[Event RP multijoueur] La Route d'Eldorado

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Essen
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Re: [Event RP multijoueur] La Route d'Eldorado

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     « A notre butin encore minuscule ! » harangua Sarquindi en levant son verre de vin.

     « A notre Capitaine ! » répondirent plusieurs corsaires.

     Le Rêve d’Atharti était en fête. Pour célébrer la vue des premières pyramides au loin, et les récentes victoires contre leurs concurrents dans la course au trésors, Sarquindi avait décrété que l’on jetât l’ancre. Les marins chantaient en cœur les chants paillards des tavernes de Karond Kar et Hag Graef. Les derniers tonneaux d’alcool avaient été montés depuis le fond des cales, et quelques esclaves rameurs parmi les plus présentables servaient d’amusement à plusieurs elfes noirs en mal de divertissement.

     Phy’lis avait trouvé dans les richesses pillées aux autres navires une série de masques funéraires en or. Virevoltant sur le château arrière et dans les cordages, il avait fait du navire sa scène de théâtre. Il jonglait avec les masques pour être tour à tour le dynaste fourvoyé, la maîtresse cruelle ou l’intriguant capitaine. Les elfes qui assistaient à sa représentation ne cessaient de tourner sur eux-mêmes pour suivre la pièce qui se déroulait de la proue à la poupe.

     Sarquindi était assis au centre du navire à une table. Le chef druchii tenait dans ses doigts une mâchoire sanguinolente qu’il scrutait avec attention afin de déterminer où ses dents allaient dénicher sa prochaine bouchée. Un sanglot lui fit tourner la tête vers la seconde prisonnière asure qu’il lui restait du dernier abordage contre les ulthuani. Celle-ci se tenait debout, les poings liés, et gardée par un corsaire immobile. A ses pieds gisait le corps mutilé de son camarade. Elle se mordit la joue pour réprimer un nouveau signe de tristesse. Mi-las, mi-cruel, Sarquindi lança à sa prisonnière :

     « Ne t’inquiète pas pour lui, ça aurait pu être pire. Imagines-tu la détresse qu’il aurait ressentie si j’avais tué un de ses amis devant ses yeux par exemple ? »

     La prisonnière ne répondit que par un regard de haine. Ses larmes avaient disparu. La capitaine corsaire ne put s’empêcher d’admirer la résistance mentale de l’asure. Elle serait parfaite pour la suite. Sarquindi balaya le pont du regard. Tout était en place. Presque tout. Il fit un geste discret à deux marins. Ces derniers hochèrent la tête et se décalèrent de quelques pas puis reprirent leur discussion. Un autre geste invisible du chef druchii et le garde de la prisonnière se tourna légèrement et croisa les bras. Sarquindi eut un petit sourire satisfait en voyant que l’asure lorgnait sur la poignée du sabre d’abordage de son geôlier qui, soudain, devenait plus accessible.

     Au pied du grand mât, Phy’lis terminait sa pièce. Simulant les spasmes et les chocs, il succombait aux traits que lui lançait une sorcière imaginaire. Sarquindi connaissait la pièce, une tragédie qu’il avait eu l’occasion de voir une ou deux fois. Il attendait la chute. Elle vint.

     Le comédien tomba au sol en poussant un dernier cri d’agonie. Tous les regards se tournèrent vers lui, surpris. La prisonnière profita de l’occasion qui s’offrait à elle. Elle se jeta sur le sabre de son garde et s’en arma.

     « Arrière, abominations ! » hurla-t-elle d’une voix cassée

     Tous s’immobilisèrent sur le navire et fixèrent l’asure et son arme. Plusieurs secondes s’écoulèrent sans un mouvement.  L’ulthuani jetait des regards de bête traquée autour d’elle. Elle remarqua une ouverture dans la foule de druchii. Une voie vers sa liberté. Elle n’hésita pas, se lança en un instant vers le bastingage et plongea dans les flots. Les marins elfes noirs coururent à sa suite et s’agglutinèrent au bord du navire.

     « Je joue ma part qu’elle va se noyer, paria un corsaire.
     - Tenu, répondit un autre.
     - Elle est déjà sur la plage! s’exclama un marin du haut des cordages.
     - Capitaine, combien de temps lui laissons-nous ? » demanda un elfe.

     Sarquindi, qui n’avait pas quitté sa table, finit sa bouchée.

     « Mettez les barques à l’eau. Je termine ce bout là et nous y allons, dit-il tranquillement. J’ai presque cru qu’elle ne partirait jamais. »

*

     La colonne d’amazones serpentait silencieusement dans les ténèbres nocturnes de la jungle, sans besoin de torches pour les guider sur leur chemin qui, même de jour, serait resté invisible à tous sauf aux autres habitants de l’endroit. De même, les seuls bruits qu’elles faisaient étaient ceux des craquement de branches et de bruissements de feuilles, et, noyés dans le bourdonnement incessant et omniprésent de la forêt, qui jamais ne dormait, ils étaient inaudibles pour toute personne qui n’avait pas grandi en ces lieux.

     Pour une fois, les kalims n’étaient pas sous l’emprise de leurs multiples substances hallucinogènes. Toutes arboraient un air fermé, solennel, voire même sévère, comme Rakt’cheel qui les menait, précédée uniquement par deux éclaireuses allant au devant du groupe.

