Important. Ouais j’viens de rien et pourtant qu’tous ces fils de pute pédant me regardent là : je suis le champion. Eh ouais ma gueule. J’suis mercenaire, ouais, mais j’ai un cœur aussi tu vois.
- « Bah ouais ». se répond-il à voix haute.
Ouais j’me bats pour l’or, mais ça fait pas d’moi un enculé. Moi au combat j’vais chercher les copains, j’ai pas peur d’prendre les coups. Et pis d’abord si la compagnie elle m’donne bah moi je rends. J’suis quand même un type sympa. Et j’suis sympa avec les autres types sympas. Et y en a. Et si y’a un truc pour lequel j’peux battre quand y’a plus d’or, c’est les types sympas.
- « Ah bah putain le v’là ce putain de tripot. »
Camille Chat rentre à cette adresse pour marin syphilitique, paye une pute édentée, n’arrive pas à bander à cause de l’alcool, vomit sur le lit miteux, se faire virer par la sécurité après un coup de poing dans la gueule qui lui laissera un œil au beurre noir. C’est donc le moment parfait pour déclencher la troisième phase de la murge : le Chaos. Le Chaos, c’est lorsque la brute est tellement soûle que, en plus de voir double, elle voit des scènes qui n'existent plus, qui le dévorent, qui le bouffent. Camille titube, ne sait pas où il est, se vomit probablement dessus. Des voleurs lui tirent sa bourse sans même qu’il ne s’en aperçoive. Il déambule de nuit sur la rade comme un clochard, tombe sur des caisses abandonnées, se vautre et n’arrive même pas à se relever. A une patrouille nocturne qui passe sans s’arrêter, il balbutie :
- « Hé c’est moi HIC l’champion ! C’est moi l’chamHICpion d’accord … »
Puis il vomit dans sa bouche et manque de s’étouffer, allongé sur le dos. Il est beau, le Champion de la Rétribution. Dans sa tête, tout est brouillé. Des bruits tapent contre la plaque en fer qui remplace un morceau de son crâne, faisant plus de boucan qu’un gong. Ses compagnons taulards hurlent en sautant des barges qui les ont emmenés sur la plage. Les flèches et les balles tombent comme la grêle, l’écume des vagues est rouge. Je cours, je cours, c’est saccadé autour de moi. J’ai perdu mon épée, elle est tombé dans l’eau, dans le sable, j’ai pas le temps de la retrouver. Je me cache derrière une machine de guerre dont l’essieu est rompu. Je vois l’Gros Dédé à côté, il est à genoux et il regarde ses intestins qui sortent de son bide comme de grosses anguilles luisantes. Il a l’air surpris l’Gros Dédé, comme quand j’ai aligné une combinaison du Grand Amiral aux dés ou quand l’sergent lui a dit que sa peine était purgée après cette mission et qu’il allait pouvoir rentrer voir sa bonne femme et ses chiards. Là il regarde ses tripes avec amour, comme qu’il regarderait ses gosses, et pis un troll arrive par derrière, lui tire les cheveux en arrière en l’égorge propre.
Camille vomit encore une fois. Il abandonne cette bouteille, rampe un peu à l’abri d’une caisse ouverte, se roule en boule. Il est rustique, et surtout très soûl. Il pourra dormir là sans soucis. Mais quelque chose le dérange. Dans sa tête, les images sont confuses et l’invitent tantôt à la violence et au meurtre, tantôt au pardon et l'oubli éternel. Camille veut disparaître, n'être rien. Ses souvenirs l'assaillent, il se met à pleurer comme un bébé, puis jure comme un charretier. Il se caille et tremble un peu. Il crache devant lui, forçant pour garder les yeux fermés, et tente de faire disparaître les images qui attaquent son esprit en chantant la seule chanson qu’il connait et qu’il a apprise à l’armée. Sa voix tremble.
- « Dans la troupeuh y’a pas d’jambes de bois …y’a des nouilleuh mais ça n’se voit pas. La meilleure façon d’marcher, c’est encore la notreuh …. Y faut met’ un pied d’vant l’aut’ et recommencer … »
Le matou pleure un peu, complètement ivre et perdu, puis se calme, rote et se dit que quand même il doit ressembler à son Pôpa, cette sale merde. La honte. Tout ira mieux demain. Allez Dédé, n’y pense plus. Tout ira mieux demain.
Je suis le Grand Duc, seigneur de ces bois. Je vis avec mes gens, loin de la folie des hommes. La nuit je vole dans les sombres profondeurs de la forêt. Mon regard d'acier partout se pose, et sans bruit, comme le vent, je file entre les branches des arbres séculiers. Je suis le Grand Duc, seigneur de ces bois.
- [MJ] Le Grand Duc
- Warfo Award 2019 du meilleur MJ - RP
- Messages : 1600
Re: [Warcraft] Souvenirs d'un Chat
Camille Chat fait le guet, perché sur le nœud d’un gros tronc recouvert de fougères. De là-haut, il a une vue plongeante sur le sous-bois luxuriant, les corniches et les trous d’eau de ce coin perdu de Krasarang. La lune filtre faiblement à travers la canopée des grands arbres et les essaims de lucioles donnent à toute cette scène une aura presque féerique.
Le matou participe, comme tant d’autres, à la deuxième phase de l’Opération Bouclier : celle qui doit chasser la Horde hors de la zone et prendre le contrôle total de cette dernière. L’état-major de l’Alliance pensait se rendre maître des étendues sauvages en moins de deux semaines mais les troupes de Garrosh Hurlenfer opposèrent une résistance aussi inattendue que féroce après leur défaite initiale lors du débarquement Allié. Menés par les terribles escadrons kor’kron, les guerriers du Chef de Guerre livrent une guérilla sanglante dans cette jungle, obligeant le Roi Varian Wrynn à y envoyer toujours plus de ses soldats. Cette campagne s’éternise et dure depuis bientôt quatre mois, coûtant aux deux camps des ressources titanesques en hommes, or et matériel. Les régiments catapultés là-bas se retrouvent immédiatement coupés de l’arrière, sans vivres ni renseignements, au milieu d’un territoire hostile et rempli de dangers mortels. La bataille de Krasarang est un désastre stratégique et les vétérans de cette époque se souviendront longtemps de ce qu’ils appellent encore « l’enfer vert ».
Quelque part dans ce vaste théâtre d’opération, une petite escouade de soldats portant le tabard au Lion dresse le camp dans les ruines d’un ancien temple, sur un escarpement couvert par les arbres géants. Le Chat en est : eh oui, il s’agit bien des racailles de la Division Pénitentiaire ! La portion de jungle dans laquelle ils patrouillent a été nettoyée plusieurs jours auparavant par une unité de la 7ème Légion. Normalement, pas de Hordeux dans le secteur, et les taulards ont pour simple mission de quadriller la zone afin de prévenir toute incursion. La nuit est tombée sur Krasarang et la dizaine d’hommes que compte la troupe installe son bivouac. Le chef de section désigne les vigies, Camille prendra le troisième quart. Alors la brute va se coucher parmi ses petits camarades et s’endort. Tard dans la nuit, son collègue vient le réveiller sans ménagement pour qu’il prenne la relève. Le matou ronchon engueule l’importun, l’autre l’insulte en retour, Chat lui colle une beigne, saisit une torche puis va prendre son quart. Il s’éloigne du temple, contourne la colline et marche dans les fourrés pendant cinq bonnes minutes avant de monter sur un tronc penché au-dessus du vallon. Il grimpe un peu en maugréant puis éteint sa torche et se poste là en hauteur, surveillant les alentours en battant mollement des paupières.
Sauf qu’on a crapahuté toute la putain d’journée et que j’suis crevé. Gnahgnahgnah monte la garde gnahgnahgnah ferme ta gueule. Ah ouais, lui l’chef il ronque tranquille pendant que moi j’suis là à m’faire casser les couilles par ces lucioles de merde et à zieuter les branches pour êt’ sur qu’elles viennent pas nous enculer. Génial. Bah t’sais quoi nique : j’vais me caler un peu comme ça, qu’j’ai quand même l’air de surveiller un truc, pis j’vais roupiller discretos. T’façon ça sert à rien d’faire le guet. Avec la dérouillée qu’les gonzes d’la 7ème leurs ont foutus, sont pas prêts de revenir les autres sauvages là. Pour une fois dans c’te putain de jungle on est pépouze alors moi j’dis : bah autant en profiter quoi. Allez j’ferme les yeux deux minutes pis ça ira …
… zzzzzzzzzzzZZZZ …
…
… rrrRRRRRRRONFL KRR KRRRRRR…
…
…zzzzZZZZzzzzzOH CON !
Bordel c’était quoi ! J’ai entendu un truc, comme qu’un cliquetis d’armure ou j’sais pas quoi. Putain putain putain. J’me redresse j’me penche sur ma branche pour regarder en bas. Putain on y voit rien dans c’te forêt d’merde, la lumière d’la lune qui fait des ombres avec les branches j’y vois comme dans l’trou du cul d’Lothar. J’mire bien, dans les buissons et les fourrés, dans les herbes hautes pis là-bas derrière l’grand tronc …
Oh môman.
J’les vois avancer, en ordre dispersé, qu’ils essayent d’pas faire un seul bruit. Des dizaines qu’ils sont, pis y’en a d’autres qui continuent d’sortir des bambous. Ça grouille. Des orcs, des trolls, des gobz. Que des saloperies, j’sais même pas les compter, j’vois juste l’fer de leurs armes qui brille quand ils passent dans les trous d’lumière. On dirait une meute de loups, ils sont là à moitié couchés, ils avancent lentement tous dans l’même sens. Vers l’temple. Putain putain putain. J’sue du cul sévère. Mais qu’est-ce qu’ils foutent là ?! Comment qu’ces putain de peintres d’la 7ème ils les ont pas trouvé !!! T’as une armée qui s’balade derrière nos lignes et pis ça gêne personne. Ca sent la merde moi j’vous l’dis et j’ai les genoux qui claquent. Il avait raison ce connard de chef : fallait bien monter la garde.
Bon déjà ils m’ont pas vu j’crois bien. Moi j’bouge pas, j’sais même si j’respire encore tellement j’essaie d’pas faire du bruit. J’attrape mon canif dans ma botte et j’le serre entre mes dents pis en même temps j’réfléchis. Clairement ils savent où qu’on est. Et ils passent pas pour jouer aux cartes. Il suffit qu’ils montent la pente là à travers l’bosquet et les fougères et ils arrivent en haut dans l’temple et y buttent tous les copains.
Alors là j’me concentre fort et j’me dis que j’ai deux options. Soit bah j’descends l’plus discretos possible, j’fais l’tour en courant comme un dératé pis j’préviens les copains et on se casse avant que les Hordeux-mes couilles nous tombent dessus. Y’a encore le temps d’faire ça, possible que j’arrive à pas m’faire choper mais quand même ça sent l’roussi. Soit j’reste caché, j’ferme les yeux et j’laisse notre bon monde fait son p’tit bout d’chemin, comme que le veut la Lumière, les Loa ou l’Roi Varian pour c’que j’en sais.
Pis là, pendant qu’les autres enculés continuent d’avancer sous moi, j’me pose soudainement la bonne question : Camille mon con, est-ce que t’as envie d’crever ? Alors là j’me dis qu’la question elle est vite répondue : non j’ai pô envie d’crever. Si j’saute pour aller donner l’alarme, j’pense que j’y reste. Soit y m’cueillent au pied d’mon arbre soit y m’rattrapent soit on arrive au temple en même temps et nous on s’fait décaniller. Ca fait quand même beaucoup d’occasions d’y rester. Alors que si j’reste là, bien plaqué contre ma branche, bah y m’verront pas plus que c’qui m’voyent maint’nant. Alors ouais, ça veut dire qu’j’aurai pas fait la bonne sentinelle et qu’les collègues ils vont s’faire surprendre par six fois leur nombre. Putain quand même j’les connais ces types même qu’si c’est tous des fils de pute. Y’a Walter qu’on a fait l’Norfendre ensemble, y’a Gudule qui m’a sauvé la trogne en s’prenant une flèche à ma place aux Hautes-Terres pis y’a même la p’tite Ambre des Carmines, qu’elle a un caractère d’chien et un regard de grosse follasse mais que quand même j’voudrais bien m’taper avec son p’tit cul tout dur là.
Je jette un coup d’œil en bas. La Horde elle avance. Y vont bientôt passer au pied d’mon arbre. J’serre fort une liane avec mes deux mains, et pis mon canif avec mes dents même si il a un goût d’jus d’chaussette. Allez mon gars, tu fais quoi ! Tu vas aider les copains ou tu les laisses crever. Allez Camille, tu décides. ALLEZ. J’crois que j’vais me pisser dessus.
Camille Chat restera trois jours et trois nuits réfugié au creux de son poste d’observation, sans dormir ni manger et ne buvant que l’eau qu’il récupère dans un trou d’écorce après les pluies diluviennes qui douchent les étendues sauvages de Krasarang. Il aura passé la première nuit à écouter le reste de son escouade se faire massacrer. Surpris et en sous nombre, les soldats de la Pénitentiaire n’auront pu opposer aucune résistance à l’ennemi. Certains auront tenté de fuir et Camille regardera, du haut de son perchoir, la course de ce pauvre Gudule à travers les fougères jusqu’à ce qu’un javelot vienne le clouer au sol. Les guerriers de Garrosh Hurlenfer restèrent ensuite sur zone pendant deux jours, patrouillant la forêt et les abords du temple et forçant le matou à rester dans son arbre. Lorsque les hordeux levèrent finalement le camp pour un autre front, ce fut un trio de sauroks qui vint rôder dans les ruines comme autant de mouches autour d’une charogne, furetant pour piller ce qui pouvait l’être.
Enfin, le repris de justice n’eut plus que les lucioles comme seules compagnes. Il se décida à descendre de sa cachette, l’estomac tordu par la faim et le corps engourdi par une si longue veille. Tel un animal aux abois, il prit mille précautions et remonta la pente sur la pointe des pieds, couteau cranté en main, sautant de buisson en buisson. Il enjamba le corps de Gudule sans même s’arrêter et fit son chemin jusqu’au temple en ruine, désormais vide. Là-haut le tombeau des lucioles qui voletaient mollement, suspendues dans l’air, comme si elles veillaient les soldats qui gisaient sur la pierre moussue. Le Chat, lui, ne regarde pas le cadavre décapité de Walter, ni celui d’Ambre désarticulé sur un muret et dont on a arraché les chausses et souillé le corps, ni même le chef qui se balance au bout d’une corde, plus loin, les orbites et les lèvres picorés par quelques aigrettes. Non, Camille se jette directement sur le premier sac qu’il trouve, retourne les affaires laissées par les orcs et les pillards, s’active comme un chacal pour trouver de quoi se nourrir. Il tombe finalement sur un bout de pain rassis depuis trois jours et croque dedans de toutes ses forces. Il s’échine comme un affamé et avale le plus de pain qu’il peut. Lorsque sa faim se fait moins douloureuse, il va se poser devant un feu qui brûle encore pour mâchonner sa miche, le regard absent et le teint gris.
Regrette-t-il de ne pas avoir alerté ses comparses, les condamnant ainsi à une mort certaine ? Non. Eprouve-t-il de la tristesse face à la perte de ceux qui vivaient avec lui chaque jour, depuis plusieurs années et pendant maintes campagnes pour certains ? Pas le moins du monde. La présence de leurs dépouilles qui commencent à sentir n’empêche même pas le matou de grignoter son quignon. Dans le microclimat mental de Camille Chat, de telles émotions n’ont pas leur place. Elles sont des faiblesses, enfouies parmi tant d’autres sous une chape dont le plomb n’est que colère, amertume et violence. Il est une bête, féroce et sans pitié, dans un monde où la seule loi est celle du plus fort. Il faut survivre, un jour de plus, et se battre à chaque pas. Les gens meurent autour de lui, à cause de lui, et la brute ne s’en émeut pas. Tout s’écroule autour du matou de manière perpétuelle et depuis toujours, et il s’est habitué à vivre dans l’éboulement permanent, le cataclysme quotidien. Il ne connait plus que ça et voilà bien longtemps que les considérations sentimentales glissent sur lui comme l’eau sur les plumes d’un canard.
Ce soir, les lucioles de Krasarang éclairent un homme qui n’en est plus un, qui mange au milieu des cadavres comme une hyène et qui, demain, s’enfoncera dans la jungle pour retrouver son unité et repartir au front.
Le matou participe, comme tant d’autres, à la deuxième phase de l’Opération Bouclier : celle qui doit chasser la Horde hors de la zone et prendre le contrôle total de cette dernière. L’état-major de l’Alliance pensait se rendre maître des étendues sauvages en moins de deux semaines mais les troupes de Garrosh Hurlenfer opposèrent une résistance aussi inattendue que féroce après leur défaite initiale lors du débarquement Allié. Menés par les terribles escadrons kor’kron, les guerriers du Chef de Guerre livrent une guérilla sanglante dans cette jungle, obligeant le Roi Varian Wrynn à y envoyer toujours plus de ses soldats. Cette campagne s’éternise et dure depuis bientôt quatre mois, coûtant aux deux camps des ressources titanesques en hommes, or et matériel. Les régiments catapultés là-bas se retrouvent immédiatement coupés de l’arrière, sans vivres ni renseignements, au milieu d’un territoire hostile et rempli de dangers mortels. La bataille de Krasarang est un désastre stratégique et les vétérans de cette époque se souviendront longtemps de ce qu’ils appellent encore « l’enfer vert ».
Quelque part dans ce vaste théâtre d’opération, une petite escouade de soldats portant le tabard au Lion dresse le camp dans les ruines d’un ancien temple, sur un escarpement couvert par les arbres géants. Le Chat en est : eh oui, il s’agit bien des racailles de la Division Pénitentiaire ! La portion de jungle dans laquelle ils patrouillent a été nettoyée plusieurs jours auparavant par une unité de la 7ème Légion. Normalement, pas de Hordeux dans le secteur, et les taulards ont pour simple mission de quadriller la zone afin de prévenir toute incursion. La nuit est tombée sur Krasarang et la dizaine d’hommes que compte la troupe installe son bivouac. Le chef de section désigne les vigies, Camille prendra le troisième quart. Alors la brute va se coucher parmi ses petits camarades et s’endort. Tard dans la nuit, son collègue vient le réveiller sans ménagement pour qu’il prenne la relève. Le matou ronchon engueule l’importun, l’autre l’insulte en retour, Chat lui colle une beigne, saisit une torche puis va prendre son quart. Il s’éloigne du temple, contourne la colline et marche dans les fourrés pendant cinq bonnes minutes avant de monter sur un tronc penché au-dessus du vallon. Il grimpe un peu en maugréant puis éteint sa torche et se poste là en hauteur, surveillant les alentours en battant mollement des paupières.
Sauf qu’on a crapahuté toute la putain d’journée et que j’suis crevé. Gnahgnahgnah monte la garde gnahgnahgnah ferme ta gueule. Ah ouais, lui l’chef il ronque tranquille pendant que moi j’suis là à m’faire casser les couilles par ces lucioles de merde et à zieuter les branches pour êt’ sur qu’elles viennent pas nous enculer. Génial. Bah t’sais quoi nique : j’vais me caler un peu comme ça, qu’j’ai quand même l’air de surveiller un truc, pis j’vais roupiller discretos. T’façon ça sert à rien d’faire le guet. Avec la dérouillée qu’les gonzes d’la 7ème leurs ont foutus, sont pas prêts de revenir les autres sauvages là. Pour une fois dans c’te putain de jungle on est pépouze alors moi j’dis : bah autant en profiter quoi. Allez j’ferme les yeux deux minutes pis ça ira …
… zzzzzzzzzzzZZZZ …
…
… rrrRRRRRRRONFL KRR KRRRRRR…
…
…zzzzZZZZzzzzzOH CON !
Bordel c’était quoi ! J’ai entendu un truc, comme qu’un cliquetis d’armure ou j’sais pas quoi. Putain putain putain. J’me redresse j’me penche sur ma branche pour regarder en bas. Putain on y voit rien dans c’te forêt d’merde, la lumière d’la lune qui fait des ombres avec les branches j’y vois comme dans l’trou du cul d’Lothar. J’mire bien, dans les buissons et les fourrés, dans les herbes hautes pis là-bas derrière l’grand tronc …
Oh môman.
J’les vois avancer, en ordre dispersé, qu’ils essayent d’pas faire un seul bruit. Des dizaines qu’ils sont, pis y’en a d’autres qui continuent d’sortir des bambous. Ça grouille. Des orcs, des trolls, des gobz. Que des saloperies, j’sais même pas les compter, j’vois juste l’fer de leurs armes qui brille quand ils passent dans les trous d’lumière. On dirait une meute de loups, ils sont là à moitié couchés, ils avancent lentement tous dans l’même sens. Vers l’temple. Putain putain putain. J’sue du cul sévère. Mais qu’est-ce qu’ils foutent là ?! Comment qu’ces putain de peintres d’la 7ème ils les ont pas trouvé !!! T’as une armée qui s’balade derrière nos lignes et pis ça gêne personne. Ca sent la merde moi j’vous l’dis et j’ai les genoux qui claquent. Il avait raison ce connard de chef : fallait bien monter la garde.
Bon déjà ils m’ont pas vu j’crois bien. Moi j’bouge pas, j’sais même si j’respire encore tellement j’essaie d’pas faire du bruit. J’attrape mon canif dans ma botte et j’le serre entre mes dents pis en même temps j’réfléchis. Clairement ils savent où qu’on est. Et ils passent pas pour jouer aux cartes. Il suffit qu’ils montent la pente là à travers l’bosquet et les fougères et ils arrivent en haut dans l’temple et y buttent tous les copains.
Alors là j’me concentre fort et j’me dis que j’ai deux options. Soit bah j’descends l’plus discretos possible, j’fais l’tour en courant comme un dératé pis j’préviens les copains et on se casse avant que les Hordeux-mes couilles nous tombent dessus. Y’a encore le temps d’faire ça, possible que j’arrive à pas m’faire choper mais quand même ça sent l’roussi. Soit j’reste caché, j’ferme les yeux et j’laisse notre bon monde fait son p’tit bout d’chemin, comme que le veut la Lumière, les Loa ou l’Roi Varian pour c’que j’en sais.
Pis là, pendant qu’les autres enculés continuent d’avancer sous moi, j’me pose soudainement la bonne question : Camille mon con, est-ce que t’as envie d’crever ? Alors là j’me dis qu’la question elle est vite répondue : non j’ai pô envie d’crever. Si j’saute pour aller donner l’alarme, j’pense que j’y reste. Soit y m’cueillent au pied d’mon arbre soit y m’rattrapent soit on arrive au temple en même temps et nous on s’fait décaniller. Ca fait quand même beaucoup d’occasions d’y rester. Alors que si j’reste là, bien plaqué contre ma branche, bah y m’verront pas plus que c’qui m’voyent maint’nant. Alors ouais, ça veut dire qu’j’aurai pas fait la bonne sentinelle et qu’les collègues ils vont s’faire surprendre par six fois leur nombre. Putain quand même j’les connais ces types même qu’si c’est tous des fils de pute. Y’a Walter qu’on a fait l’Norfendre ensemble, y’a Gudule qui m’a sauvé la trogne en s’prenant une flèche à ma place aux Hautes-Terres pis y’a même la p’tite Ambre des Carmines, qu’elle a un caractère d’chien et un regard de grosse follasse mais que quand même j’voudrais bien m’taper avec son p’tit cul tout dur là.