     Ixi’ualpa, à l’arrière, suivait silencieusement la procession, les yeux grand ouverts. Lorsqu’elle avait entendu que les kalims comptaient se rendre à la stèle sacrée la plus proche pour y honorer la mémoire des Anciens par un petit rituel, cela avait tout de suite éveillé sa curiosité. Elle, qui avait passé toute sa vie, depuis son plus jeune âge à se battre ou s’entraîner pour défendre sa cité et son peuple, ne connaissait finalement que peu de choses du monde, encore moins des kalims qui vivaient beaucoup à l’écart de la société. De fait, elle était … terriblement curieuse, à un tel point qu’elle en était presque honteuse, de pouvoir assister à la scène, surtout après avoir déjà côtoyé les dévotes et leurs pratiques étranges, parfois dérangeantes, mais toujours fascinantes.

     D’un autre côté, la guerrière aigle avait aussi eu l’envie de garder un œil sur les kalims pour s’assurer qu’elles ne commettent pas… d’impairs, en son absence.

     Cependant, jamais elle n’aurait cru que Rakt’cheel accepterait de la laisser se joindre à elles. Au lieu du refus catégorique et le regard haineux auxquels elle s’était attendue, la dévote n’avait fait que grogner une vague approbation avant de se détourner.

     Depuis qu’elle était retournée du navire des hommes-poissons, son attitude envers Ixi’ualpa avait changé. Pour le meilleur ou pour le pire, la guerrière ne pouvait encore le dire… Le mutisme de la dévote pouvait, à ses yeux, aussi bien cacher un désir de meurtre qu’un début de respect. Quand elle avait interrogé Luxia, l’une des quelques kalims avec lesquelles elle avait réellement pu nouer des liens depuis le début du voyage, cette dernière avait haussé ses épaules avant de lui répondre que Rakt’cheel n’avait tout simplement pas encore digéré le fait d’avoir une dette de trois vies envers elle.

     Devant une réponse aussi évasive, Ixi’ualpa n’avait pas insisté et s’était résolue à respecter le silence des kalims pour le restant de leur marche. Silence, qui visiblement, venait d’être brisé, ce qui tira la guerrière de ses pensées. À l’avant de la troupe, les éclaireuses étaient revenues et un attroupement commença à se former autour d’elles et de Rakt’cheel. Les éclats de voix qui parvinrent jusqu’à Ixi’ualpa portaient un vent de trouble et d’inquiétude.

     Elle n’eut pas besoin de se frayer un chemin à travers la troupe, car les kalims s’écartèrent devant elle, la laissant face à face avec le visage de Rakt’cheel, fermé et résigné sous son maquillage.

     « Révérée de l’Aigle. » commença-telle, comme si il lui en coûtait de prononcer ses paroles. « Nous avons besoin de votre aide. Des étrangers, pire… des… ma’chamiy’obo, se sont réunis. Quels sont vos directives ? »


*

     « Franchement, capitaine, je vous le redis. On est à découvert. Et je n’aime pas ça. »

     En un concert de cliquetis, Marcel de Parravon faisait les cent pas dans la clairière, foulant du soleret les touffes d’herbe rase et les buissons feuillus. La lumière des lunes se reflétait sur son armure rouillée, mettant en valeur sa haute stature et sa maigreur cadavérique. Les deux flammes au fond de ses orbites étaient visibles derrière son heaume, et en cette lugubre soirée où une nuit claire avait suivi une journée brumeuse, elles semblaient luire de colère. Le seul autre bruit dans la clairière, venait du nain, assis un peu plus loin. Thrond réparait son lance-flamme avec force sonorités métalliques, tout en grommelant des imprécations en khazalid, les sourcils froncés. L’extrémité de son cigare, lueur rougeâtre dans la nuit, éclairait son visage d’une façon effrayante.

     « Laissez le capitaine faire ce qu’il souhaite, revenant » admonesta Max Flouz, immobile silhouette noire aux allures de fossoyeur d’un mètre quatre-vingt-deux qui, les bras croisés, tirait sa tête habituelle : celle des mauvais jours. « Il sait ce qu’il a à faire, et vous aussi. »

     Le revenant émit un sifflement mais ne répondit rien. Il avait toujours été ravi de voir que l’hypnose dans laquelle Fiodor le Non-mort tenait son équipage rendait ce dernier docile et obéissant, et ce jusqu’au second, mais là, ce soir, il aurait aimé un peu de contestation. Sa propre nature d’esclave de la volonté du vampire ne lui échappait pas non plus, mais il s’en moquait, même s’il savait que ce sentiment était artificiel. Mais il avait aussi été ressuscité pour servir de soldat, et en cet instant, son instinct de soldat tirait la sonnette d’alarme. Et ce n’étaient pas les trois membres d’équipages qu’ils avaient pu récupérer après la débandade face aux elfes qui allaient les aider si ces derniers les rattrapaient.