Je jette un coup d’œil en bas. La Horde elle avance. Y vont bientôt passer au pied d’mon arbre. J’serre fort une liane avec mes deux mains, et pis mon canif avec mes dents même si il a un goût d’jus d’chaussette. Allez mon gars, tu fais quoi ! Tu vas aider les copains ou tu les laisses crever. Allez Camille, tu décides. ALLEZ. J’crois que j’vais me pisser dessus.
______________________________________________________
Camille Chat restera trois jours et trois nuits réfugié au creux de son poste d’observation, sans dormir ni manger et ne buvant que l’eau qu’il récupère dans un trou d’écorce après les pluies diluviennes qui douchent les étendues sauvages de Krasarang. Il aura passé la première nuit à écouter le reste de son escouade se faire massacrer. Surpris et en sous nombre, les soldats de la Pénitentiaire n’auront pu opposer aucune résistance à l’ennemi. Certains auront tenté de fuir et Camille regardera, du haut de son perchoir, la course de ce pauvre Gudule à travers les fougères jusqu’à ce qu’un javelot vienne le clouer au sol. Les guerriers de Garrosh Hurlenfer restèrent ensuite sur zone pendant deux jours, patrouillant la forêt et les abords du temple et forçant le matou à rester dans son arbre. Lorsque les hordeux levèrent finalement le camp pour un autre front, ce fut un trio de sauroks qui vint rôder dans les ruines comme autant de mouches autour d’une charogne, furetant pour piller ce qui pouvait l’être.
Enfin, le repris de justice n’eut plus que les lucioles comme seules compagnes. Il se décida à descendre de sa cachette, l’estomac tordu par la faim et le corps engourdi par une si longue veille. Tel un animal aux abois, il prit mille précautions et remonta la pente sur la pointe des pieds, couteau cranté en main, sautant de buisson en buisson. Il enjamba le corps de Gudule sans même s’arrêter et fit son chemin jusqu’au temple en ruine, désormais vide. Là-haut le tombeau des lucioles qui voletaient mollement, suspendues dans l’air, comme si elles veillaient les soldats qui gisaient sur la pierre moussue. Le Chat, lui, ne regarde pas le cadavre décapité de Walter, ni celui d’Ambre désarticulé sur un muret et dont on a arraché les chausses et souillé le corps, ni même le chef qui se balance au bout d’une corde, plus loin, les orbites et les lèvres picorés par quelques aigrettes. Non, Camille se jette directement sur le premier sac qu’il trouve, retourne les affaires laissées par les orcs et les pillards, s’active comme un chacal pour trouver de quoi se nourrir. Il tombe finalement sur un bout de pain rassis depuis trois jours et croque dedans de toutes ses forces. Il s’échine comme un affamé et avale le plus de pain qu’il peut. Lorsque sa faim se fait moins douloureuse, il va se poser devant un feu qui brûle encore pour mâchonner sa miche, le regard absent et le teint gris.
Regrette-t-il de ne pas avoir alerté ses comparses, les condamnant ainsi à une mort certaine ? Non. Eprouve-t-il de la tristesse face à la perte de ceux qui vivaient avec lui chaque jour, depuis plusieurs années et pendant maintes campagnes pour certains ? Pas le moins du monde. La présence de leurs dépouilles qui commencent à sentir n’empêche même pas le matou de grignoter son quignon. Dans le microclimat mental de Camille Chat, de telles émotions n’ont pas leur place. Elles sont des faiblesses, enfouies parmi tant d’autres sous une chape dont le plomb n’est que colère, amertume et violence. Il est une bête, féroce et sans pitié, dans un monde où la seule loi est celle du plus fort. Il faut survivre, un jour de plus, et se battre à chaque pas. Les gens meurent autour de lui, à cause de lui, et la brute ne s’en émeut pas. Tout s’écroule autour du matou de manière perpétuelle et depuis toujours, et il s’est habitué à vivre dans l’éboulement permanent, le cataclysme quotidien. Il ne connait plus que ça et voilà bien longtemps que les considérations sentimentales glissent sur lui comme l’eau sur les plumes d’un canard.
Ce soir, les lucioles de Krasarang éclairent un homme qui n’en est plus un, qui mange au milieu des cadavres comme une hyène et qui, demain, s’enfoncera dans la jungle pour retrouver son unité et repartir au front.
Je suis le Grand Duc, seigneur de ces bois. Je vis avec mes gens, loin de la folie des hommes. La nuit je vole dans les sombres profondeurs de la forêt. Mon regard d'acier partout se pose, et sans bruit, comme le vent, je file entre les branches des arbres séculiers. Je suis le Grand Duc, seigneur de ces bois.
- [MJ] Le Grand Duc
- Warfo Award 2019 du meilleur MJ - RP
- Messages : 1600
Re: [Warcraft] Souvenirs d'un Chat
Camille Chat monte la garde avec son comparse Jackie « Dents-Blanches », aussi surnommé « la Tchatche » ou encore « le Fada » en raison de son habitude à soliloquer quelle que soit la situation, au repos comme sous le feu ennemi. Les deux gredins sont là, debout côte à côte, semblables aux piquets de la grande tente devant laquelle ils sont en faction pour la nuit. Il s’agit d’un luxueux pavillon en toile de soie pourpre, digne de l’officier le plus extravagant de la Division Pénitentiaire qui en est d’ailleurs l’occupant actuel : le Commandant Igor de Madrance. Ce sorcier extrêmement puissant était tombé en disgrâce suite à ses trop nombreuses frasques dans la capitale où il fut d’avantage connu pour les réceptions libertines qu’il offrait aux invités de son manoir que pour l’assiduité avec laquelle il remplissait ses fonctions de conseiller spécial aux affaires magiques dans l’état-major de l’Alliance. Pire encore, des rumeurs compromettantes commencèrent à circuler au sujet de supposées expériences qu’il pratiquait dans sa cave, sur fond de manipulations interdites et d’invocations démoniaques. Vérité ou canular politique ? Toujours est-il qu’Igor fut muté au sein de la tristement célèbre Division Pénitentiaire où il reçut tout de même un grade à la hauteur de sa personne. Subalterne direct du Colonel, son rôle est désormais de diriger la racaille lors des missions qui requièrent une expertise dans les sciences occultes. La moitié des taulards qui composent l’effectif étant analphabète, leur tâche n’est alors que de protéger le Commandant tandis que ce dernier se livre à de complexes calculs et autres rituels occultes.
La Pénitentiaire est déployée dans les Hautes-Terres du Crépuscule. Là-bas aussi la guerre entre l’Alliance et la Horde fait rage mais d’autres menaces plus grandes encore secouent la région au lendemain du cataclysme. Les sectateurs du Marteau-du-Crépuscule ont fait de ce territoire tourmenté leur base d’opération principale et de terrifiantes lueurs flamboient désormais au sommet des tours de Grim Batol. Plus inquiétant encore, des rapports confus parlent d’une entité effroyable ayant surgit de la terre à l’appel des Dieux Très Anciens. Ce monstre dément que les locaux appellent Iso’rath se trouverait dans un lieu corrompu connu sous le nom d’Antre de la Folie, au Nord de la péninsule. Comme souvent lorsqu’il s’agit de mobiliser des éléments sacrifiables, l’état-major décide d’envoyer la Division Pénitentiaire enquêter sur place. Igor de Madrance est désigné pour diriger la mission, accompagné d’une vingtaine de grognards qui ont encore la corde au cou. A l’heure de ce récit, la troupe campe non loin de Tonnemar, au milieu d’une pinède sauvage et somme toute charmante.
Alors voilà, j’suis planté là à faire le pied d’grue devant la tente de ce taré de Commandant. J’te jure, il est pas net ce type. En même temps dans l’régiment des types pas nets on en a à revendre mais c’ui-là il en tient une couche. A Haute-Rive j’l’entendais dans les latrines en train d’parler et de rigoler tout seul pendant qu’il posait sa pêche. Et pis il est tout sec mais plein de grosses veines partout, on dirait qu’il est fait en peau de bite. Louche le gonze, moi j’te l’dis.
Donc bref voilà j’fais le guet avec Jackie. Jackie c’est un espèce de casse-couille qui arrête pas de charrer même quand on lui dit qu’il faut boucler sa boîte à clacos. Il est des Carmines, coffré pour des braquages à main armée sur la route de Sombrecomté. Entre eul’gibet et la Pénitentiaire, il a choisi le Jackie ! On l’appelle « Dents-Blanches » bah parce qu’il a des dents bien blanches. Sauf que c’est pas ses vraies dents. Des dents il en a plus à cause du scorbut mais du coup il a un espèce de dentier avec des fausses dents. Il dit qu’elles sont en ivoire de troll mais moi j’sais c’est des conneries parce que j’l’ai vu arracher leurs défenses à des pêcheurs rohart qu’on avait buté sans faire exprès en Transborée, dans l’Norfendre. Y’avait du brouillard on avait vu des trucs on avait tiré. En fait c’était pas des goules, c’était des morses qui causent. Bah écoute tant pis, z’avaient qu’à pas s’balader là aussi. Jackie il avait pris les défenses et pis moi j’m’étais découpé une belle tranche de lard de phoque. Miam miam. Bref voilà j’suis avec Jackie. Il commence à raconter un truc, j’lui dis direct de bien fermer sa gueule parce que sans déconner il commence à me les briser menu à faire que parler, pis on reste là debout comme des cons pendant qu’le Commandant il ronque tranquille.
Sauf qu’en fait pas sûr qu’il ronque. Parce qu’on entend un grognement pis un truc qui claque, comme un fouet. SLACK ça fait. Deux fois, puis ça grogne encore et ça palabre. Oh putain c’est quoi. Moi et Jackie on prend nos armes pis on s’retourne vers l’ouverture de la tente. Si il arrive un truc au Commandant ce s’ra pour not’ pomme et on ira s’balancer aux branches d’un pin avant de revoir Hurlevent, pour sûr. Moi j’serre fort Titine entre mes pattes et j’me prépare à rentrer là-dedans et à tabasser à tout va mais Jackie y m’dit d’attendre. Il a l’air pas très sûr d’un truc, le Jackie. Il dénoue un peu la corde qui tient la toile de la tente et il écarte pour qu’on puisse jeter un œil discrètement dedans. Alors moi j’m’approche aussi pis j’zieute discretos.
Oh con.
Alors j’suis pas bien sûr si l’Commandant il est en train d’se faire attaquer mais j’te dis c’que j’vois et tu m’dis c’que t’en penses. Bah il est à poil sur son lit d’camp, les yeux bandés avec un foulard, les mains attachées dans l’dos pis le cul bien en l’air. Par terre y’a une espèce de rune ronde tracée à la poudre violette avec des motifs bizarres comme des trucs de sorcier pis ça sent bien l’souffre. Mais l’clou du spectacle c’est la démonette avec des sabots pis des ailes de cuir et une longue queue et même des cornes qui fesse méchamment l’popotin du Commandant avec son fouet. L’autre il pousse des petits cris pendant qu’la démonette elle lui dit qu’il est qu’une p’tite pute et qu’il a été très vilain. Moi j’dis : d’accord elle est très bonne avec ses meules tout dehors tétons pointés et son air de cochonne mais quand même ça r’ssemble quand même bien à une attaque. Alors j’y vais pour sauter dans la tente pis écraser Titine sur la tronche de la bougresse et libérer l’Commandant. Mais Jackie y m’retient encore.
- « Mais non Salade r’garde ! Il bande ! »
Ah putain beh ouais il bande le con. Et en plus il dit « encore, oui j’suis une p’tite pute j’ai été très vilain puni moi ». Alors là j’suis sur le cul. Du coup dans ma caboche ça va vite : si en fait l’Commandant il est pas attaqué et que j’y vais et que défonce sa pote, il va pas être bien content et il va m’faire pendre. Alors bah j’y vais pas. Et on est là avec le Jackie on r’garde à travers la fente juste pour surveiller qu’tout va bien quoi.
SLACK ! SLACK ! SLACK ! Putain il a l’derrière tout rouge, ça comme même à saigner. C’est chaud. Enfin lui il a l’air d’bien aimer mais bordel tordu le type, j’te l’avais bien dit. Et là la démonette et lui fait mordre le manche de son fouet, l’autre il bave en gémissant, et pendant c’temps elle attrape une bougie et elle lui fait couler d’la cire sur le dos. L’autre il en peut plus, ses grosses veines là on dirait qu’elles vont exploser. Pis après elle claque des doigts et elle fait apparaitre une ceinture avec une grosse matraque, avec la magie. Elle met la ceinture et ... oh putain. Elle crache dans sa main, elle lustre la matraque et PAF elle la lui fout dans l’fion. L’autre il gueule comme un cochon mais elle lui serre le manche de son fouet entre les dents. Et VLAN VLAN VLAN vas-y qu’elle le besogne en riant. Aïe aïe aïe mais l’truc est tellement gros qu’ça va lui fendre la raie c’pas possible. Elle met des coups d’reins qu’moi-même j’en s’rai jaloux.
J’sens Jackie qui bouge à côté de moi alors j’regarde c’qu’il branle. Ah bah d’accord. Il s’branle tout court. Y m’pousse un peu pour mieux voir, son zgeg dans la pogne et il y va sans s’gêner. Bon j’avoue qu’la démonette elle dégage un truc là, ça émoustille. J’ai l’sang qui monte. Ca sent l’cuir là-dedans, la sueur, la baise bien sale. Alors j’pousse le Jackie d’un coup d’épaule pour y voir mieux pis j’tire la bête d’mes chausses et j’m’y mets aussi, tiens.
Dans la tente c’est un carnage, l’Commandant il a l’cul en chou-fleur mais ça empêche pas sa p’tite copine de continuer à l’maltraiter. Avec sa queue elle continue d’le fouetter puis elle va enrouler ça autour d’son kiki et elle serre tellement fort qu’bientôt il a l’gland qu’on dirait une grosse pomme rouge comme celles du marché du Val d’Est, l’dimanche. Le Jackie j’crois qu’ça l’inspire parce que tout d’un coup il vient poser sa main sur mon machin et il m’sègue. Bon euh. C’est plutôt pédé, certes. Mais là j’avoue j’ai un coup d’chaud. Ca fait deux mois qu’on a pas pu aller aux putes, j’ai l’jus qui bouillonne. Alors un peu d’attention sans déconner on va pas cracher d’ssus. Pis t’façon y’a personne qui nous voit et en plus, si tu fermes les yeux, bah une main c’est une main. Qu’ce soit la tienne, celle d’une bonne femme ou d’un copain bah bon voilà quoi. Pis en plus l’Jackie il a les mains douces alors si j’imagine très très fort bah on pourrait dire que c’est une belle draeneï avec des grosses loches et pis voilà. Bon et comme que j’sais pas quoi faire d’mes mains libres du coup … bah j’fais pareil. Bon surtout : pas s’regarder dans les yeux. Ca c’est très pédé. Alors on fait ça en regardant tous les deux l’Commandant se faire défoncer la rondelle. Bref.
Là-bas c’est l’bordel, même nous on sait plus trop quoi est où. La démonette elle te retourne l’Commandant comme qu’si c’était une poupée d’chiffon, elle lui fait c’qu’elle veut elle l’badigeonne de ses sucs, ça fume on dirait de l’acide l’autre il pleure et il rigole en même temps. Et vas-y que j’te fouette encore, pis que j’te foute la matraque pleine de rouge dans la bouche pis que j’te bifle avec. Franchement c’est à l’air un peu intense mais l’Commandant il a l’air d’tellement prendre son pied que j’me dis t’sais quoi pourquoi pas. Ou p’êt’ que j’dis ça parce que dans ces moments-là j’contrôle pas c’que j’pense mais sans déconner ça a l’air d’être un sacré truc. L’Jackie il a l’air d’se dire tout pareil parce que tout d’un coup y s’met à genoux pis il commence à m’pomper. Euh bon. Allez on pense à la draeneï bien fort hein. En plus chic type il a enlevé son dentier donc t’sais quoi ça me rappelle des bons souvenirs avec la Goulue, quand j’bossais au Trou Margot sur l’port. J’trouve que l’Jackie il s’y prend drôlement bien, c’est louche et même carrément pédé. Mais bon passons. J’fais mon affaire, j’lui gicle dans la bouche pis comme Môman elle m’a bien élevé bah j’lui rends la courtoisie quoi. Voilà voilà …
L’Commandant il a fait savoir à la troupe qu’il était malade et qu’on doit pas lever l’camp avant deux jours. Alors pendant qu’il s’remet de ses émotions bah nous on doit aller faire des patrouilles. Moi j’ai bien réfléchis à c’qui s’est passé et vraiment, c’est pas bien. Déjà c’est pas bien parce que c’est complètement pédé. Ensuite si Jackie la Tchatche il raconte ça à quelqu’un bah tout l’monde va me dire « pédé », j’vais devoir casser des bouches et j’vais finir soit par me prendre des coups d’surin dans l’dos soit par pendouiller à une poutre. Pis c’est pas bien non plus parce que Jackie il me casse encore plus les couilles il a voulu venir dormir dans ma tente et y m’dit des trucs bizarres et y m’regarde bizarre. Et en plus c’est pas bien parce que vraiment c’est super pédé. Ah non ça j’l’ai d’jà dit, bref.
Quand l’capo il a dit « Salade, Dents-Blanches : z’allez faire la ronde par la ravine là-bas. » Moi j’me suis dit « putain merde » parce que c’est une marche de cinq heures, et l’Jackie il m’a fait un grand sourire de pédale avec ses chicots blancs. Donc on prend notre barda et on y va. On va dans la forêt, on traverse le grand tronc qui passe sur la rivière et on monte sur la falaise. C’est un p’tit chemin bien étroit, avec les rochers d’un côté pis un grand précipite de l’autre qui tombe tout droit comme un mur jusque sur d’autres cailloux en bas. Alors là j’m’arrête et j’dis :
- « Hé la Tchatche viens donc voir par-là ! »
L’autre il rapplique en courant limite, tout content qu’il doit être à l’idée qu’j’vais lui sucer l’chibre. Bah non, j’le pousse super fort dans l’vide et il vole avec un air surpris sans même crier. SPLOTCH il s’écrase en bas. Vu l’bruit qu’ça a fait j’me dis qu’il est bien mort, mais au cas où j’me penche un peu pour regarder. C’est bon, vu les angles bizarres qu’il a c’est sûr il est canné, Dents-Blanches.
V’là un problème de réglé. Tranquille le Chat, et surtout pas pédé.
La Pénitentiaire est déployée dans les Hautes-Terres du Crépuscule. Là-bas aussi la guerre entre l’Alliance et la Horde fait rage mais d’autres menaces plus grandes encore secouent la région au lendemain du cataclysme. Les sectateurs du Marteau-du-Crépuscule ont fait de ce territoire tourmenté leur base d’opération principale et de terrifiantes lueurs flamboient désormais au sommet des tours de Grim Batol. Plus inquiétant encore, des rapports confus parlent d’une entité effroyable ayant surgit de la terre à l’appel des Dieux Très Anciens. Ce monstre dément que les locaux appellent Iso’rath se trouverait dans un lieu corrompu connu sous le nom d’Antre de la Folie, au Nord de la péninsule. Comme souvent lorsqu’il s’agit de mobiliser des éléments sacrifiables, l’état-major décide d’envoyer la Division Pénitentiaire enquêter sur place. Igor de Madrance est désigné pour diriger la mission, accompagné d’une vingtaine de grognards qui ont encore la corde au cou. A l’heure de ce récit, la troupe campe non loin de Tonnemar, au milieu d’une pinède sauvage et somme toute charmante.
Alors voilà, j’suis planté là à faire le pied d’grue devant la tente de ce taré de Commandant. J’te jure, il est pas net ce type. En même temps dans l’régiment des types pas nets on en a à revendre mais c’ui-là il en tient une couche. A Haute-Rive j’l’entendais dans les latrines en train d’parler et de rigoler tout seul pendant qu’il posait sa pêche. Et pis il est tout sec mais plein de grosses veines partout, on dirait qu’il est fait en peau de bite. Louche le gonze, moi j’te l’dis.
Donc bref voilà j’fais le guet avec Jackie. Jackie c’est un espèce de casse-couille qui arrête pas de charrer même quand on lui dit qu’il faut boucler sa boîte à clacos. Il est des Carmines, coffré pour des braquages à main armée sur la route de Sombrecomté. Entre eul’gibet et la Pénitentiaire, il a choisi le Jackie ! On l’appelle « Dents-Blanches » bah parce qu’il a des dents bien blanches. Sauf que c’est pas ses vraies dents. Des dents il en a plus à cause du scorbut mais du coup il a un espèce de dentier avec des fausses dents. Il dit qu’elles sont en ivoire de troll mais moi j’sais c’est des conneries parce que j’l’ai vu arracher leurs défenses à des pêcheurs rohart qu’on avait buté sans faire exprès en Transborée, dans l’Norfendre. Y’avait du brouillard on avait vu des trucs on avait tiré. En fait c’était pas des goules, c’était des morses qui causent. Bah écoute tant pis, z’avaient qu’à pas s’balader là aussi. Jackie il avait pris les défenses et pis moi j’m’étais découpé une belle tranche de lard de phoque. Miam miam. Bref voilà j’suis avec Jackie. Il commence à raconter un truc, j’lui dis direct de bien fermer sa gueule parce que sans déconner il commence à me les briser menu à faire que parler, pis on reste là debout comme des cons pendant qu’le Commandant il ronque tranquille.
Sauf qu’en fait pas sûr qu’il ronque. Parce qu’on entend un grognement pis un truc qui claque, comme un fouet. SLACK ça fait. Deux fois, puis ça grogne encore et ça palabre. Oh putain c’est quoi. Moi et Jackie on prend nos armes pis on s’retourne vers l’ouverture de la tente. Si il arrive un truc au Commandant ce s’ra pour not’ pomme et on ira s’balancer aux branches d’un pin avant de revoir Hurlevent, pour sûr. Moi j’serre fort Titine entre mes pattes et j’me prépare à rentrer là-dedans et à tabasser à tout va mais Jackie y m’dit d’attendre. Il a l’air pas très sûr d’un truc, le Jackie. Il dénoue un peu la corde qui tient la toile de la tente et il écarte pour qu’on puisse jeter un œil discrètement dedans. Alors moi j’m’approche aussi pis j’zieute discretos.
Oh con.
Alors j’suis pas bien sûr si l’Commandant il est en train d’se faire attaquer mais j’te dis c’que j’vois et tu m’dis c’que t’en penses. Bah il est à poil sur son lit d’camp, les yeux bandés avec un foulard, les mains attachées dans l’dos pis le cul bien en l’air. Par terre y’a une espèce de rune ronde tracée à la poudre violette avec des motifs bizarres comme des trucs de sorcier pis ça sent bien l’souffre. Mais l’clou du spectacle c’est la démonette avec des sabots pis des ailes de cuir et une longue queue et même des cornes qui fesse méchamment l’popotin du Commandant avec son fouet. L’autre il pousse des petits cris pendant qu’la démonette elle lui dit qu’il est qu’une p’tite pute et qu’il a été très vilain. Moi j’dis : d’accord elle est très bonne avec ses meules tout dehors tétons pointés et son air de cochonne mais quand même ça r’ssemble quand même bien à une attaque. Alors j’y vais pour sauter dans la tente pis écraser Titine sur la tronche de la bougresse et libérer l’Commandant. Mais Jackie y m’retient encore.
- « Mais non Salade r’garde ! Il bande ! »
Ah putain beh ouais il bande le con. Et en plus il dit « encore, oui j’suis une p’tite pute j’ai été très vilain puni moi ». Alors là j’suis sur le cul. Du coup dans ma caboche ça va vite : si en fait l’Commandant il est pas attaqué et que j’y vais et que défonce sa pote, il va pas être bien content et il va m’faire pendre. Alors bah j’y vais pas. Et on est là avec le Jackie on r’garde à travers la fente juste pour surveiller qu’tout va bien quoi.
SLACK ! SLACK ! SLACK ! Putain il a l’derrière tout rouge, ça comme même à saigner. C’est chaud. Enfin lui il a l’air d’bien aimer mais bordel tordu le type, j’te l’avais bien dit. Et là la démonette et lui fait mordre le manche de son fouet, l’autre il bave en gémissant, et pendant c’temps elle attrape une bougie et elle lui fait couler d’la cire sur le dos. L’autre il en peut plus, ses grosses veines là on dirait qu’elles vont exploser. Pis après elle claque des doigts et elle fait apparaitre une ceinture avec une grosse matraque, avec la magie. Elle met la ceinture et ... oh putain. Elle crache dans sa main, elle lustre la matraque et PAF elle la lui fout dans l’fion. L’autre il gueule comme un cochon mais elle lui serre le manche de son fouet entre les dents. Et VLAN VLAN VLAN vas-y qu’elle le besogne en riant. Aïe aïe aïe mais l’truc est tellement gros qu’ça va lui fendre la raie c’pas possible. Elle met des coups d’reins qu’moi-même j’en s’rai jaloux.
J’sens Jackie qui bouge à côté de moi alors j’regarde c’qu’il branle. Ah bah d’accord. Il s’branle tout court. Y m’pousse un peu pour mieux voir, son zgeg dans la pogne et il y va sans s’gêner. Bon j’avoue qu’la démonette elle dégage un truc là, ça émoustille. J’ai l’sang qui monte. Ca sent l’cuir là-dedans, la sueur, la baise bien sale. Alors j’pousse le Jackie d’un coup d’épaule pour y voir mieux pis j’tire la bête d’mes chausses et j’m’y mets aussi, tiens.
Dans la tente c’est un carnage, l’Commandant il a l’cul en chou-fleur mais ça empêche pas sa p’tite copine de continuer à l’maltraiter. Avec sa queue elle continue d’le fouetter puis elle va enrouler ça autour d’son kiki et elle serre tellement fort qu’bientôt il a l’gland qu’on dirait une grosse pomme rouge comme celles du marché du Val d’Est, l’dimanche. Le Jackie j’crois qu’ça l’inspire parce que tout d’un coup il vient poser sa main sur mon machin et il m’sègue. Bon euh. C’est plutôt pédé, certes. Mais là j’avoue j’ai un coup d’chaud. Ca fait deux mois qu’on a pas pu aller aux putes, j’ai l’jus qui bouillonne. Alors un peu d’attention sans déconner on va pas cracher d’ssus. Pis t’façon y’a personne qui nous voit et en plus, si tu fermes les yeux, bah une main c’est une main. Qu’ce soit la tienne, celle d’une bonne femme ou d’un copain bah bon voilà quoi. Pis en plus l’Jackie il a les mains douces alors si j’imagine très très fort bah on pourrait dire que c’est une belle draeneï avec des grosses loches et pis voilà. Bon et comme que j’sais pas quoi faire d’mes mains libres du coup … bah j’fais pareil. Bon surtout : pas s’regarder dans les yeux. Ca c’est très pédé. Alors on fait ça en regardant tous les deux l’Commandant se faire défoncer la rondelle. Bref.
Là-bas c’est l’bordel, même nous on sait plus trop quoi est où. La démonette elle te retourne l’Commandant comme qu’si c’était une poupée d’chiffon, elle lui fait c’qu’elle veut elle l’badigeonne de ses sucs, ça fume on dirait de l’acide l’autre il pleure et il rigole en même temps. Et vas-y que j’te fouette encore, pis que j’te foute la matraque pleine de rouge dans la bouche pis que j’te bifle avec. Franchement c’est à l’air un peu intense mais l’Commandant il a l’air d’tellement prendre son pied que j’me dis t’sais quoi pourquoi pas. Ou p’êt’ que j’dis ça parce que dans ces moments-là j’contrôle pas c’que j’pense mais sans déconner ça a l’air d’être un sacré truc. L’Jackie il a l’air d’se dire tout pareil parce que tout d’un coup y s’met à genoux pis il commence à m’pomper. Euh bon. Allez on pense à la draeneï bien fort hein. En plus chic type il a enlevé son dentier donc t’sais quoi ça me rappelle des bons souvenirs avec la Goulue, quand j’bossais au Trou Margot sur l’port. J’trouve que l’Jackie il s’y prend drôlement bien, c’est louche et même carrément pédé. Mais bon passons. J’fais mon affaire, j’lui gicle dans la bouche pis comme Môman elle m’a bien élevé bah j’lui rends la courtoisie quoi. Voilà voilà …
_____________________________________
L’Commandant il a fait savoir à la troupe qu’il était malade et qu’on doit pas lever l’camp avant deux jours. Alors pendant qu’il s’remet de ses émotions bah nous on doit aller faire des patrouilles. Moi j’ai bien réfléchis à c’qui s’est passé et vraiment, c’est pas bien. Déjà c’est pas bien parce que c’est complètement pédé. Ensuite si Jackie la Tchatche il raconte ça à quelqu’un bah tout l’monde va me dire « pédé », j’vais devoir casser des bouches et j’vais finir soit par me prendre des coups d’surin dans l’dos soit par pendouiller à une poutre. Pis c’est pas bien non plus parce que Jackie il me casse encore plus les couilles il a voulu venir dormir dans ma tente et y m’dit des trucs bizarres et y m’regarde bizarre. Et en plus c’est pas bien parce que vraiment c’est super pédé. Ah non ça j’l’ai d’jà dit, bref.
Quand l’capo il a dit « Salade, Dents-Blanches : z’allez faire la ronde par la ravine là-bas. » Moi j’me suis dit « putain merde » parce que c’est une marche de cinq heures, et l’Jackie il m’a fait un grand sourire de pédale avec ses chicots blancs. Donc on prend notre barda et on y va. On va dans la forêt, on traverse le grand tronc qui passe sur la rivière et on monte sur la falaise. C’est un p’tit chemin bien étroit, avec les rochers d’un côté pis un grand précipite de l’autre qui tombe tout droit comme un mur jusque sur d’autres cailloux en bas. Alors là j’m’arrête et j’dis :
- « Hé la Tchatche viens donc voir par-là ! »
L’autre il rapplique en courant limite, tout content qu’il doit être à l’idée qu’j’vais lui sucer l’chibre. Bah non, j’le pousse super fort dans l’vide et il vole avec un air surpris sans même crier. SPLOTCH il s’écrase en bas. Vu l’bruit qu’ça a fait j’me dis qu’il est bien mort, mais au cas où j’me penche un peu pour regarder. C’est bon, vu les angles bizarres qu’il a c’est sûr il est canné, Dents-Blanches.
V’là un problème de réglé. Tranquille le Chat, et surtout pas pédé.
Camille Chat et Jacky "Dents-Blanches" découvrent les penchants du commandant Igor de Madrance
Je suis le Grand Duc, seigneur de ces bois. Je vis avec mes gens, loin de la folie des hommes. La nuit je vole dans les sombres profondeurs de la forêt. Mon regard d'acier partout se pose, et sans bruit, comme le vent, je file entre les branches des arbres séculiers. Je suis le Grand Duc, seigneur de ces bois.
- [MJ] Le Grand Duc
- Warfo Award 2019 du meilleur MJ - RP
- Messages : 1600
Re: [Warcraft] Souvenirs d'un Chat
Camille Chat est ivre mort sur le plancher de sa chambre d’auberge, quelque part dans le Quartier commerçant. A côté de lui, une bouteille de vodka alteracienne renversée et une flaque de vomi tout frais. Le mauvais matou dort-il ? Non il a les yeux bien ouverts. Est-il mort ? Que nenni, il est plus vivant que jamais, son poitrail de buffle se soulève au rythme d’une respiration énervée et le sang lui bat les tempes comme un tambour de guerre. Les ténèbres de l’alcool rongent son esprit une fois encore, transformant lentement mais sûrement cet être taciturne en une boule de rage aveugle. Ses poings s’ouvrent et se referment comme un cœur qui pulse, ses paupières clignent et lui donnent un air ahuri, le coin de sa bouche se retrousse tel la babine d’un chien enragé. La mèche est allumée, la bombe va exploser.
La compagnie de mercenaires dans laquelle il a signé est de retour à Hurlevent après une campagne longue et difficile dans les terres sauvages de Kalimdor. L’ancien taulard a failli y passer plusieurs fois, y a perdu un frère et un amour, y est devenu fou. Mais il est rentré, et le voilà de nouveau à errer comme un chat de gouttière dans les rues de la Cité Blanche où le désœuvrement jette sur lui un sort cruel. Dans le combat, au camp, Camille ne pense à rien sinon à lui. Taper, courir, survivre. Voilà qui suffit à occuper l’esprit. Mais ici, dans cette métropole grouillante de vie, le guerrier n’a pas sa place. Les regards des passants l’agressent, le bruit l’indispose, tout lui est hostile surtout quand ce tout porte le tabard au Lion. Alors il s’occupe, rôde en ruminant de sombres pensées et boit beaucoup.
La soirée avait commencé sur les chapeaux de roue. Alieg la petite sorcière des moissons était venue trouver le Chat sur le pont du bateau pour l’aider, encore et toujours. Et encore et toujours, Camille s’était comporté en rustre, rancunier au possible et mauvais comme un ail. Menaces et injures étaient le lot habituel pour une rouquine aux yeux mauves qui avait pourtant réussi à tirer quelque chose de la brute. Echauffé par l’échange, ce dernier s’était alors mis en tête de descendre quelques godets. C’est tout naturellement qu’il se retrouva dans une taverne sordide en bordure du Quartier des mages. Attiré par les ennuis comme un clou par un aimant, le repris de justice se retrouva immanquablement impliqué dans une bagarre de poivrots aux côtés de ses compagnons Pélissier, le Druss et la Louve. Bien vite réprimandé par les renforts, c’est ensuite contre Chani qu’un Chat déjà ivre s’étrilla méchamment. Tempêtant, insultant, paniqué par sa propre impuissance et pensant à l’impensable, c’est un matou au bord du crime qui regarda finalement cette peau bronzée disparaître dans l’escalier. Alors seul et épuisé par ses frasques sans même s’en rendre compte, Camille se commanda une autre bouteille pour boire et oublier.
Et qui c’est le gros pédé qu’a dit qu’boire c’est oublier ? Parce que putain moi plus j’bois et moins j’oublie. C’est même l’inverse tu vois, plus j’bois et plus j’me souviens, même que si j’en ai pô envie. J’me souviens, ouais ! J’me souviens d’Krasarang. J’me souviens de la grue. La grue dans l’dos d’la mésange. Putain con ! J’me souviens qu’ma p’tite mésange que il m’la piqué ! Que j’vais l’saigner ce Bleu de mes couilles, je vais lui ouvrir le cou d’une oreille à l’autre pis j’vais le regarder s’étouffer dans son jus comme un cochon ouais. Et la mésange j’vais la pendre à une corde et j’vais remettre le tabouret sous ses pieds parfois pour faire comme si que j’la sauvais … pis pour l’enlever encore après ! En plus que j’lui ai fait un cadeau, un p’tit chien qu’il s’appelle la Mado. Attends … Non attends j’confonds. C’est pas ma mésange ça … c’est Chani … OUAIS CHANI PUTAIN. Ah ouais j’me refais les chicots, j’te donne la Mado comme cadeau et même pas tu m’donnes ton cul ?! OUAIS la Mado j’l’ai pas vraiment acheté, peut-être. Mais putain c’est un cadeau quand même. Et elle elle m’parle comme ça. C’pas ça qu’on m’avait dit à moi. On m’avait dit « enlève tes chicots pourris, fais des cadeaux, pis tu peux la baiser. » Bah t’sais qu’est-ce qu’elle m’a dit ? « Va aux putes » qu’elle m’a dit. Bah t’sais quoi ouais, j’vais y aller aux putes, et quand j’reviens tu prends mon poing dans ta gueule j’vais t’faire sauter les dents moi, c’est à toi qu’Pélissier il va devoir mettre des ratiches en plomb maintenant.
…
Bon. Faut qu’j’arrive à m’lever. Putain ça tourne. Allez je m’appuie là sur la commode, allez gros con DEBOUT. Voilà, un pied d’vant l’autre. J’ai l’impression j’suis dans la barque à Nazmir tellement ça bouge. Sauf que là si j’tombe c’est pas les crocilisques qui me cueillent, c’est les marches de l’escalier. Allez doucement, là là c’est bon. J’suis dans la rue. Pas grand monde, j’sais pas quelle heure il est mais doit être tard. Impec y’aura pas la queue au bordel. Tiens c’est pour où déjà … Bon par là. Allez un pied d’vant l’autre. Et toi là pousse toi ou j’te décanille. Ouais ouais, écarte toi. Putain alors, j’ai la gerbe … J’vais réussir à bander moi ? J’sais même pas … SI ! SI J’VAIS BANDER PUTAIN OH. Sans déconner con j’suis Camille Chat ou pas ?! Qui c’est qu’a dit qu’Camille Chat il allait payer une pute et qu’il allait même pas bander hein ?! Le premier qui dit ça j’le démonte de toute façon voilà c’est marre. Bon allez on souffle un coup. C’est reparti, un pied d’vant l’autre Camille, un pied d’vant l’autre.
…
Putain alors, l’est encore là lui ? Oui le clodo là qui pisse contre un mur. Celui qui pue et qu’est bien pouilleux, l’vieux là. Bah c’est mon vieux. C’est Pôpa. J’m’arrête j’le regarde de loin. Non mais mate moi cette grosse merde. Il tangue presque autant qu’moi, il se crache dessus et il tient une bouteille d’alcool frelaté. Pfffffff. C’est vraiment un putain d’clébard galeux, comme quoi parfois les chiens font bien des chats. Il s’casse, j’le suis j’sais même pas pourquoi. C’pas la première fois qu’je l’croise pourtant, j’le vois à chaque fois que j’reviens dans cette ville à la con. Il est là, à dormir dans sa chiasse, la bouteille à la main et l’regard qui part en couille. Putain j’devrais aller sur la tombe de Tomas plutôt que d’suivre cette merde humaine mais j’y peux rien, j’lui emboite le pas c’est comme ça.
Il me voit pas. Il sait pas que j’suis là dans l’ombre. Il marche comme un poulet sans tête, sans trop savoir où qu’il va. On arrive au port moi j’le suis à la trace j’le perds pas des yeux. J’commence à sentir un truc dans mon ventre là. Non c’est pas la vodka qui veut sortir, c’est plus un truc d’animal. Comme que si j’suis excité, quand j’sens que l’action elle arrive et que j’vais faire sauter des mâchoires. Ca tangue, j’vois double, mais ça empêche pas que j’suis un putain d’prédateur ouais. J’le suis à Pôpa, comme si c’était un putain d’rat et moi l’matou que j’vais l’bouffer. Il marche, il marche. On arrive vers les chantiers naval. Navaux. Naval. Ta gueule, les chantiers où qu’ils font les bateaux voilà. Y’a pas grand monde dans l’coin. Pas d’patrouille. Pôpa il marche, il s’ramasse parfois, il insulte des types invisibles, pis il continue.
Pôpa y buvait. Pôpa y m’tapait. Pôpa il tapait Bala, il tapait Môman. Il a rendu tout l’monde très triste, et même que j’suis sûr que si qu’aujourd’hui tout l’monde est mort et moi j’ai une vie d’merde bah t’sais quoi c’est tout sa faute ouais. Si Pôpa ça avait été un bon papa bah p’t’êt’ j’aurai été prêtre ou officier ou même grand archimage en chef du Kirin Tor ouais. A la place j’suis juste un putain d’raté qui fait que taper et que même les mésanges et les Chani elles veulent pas baiser. Donc en fait c’est pas ma faute à moi. C’est tout la faute à Pôpa. J’ai l’feu qui commence à monter dans les jambes, dans la poitrine, dans les bras. Je sens que j’vais tuer. Ouais, j’vais tuer Pôpa.
Droite, gauche. Personne. Il tourne derrière un grand abri en bois. J’le suis. Derrière, on est un peu caché. Il est là d’vant moi, j’peux sentir sa crasse. Il s’arrête pour ramasser sa bouteille qu’est tombée, j’me ramasse j’fais quelques pas et j’bondis. J’lui tombe dessus il est si fragile qu’il s’écrase la gueule par terre. J’le retourne et on s’regarde dans les yeux.
- « C…. Cam ... ? » qui m’dit avec sa voix d’chèvre là. « Cam tu fais quoi ! »
- « Ferme ta gueule. » que j’lui dis.
J’lui écrase mon poing dans la bouche pis j’l’étrangle. Y m’regarde avec des grands yeux ronds. Pas les même yeux que quand il me faisait pêcher et qu’j’ai pris mon premier gardon quand j’étais môme. Pas les yeux quand il rentrait torché et qu’il tapait Môman et moi et qu’après il s’excusait. Là y m’regarde avec les yeux du mec qui va crever et qui peut rien y faire. Des yeux tout ronds, plein de sang, qui commence à sortir de leurs trous. Il pose ses mains sur les miennes, essaient d’me faire lâcher, de me griffer. Pffff mais regarde toi pauvre merde, t’es un rat. Moi j’suis un lion. Ouais. UN LION. Je serre, il essaie d’dire un truc mais j’entends que « hhhhhhhhhhhhh ». Il s’agite un peu, il devient bleu. Je serre plus fort encore, ça craque entre mes paumes, tiens prends ça enculé. J’le fixe bien, j’veux voir le truc qui part de ses yeux. Le truc qui dit quand quelqu’un il est vivant ou mort. Il s’agite encore un peu comme un serpent, ça s’débat mollement mais j’bouge pas. J’le fixe bien, j’vais pas rater ça. Pis voilà, un voile dans son regard de clodo de merde. Il bouge plus. Ca s’relâche, à peine cadavre qu’il lâche déjà une grosse caisse post-mortem. Dégueu même dans la mort, et ouais j’connais post-mortem j’ai entendu Yuri expliquer c’était quoi un jour. Bref j’me relève.
J’suis là. Sous mes pieds y’a Pôpa qu’est mort parce que j’l’ai tué. Dans ma tête c’est le vide. Pas d’émotions. Rien. J’ai tué Pôpa parce qu’il l’avait bien mérité. Pis j’sens qu’ça monte. J’commence à avoir envie d’mourir aussi tout d’un coup, comme Pôpa. Comme Môman, comme Bala, comme Tomas. Comme les autres. Disparaître en claquant des doigts. Quand tout l’monde est mort, faut mourir aussi. J’ai les genoux qui tremblent. J’vomis. Vite vite Camille Chat, va boire avant de crever toi aussi.
La compagnie de mercenaires dans laquelle il a signé est de retour à Hurlevent après une campagne longue et difficile dans les terres sauvages de Kalimdor. L’ancien taulard a failli y passer plusieurs fois, y a perdu un frère et un amour, y est devenu fou. Mais il est rentré, et le voilà de nouveau à errer comme un chat de gouttière dans les rues de la Cité Blanche où le désœuvrement jette sur lui un sort cruel. Dans le combat, au camp, Camille ne pense à rien sinon à lui. Taper, courir, survivre. Voilà qui suffit à occuper l’esprit. Mais ici, dans cette métropole grouillante de vie, le guerrier n’a pas sa place. Les regards des passants l’agressent, le bruit l’indispose, tout lui est hostile surtout quand ce tout porte le tabard au Lion. Alors il s’occupe, rôde en ruminant de sombres pensées et boit beaucoup.
La soirée avait commencé sur les chapeaux de roue. Alieg la petite sorcière des moissons était venue trouver le Chat sur le pont du bateau pour l’aider, encore et toujours. Et encore et toujours, Camille s’était comporté en rustre, rancunier au possible et mauvais comme un ail. Menaces et injures étaient le lot habituel pour une rouquine aux yeux mauves qui avait pourtant réussi à tirer quelque chose de la brute. Echauffé par l’échange, ce dernier s’était alors mis en tête de descendre quelques godets. C’est tout naturellement qu’il se retrouva dans une taverne sordide en bordure du Quartier des mages. Attiré par les ennuis comme un clou par un aimant, le repris de justice se retrouva immanquablement impliqué dans une bagarre de poivrots aux côtés de ses compagnons Pélissier, le Druss et la Louve. Bien vite réprimandé par les renforts, c’est ensuite contre Chani qu’un Chat déjà ivre s’étrilla méchamment. Tempêtant, insultant, paniqué par sa propre impuissance et pensant à l’impensable, c’est un matou au bord du crime qui regarda finalement cette peau bronzée disparaître dans l’escalier. Alors seul et épuisé par ses frasques sans même s’en rendre compte, Camille se commanda une autre bouteille pour boire et oublier.