     Le sujet de cette discussion, lui, affectait de ne rien écouter aux babillages de ses subordonnés. Fiodor était occupé à examiner l’objet circulaire qui se trouvait devant lui, effleurant des doigts les fines gravures et les bas-reliefs enchâssés dans la pierre. L’objet en question devait bien faire deux mètres de diamètre pour un mètre de haut, et était orné d’un enchevêtrement de symboles anguleux qui lui évoquaient fortement l’esthétique de la civilisation reptilienne de ces contrées. Ces symboles, organisés en cercles concentriques, ne lui évoquaient rien, mais de toute façon cela ne l’intéressait pas. Ce qui l’intéressait, c’était que cette chose pulsait dans les vents de magie. Et ce d’une façon bizarre, mais très perceptible pour toute personne qui, comme lui, disposait d’une capacité à voir les flux de l’aethyr. Et cette pulsation était puissante. Profonde. Ainsi, si Fiodor se moquait de l’utilité première de l’artefact, il souhaitait ardemment s’en servir dans son nouveau but ultime :

     Se venger des elfes.

     Il comptait commencer violemment, mais sûrement. Il savait que le premier elfe qui passerait à sa portée subirait le pic de sa colère, mais ce ne serait que le début. S’il était illusoire de vouloir anéantir toute cette race, il pouvait au moins faire sa part du travail en anéantissant tous ceux qu’il trouverait. Et à commencer par ce voleur de bateaux, sans honneur ni dignité, qui avait eu l’audace de lui voler ses biens les plus précieux : ses instruments. Et de tuer son orchestre en prime. La colère lui fit serrer le poing.

     Oh oui, il comptait se venger.

     Les vents de magie affluèrent autour de lui dès qu’il les appela, tourbillon d’énergies chaotiques et sauvages, ardentes et glaciales, qui par leur simple existence avaient détruit des royaumes et créé des civilisations. Fiodor lui-même n’était pas un grand thaumaturge, mais il affectait d’avoir une maîtrise suffisante pour pouvoir créer quelques surprises à ses adversaires, du moins en temps normal. Là, cependant, c’était une autre paire de manche. Plus habitué au maniement des vents de la mort et de l’ombre, il dirigea Shyish et Ulgu vers la pulsation, se demandant s’il allait obtenir une réaction.

     Le résultat fut au-delà de ses espérances.

     Il sentit d’abord la magie être absorbée, et se mêler à celle qui, toujours, pulsait sans s’interrompre. Il avait l’impression d’avoir versé du colorant dans un fleuve pour voir si la couleur en changeait. Mais presque aussitôt, la structure lui répondit, et même physiquement. En un craquement sonore qui fit se tourner toutes les têtes présentes, les différents cercles concentriques qui constituaient les ornements du puits de pierre se mirent à tourner, dans des sens contraires les uns par rapport aux autres. Et Fiodor vit, par ses sens magiques, que son fleuve commençait à ouvrir un nouveau confluent. Petit à petit, la magie affluait vers la pierre, vers lui. Il n’avait plus qu’à attendre, et bientôt il aurait assez de puissance pour…

     Fiodor se retourna brusquement, l’œil brillant de colère. On osait l’interrompre à cet instant ?!

     « Vous pouvez vous montrer, vous savez » déclara-t-il doucereusement en direction de l’orée de la jungle. « Mais je vous prierais d’attendre votre tour. Je suis pressé. »
***

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Essen
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Message par Essen »

     Ixi’ualpa sentit Luxia tressaillir à côté d’elle lorsque l’homme prit la parole, calmement.

     Dissimulées à la lisière de la clairière en un arc de cercle qui en couvrait presque la moitié, les amazones attendaient le moment pour frapper. Ixi’ualpa pouvait voir les kalims mâcher des feuilles de koka, ou mettre la main à la ceinture pour s’emparer d’une gourde aux mixtures ésotériques pour en descendre une ou deux gorgées. Ainsi se préparaient-elles au combat.

     « Tu as compris ce qu’il a dit ? » demanda la guerrière aigle.

     L’expression de sa compagne d’arme était indéchiffrable, entre incrédulité et … et peur ?

     « Je crois… je crois qu’il vient de nous adresser la parole. »

     C’est alors que du mouvement venant de l’autre côté de la clairière attira leur attention. Quelque chose s’approchait.  

*

     Le souffle d’Apsa se faisait de plus en plus audible. Le sang battait à ses tempes. Mais elle ne pouvait pas arrêter. Pas tant qu’elle n’aurait pas semé les démons naggarothii. Ses jambes devenaient de plus en plus lourdes. Ses bras commençaient à manquer de force en écartant les larges feuilles dans sa course. Son pied s’enfonça soudain dans une flaque de boue.

     « Isha, protège ta fille ! » gémit-elle. Par dessus les battements de son propre cœur, elle entendit les cris de ses poursuivants. Des cris, des menaces, des… plaisanteries? Apsa eut un haut-le-cœur : Comment pouvait-on rire de lui infliger cela? Un carreau d’arbalète passa à un cheveu de sa tête. Elle devait repartir. L’elfe tira son pied de la boue et reprit sa course.

     Un bruit différent la fit tressaillir : devant elle, sur la gauche, elle percevait des éclats de voix différents. Il y avait aussi des sons métalliques répétés… un campement? Des amis peut-être? Un espoir ? Apsa en doutait tant cette jungle semblait hostile, mais elle n’avait pas le choix. Elle sauta par-dessus une liane épaisse et jeta ses dernières forces dans une dernière course droit vers la source des bruits. Une voix la fit sursauter: elle n’avait pas compris tous les mots mais elle avait reconnu du Reikspiel. La langue des humains ! C’était bien des alliés ! Et ils n’étaient plus très loin!

     L’elfe traquée pressa encore l'allure. Ses yeux se couvraient d’un voile rouge et ses poumons étaient en feu, mais son salut était proche ! Un autre carreau la dépassa, mais elle n’y prêta pas attention : elle voyait la lumière d’une clairière à une centaine de mètres ! Elle y était presque…

     Elle perçut un mouvement furtif sur sa droite: une silhouette féminine accroupie s’éloignait et disparut entre les arbres. Interloquée par cette vision et emportée par son élan, Apsa ne vit pas la racine qui lui fit perdre son équilibre au moment d’entrer dans la clairière. Elle fit quelques pas en avant et tomba dans la poussière. Éblouie par les torches, l’elfe mit quelques instants à se relever et à se rendre compte que le bruit métallique avait cessé.

     Elle leva la tête, hébétée. Ses yeux croisèrent les ténèbres au fond d’un large tube cuivré.

     « Ekganded zharraz dum, ek dohak elgi. »

     Apsa vit quelque chose bouger au fond des ténèbres. Quelque chose de flamboyant qui grandissait, grandissait…

     Sarquindi, Phy’lis et leurs corsaires débouchèrent à leur tour dans la clairière. La première chose qu’ils virent fut le corps calciné de leur proie tomber sur le côté dans un bruit sec. Une grande trace sombre au sol l’entourait. À l'autre bout de la trace, les druchii virent un nain tenant à la main un étrange objet fumant (et qui s’exclamait d’un air satisfaisait “Ouaip, il remarche bien maintenant !”). Un peu plus loin, une poignée d’humains entourait un puits fait de blocs de pierre gravée. La structure était couverte de glyphes cabalistiques qui luisaient d’un bleu serein. Tous dégainèrent leurs armes à la vue des corsaires, et le nain s’exclama :

     « Les oreilles pointues sont pires que la chienlit ! On en tue un, vingt autres surgissent !

     - Trouble-fête! s’offusqua Phy’lis. N’as-tu donc aucun respect pour arrêter une traque si entrainante sans un parachèvement glorieusement sublime ! La minimitude de cette fin est un affront à la face de la proie que nous suivions, et de nous-autres, nobles chasseurs par la même occasion ! Comment un bras peut-il tolérer que sa tête ne lui indique une si rustre consigne ? Comment ne vous effondrez-vous pas sous la honte qui couvre votre chef ? Lequel chef est fort laid au demeurant.

     - Ne vous inquiétez pas, cher associé, sourit Sarquindi. Nous n'avions qu'une proie, nous en avons maintenant plusieurs ! La fête continue! »

     Le capitaine se jeta en avant. Sa lame vola droit vers la tête du nain. Mais au dernier moment, Thrond poussa un juron en appuya sur la gâchette. Le jet de flammes frappa Sarquindi de plein fouet (Thrond (souffle) : 8T, 1T annulée, 4B, 1Svg, -3PV!!!). Enveloppé de flammes, le druchii recula en titubant, tomba au milieu de ses troupes et se roula dans l'herbe pour éteindre le feu. A la vue de leur chef ainsi touché, les corsaires hésitèrent un instant. Fiodor, ses ‘hommes’ et le nain s’étaient regroupés autour du puits et se tenaient attentifs aux mouvements des corsaires. Thrond réarma son lance-flammes. Le vampire s’était mis en garde dos à la pierre.

     Sarquindi se releva finalement sur les coudes, le corps encore fumant.

     « J’exécuterai personnellement tous ceux qui n’auront pas plongé leur lame dans le corps de ce nain. TUEZ LES TOUS! »

     Phy’lis ne se fit pas prier et tira ses couteaux avant de se lancer au combat, suivit l'instant d’après par le reste de la troupe elfique. Les marins hypnotisés, accompagnés d’un Marcel prêt à donner de sa lame comme de ses invectives fleuries, se tinrent derrière le nain. La mêlée s’engagea.

     Fiodor, profitant du chaos ambiant, décida que le moment était bien choisi de reprendre l’exploitation du puits. Les anneaux de ce dernier continuaient en effet de tourner, et le pilier de lumière qu’il émettait éclairait la scène d’une lumière violette. Essayant à nouveau d’attirer à lui les vents de magie, le vampire se mit à psalmodier des mots qu’il avait eu peur d’avoir oubliés.

     C’est à ce moment que des formes hurlantes jaillirent des fourrés depuis l’autre côté de la clairière.

     Les kalims avait été rapidement échauffées par leurs drogues, autant que par la haine envers les actes profanateurs dont elles venaient d’être témoins, au point d’en être tendues comme les cordes d’un arc, prêtes à craquer. Et le début des combats venait de mettre le feu aux poudres.

     Rakt’cheel avait porté toute son attention, toute son ire, sur Fiodor. Il avait souillé le monument sacré par son toucher, par son rituel, et elle verserait son sang en compensation ! Elle voulait son cœur, et le lui arracherait !