Et qui c’est le gros pédé qu’a dit qu’boire c’est oublier ? Parce que putain moi plus j’bois et moins j’oublie. C’est même l’inverse tu vois, plus j’bois et plus j’me souviens, même que si j’en ai pô envie. J’me souviens, ouais ! J’me souviens d’Krasarang. J’me souviens de la grue. La grue dans l’dos d’la mésange. Putain con ! J’me souviens qu’ma p’tite mésange que il m’la piqué ! Que j’vais l’saigner ce Bleu de mes couilles, je vais lui ouvrir le cou d’une oreille à l’autre pis j’vais le regarder s’étouffer dans son jus comme un cochon ouais. Et la mésange j’vais la pendre à une corde et j’vais remettre le tabouret sous ses pieds parfois pour faire comme si que j’la sauvais … pis pour l’enlever encore après ! En plus que j’lui ai fait un cadeau, un p’tit chien qu’il s’appelle la Mado. Attends … Non attends j’confonds. C’est pas ma mésange ça … c’est Chani … OUAIS CHANI PUTAIN. Ah ouais j’me refais les chicots, j’te donne la Mado comme cadeau et même pas tu m’donnes ton cul ?! OUAIS la Mado j’l’ai pas vraiment acheté, peut-être. Mais putain c’est un cadeau quand même. Et elle elle m’parle comme ça. C’pas ça qu’on m’avait dit à moi. On m’avait dit « enlève tes chicots pourris, fais des cadeaux, pis tu peux la baiser. » Bah t’sais qu’est-ce qu’elle m’a dit ? « Va aux putes » qu’elle m’a dit. Bah t’sais quoi ouais, j’vais y aller aux putes, et quand j’reviens tu prends mon poing dans ta gueule j’vais t’faire sauter les dents moi, c’est à toi qu’Pélissier il va devoir mettre des ratiches en plomb maintenant.
…
Bon. Faut qu’j’arrive à m’lever. Putain ça tourne. Allez je m’appuie là sur la commode, allez gros con DEBOUT. Voilà, un pied d’vant l’autre. J’ai l’impression j’suis dans la barque à Nazmir tellement ça bouge. Sauf que là si j’tombe c’est pas les crocilisques qui me cueillent, c’est les marches de l’escalier. Allez doucement, là là c’est bon. J’suis dans la rue. Pas grand monde, j’sais pas quelle heure il est mais doit être tard. Impec y’aura pas la queue au bordel. Tiens c’est pour où déjà … Bon par là. Allez un pied d’vant l’autre. Et toi là pousse toi ou j’te décanille. Ouais ouais, écarte toi. Putain alors, j’ai la gerbe … J’vais réussir à bander moi ? J’sais même pas … SI ! SI J’VAIS BANDER PUTAIN OH. Sans déconner con j’suis Camille Chat ou pas ?! Qui c’est qu’a dit qu’Camille Chat il allait payer une pute et qu’il allait même pas bander hein ?! Le premier qui dit ça j’le démonte de toute façon voilà c’est marre. Bon allez on souffle un coup. C’est reparti, un pied d’vant l’autre Camille, un pied d’vant l’autre.
…
Putain alors, l’est encore là lui ? Oui le clodo là qui pisse contre un mur. Celui qui pue et qu’est bien pouilleux, l’vieux là. Bah c’est mon vieux. C’est Pôpa. J’m’arrête j’le regarde de loin. Non mais mate moi cette grosse merde. Il tangue presque autant qu’moi, il se crache dessus et il tient une bouteille d’alcool frelaté. Pfffffff. C’est vraiment un putain d’clébard galeux, comme quoi parfois les chiens font bien des chats. Il s’casse, j’le suis j’sais même pas pourquoi. C’pas la première fois qu’je l’croise pourtant, j’le vois à chaque fois que j’reviens dans cette ville à la con. Il est là, à dormir dans sa chiasse, la bouteille à la main et l’regard qui part en couille. Putain j’devrais aller sur la tombe de Tomas plutôt que d’suivre cette merde humaine mais j’y peux rien, j’lui emboite le pas c’est comme ça.
Il me voit pas. Il sait pas que j’suis là dans l’ombre. Il marche comme un poulet sans tête, sans trop savoir où qu’il va. On arrive au port moi j’le suis à la trace j’le perds pas des yeux. J’commence à sentir un truc dans mon ventre là. Non c’est pas la vodka qui veut sortir, c’est plus un truc d’animal. Comme que si j’suis excité, quand j’sens que l’action elle arrive et que j’vais faire sauter des mâchoires. Ca tangue, j’vois double, mais ça empêche pas que j’suis un putain d’prédateur ouais. J’le suis à Pôpa, comme si c’était un putain d’rat et moi l’matou que j’vais l’bouffer. Il marche, il marche. On arrive vers les chantiers naval. Navaux. Naval. Ta gueule, les chantiers où qu’ils font les bateaux voilà. Y’a pas grand monde dans l’coin. Pas d’patrouille. Pôpa il marche, il s’ramasse parfois, il insulte des types invisibles, pis il continue.
Pôpa y buvait. Pôpa y m’tapait. Pôpa il tapait Bala, il tapait Môman. Il a rendu tout l’monde très triste, et même que j’suis sûr que si qu’aujourd’hui tout l’monde est mort et moi j’ai une vie d’merde bah t’sais quoi c’est tout sa faute ouais. Si Pôpa ça avait été un bon papa bah p’t’êt’ j’aurai été prêtre ou officier ou même grand archimage en chef du Kirin Tor ouais. A la place j’suis juste un putain d’raté qui fait que taper et que même les mésanges et les Chani elles veulent pas baiser. Donc en fait c’est pas ma faute à moi. C’est tout la faute à Pôpa. J’ai l’feu qui commence à monter dans les jambes, dans la poitrine, dans les bras. Je sens que j’vais tuer. Ouais, j’vais tuer Pôpa.
Droite, gauche. Personne. Il tourne derrière un grand abri en bois. J’le suis. Derrière, on est un peu caché. Il est là d’vant moi, j’peux sentir sa crasse. Il s’arrête pour ramasser sa bouteille qu’est tombée, j’me ramasse j’fais quelques pas et j’bondis. J’lui tombe dessus il est si fragile qu’il s’écrase la gueule par terre. J’le retourne et on s’regarde dans les yeux.
- « C…. Cam ... ? » qui m’dit avec sa voix d’chèvre là. « Cam tu fais quoi ! »
- « Ferme ta gueule. » que j’lui dis.
J’lui écrase mon poing dans la bouche pis j’l’étrangle. Y m’regarde avec des grands yeux ronds. Pas les même yeux que quand il me faisait pêcher et qu’j’ai pris mon premier gardon quand j’étais môme. Pas les yeux quand il rentrait torché et qu’il tapait Môman et moi et qu’après il s’excusait. Là y m’regarde avec les yeux du mec qui va crever et qui peut rien y faire. Des yeux tout ronds, plein de sang, qui commence à sortir de leurs trous. Il pose ses mains sur les miennes, essaient d’me faire lâcher, de me griffer. Pffff mais regarde toi pauvre merde, t’es un rat. Moi j’suis un lion. Ouais. UN LION. Je serre, il essaie d’dire un truc mais j’entends que « hhhhhhhhhhhhh ». Il s’agite un peu, il devient bleu. Je serre plus fort encore, ça craque entre mes paumes, tiens prends ça enculé. J’le fixe bien, j’veux voir le truc qui part de ses yeux. Le truc qui dit quand quelqu’un il est vivant ou mort. Il s’agite encore un peu comme un serpent, ça s’débat mollement mais j’bouge pas. J’le fixe bien, j’vais pas rater ça. Pis voilà, un voile dans son regard de clodo de merde. Il bouge plus. Ca s’relâche, à peine cadavre qu’il lâche déjà une grosse caisse post-mortem. Dégueu même dans la mort, et ouais j’connais post-mortem j’ai entendu Yuri expliquer c’était quoi un jour. Bref j’me relève.
J’suis là. Sous mes pieds y’a Pôpa qu’est mort parce que j’l’ai tué. Dans ma tête c’est le vide. Pas d’émotions. Rien. J’ai tué Pôpa parce qu’il l’avait bien mérité. Pis j’sens qu’ça monte. J’commence à avoir envie d’mourir aussi tout d’un coup, comme Pôpa. Comme Môman, comme Bala, comme Tomas. Comme les autres. Disparaître en claquant des doigts. Quand tout l’monde est mort, faut mourir aussi. J’ai les genoux qui tremblent. J’vomis. Vite vite Camille Chat, va boire avant de crever toi aussi.
Je suis le Grand Duc, seigneur de ces bois. Je vis avec mes gens, loin de la folie des hommes. La nuit je vole dans les sombres profondeurs de la forêt. Mon regard d'acier partout se pose, et sans bruit, comme le vent, je file entre les branches des arbres séculiers. Je suis le Grand Duc, seigneur de ces bois.
- [MJ] Le Grand Duc
- Warfo Award 2019 du meilleur MJ - RP
- Messages : 1600
Re: [Warcraft] Souvenirs d'un Chat
Camille Chat est sur la brèche. Il écrase Titine sur la gueule béante d’un énième gangrechien avant de se jeter derrière un chariot renversé pour éviter la boule de gangrefeu que lui lance un vicieux diablotin. Le projectile l’éclaire sur son passage et va s’écraser derrière avec une explosion bruyante. Lui et les gars de la Division Pénitentiaire tiennent une barricade de fortune dressée dans une rue entre deux bâtiments dont l’un d’eux est déjà en proie aux flammes. Le brasier illumine cette scène démente où quelques dizaines de grognards essaient tant bien que mal de retenir les démons qui surgissent de toute part tandis que le vacarme des combats et les cris de désespoir résonnent dans tout le village. Le matou, en sueur et maculé de sang verdâtre, se démène comme un beau diable pour rester en vie en priant on-ne-sait-qui pour le sortir de ce merdier sans nom.
La Troisième Invasion est en cours, la Légion Ardente déferle et le monde tremble. Si la grande bataille qui décidera du sort d’Azeroth se déroule dans les Îles Brisées, la guerre est totale et les armées infinies de Sargeras écument les continents pour briser ceux qui se dressent encore contre l’insatiable soif de destruction du Titan Noir. Or pour que ne règne que le Chaos, l’Ordre doit disparaître. C’est ainsi qu’un vaste ost démoniaque s’est déversé dans les Maleterres de l’Est en Lordaeron et que ses colonnes infernales convergent vers la Chapelle de l’Espoir de la Lumière en ne laissant que mort et dévastation derrière elles. En cette heure sombre, la lutte semble dérisoire. Ceux qui ne cèdent pas à la folie tentent de sauver ce qui peut encore l’être tandis que les plus braves implorent leurs dieux en se préparant au dernier combat. Tout ce que la région compte de héros afflue à la chapelle sacrée pour livrer un baroud d’honneur pendant que d’autres abandonnent et fuient à bride abattue vers le Sud.
Le village de la Nouvelle-Brill se trouve sur la route de l’une des cohortes démoniaques. Cette petite bourgade, fondée par des familles de réfugiés qui revinrent coloniser leur patrie de jadis, sera rasée dans quelques heures. L’Alliance, soutenue par le Kirin Tor ainsi que par un escadron de la Croisade d’Argent, a dépêché des forces dans la zone pour évacuer les civils avant que la Légion n’engloutisse tout. Il n’est pas question de livrer bataille contre les démons ni de venir en renfort aux défenseurs de la Chapelle de l’Espoir de la Lumière mais bien de secourir les quelques âmes qui peuvent encore l’être avant de battre la retraite et d’abandonner les Maleterres à leur sort. Les soldats sont déjà sur place et l’évacuation est en cours lorsque l’avant-garde des démons surgit sans crier gare et lance l’assaut sur la Nouvelle-Brill qui se transforme aussitôt en un effroyable champ de bataille.
Putain mais quel bordel ! Ça arrive dans tous les sens ça arrête pas. J’ai Pine-d’huître à ma droite, Jammy à ma gauche et j’attends qu’une chose c’est qu’le capo il nous dise de nous tirer là. Vlan ! J’balance Titine dans une autre saloperie qui monte sur la barricade et qu’allait m’emporter l’bras. Bordel il faut chaud, j’en peux plus d’faire tourner cette putain de massue. J’jette un coup d’œil derrière, j’vois ces pédés du 8ème d’Infanterie qui enfoncent les portes des maisons et qui font sortir les gens pour qu’on les regroupe et qu’on s’tire avec. Putain j’ai fait l’Norfendre, Krasarang, les Tarides ! C’est pas pour crever dans ce bled de merde à sauver trois enculés de pécores ! La baraque d’à côté elle brûle, j’entends des gens qui crient dedans. Rien à foutre, ça fera moins de temps d’perdu à aller les chercher. Allez on s’concentre. De l’autre côté ça grouille : des gangreclébards, des gangremachinchose, des gangrefils de pute, y’en a dans tous les sens. Y’a des sorts qui pleuvent d’chez pas d’où et qui tombent au milieu de cette merde et ça explose dans tous les sens et dans toutes les couleurs. C’est tellement l’bazar que j’entends à peine c’que Pine-d’huître y me gueule mais j’le vois se foutre par terre les mains sur la tête alors j’fais pareil. Ca pète à côté de moi, j’me retrouve le museau dans la poussière sans trop savoir comment et j’ai les oreilles qui saignent. J’m’arrache une écharde grosse comme une flèche de l’épaulière et j’regarde à gauche. Ah bah Jammy il est assis contre la barricade, y m’regarde d’un œil avec un air con. Ouais que d’un œil parce que l’autre il vient d’se le faire emporter par la boule de feu, avec toute la moitié d’sa tête tellement qu’on voit un p’tit bout qu’il lui reste dedans. Il était con comme ses pieds l’Jammy, c’est sûrement l’seul bout d’mou qu’il utilisait d’façon. Bref le Jammy il est crevé, moi j’ai mon flanc gauche découvert. Alors j’gueule ça au capo même si j’entends pas c’que j’gueule. Mais l’capo il regarde vers le ciel, à travers la fumée. Alors j’regarde aussi, par-delà le clocher. Oh, plein de p’tits points noirs dans l’air. Plein, plein de p’tits points noirs. Pis ils s’rapprochent drôlement, tellement qu’y sont pas si p’tits qu’ça, ces points noirs. Putain de merde, elle va être longue cette soirée.
...
En contrebas, les silhouettes bleues et or s'agitent dans un espace de plus en plus restreint. Quelques rues, deux grandes places. Bientôt moins. Les silhouettes noires et émeraudes grouillent partout. Des hurlements et des cris retentissent en tous sens. De guerre. De peur. D'agonie surtout. Des flammes s'en prennent à la plupart des bâtiments. Jaunes et rouges au mieux, vertes dans le pire des cas.
Au sommet de mon clocher, la voix derrière moi est bien plus posée. Tendue, mais pas trop. "Gangroptères à onze heures, cent quinze mètres d'altitude, trajectoire descendante vers nous." qu'il me dit. Vaniel, c'est un divinateur. Un analyste tactique. Il sonde le terrain et repère mes cibles. Moi, je fais le reste. Je lui demande combien de volants, il me répond vingt-sept. Je lui dis que j'en prend dix, il me dit que c'est trop et je l'ignore.
Vaniel transmet finalement l'information aux deux autres duos déployés par Dalaran dans la zone. Je profite qu'il soit occupé pour calmer un tremblement qui me prend le bras droit, puis je commence à incanter en m'approchant d'une ouverture. Les gangroptères arrivent vite. Un à un les javelots de glace apparaissent autour de moi. Longs de deux mètres, effilés et même barbelés, un petit ajout personnel. Parfaits pour des démons. Je sens l'énergie me quitter, mais j'arrive à faire apparaître le dixième projectile. La sensation de puissance est enivrante et j'ai envie de tout envoyer, mais j'attend la validation. Vaniel se coordonne avec les autres groupes.
Une seconde passe, j'attend.
Deux secondes, mon bras frémis, mais j'attend.
Trois secondes. Mais qu'est-ce qu'ils font ?
Quatre. Je calme un tremblement plus violent de ma main droite. Je vais suffisamment vite pour maintenir globalement le sortilège, pas assez pour empêcher un javelot de dégringoler en contrebas. Il se plante dans l'épaule d'un fantassin qui s'écroule. Une meute de traqueurs le recouvre et il ajoute ses cris à la symphonie générale. Un cri plus proche me rappelle aux gangroptères juste à temps pour être prêt au moment où l'ordre vient.
- "Maintenant ! Vas-y !"
Je relâche le sortilège. Neuf projectiles filent à travers le ciel comme des guêpes mortelles couleur azur. Au même instant mes deux collègues juchés sur des hauteurs aux alentours ajoutent leurs couleurs au feu d'artifice et la majorité des démons volants sont transpercés, désintégrés ou incinérés. Un d'entre eux s'en tire vivant et plonge sur une colonne de civils. Je repense au javelot manquant et un spasme me prend l'épaule gauche. Je saisi mon bras et inspire un grand coup en essayant d'ignorer les hurlements pendant quelques secondes. J'inspire, j'expire. Puis Vaniel me ramène à la réalité.
- "Garde-Funeste à six heures. Secteur trois. Deux cent mètres. On le prend."
Je rajuste le masque de métal qui sert de heaume aux mages de bataille, puis je change de position. La bataille se poursuit.
...
OUAIS ! Allez les putain d'sorciers ! Oh con ! D'habitude j'peux pas les voir ces fils de pute, avec leurs airs et qu'ils nous prennent pour des abrutis et tout. On dirait des grandes tarlouzes avec leurs robes et leurs bijoux pis leurs longs cheveux de gonzesse là. Mais putain qu'est-ce que c'est bon quand on est les a avec nous. Là j'regarde le clocher j'en vois deux, y'en a un c'est un elfe pis il s'entoure d'échardes en glace et il les balance sur les merdes volantes qu'arrivent, pis ses copains ils font pareil et ça pète dans tous les sens et il pleut du gangrenculé. En vrai ça doit être trop bien d'être puissant comme ça, d'avoir c'que tu veux en claquant des doigts. Tu veux boire un coup ? Paf d'la vodka alteracienne. Tu veux j'sais pas moi voir à travers les fringues des nana ? Bim et voilà. Et même tu veux qu'les gens ils croivent tout c'que tu dis ? Eh bhin pas d'problème abracadabra poils de cul et bave d'crapaud : c'est parti tout l'monde y gobe tes paroles comme des putain d'mouches.
Le capo il gueule et nous on fait comme qu'il dit : on serre la ligne, envoie des coups. Faut s'préparer à bouger qu'il dit, sortir d'la barricade et reculer dans la rue derrière nous. C'est là où qu'ya la 8ème qui réunit les habitants pour les amener sur une p'tite place au fond, et pis faire sortir tout l'monde du village. Allez Titine, allez ma belle ! J'mouline comme un taré, des fois j'sais même plus où que j'frappe. Pine-d'huître à côté il lève son bouclier en criant et il arrête qu'un coup qu'allait m'décrocher la tête. Putain mon vieux, encore une fois tu m'sauves la mise. Bon j'vais pas lui dire que moi j'ferai pas ça pour lui parce que voilà, mais quand même c'est chic. Bref on bourrine, on serre les dents, pis on essaye d'avoir les couilles d'pas se jeter par terre et d'attendre qu'tout finisse. Le capo il brûle la gueule d'un gros démon en lui déchargeant son pistolet à bout portant pis il commence à compter. A chaque fois qu'il dit "10" on recule d'un pas. Ca c'est c'qu'on est sensé faire comme qu'on l'a apprit. C'qu'il se passe en vrai c'est qu'il dit "10", on fait un grand bond en arrière et ceux qui peuvent pas ils restent engagés pis ils crèvent parce qu'on va pas les chercher. Pis après l'troisième "10" en général juste on s'retourne et on cavale comme des putains d'dératés.
Là il dit "10", on pousse tous un grand AHOU AHOU et on descend d'la barricade d'un bloc. Enfin presque parce que comme d'hab y'a a deux trois qui restent coincés, genre là c'est Ludo, le Vinz et Floflo la Tremblote. Bah les trois ils y passent, Ludo est touché par une espèce de sort et y s'plie et il convulse en bavant et en faisant caca sur lui, , le Vinz y s'fait décrocher la tête par un coup de hache de la brute énorme devant et le Floflo il se fait empaler pis jeter dans la grande foule des démons derrière la barricade, comme quand j'jette le verre de vodka derrière moi après que j'l'ai bu cul-sec.
Moi j'regarde par-dessus mon épaule et j'vois quoi ? J'vois ces petits enculés d'la 8ème qui décrochent avec une première partir des civils. Et voilà, comme que j'm'y attendais, c'est toujours la même musique. La Pénitentiaire, premiers devants, derniers partis. Putain d'chair à canon, ça me brise les valseuses pendant qu'les autres y s'tirent la fleur au fusil en faisant semblant qu'escorter les pécores c'est important. Alors d'accord y'en a deux trois qui crèvent en retenant les démons mais bon. C'est pas assez pour qu'on soit à égalité. Bref voilà c'est comme ça. Pendant que j'pense à tout ça j'en vois quelques uns qui s'retournent, des villageois qui regardent en l'air, des soldats aussi. Allez flippez pas, on a nos p'tits sorciers pour défoncer les trucs volants là ça craint rien. Bon quand même au cas où j'regarde quand même.
C'est pas des p'tits points noirs, comme tout à l'heure. C'est plutôt comme une grosse boule verte. D'la taille d'une maison. Avec des flammes. Qui tombe du ciel comme un putain d'boulet de catapulte. Bon ça sent encore la merde, pire que tout à l'heure et c'est pas que la faute à Ludo. On s'arrête tous un peu, on regarde c'qui nous arrive sur la gueule. Allez rideau le Chat, j'pense que j'laisse ma dernière vie d'matou dans ce bled de merde.
...
- "Infernal à trois heures, secteur deux, cent mètres, impact dans quinze secondes. Quatorze."
Le garde-funeste vient juste de tomber, à moitié congelé, transpercé par les hallebardes des soldats qui ont réussi à l'atteindre. La nouvelle de l'infernal me fait un frisson dans le dos, suivi d'un tremblement bref du cou. Je me retourne et je perd mon sang froid.
- "Et tu le repères que maintenant ?!"
Vaniel relève la tête, quittant la position qu'il garde depuis le début de l'opération : en tailleur, mains jointes, yeux fermés. Il me regarde avant de rétorquer sur un ton qui trahit la tension ambiante.
- "Tu veux savoir combien y a de démons dans le secteur, Ashryn ?! Tu veux vraiment savoir ?!"
De la sueur coule de son front, ses cheveux bruns sont plaqués contre son visage. Je l'observe silencieusement. La question n'en est pas vraiment une, évidemment. Mon coéquipier a beau ne jamais jeter un oeil à l'extérieur du clocher, il surveille depuis deux heures l'intégralité du champ de bataille, les yeux clôts. Chaque démon, chaque sortilège lancé, chaque civil. Il n'a pas le droit à la fatigue ni au stress dû aux sortilèges à répétition, comme moi. Mais il a droit à l'angoisse de celui qui doit surveiller mille choses à la fois et les hiérarchiser par ordre d'importance. Communiquer avec les deux autres équipes. Et surtout communiquer avec moi. Je le sais. Je me calme, je me retourne et il reprend sa posture. Assez vite je repère l'infernal en pleine chute. Il file droit sur un groupe de soldats. Immédiatement je prend une décision et je transmet.