     Fiodor n’eut pas la moindre seconde pour réagir. Tout à sa concentration, il ne put que s’apercevoir, au dernier moment, qu’une femme répugnante aux tatouages bigarrés s’apprêtait à l’estropier. Son corps ne put réagir à temps (Rakt’cheel : 5T 4B -4PV!), mais une force le tira brusquement en arrière, le projetant au sol et brisant sa concentration. Il entendit un bruit sourd, suivi d’un juron prononcé en un Reikspiel tonitruant auquel répondirent plusieurs hurlements féminins.

     « Capitaine, je ne sais pas à quoi vous pensiez, mais c’est complètement débile de rester immobile au milieu d’une bataille ! Vous voulez finir comme moi, en cadavre que tout le monde a oublié ? »

     Fiodor se releva promptement, crachant des jurons. Rakt’cheel, toujours en transe meurtrière, enchaîna les passes d’armes contre Marcel, bousculant le revenant. Tout autour d’eux, d’autres guerrières similaires se joignaient au combat et se mettaient à affronter elfes comme humains sans discriminer. Il devait bien se rendre à l’évidence : les pitreries magiques prendraient trop de temps. Il allait devoir combattre pour se sortir de cette très mauvaise passe.

     Rakt’cheel, enfiévrée par ses drogues de combat, déchaîna sa violence sur le revenant bretonnien avec brutalité. Ses dagues trouvèrent rapidement plusieurs failles dans la garde et l’armure rouillée de Marcel, qui ne put bloquer toutes ses attaques. Les lames se plantèrent à plusieurs reprises dans son corps (Rakt’cheel : (Test réussi) 5T 2B -2PV!), lui arrachant des grognements alors que plusieurs de ses articulations étaient atteintes. Cependant, la partie rationnelle du cerveau de la kalim la mit en garde instantanément.

     L'éclaireuse n'avait pas menti en l'avertissant de la présence de non-morts parmi les profanateurs.

     Ce furent ses réflexes de guerrières chevronnée qui la sauvèrent. L’épée de Marcel virevolta, et si elle put esquiver le coup mortel qu’il lui réservait, elle fut tout de même touchée à la cuisse. L’acier rouillé de la lame spectrale, entourée d’un halo verdâtre, lui arracha un cri, et elle sentit le sang, son propre sang, lui réchauffer la cheville (Marcel : 3T 1B -1PV).

     « Tu te défends bien pour une détraquée du bulbe » railla le revenant. « Mais ce n’est pas avec des moulinets que tu vas me b... »

Il n’eut pas l’occasion de terminer sa phrase. Ratch’keel, qui venait de comprendre sa nature de mort-vivant de sa cible, tout en sentant l’effet des drogues commencer à se dissiper, avait tenté le tout pour le tout. Avec la même vivacité que précédemment, elle avait projeté l’une de ses dagues dans le crâne de son adversaire, lame la première. Cette dernière se logea avec précision entre le heaume et le gorgerin, le faisant tituber, et Ratch’keel, sans hésiter, se jeta sur lui, le faisant basculer à terre.

     « Par le tonnerre de l’Anguille... » jura Marcel en se débattant alors qu’il réalisait que sa situation n’était pas très enviable. Ignorant ses vociférations, Ratch’keel plaça ses deux dagues autour de son encolure, et d’un mouvement cisaillant, elle sépara la tête de son corps. Marcel de Parravon sentit alors tout contrôle sur ses membres l’abandonner, et c’est dans un concert de jurons qu’il fut abandonné par l’amazone guerrière, qui fonça trouver une autre cible (Ratch’keel : (Test réussi) 3T 1B -1PV!).



     Ixi’ualpa avait elle aussi placé son dévolu sur Fiodor. Tout profanateur devait mourir, mais un mage était un ennemi suffisamment puissant pour qu’il faille s’en débarrasser au plus vite, surtout un mage capable de manipuler un monument des Anciens.

     Aussi avait-elle vu Rakt’cheel la prendre de vitesse et foncer toutes dagues dehors vers l’incantateur. Alors même qu’Ixi’ualpa allait chercher une autre cible, elle avait vu la masse imposante du chevalier en armure littéralement intercepter l’assaut de la dévote kalim.

     Les autres guerrières avaient déjà rejoint le gros de la mêlée, chargeant aveuglément vers le plus grand nombre d’ennemis. Ixi’ualpa soupira, resserra sa poigne sur sa lance et se résigna. À elle, donc de s’occuper de régler la menace du sorcier.

     Fiodor croisa son regard dans la mêlée, alors que sa dernière adversaire, une amazone trop sûre d’elle, était au sol, la gorge tranchée. Le vampire et la guerrière aigle se jaugèrent mutuellement, apprêtant l’un son épée, l’autre sa lance. Autour d’eux, l’affrontement semblait perdre son importance.

     Ce fut l’amazone qui initia les hostilités. Bondissant, lance pointée en avant, son assaut se voulait précis. Mortel. Mais Fiodor, aussi vif que le vent, déjoua ses assauts, et bien qu’Ixi’hualpa parvint à plusieurs reprises à tromper la garde de son adversaire, ce dernier s’arrangeait pour limiter la force du coup (Ixi’ualpa : 2T 0B). En retour, Fiodor eut du mal à attaquer, mais parvint tout de même, d’une fente, à la toucher au front, lui arrachant un petit cri de douleur alors que quelques plumes tombaient au sol, tranchées net (Fiodor : 2T, 1T annulée, 1B, -1PV!).

     Ixi’hualpa recula un instant, aussi surprise par la vivacité de ce mage que par sa seule présence ici. De son côté, Fiodor contenait à nouveau sa frustration pour éviter de foncer tête baissée contre une allonge supérieure. Pourquoi était-il condamné à affronter encore et encore des ennemis armés de lances et autres armes longues ? Pourquoi personne ne se servait d’une bonne vieille épée, pour changer ?

     La guerrière aigle ne s’accorda pas plus qu’une seconde de répit. Déjà, la lance fusait, encore plus précise qu’avant, et le vampire ne put cette fois éviter que sa chair ne soit touchée. Cependant, son endurance de mort-vivant lui évita la moindre blessure (Ixi’ualpa : 3T, 2B, 2 Invus), et il profita de la surprise de la guerrière aigle pour se lancer dans un enchaînement de coups d’une violence inhumaine. Mais il en fallait bien plus pour mettre Ixi’hualpa en difficulté. Ses réflexes et son agilité permirent à l’amazone d’esquiver la majorité des coups. Elle serra les dents cependant, quand l’un d’entre eux finit par la toucher à la jambe (Fiodor : 4T, 4B, 3 invus -1PV).

     Refusant de se laisser abattre, Ixi’hualpa décida de changer de tactique. Puisque ce non-mort aimait esquiver, elle allait lui montrer ce que c’était que l’esquive. Elle ouvrit sa garde, dans une posture faussement négligente, tout en se tenant prête. Pour Fiodor, c’était le signe. C’était le moment où son adversaire lâchait prise. Il fonça.
     Et le regretta.
     Son assaut n’eut aucun effet. Désormais habituée à ses mouvements, l’amazone parvint à éviter toutes ses attaques (Fiodor : 3T, 2B, 2 Invus). Pire, d’un ample mouvement des deux bras, elle projeta la hampe de son arme dans son visage, le faisant tituber avec un bruit sourd (Ixi’ualpa : 4T, 1B, -1PV). Il repartit à l’assaut avec une vigueur nouvelle, mais là encore, une fois au corps à corps, ses attaques furent soit bloquées soit esquivées (Fiodor : 2T, 2B, 2 Invus). Profitant d’une nouvelle ouverture, Ixi’hualpa le fit reculer, avant de le frapper au sternum par l’autre extrémité de sa lance (Ixi’ualpa : 4T, 2B, 1Invu, -1PV). Fiodor en tomba presque à la renverse.

     La rage l’envahit. Il perdait du temps. Il y avait des elfes autour, et il perdait du temps. Puisqu’il était incapable de surclasser cette femme en habileté, il l’aurait par la force.
     Ixi’hualpa vit alors Fiodor se relever, le visage déterminé, et pousser un hurlement. Apprêtant son arme pour un nouvel assaut, elle n’était cependant pas préparée à la violence qui s’ensuivit. Le vampire frappa de toutes ses forces, ignorant totalement que ses attaques soient bloquées. Ixi’hualpa finit par en perdre l’équilibre (Ixi’ualpa : 2T, 0B). Et ce fut le moment où le poing du vampire la percuta au creux des reins. La force de l’impact la fit littéralement décoller du sol, et elle se sentit être projetée avant de ressentir un nouveau choc, et de sentir le contact de la terre sur ses lèvres. Un cri répondit à ses interrogations. Elle avait percuté une guerrière kalim, qui n’en demandait pas tant (Fiodor : 1T, 1B, -1PV !).
     Il lui fallut quelques instants pour se relever, mais visiblement le profanateur en avait profité pour s’éloigner dans la mêlée.

*

     Phy’lis jubilait d’affronter enfin ces humaines de la jungle. Au fond de lui, il avait trouvé très désagréable de devoir quelque chose à ce peuple qui lui avait fourni des pirogues quelques jours plus tôt. Chaque coup de couteau qu’il lançait vers la chair des amazones était un remerciement tout droit venu du cœur. Un cœur glacé, bien entendu. Les adversaires étaient coriaces, bien plus vives et fortes que ce qu’il imaginait en se jetant dans le combat. Et les quelques humains alentour avaient été rapidement submergés par les belligérants des deux bords, l’empêchant de profiter de leurs faiblesses, ce qui était frustrant au possible. Mais au moins le comédien pouvait-il exprimer sa frustration passée en frappant sur quelque chose. Il prenait le plus malin plaisir à utiliser au maximum les restes de sa parure de plumes dans chacun de ses duels.