- "Dis à l'équipe trois et ralentir la chute, je vais amortir le choc !"
Vaniel ne répond rien et j'enchaine. Le météore émeraude fend déjà les nuages et je vois le groupe de soldats se figer en regardant vers le ciel. Ils le voient pas, mais le projectile commence déjà à légèrement ralentir, mon collègue de la troisième équipe projetant un sortilège de lenteur massif. A mon tour je commence à psalmodier, l'énergie me quittant à nouveau en éléctrisant tous mes sens. La puissance accoule.
Il reste trois secondes avant l'impact lorsque je parviens à condenser suffisamment d'humidité dans l'air pour former une première structure de glace aérienne en plein sur la trajectoire du météore. J'imprime une courbe dans ma création et l'infernal ralenti glisse sur l'ensemble comme sur un étrange toboggan volant. Il remonte, puis retombe. Je l'intercepte avec une nouvelle création aux mêmes effets. L'infernal ralentis encore à chaque fois. A chaque contact les blocs glaciaux partent en poussière et les soldats en dessous doivent se couvrir d'une pluie de grêlons, mais ça reste mieux qu'un météore à pleine vitesse.
Une troisième structure dévie une dernière fois la trajectoire du démon qui va s'écraser presque mollement au milieu du groupe en armure. Ils ont tous eu amplement le temps de s'écarter, ou presque, et l'impact ne fait au bout du compte quasiment rien.
Seulement le danger ici ne s'arrête pas à l'impact et très vite l'immense démon couvert de feu se redresse au beau milieu de la cohue humaine. De mon côté j'arrache mon masque et je l'expédie sur le côté avant de retenir un haut le coeur. Je suis presque à sec. J'interpelle Vaniel.
- "J'ai besoin d'un cristal !"
La réponse vient immédiatement. Celle que j'attendais.
- "Tu en es déjà à trois en deux heures. C'est contraire au protocole."
Comme précédemment, je ne veux pas crier, mais je crie :
- "Le protocole ?! Tu veux aller le leur expliquer le protocole aux gars en bas ?!"
Il y a un silence. Un silence très bref, interrompu immédiatement par le hurlement typique d'un infernal, suivi des cris multiples d'une foule de soldats. Vaniel extirpe un gros cristal violet d'une caisse en métal posé à proximité, puis il me le lance en m'adressant un regard noir.
Je l'ignore. J'attrape le cristal, je le brise et j'absorbe toute l'énergie qu'il contient sans retenir un râle de satisfaction. Je me retourne en calmant un tremblement de son épaule droite, puis je dresse les mains en l'air en fixant l'assemblage de flammes et de roche maudite. Je réalise que mon épaule tremble encore, mais peu importe. Ceux en bas vont devoir tenir le démon le temps que j'incante, mais je vais l'abattre.
...
MÔMAN ! Y'a l'énorme poing en pierre avec plein d'flammes vertes dessus qui balance à côté moi et emporte un bout d'maison pis qu'écrase Jeannot et Pépé la Dure à la verticale comme des putains d'galettes. Quand il s'relève les copains c'est qu'une espèce de bouillie fumante encastrée dans l'sol. Là c'est l'bordel ça court dans tous les sens. La jolie ligne qui reculait comme un seul homme c'est loin derrière, en même temps sans déconner personne nous en voudra : y'a un infernal qu'est tombé du ciel, qu'a fait quelques glissades dans d'la glace magique pis qu'est tombé au milieu d'nous comme une putain de figue trop mûre. Sauf que cette figue elle s'est dépliée, elle a poussé un cri qu'a couché tout l'monde pis elle a commencé à envoyer des tatanes. Alors nous on trace. Enfin on s'organise. L'capo il est encore en vie il gueule des ordres, les démons ils continuent d'arriver et au milieu de la rue y a ce putain de monstre tombé du ciel qui fait le vide autour de lui et qui envoie des façades de maison en feu par terre. Les civils sont en tas derrière nous sur la place, comme des moutons avec des enfants qui pleurent dans les bras de leurs parents. Le capo il dit "reculez, RECULEZ VERS LA PLACE" mais un molosse rouge avec des dents plein la tronche et des tentacules qui lui sortent du cul me chope le bras et me balance par terre au moment où y'a tout un morceau d'toiture et une pluie d'briques et d'bouts de charpente qui m'tombent sur la gueule. J'perds Titine des mains mais j'sors mon canif de la botte et j'ouvre le bide de la saloperie sur moi, elle me vide sa tripaille sur la tronche en même temps que j'prends un coin de tuile en plein front. Il va faire tout noir, ta gueule.
J'cligne des yeux, j'ai des p'tits zozios qui m'tournent autour de la tête. J'entends des bruits étouffés autour de moi comme si j'avais la tête bien bien au fond d'mon cul. Pis c'est un peu flou, comme au ralenti, y'a des formes qui bougent, surtout une grosse qui décanille des p'tites. Y'a plein d'lumières, du rouge qui danse pis du vert, pis des trucs bleus. Y'a d'l'écho sourd, moelleux. J'suis bien là, par terre. J'crois jvais dormir un peu, en vrai j'suis crevé. Mais y'a une silhouette qui vient vers moi et j'crois entendre comme si c'était de super loin ou à travers un bâillon "debout chat debout". J'ouvre les yeux un peu. J'entends mieux le bordel autour de moi. Ca gueule, ça fracasse, ça pleure. J'reviens à moi, j'ai du sang plein la gueule. C'est Pine-d'huître au dessus de moi. "DEBOUT CHAT LA CON DE TOI BOUGE TON CUL." qu'il me gueule et y me tire des gravats. Moi j'essaye d'me relever de retrouver Titine dans tout ce merdier. La maison elle s'est écroulée à côté de moi, j'ai eu du cul.
Enfin du cul. J'me retourne avec Titine entre les pognes, pour voir l'infernal choper cette petite pédale de Bousquet et lui séparer les jambes du reste. Lui qui cirait ses bottes tous les jours, il gueule en les voyant prendre le large pendant qu'y a sa tripe qui pend comme des chapelets d'saucisse. En bas de tout ça, dans les ruelles au milieu du village en feu y'a les gars d'la Pénitentiaire, des gars d'la 8ème et même trois paladin d'la Croisade d'Argent qui se battent contre les démons qu'arrivent d'plus en plus nombreux. Le capo il nous voit à Pine-d'huître et moi en train de bader la sacque sur les gravats. Il attrape son sifflet, il souffle dedans et il nous gueule :
- "OH LES DEUX CONNARDS VOUS ALLEZ VOUS SORTIR LES DOIGTS OU JE VOUS FAIS TAILLER LES OREILLES." qu'il gueule.
Dans un aut' régiment un truc comme ça c'est un peu quand ta môman elle te dit quand t'es môme que si tu vas pas te coucher elle va appeler le grand méchant troll. Dans la Pénitentiaire quand un mec te dit qu'il va te tailler les oreilles, il va te tailler les oreilles. Bon bref, alors Pine-d'huître et moi on s'regarde, pis on beugle comme des ânes et on saute des gravats pour foncer dans la mêlée et taper l'premier truc à portée, pis quand même en essayant rester loin de celle du gros infernal, de portée. Attends, pas cons les types.
...
Le sang bats contre mes tempes de plus en plus fort à mesure que je tisse le sortilège. Les soldats qui osent encore s'opposer à la machine de siège mobile sont balayés comme des fétus de paille, une paire de jambes a même percuté le clocher en arrachant quelques ardoises, à deux mètres de moi. Les stries bleues apparaissent sur toute la surface du démon, de plus en plus nombreuses. Personne ne les voit dans le chaos des combats, mais pour moi elles sont comme autant de petites victoires arrachées sur les énergies du Néant. Je tisse mon filet et lorsqu'enfin il est achevé, toutes les marques s'activent d'un seul coup et l'infernal se retrouve enfermé dans un épais bloc de glace, haut comme une maison.
Les soldats encore présents autour s'immobilisent, l'air de ne pas savoir s'ils doivent se réjouir ou non. Plus rien ne bouge, mais la création démoniaque continue de fulminer de l'intérieur. Sans que personne n'en ai conscience, c'est un véritable bras de fer qui s'engage alors entre moi et la magie qui anime le tas de rochers. Et comme pour un véritable bras de fer, de l'extérieur il ne se passe presque rien. Des tremblements agitent la glace. Des fissures se créent desquelles s'échappent des gerbes de flammes. Des sifflements retentissent en tous sens à mesure que de la vapeur s'échappe de l'iceberg enchanté, donnant l'impression que la glace hurle sous l'effort.
Ce hurlement, il fait écho à celui que j'aimerai pousser si je n'étais pas occupé à psalmodier incantations sur incantations. Je colmate une brèche ici, j'éteins une flamme là. Je fais grimper la pression exercée sur la structure de ma cible, encore et encore. Je ne le remarque même pas, mais mes bras sont tendus vers l'avant, mes mains tournées l'une vers l'autre, comme si j'allais physiquement pulvériser le démon en contrebas. Je sue. Je sue comme un animal et je dois trembler autant qu'un alcoolique en manque. Pire que ça, même. La pression que la magie exerce se propage dans mon esprit. La pression de l'esprit se propage dans mon corps. Mes jambes menacent de céder sous mon poids et j'ai l'impression que mes bras vont exploser sous la pression alors que je ne porte rien. Je vais me rompre sous un effort qui n'existe que dans ma tête.
Et finalement c'est moi qui hurle. Je mets toute forme d'incantation de côté et la subtilité académique laisse place à un pur et simple duel de volonté. Celle de l'infernal qui souhaite poursuivre son carnage face à la mienne qui souhaite l'arrêter.
Je suis trop fier pour céder. Trop fier pour être raisonnable. Les siècles d'entraînement me l'interdisent. L'oeil violet placardé sur mon tabard me l'interdit. Je suis un mage de bataille. Je suis le Kirin Tor. Dalaran ne cèdera pas. Dalaran ne cèdera pas. Dalaran ne cèdera pas !
Cela ne dure qu'une fraction de seconde avant qu'enfin un craquement dantesque ne retentisse à travers le champ de bataille. Une faille diagonale scinde le bloc de glace en deux et immédiatement tous les soldats s'éloignent pour échapper à la fureur du démon qui va se libérer. Mais les failles se multiplient, une dizaine, une centaine maintenant. Tout s'effondre et l'infernal avec, réduit en morceaux avec sa prison. Des milliers d'éclats de glace se répandent au sol en même temps que les débris noirâtres de l'ennemi vaincu.
De mon côté je m'effondre alors que la pression retombe d'un seul coup. Je m'écroule, mais pour mieux me relever dans la foulée, électrisé par la réussite. Rien ne m'arrête. J'ai l'impression de pouvoir déplacer des montagnes. Non : de pouvoir briser des montagnes. La corruption magique ne fait qu'un tour dans mon esprit et ma réussite ne me laisse qu'une seule chose en tête : recommencer. Réduire en poussière tous ces démons. Ici et maintenant.
...
MAIS C’EST QUI LES CABOURDS QUI CROIVENT QUE C’EST MALIN D’ENFERMER UN TRUC EN FEU DANS UN TRUC EN GLACE PUTAIN. Ca s’fissure dans tous les sens il va sortir on va crever ! J’sens l’truc venir, j’écrase Titine dans le premier démon qui fonce sur moi et j’commence à reculer dans la rue. Ca fume, ça craque, ça siffle comme une putain d’chaudière. J’entends Pine-d’huître qui appelle sa môman lui aussi. Mais en fait non, tout d’un coup l’truc s’éclate comme du verre brisé et le gros machin tombe en morceaux. Ça m’dégage la vue sur le clocher. J’vois les pimbêches du Kirin Tor, là-haut. On dirait ils ont pris la foudre. C’est eux qu’ils ont fait ça ? Bon on s’en branle, on réfléchira à ça plus tard. Ou pas du tout, même. L’infernal c’est du gravier fumant et j’suis pas cané, c’est déjà pas mal.
Maintenant faut gérer la suite. Et vite. Parce que même que si on a un problème en moins sur les bras, y’en a des tas d’autres qu’arrivent. On continue d’reculer dans la rue, j’entends des cors sonner. C’est à nous, ça veut dire « tirez-vous d’là ». Enfin non en vrai ça veut dire « premier groupe dehors, deuxième groupe en suivant ». C’était ça l’plan. Sauf qu’y a un grand coup d’tonnerre un peu vert, pis y’a un autre cor qui sonne. Pas à nous celui-là, il vrille les tympans. J’lâche Titine pour m’boucher les oreilles en beuglant, j’saigne du nez. J’me retourne pour regarder la barricade et j’la vois exploser au milieu des maisons enflammées, avec quelques gars à nous dessus qui finissent en charpie, pis y’a toute une cohorte de gros démons bien méchants aux veines bien gonflées qui sortent du feu et débarquent en rangs serrés. Des gangregardes qui chantent en même temps dans un truc qui fait « kar’gurlaka kar’gurlaka kar’gurlaka » et qui m’fout les foies, et devant-eux y’en a un plus grand, plus vilain, avec des lames sur son armure et une épée qu’on dirait c’est de la lave. Bon au cas où qu’on était pas sûrs jusque là, bah là on est sûr : on est foutu.
Les paladins qui sont là ils gueulent des prières et ils foncent dans le tas et leur lumière éloigne les ombres. Le capo –qu’est quand même un sale trou du cul- il voit ça et il pointe son épée en gueulant « CHARGEZ » et c’qui reste d’la Pénitentiaire elle fait « AHOU AHOU » et elle fonce.
Mais pas moi et Pine-d’huître. Parce que Pine-d’huître ça a beau être une tantouze il est quand même malin. J’allais courir, y m’retient, j’y vais pour lui mettre une baffe mais y m’dit « regarde » et moi j’regarde. Dans la rue y’a des gravats fumants, des morceaux de poutre qui brûle, et plein de cadavres. Des à nous. Des à eux. J’comprends pas, mais Pine-d’huître y m’tire par le col et on s’cache à moitié derrière un muret qui tient encore debout. A nos pieds y’a des mecs d’la 8ème qui se sont fait dézinguer. Pine-d’huître il arrache son tabard d’la Pénitentiaire, pis il prend celui d’un des mecs canés et il le met, et il met aussi le casque et il se tartine la trogne de cendre et de sang pour se planquer. Oh le con. Putain j’fais pareil en vitesse, y’a pas b’soin d’me le dire deux fois. Parce que vu c’qu’on entend les autres qu’ont couru après l’capo ils passent pas un bon moment, d’là où que j’suis j’vois même Tony voler dans les airs avec une gerbe de sang pis se fracasser dans la toiture d’une cahute en flamme qui s’effondre sur lui.
Pine-d’huître détale comme un lapin sans s’retourner, j’fais pareil. On prend une ruelle entre deux maisons pour pas s’faire voir, on défonce un gangrechien qui s’trouvait là en train de bouloter un type crevé et on évite d’justesse de se faire écrabouiller par une façade qui tombe à cause d’une autre explosion. Pine-d’huître il trébuche, j’le relève pas c’est un grand garçon. Il m’dit que j’suis un connard mais il s’relève et on continue de bomber. On déboule sur la p’tite place avec tous les civils paniqués et les mecs de la 8ème qui sont bien occupés et qui nous regardent pas trop du coup ils croivent on est avec eux. « ON DECROCHE » qu’il gueule leur capo à eux. Alors tout l’monde se tire en encadrant les pécores, nous on fait pareil. Y’a des démons qui déboulent au compte-goutte, y’a des mecs qui s’arrêtent pour les retenir. Pas moi. On continue et on sort du village par l’aut’ côté, on monte sur une colline à la lisière d’la forêt toute pelée où y’a d’autres paladins et quelques chevaliers pis même des mages qui viennent d’arriver et qui encerclent les civils pour les protéger. C’est bon on va s’en sortir putain. Bon faudra quand même prendre la poutre d’escampette à m’en-donné parce que si y s’rendent compte qu’on est d’la Pénitentiaire et pas d’la 8ème on va finir sur l’échafaud. Mais ça c’est une autre histoire pour l’instant on fait profil bas et on suit l’mouvement.
J’me retourne un coup pour regarder vers le village. Môman mais quel bordel. Ca reflue sur la p’tite place, j’vois plus qu’un seul paladin pis nos gars et même le capo au milieu des démons qui sont super nombreux et qui galopent dans tous les sens. Y’a les gros au milieu qui ravagent la dernière ligne pendant qu’y a encore plein d’civils qui essayent d’se regrouper ou qui courent comme des poulets sans tête. Tout c’petit monde ça fait comme une foule sur la place, avec les démons qu’arrivent de chaque rue pour les encercler, couper leur retraite et les bouffer. Même l’église elle commence à prendre feu. Y sont une centaine là en bas, au milieu du grand incendie des maisons et de l’énorme merdier, et j’me dis que quand même j’ai bien fait d’me casser parce que j’me bouffe les couilles si y’en a un seul qu’en réchappe. Tant pis pour eux, tout l’monde il a pas la chance d’avoir les neuf vies du Chat. Pour sûr qu’j’en ai laissé une en bas, mais c’était pas la dernière, pute-borgne !
...
Tout autour du clocher : c'est l'anarchie. Une partie des troupes se sont repliées, l'autre partie est bloquée sur la place en dessous. L'équipe numéro trois a été pulvérisée quand son abri s'est prit un énorme éclair de foudre verdâtre. L'équipe une et quatre se sont téléportées à l'extérieur pour couvrir les civils déjà évacués. Ne reste qu'une poignée de paladins presque morts, un peloton de fantassins de l'Alliance, Vaniel et moi. Lui, il invoque la procédure depuis deux minutes : la place est perdue, on se téléporte au point de repli et on attend les instructions. Moi, dans ma tête, je peux prendre toute la légion ardente tout seul à ce moment là. Après un débat qui ressemble de plus en plus à une esclandre de taverne, j'arrive à lui arracher un nouveau cristal et une minute pour lancer un dernier sortilège.
Il va voir, Vaniel. Il va voir ce que je vais déchaîner. Il restera plus que des confettis de toute cette masse hurlante et grouillante. L'église est en feu ? Je vais l'éteindre avec. Rien m'arrêtera. Je sens l'inquiétude dans son regard quand je me retourne vers le bord du clocher, mais je l'ignore. Il ose rien me dire parce que j'ai l'ancienneté, mais il aimerait. Peu importe. Je m'avance sur le rebord de mon perchoir comme un prince apparaît devant sa cour. Je lève les bras vers le ciel et je commence à incanter.
L'anneau de givre que je tisse autour de la place passe parfaitement inaperçu au départ. Il serpente entre les combattants, éteignant les flammes là où il passe. Le chaos en contrebas est absolu, plus de ligne, plus de rien, juste des formes éparpillées qui s'écharpent et un gros tas de civils en cercle au milieu avec quelques paladins qui bataillent pour les protéger. Le flux de démons s'est arrêté, mais ils sont plus nombreux, beaucoup plus nombreux.
Pour moi c'est une évidence : ils vont tous mourir. Mais les démons aussi avec.
Le cercle n'en est pas vraiment un, la marque givrée que je fais circuler à travers le champ de bataille est bien plus grossière. Je dessine une zone d'effet. Je zigzague.
Après une dizaine de secondes, Vaniel réalise que je suis en train de presque tout contourner. Civils inclus. Il interprète ça comme une erreur et me met en garde. Il me dit que je fais trop large. De réduire. Je ne réduis pas, je continue. Les civils vont tous mourir à ce rythme de toutes façons. Si je fais plus large : je tue plus de démons. Je lance un sortilège plus puissant. Mes bras tremblent à nouveau mais je continue.
- "Ashryn ! C'est trop large ! Qu'est-ce que tu fais !"
Je l'ignore. Ses cris sont de plus en plus lointains et le sang qui bat dans ma tête fait que je ne les entend plus après encore quelques secondes. En contrebas certains fantassins commencent à remarquer le cercle qui termine de se tracer. Ils réalisent qu'ils sont du mauvais côté de l'aire d'effet. Certains fuient, tant mieux. Les paladins et les démons sont trop enragés pour remarquer quoique ce soit. Il n'en reste presque plus, de paladins, de toutes façons. Deux, bientôt plus qu'un. Les civils sont entassés comme un banc de poisson. Les enfants au centre, le reste sur les bords. Finalement certains démons les atteignent et le carnage commence. Une tête vole. Une femme se fait dévorer. Tout le monde hurle, mais je n'entend plus rien : je trace mon cercle.
Soudain un démon vient me saisir par derrière. Je ne sais pas comment il a réussi à grimper, mais je ne peux pas manquer mon incantation à cause de lui. D'un brève pression du poing sur une parcelle d'armure j'active un système défensif enchanté. Des épieux de glace émergent de mon dos et transpercent l'ennemi qui tente de me tirer en arrière. Il me lâche. Je me reconcentre.
Il ne reste plus qu'un paladin presque mort en contrebas, les civils commencent à se faire massacrer. Une dizaine de fantassins rampent ça et là, ou bien font mine d'être déjà tués. La marque glaciale parcours ses derniers centimètres et enfin la boucle est bouclée. Une lumière azurée extrêmement vive illumine toute la place centrale et un vent digne de la couronne de glace forme un vortex circulaire devant moi. Ca ne dure que deux, peut-être trois secondes. Toute la zone ciblée voit la température baisser de presque une centaine de degrés.. Les alentours sont balayés par une brise gelée qui éteins la plupart des flammes. Intérieurement je jubile, mais mon propre corps commence à céder sous la pression. Je n'ai plus de mana. J'ai tout donné.
Lorsque le vortex s'apaise, une petite armée de statues de glace se tient en contrebas. Démons et soldats. Femmes et enfants. Quelques longues secondes de silence passent avant que les silhouettes ne se brisent d'elle-même dans un fracas sans nom, se dispersant sur la place centrale comme autant de minuscules éclats de verre luisants. Les survivants aux alentours de la zone tournent leurs regards vers mon promontoir. Personne ne crie victoire. Personne ne dit rien, en vérité. Le silence me frappe davantage que le vacarme qui occupait le village peu avant.
Je me retourne pour chercher Vaniel et je le trouve allongé derrière moi dans une mare de sang, transpercé en une dizaine d'endroits, son armure violette parcourue d'arcs électriques irréguliers.
Je sens ma tête qui tourne. Je porte une main à mon visage et je ne sens plus rien. Je griffe ma propre peau pour ressentir quelque chose. Je hurle. Je pleure. J'ai un mal de chien. Je vomis. Tout mon corps convulse et je m'écroule. Puis tout s'arrête. Tout s'assombrit, tout devient noir. Le silence est remplacé par des cris, mais je n'entend à nouveau plus rien.
Je crois que je vais mourir, mais non. Pas encore. Pourtant à ce moment là, j'aurai préféré.