     Une guerrière sauta devant Phy’lis, les yeux fous et la peau peinte étrangement.  L’elfe se courba en avant en signe de salutation. L’amazone ne répondit pas à ce salut et se jeta sur lui dague en avant. Phy’lis s’attendait à une telle attaque. Il tourna sur lui-même, fouettant la guerrière d’un coup de plumes au passage. Profitant de cette diversion, il s’agenouilla pour planter une de ses lames à l’arrière de la jambe de la kalim et la pousser au sol. Le comédien se releva, satisfait. N’étant pas immédiatement pris à parti à nouveau, il prit le temps d’observer en détail la structure au centre de la clairière. Les lumières étranges des glyphes qui couraient sur la pierre le fascinait. Elles tournaient, brillaient, menaçaient et appelaient tout à la fois. Py’lis s’exclama :

     « Si j’avais voulu une statue à ma gloire, rien de moins que cette pierre n’en serait le piédestal ! Mais que dis-je ! Bien entendu que je veux une telle statue ! »

     L’elfe assomma l’amazone d’un coup de genou au visage. Puis, il l’attrapa par les cheveux et la traîna jusqu’à la pierre. Ayant vérifié que personne ne se ruait sur lui, il hissa sa victime sur le puits. Il y grimpa lui-même et relustra les quelques plumes qu’il avait ébouriffées pendant l’affrontement. Puis, il se mit debout, portant par devant lui le corps de l’amazone. L’arme de l’elfe était visible de tous, bien en évidence sous la gorge de son otage. Le comédien se mit alors à déclamer :
« Ouvre grand les oreilles, foule de combattants
Car pour toi se produit l’artiste Phy’lis le Grand !
On raconte des merveilles sur lui à Karond Kar
C’est une chance inouïe qu’il s’offre à vos regards !

Ce public n’est certes pas de la première noblesse
Mais il a pour tuer une certaine adresse
Et se tournant vers moi, il est admiratif
De cette langue acérée, de ces vers incisifs

Celui qui devant vous déclame ce péan
Autrefois dans les rues chantait pour les passants
Se moquait des jaloux, divulguait des secrets
Révélait les cocus… Tous craignaient ce qu’il sait !

Le peuple de Karond Kar lui doit bien des fous-rires
Et pour remerciements il a failli mourir
Au lieu de cette gloire que mérite cet artiste
Il eut pour seul paiement un exil des plus tristes

Mais voilà qu’aujourd’hui il reçoit une estrade
Et retrouve une audience pour clamer ses bravades
Par tous les dieux druchii, c’est un retour en grâce !
Un succès sans nuance ! Phy’lis est là, faites place ! »

     Le comédien prit la pose quelques instants. Puis, voyant que les autres combattants semblaient lui laisser le champ libre, il laissa tomber son otage pour avoir plus de liberté de mouvement. Il s'éclaircit la gorge et enchaîna avec d’autres vers dans toutes les langues qu’il connaissait.

***

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Essen
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Re: [Event RP multijoueur] La Route d'Eldorado

Message par Essen »

     Un elfe se jeta sur elle. Rakt'cheel entendit son cri de guerre distordu, déformé, plongé au milieu de la mélasse sifflante du vacarme du combat tel qu’il lui parvenait à travers le voile autant auditif que visuel qui avait été jeté sur son esprit par les drogues rituelles. Même, le son lui parut un peu trop net, trop clair, ce qui confirmait le sentiment qu’elle avait eu en affrontant le mort-vivant. Elle n’avait eu que trop peu de temps avant de se lancer à l’assaut pour consommer assez de koka. Plus, il lui en fallait plus.

     Troublée, elle ne sentit pas vraiment la lame de l’elfe, qu’elle vit parcourir son flanc alors qu’elle échouait à l’esquiver correctement. Cela ne lui empêcha pas de lui porter un coup de ses dagues. Puis un deuxième, qui cette fois ne glissa pas sur son armure noire, et s’enfonça dans les chairs avec un bruit mou. L’elfe se courba en deux, ses poumons privés d’air par le coup. Elle le laissa choir à terre sans même reprendre sa dague.

     Répit. Enfin.

     Frénétiquement, elle mit sa main à présent libre à sa ceinture, fit jaillir un bout de chique de koka, faisant tomber au sol quelques feuilles séchées au passage. La vision du bout noirci était presque suffisante pour la rendre folle, et elle se mordit presque les doigts en se le fourrant entre ses dents.

     Tous ses muscles se détendirent alors que le goût si doux, si divin, pour elle tant figurativement que littéralement, se répandait dans sa bouche. Tout son corps se tendit à nouveau comme un arc. La koka n’avait pas un effet immédiat, mais rien que la sentir lui redonnait de l’énergie, elle se sentait comme plongée à nouveau dans la transe par anticipation. Elle avait de nouveau envie de crier, de hurler, de rire et de pleurer à la fois. Et elle avait envie de tuer. Il lui tardait de sentir le sang couler à nouveau sur sa peau, sur ses tatouages. Le sien, celui des autres, peu lui importait.

     Dans le jeu de couleurs saturées qui reprenait place devant son regard. La gerbe de flamme qui s’élança vers le ciel ne put qu’attirer son attention. Elle se souvint qu’il était là. Lui qui avait creusé dans sa peau les traces de leur ardent dernier affrontement. Oh oui. Oui, elle brûlait de prendre sa revanche sur ce petit être pourtant trapu.

     Il ne serait pas difficile de l’atteindre : le tir de son arme étrange avait justement fait reculer tous ses opposants. Sans réfléchir une second de plus, elle fonça.