Je suis le Grand Duc, seigneur de ces bois. Je vis avec mes gens, loin de la folie des hommes. La nuit je vole dans les sombres profondeurs de la forêt. Mon regard d'acier partout se pose, et sans bruit, comme le vent, je file entre les branches des arbres séculiers. Je suis le Grand Duc, seigneur de ces bois.
- [MJ] Le Grand Duc
- Warfo Award 2019 du meilleur MJ - RP
- Messages : 1600
Re: [Warcraft] Souvenirs d'un Chat
Camille Chat se retourne dans son sac de couchage malodorant, étendu au milieu de ses petits camarades. Ils sont tous là, essayant de dormir malgré les ronflements et l’odeur de graisse animale qui se dégage du grand hall faisant office de dortoir. Des poêles brûlent, rendant l’atmosphère aussi chaude qu’étouffante. Le matou insomniaque gigote dans son cocon en peau de phoque, change de côté, grogne et se relève sur les coudes pour observer méchamment ses collègues dans la pénombre. Là, un gros lard trompette si fort que ses moustaches tremblent. Ici, l’ancien taulard devine les contours d’un joli minois qu’il connait bien et dont le sommeil adoucit les traits pour faire de la dormeuse une jeune fille insouciante. Plus loin, deux corps vaguement enlacés auxquels le Chat décoche une œillade pleine de malédictions.
La compagnie Rétribution a mis les voiles vers le Nord et ses mercenaires ont établi leurs quartiers à Nanurjuk, un village de pêcheurs roharts qui s’accroche la banquise de la Toundra Boréenne. Chose peu commune pour une entreprise aux tarifs si élevés, le client est un homme-morse qui a promis de payer le capitaine Assast Aldwin en ivoire et en fourrures si ce dernier vient en aide aux autochtones. Les négociations ayant eu cours entre la direction et le chasseur de baleines n’intéressent guère Camille. Les rafales, le froid mordant et la buée qui sort de son mufle rappellent juste au matou cette époque où, plus jeune, il avait été déployé pour la première fois sur ce même territoire avec le reste de la Division Pénitentiaire. C’est ici qu’il avait connu l’horreur de la guerre, lorsqu’avec le Gros Dédé, Féfé, Pine d’huître et Momo de la Marche, il avait crapahuté des ruines des Courcinglants à la Transborée.
Le repris de justice se renfonce dans son couchage et grommelle pour lui-même. Il peste contre le froid, il maudit cette terre gelée sur laquelle il fit ses armes de la pire des manières, il murmure des insultes à l’adresse de ses officiers de l’époque, et de ceux d’aujourd’hui, puis il songe sans le faire exprès à son copain Momo qui, comme tant d’autres, ne ressortit jamais d’Azjol-Nerub. Les paupières se scellent, l’esprit vagabonde : quelques pensées vont vers des rouquines, des bronzées et plus généralement toutes les mésanges du secteur. Il se tripote un peu la nouille, sans conviction, et sombre dans le sommeil en se mettant lui aussi à ronfler comme un magnataure.
J’me réveille alors dans mon rêve, au milieu d’une taverne. C’est la grande fête ! Y’a de la musique, il y a des clients par dizaines, il y a des serveuses bien en chair qui vont de table en table meules à l’air et les bras chargés de pintes mousseuses. Toute la putain de compagnie est là. Et vas-y que ça rigole, que ça fait des blagues de cul, que ça parle fort et que ça chahute. J’suis jouasse, bordel ! Tout le monde trinque, on joue aux dés pipés et aux cartes, y’a même Bala pis Lolo l’Asticot. J’fini d’éclater cette petite salope de Dagern au bras d’fer -alors que lui il est dans sa forme de clébard- et tout l’monde m’acclame quand y’a le Druss qui vient m’taper sur l’épaule.
-« Allez l’matou en piste » qu’il me dit. « Tout l’monde attend ta chanson. »
Alors moi j’dis « d’accord » pis j’y vais pour monter sur une table. Tout l’monde me regarde j’suis l’centre du monde. J’me mets debout au milieu de la taverne et l’Druss il dit « pour l’Champion HIP HIP HIP » et tout l’monde il crie « HOURRA ». Ils font ça plein d’fois d’affilée, ils m’adorent. Alors moi j’enlève mon maillot d’corps, tout l’monde il voit mes tatouages ils font « woouuuaaah » j’vois les yeux des nana briller. J’renifle, ça sent la mouille. Héhé. J’tousse dans mon poing, j’bois une pinte d’un trait pour m’nettoyer la gorge pis j’chante la chanson qu’j’ai inventée et que tout l’monde connait sur Azeroth, surtout la première ligne. C’est parce qu’elle s’appelle « les gars d’la première ligne. » Ca fait comme ça :
« Oh canaille, tu tends tes esgourdes,
Tes jambes tremblent, ton oeil cligne,
Vl'à qu'charge la cavalerie lourde !
C'est bien les gars d'la première ligne !
On aime le fer et la castagne,
Dans le feu jamais on s'esbigne,
Notre armure pour seule compagne,
C'est nous les gars d'la première ligne ! »
Tout l’monde tape dans ses mains en rythme, et sur les tables et sur les poutres. Tous les yeux sur moi. J’vois Pélissier et la Louve qui sourient. J’vois ce fils de pute de Brisby et le Bleu et ils sont bien jaloux j’vous le dis. Durconnard le nabot aussi, il s’en mord la barbe ce trou du cul. Mais ils chantent quand même, parce que c’est des gars d’la première ligne.
« Les coups qui pleuvent et l'sang qui chauffe,
Nous c'est pour l'or qu'on prend des pignes !
Au bon Capitaine, en catastrophe,
On dit : ça c'est votre première ligne !
Au galop dans l'souffle du dragon,
A Vaillance et sans rechigne,
En Désolace face aux démons,
Solides ces gars d'la première ligne !
Face à la mort jamais ne tremble,
Dans la bagarre toujours digne,
On avance et on crève ensemble,
C'est ainsi dans la première ligne !
Ami quel que soit ton poison,
Whisky vodka ou jus de vigne,
Lève donc ton verre vers le plafond,
Et trinque aux gars d'la première ligne !»
La salle entière beugle la dernière phrase avec moi, tout l’monde lève sa pinte et c’est cul-sec général. Olala, c’est génial. Gatsi Farey il anime la foule : « ATCHIK ATCHIK ATCHIK » qu’il dit, et la compagnie elle fait « AYE AYE AYE ». J’ai l’cœur qui bat fort fort dans ma poitrine. Le Capitaine, le Lieutenant qu’est un peu not’ môman à tous et l’Adjudant Trapp ils sont côte à côte au fond, ils me regardent avec plein de fierté dans les yeux. Bala il dit « hé c’est mon frangin, c’est mon frangin ». L’Asticot y vient m’voir y m’dit « plus tard j’serai comme toi le Chat. » J’lui dis qu’c’est pas facile d’arriver au niveau mais qu’il a qu’a essayer c’est d’jà bien. La p’tite Alieg elle me met une couronne d’fleurs sur la tête pendant que Charlie la connasse et Chani l’autre connasse elles se foutent sur la gueule pour savoir c’est qui qui va venir dormir avec moi dans ma peau de phoque. Au final j’vais baiser les deux et en même temps, pis même on peut y rajouter la Thes et Tanja teh. Alors j’me fais pas d’soucis et la fête elle reprend de plus belle. On s’amuse, on siphonne tout c’que la taverne elle a comme tize puis on va en assécher une autre en se marrant comme des loubards et en se tapant franchement dans le dos. Putain j’adore, si ça pouvait êt’ comme ça tous les jours.
…
Et allez, j’me réveille encore. Si je chope l’enculé qui vient d’lâcher une caisse je lui colle une châtaigne, foi de Chat.
La compagnie Rétribution a mis les voiles vers le Nord et ses mercenaires ont établi leurs quartiers à Nanurjuk, un village de pêcheurs roharts qui s’accroche la banquise de la Toundra Boréenne. Chose peu commune pour une entreprise aux tarifs si élevés, le client est un homme-morse qui a promis de payer le capitaine Assast Aldwin en ivoire et en fourrures si ce dernier vient en aide aux autochtones. Les négociations ayant eu cours entre la direction et le chasseur de baleines n’intéressent guère Camille. Les rafales, le froid mordant et la buée qui sort de son mufle rappellent juste au matou cette époque où, plus jeune, il avait été déployé pour la première fois sur ce même territoire avec le reste de la Division Pénitentiaire. C’est ici qu’il avait connu l’horreur de la guerre, lorsqu’avec le Gros Dédé, Féfé, Pine d’huître et Momo de la Marche, il avait crapahuté des ruines des Courcinglants à la Transborée.
Le repris de justice se renfonce dans son couchage et grommelle pour lui-même. Il peste contre le froid, il maudit cette terre gelée sur laquelle il fit ses armes de la pire des manières, il murmure des insultes à l’adresse de ses officiers de l’époque, et de ceux d’aujourd’hui, puis il songe sans le faire exprès à son copain Momo qui, comme tant d’autres, ne ressortit jamais d’Azjol-Nerub. Les paupières se scellent, l’esprit vagabonde : quelques pensées vont vers des rouquines, des bronzées et plus généralement toutes les mésanges du secteur. Il se tripote un peu la nouille, sans conviction, et sombre dans le sommeil en se mettant lui aussi à ronfler comme un magnataure.
J’me réveille alors dans mon rêve, au milieu d’une taverne. C’est la grande fête ! Y’a de la musique, il y a des clients par dizaines, il y a des serveuses bien en chair qui vont de table en table meules à l’air et les bras chargés de pintes mousseuses. Toute la putain de compagnie est là. Et vas-y que ça rigole, que ça fait des blagues de cul, que ça parle fort et que ça chahute. J’suis jouasse, bordel ! Tout le monde trinque, on joue aux dés pipés et aux cartes, y’a même Bala pis Lolo l’Asticot. J’fini d’éclater cette petite salope de Dagern au bras d’fer -alors que lui il est dans sa forme de clébard- et tout l’monde m’acclame quand y’a le Druss qui vient m’taper sur l’épaule.
-« Allez l’matou en piste » qu’il me dit. « Tout l’monde attend ta chanson. »
Alors moi j’dis « d’accord » pis j’y vais pour monter sur une table. Tout l’monde me regarde j’suis l’centre du monde. J’me mets debout au milieu de la taverne et l’Druss il dit « pour l’Champion HIP HIP HIP » et tout l’monde il crie « HOURRA ». Ils font ça plein d’fois d’affilée, ils m’adorent. Alors moi j’enlève mon maillot d’corps, tout l’monde il voit mes tatouages ils font « woouuuaaah » j’vois les yeux des nana briller. J’renifle, ça sent la mouille. Héhé. J’tousse dans mon poing, j’bois une pinte d’un trait pour m’nettoyer la gorge pis j’chante la chanson qu’j’ai inventée et que tout l’monde connait sur Azeroth, surtout la première ligne. C’est parce qu’elle s’appelle « les gars d’la première ligne. » Ca fait comme ça :
« Oh canaille, tu tends tes esgourdes,
Tes jambes tremblent, ton oeil cligne,
Vl'à qu'charge la cavalerie lourde !
C'est bien les gars d'la première ligne !
On aime le fer et la castagne,
Dans le feu jamais on s'esbigne,
Notre armure pour seule compagne,
C'est nous les gars d'la première ligne ! »
Tout l’monde tape dans ses mains en rythme, et sur les tables et sur les poutres. Tous les yeux sur moi. J’vois Pélissier et la Louve qui sourient. J’vois ce fils de pute de Brisby et le Bleu et ils sont bien jaloux j’vous le dis. Durconnard le nabot aussi, il s’en mord la barbe ce trou du cul. Mais ils chantent quand même, parce que c’est des gars d’la première ligne.
« Les coups qui pleuvent et l'sang qui chauffe,
Nous c'est pour l'or qu'on prend des pignes !
Au bon Capitaine, en catastrophe,
On dit : ça c'est votre première ligne !
Au galop dans l'souffle du dragon,
A Vaillance et sans rechigne,
En Désolace face aux démons,
Solides ces gars d'la première ligne !
Face à la mort jamais ne tremble,
Dans la bagarre toujours digne,
On avance et on crève ensemble,
C'est ainsi dans la première ligne !
Ami quel que soit ton poison,
Whisky vodka ou jus de vigne,
Lève donc ton verre vers le plafond,
Et trinque aux gars d'la première ligne !»
La salle entière beugle la dernière phrase avec moi, tout l’monde lève sa pinte et c’est cul-sec général. Olala, c’est génial. Gatsi Farey il anime la foule : « ATCHIK ATCHIK ATCHIK » qu’il dit, et la compagnie elle fait « AYE AYE AYE ». J’ai l’cœur qui bat fort fort dans ma poitrine. Le Capitaine, le Lieutenant qu’est un peu not’ môman à tous et l’Adjudant Trapp ils sont côte à côte au fond, ils me regardent avec plein de fierté dans les yeux. Bala il dit « hé c’est mon frangin, c’est mon frangin ». L’Asticot y vient m’voir y m’dit « plus tard j’serai comme toi le Chat. » J’lui dis qu’c’est pas facile d’arriver au niveau mais qu’il a qu’a essayer c’est d’jà bien. La p’tite Alieg elle me met une couronne d’fleurs sur la tête pendant que Charlie la connasse et Chani l’autre connasse elles se foutent sur la gueule pour savoir c’est qui qui va venir dormir avec moi dans ma peau de phoque. Au final j’vais baiser les deux et en même temps, pis même on peut y rajouter la Thes et Tanja teh. Alors j’me fais pas d’soucis et la fête elle reprend de plus belle. On s’amuse, on siphonne tout c’que la taverne elle a comme tize puis on va en assécher une autre en se marrant comme des loubards et en se tapant franchement dans le dos. Putain j’adore, si ça pouvait êt’ comme ça tous les jours.
…
Et allez, j’me réveille encore. Si je chope l’enculé qui vient d’lâcher une caisse je lui colle une châtaigne, foi de Chat.
Je suis le Grand Duc, seigneur de ces bois. Je vis avec mes gens, loin de la folie des hommes. La nuit je vole dans les sombres profondeurs de la forêt. Mon regard d'acier partout se pose, et sans bruit, comme le vent, je file entre les branches des arbres séculiers. Je suis le Grand Duc, seigneur de ces bois.
- [MJ] Le Grand Duc
- Warfo Award 2019 du meilleur MJ - RP
- Messages : 1600
Re: [Warcraft] Souvenirs d'un Chat
Café-chaussette
Camille Chat est accroupi dans le creux d’une falaise, à peine protégé des vagues qui viennent mordre ce bout de côte tourmenté, quelque part sur le littoral de la rade de Tiragarde. Le matou et ses quatre compagnons d’infortune grelottent, trempés sous le ciel gris. Leurs dents claquent, leurs corps s’agitent de tremblement incontrôlables tandis qu’ils se resserrent en évitant de glisser sur le guano des sternes qui nichent au-dessus de leurs têtes. Les uniformes collent à la peau à cause du sel et de l’humidité. Une pluie fine tombe, vicieuse, et glace les taulards jusqu’aux os.
Les gars de la Pénitentiaire, accrochés là comme une grappe de bernacles à marée basse, sont au comble de l’inconfort. Pas l’inconfort du citadin qui enfile son doublet en fourrure lorsque la bise se lève, ni celui pourtant harassant du paysan qui doit rentrer son bétail même sous l’averse. Non, il s’agit de celui qui brasse ensemble épuisement physique, abattement moral, faim et désespoir. Lorsque vos vêtements sont trempés sans jamais sécher, que le froid pénètre votre sang, que votre estomac se tord et que la fièvre fait brûler votre front. Lorsqu’on ne peut s’assoir faute de place, et qu’on ne peut rester debout sans tomber. Quand la moindre parcelle de votre être vous fait souffrir et qu’il n’y a nul espoir de salut. C’est dans cet inconfort là que siègent les prisonniers, celui qui murmure de tout abandonner d’une voix maternelle. Plus tôt, d’ailleurs, l’un des bagnards s’est fait emporter par une vague plus véhémente que les autres. Sans se débattre. Il a simplement glissé du rocher, jusque dans l’eau, et a lentement disparu dans l’écume après un regard lassé à ses camarades qui disait à peu près cela : « dommage, tant pis ».
Mais dans des instants tourmentés comme celui-là, où chacun prie pour que tout s’arrête, des héros se dressent. Leurs seules actions font renaître l’espoir et la détermination dans les cœurs meurtris, et c’est d’un simple geste qu’ils écartent les nuages pour faire briller le soleil d’un lendemain radieux où la désolation de ce jour ne sera plus qu’un lointain souvenir. Ces braves sont ceux qui dressent l’étendard dans le combat indécis, qui posent sur l’épaule la main fraternelle et qui offrent leur vie pour sauver celle d’autrui. Ensemble, ils chassent les ténèbres et soufflent sur cette étincelle de vie qui anime tout un chacun et qui parfois vacille. Ils impriment l’impulsion, relancent le battement. Ces grands parmi les hommes sont Anduin Lothar, Uther le Porteur de Lumière ou Varian Wrynn. Et ils sont aussi Camille Chat, car les actes héroïques qui réchauffent l’âme ne résument parfois aux choses les plus dérisoires.
Je retire ma botte en tirant d’un coup et j’la retourne pour vider la flotte. Y’a même un p’tit crabe qu’en tombe, bien écrabouillé. Merde, c’est ça qui m’piquait le talon ? Fait chier, tout est trempe. J’regarde autour de moi : que des têtes de cabots battus. Des grands yeux tristes, des mecs à bout quoi. Moi aussi j’en peux plus. On a passé la nuit-là, ces enfoirés du galion devaient venir nous chercher hier avec leurs chaloupes. Si on essaye de longer la falaise, la marée nous rattrape. Si on essaie de grimper, la terre s’effrite sous nos mains. Willy a essayé, et l’truc que tu vois flotter là-bas entre les deux rochers c’est lui, tronche vers les fonds. Y’a d’la poiscaille qui vient par en dessous lui picorer la gueule, si fort qu’ça fait tout bouger et qu’on dirait qu’il se poêle en regardant un truc marrant au fond de l’eau. Bref on est dans la panade encore une fois, et bordel j’donnerai bien Môman contre un bon feu, un lit douillet et une putain d’oie rôtie.
Mais voilà on est là comme des cons à attendre qu’on vienne nous chercher alors qu’on sait très bien qu’personne il va venir nous chercher. C’est toujours comme ça à la Pénitentiaire : la racaille on s’en branle, « bonne qu’à crever » qu’elle dit le Colonel. Alors on s’démerde, et ceux qu’on pas les couilles ou qu’on pas la force ils canent. C’est comme ça. « C’est l’ordre des choses » qu’il dirait Pine-d’huître, si il s’était pas fait séparer en deux portions hier par une espèce de moule géante.
Quitte à passer l’arme à gauche sur ce rocher de merde, j’vais griller ma dernière cartouche. Tant pis j’me le gardais pour plus tard, mais cette fois on dirait bien qu’y aura pas d’plus tard alors autant y passer avec un truc chaud dans l’bide. C’est du café que j’ai, moulu et tassé dans cette p’tite poche en cuir là. On l’a acheté à Boralus avec Pine-d’huître parce qu’on aime bien ça. Ca réchauffe, ça réveille, ça enlève la gueule de bois pis ça fait passer l’temps. Quand tu bois le « kawa » comme qu’ils disent les dockers d’là-bas, bah tu discutes. Tu retardes le moment chiant où que tu dois faire le truc qu’on t’a demandé d’faire. T’es là tu bades la saque tu tchatches de tout pis de rien pis même de trucs qu’tu t’en fous un peu mais bon au moins t’es là, et pas là-bas entre d’faire un truc casse-couilles.
J’dis à Alphonse et la Turlute –Fonfon et Tutu qu’on les appelle- d’faire une bâche avec leur cape pour cacher la pluie pis d’faire un p’tit feu avec c’qu’on a là : de la ficelle pour faire prendre pis un peu d’bois flotté et sec sous un renfoncement. Putain on a du cul. Fonfon et Tutu ils font un p’tit feu pendant que moi j’prends la gamelle à JB et j’mets de l’eau dedans pis j’la mets sur le feu. On s’rapproche tous, pour s’réchauffer, pendant que Fonfon il tient la bâche. A moment donné il râle mais on lui dit tous de pas bouger et de fermer sa gueule, que sinon on l’fout à la flotte. Ce bizut de Fonfon il râle mais il bouge pas parce il sait qu’on le fera, d’le foutre à la flotte. Alors l’eau elle commence à bouiller. Moi j’enlève ma chaussette toute trempe mais bon tant pis, et j’fous c’qu’il reste de poudre de café dedans. Pis chacun tend son gobelet en fer-blanc qu’il a toujours accroché à son barda par une p’tite chaîne, et moi j’mets la chaussette au-dessus pis j’verse l’eau qui bouille dedans et la chaussette fait filtre. L’premier et l’plus fort, y s’ra pour moi, foi d’Chat.
Le café-chaussette qu’on l’appelle. Café parce que c’est du café. Chaussette parce qu’on l’fait dans une chaussette. Bah ouais ducon, nous on a pas les jolies cafetières comme les riches là. Quand on trouve du kawa, ou qu’on nous en donne dans la troupe, bah on l’fait dans nos godasses pis c’est comme ça. Et t’sais quoi c’pas plus mal, parce qu’au moins y’a d’la variété. Aux Tarides il avait un goût d’poussière, à Nazmir un goût de vase et après le débarquement de Krasarang il croquait sous la dent à cause du sable. Pis ça dépend de à qui elle est la chaussette aussi. L’Gros Dédé il faisait du café salé comme il est gros et qu’au Norfendre on a beaucoup marché. Féfé lui un peu pédé qu’il était il nettoyait ses affaires dès qu’il trouvait l’temps de frotter et son kawa moussait et avait un goût d’savon. Moi mon café il est normal j’crois, de toute façon l’eau qui bouille ça cuit et ça tue les grains de verrue et les bout de corne de pied que y’a dedans quoi. Pis quand j’peux j’allonge d’une dose de c’que j’trouve, du rhum ou d’la vodka.
Voilà donc on est là. Autour du p’tit feu, au pied d’la falaise. Personne vient nous chercher, peut-être. On se pèle, oui. Mais on prend l’café. JB il dit « hé les gars, on est mieux là qu’en prison » et nous on rigole un peu. L’est marrant le JB. « Hé Tutu, raconte la fois où que t’as baisé la duchesse là et que son mari est rentré dans la chambre » qu’il dit Fonfon. Moi j’la connais j’l’ai entendu mille fois mais j’rigole rien que quand j’entends ça. On se pèle les miches, j’ai les dents qui claquent mais les paluches autour de ma tasse brûlante. On boit notre café-chaussette, on tcharre, et la mort elle parait plus loin l’temps d’un kawa.
Poème anonyme retrouvé dans un casier de la Garde de Hurlevent.C’est toi divin café, dont l’aimable liqueur
sans altérer la tête épanouit le cœur.
Ainsi, fatigué par autant de citoyens peu sages,
Avec plaisir encore je goûte ton breuvage.
Que j’aime à préparer ton nectar précieux !
Même le Major n’usurpe chez moi ce soin délicieux.
Sur le réchaud brûlant moi seul tournant ta graine,
Au Lion d’or fait succéder l’ébène :
Moi seul, contre la noix qu’arment ses dents de fer,
je fais en te broyant crier ton fruit amer.
____________________________
Camille Chat est accroupi dans le creux d’une falaise, à peine protégé des vagues qui viennent mordre ce bout de côte tourmenté, quelque part sur le littoral de la rade de Tiragarde. Le matou et ses quatre compagnons d’infortune grelottent, trempés sous le ciel gris. Leurs dents claquent, leurs corps s’agitent de tremblement incontrôlables tandis qu’ils se resserrent en évitant de glisser sur le guano des sternes qui nichent au-dessus de leurs têtes. Les uniformes collent à la peau à cause du sel et de l’humidité. Une pluie fine tombe, vicieuse, et glace les taulards jusqu’aux os.
Les gars de la Pénitentiaire, accrochés là comme une grappe de bernacles à marée basse, sont au comble de l’inconfort. Pas l’inconfort du citadin qui enfile son doublet en fourrure lorsque la bise se lève, ni celui pourtant harassant du paysan qui doit rentrer son bétail même sous l’averse. Non, il s’agit de celui qui brasse ensemble épuisement physique, abattement moral, faim et désespoir. Lorsque vos vêtements sont trempés sans jamais sécher, que le froid pénètre votre sang, que votre estomac se tord et que la fièvre fait brûler votre front. Lorsqu’on ne peut s’assoir faute de place, et qu’on ne peut rester debout sans tomber. Quand la moindre parcelle de votre être vous fait souffrir et qu’il n’y a nul espoir de salut. C’est dans cet inconfort là que siègent les prisonniers, celui qui murmure de tout abandonner d’une voix maternelle. Plus tôt, d’ailleurs, l’un des bagnards s’est fait emporter par une vague plus véhémente que les autres. Sans se débattre. Il a simplement glissé du rocher, jusque dans l’eau, et a lentement disparu dans l’écume après un regard lassé à ses camarades qui disait à peu près cela : « dommage, tant pis ».
Mais dans des instants tourmentés comme celui-là, où chacun prie pour que tout s’arrête, des héros se dressent. Leurs seules actions font renaître l’espoir et la détermination dans les cœurs meurtris, et c’est d’un simple geste qu’ils écartent les nuages pour faire briller le soleil d’un lendemain radieux où la désolation de ce jour ne sera plus qu’un lointain souvenir. Ces braves sont ceux qui dressent l’étendard dans le combat indécis, qui posent sur l’épaule la main fraternelle et qui offrent leur vie pour sauver celle d’autrui. Ensemble, ils chassent les ténèbres et soufflent sur cette étincelle de vie qui anime tout un chacun et qui parfois vacille. Ils impriment l’impulsion, relancent le battement. Ces grands parmi les hommes sont Anduin Lothar, Uther le Porteur de Lumière ou Varian Wrynn. Et ils sont aussi Camille Chat, car les actes héroïques qui réchauffent l’âme ne résument parfois aux choses les plus dérisoires.
Je retire ma botte en tirant d’un coup et j’la retourne pour vider la flotte. Y’a même un p’tit crabe qu’en tombe, bien écrabouillé. Merde, c’est ça qui m’piquait le talon ? Fait chier, tout est trempe. J’regarde autour de moi : que des têtes de cabots battus. Des grands yeux tristes, des mecs à bout quoi. Moi aussi j’en peux plus. On a passé la nuit-là, ces enfoirés du galion devaient venir nous chercher hier avec leurs chaloupes. Si on essaye de longer la falaise, la marée nous rattrape. Si on essaie de grimper, la terre s’effrite sous nos mains. Willy a essayé, et l’truc que tu vois flotter là-bas entre les deux rochers c’est lui, tronche vers les fonds. Y’a d’la poiscaille qui vient par en dessous lui picorer la gueule, si fort qu’ça fait tout bouger et qu’on dirait qu’il se poêle en regardant un truc marrant au fond de l’eau. Bref on est dans la panade encore une fois, et bordel j’donnerai bien Môman contre un bon feu, un lit douillet et une putain d’oie rôtie.
Mais voilà on est là comme des cons à attendre qu’on vienne nous chercher alors qu’on sait très bien qu’personne il va venir nous chercher. C’est toujours comme ça à la Pénitentiaire : la racaille on s’en branle, « bonne qu’à crever » qu’elle dit le Colonel. Alors on s’démerde, et ceux qu’on pas les couilles ou qu’on pas la force ils canent. C’est comme ça. « C’est l’ordre des choses » qu’il dirait Pine-d’huître, si il s’était pas fait séparer en deux portions hier par une espèce de moule géante.
Quitte à passer l’arme à gauche sur ce rocher de merde, j’vais griller ma dernière cartouche. Tant pis j’me le gardais pour plus tard, mais cette fois on dirait bien qu’y aura pas d’plus tard alors autant y passer avec un truc chaud dans l’bide. C’est du café que j’ai, moulu et tassé dans cette p’tite poche en cuir là. On l’a acheté à Boralus avec Pine-d’huître parce qu’on aime bien ça. Ca réchauffe, ça réveille, ça enlève la gueule de bois pis ça fait passer l’temps. Quand tu bois le « kawa » comme qu’ils disent les dockers d’là-bas, bah tu discutes. Tu retardes le moment chiant où que tu dois faire le truc qu’on t’a demandé d’faire. T’es là tu bades la saque tu tchatches de tout pis de rien pis même de trucs qu’tu t’en fous un peu mais bon au moins t’es là, et pas là-bas entre d’faire un truc casse-couilles.
J’dis à Alphonse et la Turlute –Fonfon et Tutu qu’on les appelle- d’faire une bâche avec leur cape pour cacher la pluie pis d’faire un p’tit feu avec c’qu’on a là : de la ficelle pour faire prendre pis un peu d’bois flotté et sec sous un renfoncement. Putain on a du cul. Fonfon et Tutu ils font un p’tit feu pendant que moi j’prends la gamelle à JB et j’mets de l’eau dedans pis j’la mets sur le feu. On s’rapproche tous, pour s’réchauffer, pendant que Fonfon il tient la bâche. A moment donné il râle mais on lui dit tous de pas bouger et de fermer sa gueule, que sinon on l’fout à la flotte. Ce bizut de Fonfon il râle mais il bouge pas parce il sait qu’on le fera, d’le foutre à la flotte. Alors l’eau elle commence à bouiller. Moi j’enlève ma chaussette toute trempe mais bon tant pis, et j’fous c’qu’il reste de poudre de café dedans. Pis chacun tend son gobelet en fer-blanc qu’il a toujours accroché à son barda par une p’tite chaîne, et moi j’mets la chaussette au-dessus pis j’verse l’eau qui bouille dedans et la chaussette fait filtre. L’premier et l’plus fort, y s’ra pour moi, foi d’Chat.
Le café-chaussette qu’on l’appelle. Café parce que c’est du café. Chaussette parce qu’on l’fait dans une chaussette. Bah ouais ducon, nous on a pas les jolies cafetières comme les riches là. Quand on trouve du kawa, ou qu’on nous en donne dans la troupe, bah on l’fait dans nos godasses pis c’est comme ça. Et t’sais quoi c’pas plus mal, parce qu’au moins y’a d’la variété. Aux Tarides il avait un goût d’poussière, à Nazmir un goût de vase et après le débarquement de Krasarang il croquait sous la dent à cause du sable. Pis ça dépend de à qui elle est la chaussette aussi. L’Gros Dédé il faisait du café salé comme il est gros et qu’au Norfendre on a beaucoup marché. Féfé lui un peu pédé qu’il était il nettoyait ses affaires dès qu’il trouvait l’temps de frotter et son kawa moussait et avait un goût d’savon. Moi mon café il est normal j’crois, de toute façon l’eau qui bouille ça cuit et ça tue les grains de verrue et les bout de corne de pied que y’a dedans quoi. Pis quand j’peux j’allonge d’une dose de c’que j’trouve, du rhum ou d’la vodka.
Voilà donc on est là. Autour du p’tit feu, au pied d’la falaise. Personne vient nous chercher, peut-être. On se pèle, oui. Mais on prend l’café. JB il dit « hé les gars, on est mieux là qu’en prison » et nous on rigole un peu. L’est marrant le JB. « Hé Tutu, raconte la fois où que t’as baisé la duchesse là et que son mari est rentré dans la chambre » qu’il dit Fonfon. Moi j’la connais j’l’ai entendu mille fois mais j’rigole rien que quand j’entends ça. On se pèle les miches, j’ai les dents qui claquent mais les paluches autour de ma tasse brûlante. On boit notre café-chaussette, on tcharre, et la mort elle parait plus loin l’temps d’un kawa.
Je suis le Grand Duc, seigneur de ces bois. Je vis avec mes gens, loin de la folie des hommes. La nuit je vole dans les sombres profondeurs de la forêt. Mon regard d'acier partout se pose, et sans bruit, comme le vent, je file entre les branches des arbres séculiers. Je suis le Grand Duc, seigneur de ces bois.
- [MJ] Le Grand Duc
- Warfo Award 2019 du meilleur MJ - RP
- Messages : 1600
Re: [Warcraft] Souvenirs d'un Chat
Camille Chat fume une cigarette, assit au bord des murs épais du fort de Cendrebourg. Entre un canon de marine kultirassien et un caisson de boulets en fonte, les pieds pendus dans le vide, le matou observe le vaste océan face à lui sans vraiment le voir, son regard vide s’accrochant parfois à une mouette qui passe non loin en jacassant. C’est à son air absent et à sa babine lourde qu’on devine qu’il réfléchit. Pense-t-il au nouveau contrat signé par la compagnie et qui a conduit les mercenaires sur une île perdue dans les eaux froides du Nord ? Non. Alors s’inquiète-t-il, comme tout le reste d’Azeroth, de la grande fissure qui est venue lézarder le ciel de la Couronne de Glace ? Guère plus. Peut-être songe-t-il à la posture qu’il va adopter pour déjouer les manigances qui, il le sait, se susurrent dans son dos pour qu’il se balance enfin au bout d’une corde ? Non plus. Difficile de s’immiscer dans l’esprit tortueux d’un gredin qui, tous les jours de sa vie, ajoute du grain à moudre dans la grande meule de ses tourments.
Alors que le repris de justice est occupé à broyer du noir, une petite sorcière des moissons lui rend visite en haut de la muraille. Le pas discret de cette souris n’alarme par le Chat, ce dernier saurait le reconnaître entre mille. Si on dit que la petite bête ne mange pas la grosse, il n’en reste pas moins qu’elle la protège souvent. Le matou doit une fière chandelle à cette rouquine, plus encore qu’il ne se l’imagine certainement. La sorcière veille, la brute s’apaise par sa seule présence. Alieg vient trouver Camille, et Camille ronronnerait s’il le pouvait. Entre eux s’est tissé un lien, de ronces et de chaînes, que seul un coup fatal pourrait peut être briser.
Mais la gilnéenne parle beaucoup. Souvent elle asticote le Chat, le met en défaut, travaille cette pâte rêche pour tenter de lui donner forme. Camille n’agit que par coups de sang chaud, Alieg lui demande d’utiliser de son cerveau. Elle le questionne, l’engage à réfléchir. Lui répond en grognant, poussé dans les retranchements d’une pensée qu’il évite soigneusement le reste du temps. La sorcière des moissons s’échine avec douceur pour tirer les fils de cette grosse masse de muscles et de nerfs, et le matou se frustre de rater l’exercice, encore et encore. En réponse aux remous qui clapotent dans son esprit enfumé, l’ancien taulard s’énerve.
- « Tu m’emmerdes, la rouquine. » que j’finis par lui dire.
Quoi c’est vrai à la fin. J’suis là tranquille je m’en grille une et elle vient me casser les burnes avec ses histoires comme quoi « oui les tarlouzes c’est des gens normaux et gnagnagna c’est pas dégueulasse ce qui compte c’est qu’on est bien une personne pas si que c’est un gars ou une fille gnagnagna et même les animaux ils font ça gnagnagna ». Mon cul ouais, moi j’ai jamais vu un bouc enculer un bouc. Par contre enculer une bouquesse ouais, plein d’fois. Alors qu’on m’la raconte pas hein. La Lumière ou la Nature ou j’sais pas qui a dit : les gars ils baisent les filles et les filles ils baisent les gars pis c’est comme ça. Limite les filles entre elles bon. Ça passe on va dire. Parce que bon voilà. Mais deux gars qui s’enfilent bah voilà faut pas abuser, ça c’est dégueulasse. Point. Putain alors.
Et allez, elle se cassait enfin et v’là qu’elle revient.
- « T’as déjà été attrapé par l’enn’mi ? » qu’elle demande. « Est-ce que en t’battant … L’enn’mi qu’tu combattais … T’as d’jà été fait prisonnier un jour ? »
Bordel mais qu’est-ce qu’elle me veut encore avec ses questions à la con là.
- « Non. » que j’lui dis. « Personne il sait attraper le Chat. »
Et elle s’en va. Moi j’la r’garde suivre le mur, j’me sens tout chose. Ça bouillonne dans ma caboche, y’a des trucs qui remontent. Ouais parce que j’lui ai dit « non » mais en fait c’est pas vrai. Une fois ouais, une fois, ils ont attrapé l’Chat.
G’HUUN G’HUUN G’HUUN
Y sont tous prosternés dans le brouillard, tout plein d’cendres et des peintures rouges, en cercle autour de c’te putain de table en pierre et de cette putain de prêtresse masquée. Y’a des flambeaux partout, ils chantent en même temps, ils tapent sur des tambours, ils ont l’air complètement défoncés, et tout autour de ce trou dans les marécages pourris de Nazmir y’a des statues pleines de mousse et d’sang séché qui regardent.
G’HUUN G’HUUN G’HUUN
Y’a deux grandes guerrières moins habillée qu’des catins du port qui vont ouvrir la cage en roseaux en bas d’la mienne. Elles tirent Laplanche de là. Il gueule Laplanche, il gueule comme un cochon, plus encore que quand le Colonel l’avait fouetté aux Tarides. Mais une guerrière lui colle un coup d’gourdin derrière les oreilles qui l’endort à moitié. Elles l’emmènent vers la table au milieu du grand cercle, et la prêtresse elle les regarde venir.
G’HUUN G’HUUN G’HUUN
Moi j’suis dans ma cage, qu’est suspendue à un arbre par une grosse corde. D’là-haut je vois tous : la purée d’pois, les trolls qui chantent, les grandes statues, la table, la prêtresse. Enfermé que j’suis, comme un gros canari couvert de merde et qu’a des puces aux couilles. Et en plus j’suis pas tout seul dans mon panier à homard, avec moi y’à le P’tit Quentin qu’est v’nu d’la Marche de l’Ouest pour finir sur cette île de merde, y’a un gars d’la 7ème que les trolls ont choppé j’sais pas où et y’a même tiens-toi bien : deux putains d’orcs. Ouais ma gueule, deux peaux-vertes d’la Horde. Là avec nous. Assis dans un coin ils disent rien, pendant que moi et le P’tit Quentin et l’autre pédé d’la 7ème on r’garde en bas. Y’a pas que nous en cage, y’a plein d’monde : dans des cages suspendues, dans des cages par terre. Y’en a qui pleurent, y’en a qui r’gardent, y’en a qui sont déjà morts ou à moitié crevés. On est tous là et on regarde la bouchère, en bas.
G’HUUN G’HUUN G’HUUN
Ca chante plus fort, les tambours ils battent comme un putain de gros palpitant. Les deux guerrières elles dessapent Laplanche, il se retrouve tout à poil. L’autre il se réveille. Si il pensait y gagner une turlutte j’crois bien qu’il s’met doigt dans l’œil parce que ça a pas l’air d’être l’ambiance là. Elles le couchent sur la table en pierre, il gueule et il pleure, Laplanche, il dit « non pitié, pitié ». La prêtresse elle s’avance et elle lève son grand couteau, et elle hurle un truc. Et tous les autres trolls, surexcités et complètement tarés, ils hurlent aussi :
G’HUUN G’HUUN G’HUUN
Et TCHAK le couteau qui s’plante jusqu’au manche dans l’bide à Laplanche. Laplanche il beugle comme un goret, la prêtresse elle l’ouvre tout pareil, elle fouille un peu elle coupe un truc et elle sort un machin rouge qui tape comme les tambours. Ah bah c’est le p’tit cœur à Laplanche, ça. Il battait pour une brune à Ruisselune, maintenant il bat dans la main griffue d’une trollesse complètement fumée. Même Laplanche il y croit pas, il regarde ça avec des grands yeux. Il dit plus rien puis il meurt. La prêtresse elle lève le cœur, appuie ça gicle par tous les tuyaux comme une fontaine, puis elle jette ça sur un brasero à côté. Elle dit des trucs elle fait sa magie vaudou, le sang il se lève du sol et il se met à tourbillonner. Ca sent le fer et la pisse. Putain de merde.
- « Humains. »
Moi et le P’tit Quentin et l’gars d’la 7ème on s’retourne. Les orcs ils se sont levés, ils nous regardent. Y’en a un avec une barbe blanche, un œil en moins et un air pas bien sympa. L’autre il a une grosse crinière noire, des tatouages sur le torse et les yeux bleus. C’est lui qu’a parlé.
- « Nous allons pousser la cage pour qu’elle se balance. Le tronc est juste derrière. Avec un peu de chance, nous pourrons le percuter, briser les barreaux et nous échapper. Faites comme nous. »
J’en crois pas mes mirettes. D’jà l’orc il parle mieux qu’la plupart des gars d’la Pénitentiaire. Ca ça m’les coupes, moi j’pensais qu’ils disaient que « GRRRRR » et « BEEEUUUAARG ». Un peu comme moi. Pis non seulement ils causent et en plus ils veulent qu’on les aide. Vraiment j’suis sur le cul.
- « Mais z’êtes pas bien, si qu’on fait ça les trolls vont nous voir et nous buter aussi sec, c’est sûr ! » qu’il couine le P’tit Quentin.
- « Je ne mourrai pas sur cet autel, sacrifié comme un animal. Si je dois rejoindre les esprits de mes ancêtres, ce sera en guerrier. Libre. » qu’il lui répond le peau-verte-yeux-bleus. L’autre barbe blanche il grogne pour dire qu’il est d’accord.
Eh bah putain.
G’HUUN G’HUUN G’HUUN
Bah c’est parti mon kiki, les deux orcs forts comme des buffles ils se mettent à pousser sur un bord de la cage, pis sur l’autre. Nous on s’met avec eux et on fait pareil, la trouille au bide. En bas l’manège continue, ils vont chercher un autre prisonnier et ils l’amènent à la prêtresse sans voir c’que nous on fait, et toute la foule des trolls de sang elle chante comme des demeurés. Nous on pousse, on pousse. J’sens le cuir du peau-verte, on est épaule contre épaule. Putain, si j’pensais vivre ça un jour moi. P’tit à p’tit la cage elle se met à s’balancer, on dirait qu’on est dans une putain de barque sur les vagues, ça tangue j’commence déjà à avoir la gerbe. Le tronc du gros arbre à côté y s’rapproche, pis s’y rapproche, et y s’rapproche encore jusqu’à c’qu’on tape dedans, BAM ! Les roseaux ils éclatent, l’plancher il s’casse sous nous pis on tombe sur l’tronc. On dégringole, on s’accroche à l’écorce ou pis à des lianes pour pas s’écraser en bas comme des merdes. J’m’y casse un doigt et j’m’arrache la peau du cul mais j’m’en sors sur mes deux pieds.
Derrière nous ça gueule, ils ont arrêtés d’chanter et ça jacasse comme des singes : on est repéré. J’me retourne et j’vois la prêtresse gueuler en nous pointant avec son couteau, un cœur dans l’autre main et un autre mec ouvert sur sa table. Les trolls ils poussent des cris comme des grosses chouettes et ils galopent vers nous et tous les autres prisonniers dans les autres cages ils gueulent aussi et y’en a qui pendent des arbres ils essaient de se balancer tout pareil. Moi j’vois le P’tit Quentin à côté d’moi qui s’est éclaté la jambe dans la chute et qui peut pas marcher. Y’a l’mec d’la 7ème qu’essaye d’le relever, et y’a l’orc à la barbe blanche qui prend une tige de roseau cassé pointue au bout et qui charge les trolls ! Il est taré putain !
- « LOK’TAR OGAR ! » qu’il beugle en cavalant.
J’l’ai beaucoup entendu ça. D’habitude c’était juste avant qu’on s’foute sur la gueule, là c’est par un gonze qui s’sacrifie pour qu’on vive, j’crois bien. Il disparait sous la vague d’trolls du sang et l’mec de la 7ème il tire en arrière le P’tit Quentin qui pleure en appelant sa môman. Moi j’vois ça, j’tourne la tête, j’croise l’autre orc.
- « Fuis, humain. » qu’il me balance.
Dans sa gueule pleine de crocs ça a un peu l’air d’une insulte mais franchement j’lui en veux pas. Quand on est dans la merde, les bons conseils c’est toujours bon à prendre. Alors j’détale comme un lièvre et j’dévale la pente pleine de ronces et d’fougères qui tombe dans les marais. Derrière moi j’entends que ça se tape méchant, j’entends le gars d’la 7ème qui meurt, l’Petit Quentin qui pleure, les orcs qui gueulent et les trolls qui sifflent. J’cours, j’cours comme jamais j’ai couru. Plus vite que pour sortir d’Azjol-Nerub, plus vite qu’sur le sable noir des plages de Krasarang, même plus vite que quand on avait les kor’kron aux basques dans les Tarides-Sud. J’m’enfonce dans la mangrove, j’traverse l’eau sombre, j’me récolte toutes les sangsues et tous les putain d’moustiques du monde, j’plonge dans le marécage de Nazmir comme que si j’allais trouver d’quoi me sauver le derche en plein milieu.
Pis après des heures que j’ai couru, j’m’arrête sous une grosse racine parce que j’en peux plus. Mon cœur il bat si fort qu’on dirait qu’il va sortir, même sans l’aide de cette salope de prêtresse. J’essaye d’reprendre mon souffle, pis autour d’moi j’écoute pour savoir si qu’on m’a suivi. J’écoute la jungle, j’entends les insectes, j’entends les singes et les oiseaux là-haut. Mais j’entends pas d’trolls. J’fous la main dans ma botte : ouais, le canif il est là. Ils l’ont pas vu ces cons, au moins j’ai ça. Maintenant faut qu’je retrouve l’bivouac … Avant qu’on s’fasse embuscader on allait Nord-Nord-Ouest donc normalement faut qu’j’aille par …
Foutrepute, y’a une grosse branche qu’a craqué. J’me retourne d’un coup ‘vec mon schlass dans la main, j’me retrouve pif-à-pif avec l’peau-verte-yeux-bleus. On s’regarde aussi surpris l’un qu’l’autre. Il a une vilaine plaie sous les côtelettes, l’genre de trucs que si tu soignes pas dans la journée ça s’infecte et tu crèves. On dirait il a du mal à respirer, j’vois qu’il a aussi un bras qui pend tout mou comme si il pouvait pas l’utiliser. Dans son autre paluche qui fait ma tête, il a un grand bout de ruine en pierre, comme une massue. Avec plein d’sang au bout.
On s’fixe sans rien dire, on bouge pas du tout. Pas un mouvement. Normalement, quand un humain pis un orc ils se croisent, ils se tabassent. Ca c’est le truc normal. C’est comme ça d’puis un moment et c’est pas près d’changer. Mais là quand même déjà de un : il m’attaque même pas, de deux : tout à l’heure on était dans la même merde. On était dans la même merde, et c’est lui et son copain qu’on fait qu’on est sorti. Les moustiques me bouffent le cou et les bras mais j’m’en tape, j’bouge pas. On se fixe. J’me demande c’qu’il se passe dans sa tête. Peut-être qu’il se dit comme moi ? P’t’être même qu’il pense mieux que moi ? J’sais pas, il parlait bien tout à l’heure. Quand il m’a dit « fuis » j’ai pas entendu « Grrrrrrblmr » j’ai entendu « vis ». Mais en même pourquoi il m’aurait sauvé, il en a quoi à branler ce grand con.
Putain il a fait un pas d’côté. J’fais pareil. Il est p’t’être grand et gros, mais il est blessé. On est à armes égales. Il fait un autre pas, j’en fais un autre. Il renifle et montre les crocs. P’t’être qu’il pense que j’vais l’attaquer et donc il veut pas s’retourner. Moi j’crache à côté d’moi sans le quitter des yeux, bien sur les appuis. Putain ce mec c’est un orc d’accord, mais on était dans la cage ensemble. On a causé bordel, moi Camille Honorine Chat j’ai taillé l’bout d’gras avec un enculé d’peau-verte. J’me dis moi j’ai un fils, Tomas. L’peau-verte-yeux-bleus peut-être aussi il a un fils. Pis comme que j’ai découvert qu’on peut causer, p’t’être que nos fils aussi ils pourraient causer. Et p’être que lui il aime bien boire des coups et aller aux putes, comme moi. Non en vrai, même si là on s’tourne autour comme deux chiens plein d’puces, p’têtre qu’on pourrait s’mettre d’accord et pas s’entarter. Juste cette fois là. Il baisse un peu sa massue, il a l’air un peu claqué mon pote l’orc.
Sauf que j’pense à son orcquillon, et j’pense à celui que j’ai buté aux Tarides. J’pense à sa mère l’orcquesse que j’ai fourrée pis qu’est morte. Ouais, ouais p’t’être que cet orquillon c’était son marmot, cette orcquesses sa gonzesse. Et ils sont morts parce que moi. J’en ai buté j’sais pas combien des orcs et fallait attendre d’être coincés au milieu de cette merde de Nazmir pour que j’fasse copain-copain avec un. On peut pas être copain. Déjà si j’reviens au bivouac et que j’dis que j’me suis fait un pote orc j’me fais pendre. Ensuite on s’est trop foutu sur la gueule. C’est comme ça, maintenant, c’est naturel, c’est dans nos veines. Les orcs et les humains ils sont pas potes, et c’est comme ça. Pis si on s’bute pas, on va faire quoi, hein ? J’serre les dents. Ca y est, j’ai l’sang qui revient au cerveau. Ouais en fait, on s'fait des crasses tellement grosses, on peut juste pas être copains, c’est tout. C’est bien la preuve, ça. C’est la preuve que entre nous y’a que la guerre et qu’on est fait pour s’buter les uns les autres. Oui, c’est comme ça. C’est comme ça.
J’plie un peu les genoux, j’ferme bien le poing sur le manche d’mon canif. Lui il fronce ses gros sourcils, il grogne. J’sais pas à quoi qu’il pensait, mais il a compris qu’on s’rait pas copains, finalement. D’toute façon si il est pas con y s’rait arrivé à la même conclusion que moi, sauf qu’il aurait tapé en premier. Allez, c’est parti. J’sais pas si j’en ai vraiment envie, mais c’est comme ça : faut qu’on s’étripe. J’gueule et j’lui saute dessus, il gueule et y charge aussi.
Camille Chat est toujours assis sur le parapet du fort de Cendrebourg, face à l’océan. Le regard perdu dans les vagues, il fume et expire la fumée eu deux traits par ses naseaux. Puis, mollement, il frotte son crâne rasé avec la paume de sa main. Ses gros doigts aux phalanges tatouées cherchent quelque chose, et s’arrêtent sur une large cicatrice non loin de sa tempe. Il la caresse, un peu, et pense à son ami l’orc qu’il tua dans la mangrove de Nazmir. Puis il tire son mégot d’une pichenette et se redresse pour quitter son perchoir et rejoindre les autres.
Alors que le repris de justice est occupé à broyer du noir, une petite sorcière des moissons lui rend visite en haut de la muraille. Le pas discret de cette souris n’alarme par le Chat, ce dernier saurait le reconnaître entre mille. Si on dit que la petite bête ne mange pas la grosse, il n’en reste pas moins qu’elle la protège souvent. Le matou doit une fière chandelle à cette rouquine, plus encore qu’il ne se l’imagine certainement. La sorcière veille, la brute s’apaise par sa seule présence. Alieg vient trouver Camille, et Camille ronronnerait s’il le pouvait. Entre eux s’est tissé un lien, de ronces et de chaînes, que seul un coup fatal pourrait peut être briser.
Mais la gilnéenne parle beaucoup. Souvent elle asticote le Chat, le met en défaut, travaille cette pâte rêche pour tenter de lui donner forme. Camille n’agit que par coups de sang chaud, Alieg lui demande d’utiliser de son cerveau. Elle le questionne, l’engage à réfléchir. Lui répond en grognant, poussé dans les retranchements d’une pensée qu’il évite soigneusement le reste du temps. La sorcière des moissons s’échine avec douceur pour tirer les fils de cette grosse masse de muscles et de nerfs, et le matou se frustre de rater l’exercice, encore et encore. En réponse aux remous qui clapotent dans son esprit enfumé, l’ancien taulard s’énerve.
- « Tu m’emmerdes, la rouquine. » que j’finis par lui dire.
Quoi c’est vrai à la fin. J’suis là tranquille je m’en grille une et elle vient me casser les burnes avec ses histoires comme quoi « oui les tarlouzes c’est des gens normaux et gnagnagna c’est pas dégueulasse ce qui compte c’est qu’on est bien une personne pas si que c’est un gars ou une fille gnagnagna et même les animaux ils font ça gnagnagna ». Mon cul ouais, moi j’ai jamais vu un bouc enculer un bouc. Par contre enculer une bouquesse ouais, plein d’fois. Alors qu’on m’la raconte pas hein. La Lumière ou la Nature ou j’sais pas qui a dit : les gars ils baisent les filles et les filles ils baisent les gars pis c’est comme ça. Limite les filles entre elles bon. Ça passe on va dire. Parce que bon voilà. Mais deux gars qui s’enfilent bah voilà faut pas abuser, ça c’est dégueulasse. Point. Putain alors.
Et allez, elle se cassait enfin et v’là qu’elle revient.
- « T’as déjà été attrapé par l’enn’mi ? » qu’elle demande. « Est-ce que en t’battant … L’enn’mi qu’tu combattais … T’as d’jà été fait prisonnier un jour ? »
Bordel mais qu’est-ce qu’elle me veut encore avec ses questions à la con là.
- « Non. » que j’lui dis. « Personne il sait attraper le Chat. »
Et elle s’en va. Moi j’la r’garde suivre le mur, j’me sens tout chose. Ça bouillonne dans ma caboche, y’a des trucs qui remontent. Ouais parce que j’lui ai dit « non » mais en fait c’est pas vrai. Une fois ouais, une fois, ils ont attrapé l’Chat.
_______________________________
G’HUUN G’HUUN G’HUUN
Y sont tous prosternés dans le brouillard, tout plein d’cendres et des peintures rouges, en cercle autour de c’te putain de table en pierre et de cette putain de prêtresse masquée. Y’a des flambeaux partout, ils chantent en même temps, ils tapent sur des tambours, ils ont l’air complètement défoncés, et tout autour de ce trou dans les marécages pourris de Nazmir y’a des statues pleines de mousse et d’sang séché qui regardent.
G’HUUN G’HUUN G’HUUN
Y’a deux grandes guerrières moins habillée qu’des catins du port qui vont ouvrir la cage en roseaux en bas d’la mienne. Elles tirent Laplanche de là. Il gueule Laplanche, il gueule comme un cochon, plus encore que quand le Colonel l’avait fouetté aux Tarides. Mais une guerrière lui colle un coup d’gourdin derrière les oreilles qui l’endort à moitié. Elles l’emmènent vers la table au milieu du grand cercle, et la prêtresse elle les regarde venir.
G’HUUN G’HUUN G’HUUN
Moi j’suis dans ma cage, qu’est suspendue à un arbre par une grosse corde. D’là-haut je vois tous : la purée d’pois, les trolls qui chantent, les grandes statues, la table, la prêtresse. Enfermé que j’suis, comme un gros canari couvert de merde et qu’a des puces aux couilles. Et en plus j’suis pas tout seul dans mon panier à homard, avec moi y’à le P’tit Quentin qu’est v’nu d’la Marche de l’Ouest pour finir sur cette île de merde, y’a un gars d’la 7ème que les trolls ont choppé j’sais pas où et y’a même tiens-toi bien : deux putains d’orcs. Ouais ma gueule, deux peaux-vertes d’la Horde. Là avec nous. Assis dans un coin ils disent rien, pendant que moi et le P’tit Quentin et l’autre pédé d’la 7ème on r’garde en bas. Y’a pas que nous en cage, y’a plein d’monde : dans des cages suspendues, dans des cages par terre. Y’en a qui pleurent, y’en a qui r’gardent, y’en a qui sont déjà morts ou à moitié crevés. On est tous là et on regarde la bouchère, en bas.
G’HUUN G’HUUN G’HUUN
Ca chante plus fort, les tambours ils battent comme un putain de gros palpitant. Les deux guerrières elles dessapent Laplanche, il se retrouve tout à poil. L’autre il se réveille. Si il pensait y gagner une turlutte j’crois bien qu’il s’met doigt dans l’œil parce que ça a pas l’air d’être l’ambiance là. Elles le couchent sur la table en pierre, il gueule et il pleure, Laplanche, il dit « non pitié, pitié ». La prêtresse elle s’avance et elle lève son grand couteau, et elle hurle un truc. Et tous les autres trolls, surexcités et complètement tarés, ils hurlent aussi :
G’HUUN G’HUUN G’HUUN
Et TCHAK le couteau qui s’plante jusqu’au manche dans l’bide à Laplanche. Laplanche il beugle comme un goret, la prêtresse elle l’ouvre tout pareil, elle fouille un peu elle coupe un truc et elle sort un machin rouge qui tape comme les tambours. Ah bah c’est le p’tit cœur à Laplanche, ça. Il battait pour une brune à Ruisselune, maintenant il bat dans la main griffue d’une trollesse complètement fumée. Même Laplanche il y croit pas, il regarde ça avec des grands yeux. Il dit plus rien puis il meurt. La prêtresse elle lève le cœur, appuie ça gicle par tous les tuyaux comme une fontaine, puis elle jette ça sur un brasero à côté. Elle dit des trucs elle fait sa magie vaudou, le sang il se lève du sol et il se met à tourbillonner. Ca sent le fer et la pisse. Putain de merde.
- « Humains. »
Moi et le P’tit Quentin et l’gars d’la 7ème on s’retourne. Les orcs ils se sont levés, ils nous regardent. Y’en a un avec une barbe blanche, un œil en moins et un air pas bien sympa. L’autre il a une grosse crinière noire, des tatouages sur le torse et les yeux bleus. C’est lui qu’a parlé.
- « Nous allons pousser la cage pour qu’elle se balance. Le tronc est juste derrière. Avec un peu de chance, nous pourrons le percuter, briser les barreaux et nous échapper. Faites comme nous. »
J’en crois pas mes mirettes. D’jà l’orc il parle mieux qu’la plupart des gars d’la Pénitentiaire. Ca ça m’les coupes, moi j’pensais qu’ils disaient que « GRRRRR » et « BEEEUUUAARG ». Un peu comme moi. Pis non seulement ils causent et en plus ils veulent qu’on les aide. Vraiment j’suis sur le cul.
- « Mais z’êtes pas bien, si qu’on fait ça les trolls vont nous voir et nous buter aussi sec, c’est sûr ! » qu’il couine le P’tit Quentin.
- « Je ne mourrai pas sur cet autel, sacrifié comme un animal. Si je dois rejoindre les esprits de mes ancêtres, ce sera en guerrier. Libre. » qu’il lui répond le peau-verte-yeux-bleus. L’autre barbe blanche il grogne pour dire qu’il est d’accord.
Eh bah putain.
G’HUUN G’HUUN G’HUUN
Bah c’est parti mon kiki, les deux orcs forts comme des buffles ils se mettent à pousser sur un bord de la cage, pis sur l’autre. Nous on s’met avec eux et on fait pareil, la trouille au bide. En bas l’manège continue, ils vont chercher un autre prisonnier et ils l’amènent à la prêtresse sans voir c’que nous on fait, et toute la foule des trolls de sang elle chante comme des demeurés. Nous on pousse, on pousse. J’sens le cuir du peau-verte, on est épaule contre épaule. Putain, si j’pensais vivre ça un jour moi. P’tit à p’tit la cage elle se met à s’balancer, on dirait qu’on est dans une putain de barque sur les vagues, ça tangue j’commence déjà à avoir la gerbe. Le tronc du gros arbre à côté y s’rapproche, pis s’y rapproche, et y s’rapproche encore jusqu’à c’qu’on tape dedans, BAM ! Les roseaux ils éclatent, l’plancher il s’casse sous nous pis on tombe sur l’tronc. On dégringole, on s’accroche à l’écorce ou pis à des lianes pour pas s’écraser en bas comme des merdes. J’m’y casse un doigt et j’m’arrache la peau du cul mais j’m’en sors sur mes deux pieds.
Derrière nous ça gueule, ils ont arrêtés d’chanter et ça jacasse comme des singes : on est repéré. J’me retourne et j’vois la prêtresse gueuler en nous pointant avec son couteau, un cœur dans l’autre main et un autre mec ouvert sur sa table. Les trolls ils poussent des cris comme des grosses chouettes et ils galopent vers nous et tous les autres prisonniers dans les autres cages ils gueulent aussi et y’en a qui pendent des arbres ils essaient de se balancer tout pareil. Moi j’vois le P’tit Quentin à côté d’moi qui s’est éclaté la jambe dans la chute et qui peut pas marcher. Y’a l’mec d’la 7ème qu’essaye d’le relever, et y’a l’orc à la barbe blanche qui prend une tige de roseau cassé pointue au bout et qui charge les trolls ! Il est taré putain !
- « LOK’TAR OGAR ! » qu’il beugle en cavalant.
J’l’ai beaucoup entendu ça. D’habitude c’était juste avant qu’on s’foute sur la gueule, là c’est par un gonze qui s’sacrifie pour qu’on vive, j’crois bien. Il disparait sous la vague d’trolls du sang et l’mec de la 7ème il tire en arrière le P’tit Quentin qui pleure en appelant sa môman. Moi j’vois ça, j’tourne la tête, j’croise l’autre orc.
- « Fuis, humain. » qu’il me balance.
Dans sa gueule pleine de crocs ça a un peu l’air d’une insulte mais franchement j’lui en veux pas. Quand on est dans la merde, les bons conseils c’est toujours bon à prendre. Alors j’détale comme un lièvre et j’dévale la pente pleine de ronces et d’fougères qui tombe dans les marais. Derrière moi j’entends que ça se tape méchant, j’entends le gars d’la 7ème qui meurt, l’Petit Quentin qui pleure, les orcs qui gueulent et les trolls qui sifflent. J’cours, j’cours comme jamais j’ai couru. Plus vite que pour sortir d’Azjol-Nerub, plus vite qu’sur le sable noir des plages de Krasarang, même plus vite que quand on avait les kor’kron aux basques dans les Tarides-Sud. J’m’enfonce dans la mangrove, j’traverse l’eau sombre, j’me récolte toutes les sangsues et tous les putain d’moustiques du monde, j’plonge dans le marécage de Nazmir comme que si j’allais trouver d’quoi me sauver le derche en plein milieu.
Pis après des heures que j’ai couru, j’m’arrête sous une grosse racine parce que j’en peux plus. Mon cœur il bat si fort qu’on dirait qu’il va sortir, même sans l’aide de cette salope de prêtresse. J’essaye d’reprendre mon souffle, pis autour d’moi j’écoute pour savoir si qu’on m’a suivi. J’écoute la jungle, j’entends les insectes, j’entends les singes et les oiseaux là-haut. Mais j’entends pas d’trolls. J’fous la main dans ma botte : ouais, le canif il est là. Ils l’ont pas vu ces cons, au moins j’ai ça. Maintenant faut qu’je retrouve l’bivouac … Avant qu’on s’fasse embuscader on allait Nord-Nord-Ouest donc normalement faut qu’j’aille par …
Foutrepute, y’a une grosse branche qu’a craqué. J’me retourne d’un coup ‘vec mon schlass dans la main, j’me retrouve pif-à-pif avec l’peau-verte-yeux-bleus. On s’regarde aussi surpris l’un qu’l’autre. Il a une vilaine plaie sous les côtelettes, l’genre de trucs que si tu soignes pas dans la journée ça s’infecte et tu crèves. On dirait il a du mal à respirer, j’vois qu’il a aussi un bras qui pend tout mou comme si il pouvait pas l’utiliser. Dans son autre paluche qui fait ma tête, il a un grand bout de ruine en pierre, comme une massue. Avec plein d’sang au bout.
On s’fixe sans rien dire, on bouge pas du tout. Pas un mouvement. Normalement, quand un humain pis un orc ils se croisent, ils se tabassent. Ca c’est le truc normal. C’est comme ça d’puis un moment et c’est pas près d’changer. Mais là quand même déjà de un : il m’attaque même pas, de deux : tout à l’heure on était dans la même merde. On était dans la même merde, et c’est lui et son copain qu’on fait qu’on est sorti. Les moustiques me bouffent le cou et les bras mais j’m’en tape, j’bouge pas. On se fixe. J’me demande c’qu’il se passe dans sa tête. Peut-être qu’il se dit comme moi ? P’t’être même qu’il pense mieux que moi ? J’sais pas, il parlait bien tout à l’heure. Quand il m’a dit « fuis » j’ai pas entendu « Grrrrrrblmr » j’ai entendu « vis ». Mais en même pourquoi il m’aurait sauvé, il en a quoi à branler ce grand con.
Putain il a fait un pas d’côté. J’fais pareil. Il est p’t’être grand et gros, mais il est blessé. On est à armes égales. Il fait un autre pas, j’en fais un autre. Il renifle et montre les crocs. P’t’être qu’il pense que j’vais l’attaquer et donc il veut pas s’retourner. Moi j’crache à côté d’moi sans le quitter des yeux, bien sur les appuis. Putain ce mec c’est un orc d’accord, mais on était dans la cage ensemble. On a causé bordel, moi Camille Honorine Chat j’ai taillé l’bout d’gras avec un enculé d’peau-verte. J’me dis moi j’ai un fils, Tomas. L’peau-verte-yeux-bleus peut-être aussi il a un fils. Pis comme que j’ai découvert qu’on peut causer, p’t’être que nos fils aussi ils pourraient causer. Et p’être que lui il aime bien boire des coups et aller aux putes, comme moi. Non en vrai, même si là on s’tourne autour comme deux chiens plein d’puces, p’têtre qu’on pourrait s’mettre d’accord et pas s’entarter. Juste cette fois là. Il baisse un peu sa massue, il a l’air un peu claqué mon pote l’orc.
Sauf que j’pense à son orcquillon, et j’pense à celui que j’ai buté aux Tarides. J’pense à sa mère l’orcquesse que j’ai fourrée pis qu’est morte. Ouais, ouais p’t’être que cet orquillon c’était son marmot, cette orcquesses sa gonzesse. Et ils sont morts parce que moi. J’en ai buté j’sais pas combien des orcs et fallait attendre d’être coincés au milieu de cette merde de Nazmir pour que j’fasse copain-copain avec un. On peut pas être copain. Déjà si j’reviens au bivouac et que j’dis que j’me suis fait un pote orc j’me fais pendre. Ensuite on s’est trop foutu sur la gueule. C’est comme ça, maintenant, c’est naturel, c’est dans nos veines. Les orcs et les humains ils sont pas potes, et c’est comme ça. Pis si on s’bute pas, on va faire quoi, hein ? J’serre les dents. Ca y est, j’ai l’sang qui revient au cerveau. Ouais en fait, on s'fait des crasses tellement grosses, on peut juste pas être copains, c’est tout. C’est bien la preuve, ça. C’est la preuve que entre nous y’a que la guerre et qu’on est fait pour s’buter les uns les autres. Oui, c’est comme ça. C’est comme ça.
J’plie un peu les genoux, j’ferme bien le poing sur le manche d’mon canif. Lui il fronce ses gros sourcils, il grogne. J’sais pas à quoi qu’il pensait, mais il a compris qu’on s’rait pas copains, finalement. D’toute façon si il est pas con y s’rait arrivé à la même conclusion que moi, sauf qu’il aurait tapé en premier. Allez, c’est parti. J’sais pas si j’en ai vraiment envie, mais c’est comme ça : faut qu’on s’étripe. J’gueule et j’lui saute dessus, il gueule et y charge aussi.
_______________________________
Camille Chat est toujours assis sur le parapet du fort de Cendrebourg, face à l’océan. Le regard perdu dans les vagues, il fume et expire la fumée eu deux traits par ses naseaux. Puis, mollement, il frotte son crâne rasé avec la paume de sa main. Ses gros doigts aux phalanges tatouées cherchent quelque chose, et s’arrêtent sur une large cicatrice non loin de sa tempe. Il la caresse, un peu, et pense à son ami l’orc qu’il tua dans la mangrove de Nazmir. Puis il tire son mégot d’une pichenette et se redresse pour quitter son perchoir et rejoindre les autres.
Je suis le Grand Duc, seigneur de ces bois. Je vis avec mes gens, loin de la folie des hommes. La nuit je vole dans les sombres profondeurs de la forêt. Mon regard d'acier partout se pose, et sans bruit, comme le vent, je file entre les branches des arbres séculiers. Je suis le Grand Duc, seigneur de ces bois.