     Le nain la vit. Dressa son arme vers elle.

     « Oh non, non pas cette fois. » murmura-t-elle pour elle-même avec un sourire dément. La gerbe de flamme jaillit… et se révéla décevante, faiblarde. Le peu qui lui fut envoyé, elle l’esquiva avec une agilité féline déconcertante. (Thrond (souffle) : 4T 1B 1Svg)

     Thrond jura. Il fallait croire qu’il n’avait pas suffisamment bien réparé son lance-flammes. Maudit soient les elfes et surtout ce foutu prince ! Que Grungni lui tanne le cul avec son marteau ! Il n’eut pas le temps de jurer plus longtemps car la sauvageonne – il n’avait pas d’autres mots – lui tomba dessus. Heureusement, son marteau se dressa entre eux d’eux, juste à temps, repoussant l’assaut pourtant frénétique de la guerrière. (Rakt'cheel : 4T, 1T annulée, 1B, 1Svg ; Thrond : 1T 1B -1PV!)

     Il en fallait plus pour désarçonner Rakt'cheel. Se recevant sur ses pieds, elle partit brusquement sur le côté, les dagues pointant droit vers l’aisselle de Thrond. Il fallut un coup de poing instinctif du nain pour l'empêcher d’y planter ses deux lames, une seule goûtant le sang. (Rakt'cheel : 5T, 3B, -1PV ; Thrond : 1T, 1B, -1PV) Il tenta ensuite de la faire reculer en usant de grands moulinets de son marteau, mais à chaque fois, l’amazone esquivait ses coups. Au moins, cela la maintenait occupée. (Rakt'cheel : 3T, 0B ; Thrond : 0T ; Rakt'cheel : 3T, 0B)

     Heureusement pour lui, Thrond connaissait aussi quelques tours moins recommandables que des passes d’armes. Ses compatriotes sur le continent cracheraient dans son dos en voyant cela, mais lui ne s’attardait que sur le fait que cela pouvait lui sauver la vie. D’ailleurs, cela avait déjà été plusieurs fois le cas.

     D’un pied, il envoya du sable au visage de son adversaire. La voyant reculer en fermant les yeux, il lâchant d’une main son marteau pour se jeter en avant et empoigner la cuisse nue de l’amazone, juste au dessus du genou. La kalim comprit ce qui allait lui arriver, mais trop tard : grognant sous l’effort, le nain la fit basculer à terre et, avant qu’elle ne puisse reprendre ses esprits, elle sentit sa main s’abattre à nouveau impitoyablement, cette fois derrière sa nuque.

     Leurs têtes se rencontrèrent violemment : Thrond s’était servi de sa poigne pour projeter le visage de la kalim contre son front. Rakt'cheel sentit son nez craquer sous l’impact avant qu’un kaléidoscope de couleurs ne vienne couvrir son regard. Elle chuta au sol, le visage ensanglanté, sans conscience. (Thrond : 1T, 1B, -1PV !)


     La premier chose que fit Thrond fut de ramasser son marteau. La seconde fut de ramasser son lance-flammes. Pour la troisième, il remarqua qu’il avait le champ dégagé jusqu’à la stèle dont s’était occupée Fiodor. Stèle où était juché un elfe bien reconnaissable, celui qui l’avait insulté à leur arrivée. Enfin, en soit, le fait qu’il déclame ses insupportables vers était déjà passable de peine de mort aux yeux du nain, l’insulte initiale ne changeait plus grand chose. Hmmm, mis à part peut-être le plaisir qu’il tirerait à mettre un terme aux dites élucubrations. Terme définitif si possible, bien évidemment.

     Phy’lis était emporté dans son élan poétique qui penchait de temps à autre vers la diatribe, et il ne vit que trop tard le nain s’approcher de sa position surélevée, son arme cracheuse de feu pointée vers lui. Avant qu’il ne puisse ne serait que se retourner pour sauter à couvert, le doigt du nain se resserrait sur la gâchette.

     Clic.

     Rien ne se passa. L’elfe noir cligna des yeux plusieurs fois. Tout autour, la bataille faisait rage sans porter attention à l’un ou l’autre des deux guerriers interloqués.

     « Boga ! » s’exclama Thrond. Cette saloperie n’était finalement pas encore réparée. Il secoua son arme, sans grand effet, avant de jurer de plus belle. Foutre zut ! (Mais en Khazalid s’il-vous-plaît.) Que le maudit haut-elfe soit maudit mille fois de plus. Que le marteau de Smednir lui fasse ravaler sa virilité d’un coup stratégiquement bien placé ! (Endroit aussi précieux que fragile, que l’on appelle communément, dans le milieu, “Dongliz”.)

     Phy’lis, qui avait fini par comprendre tout le sel de la situation, se pencha sur la pierre pour observer non sans un grand sourire narquois le nain qui se débattait avec son arme comme s’il l’avait oublié. Il était temps pour le tragédien d’essayer de dérouiller et dérouler sa maîtrise du Reikspiel.

     « Eh quoi, maître nain ! commença-t-il sans la moindre trace d’accent. Vous voilà démuni de votre petit jouet. J’espère que vous n’allez pas vous défiler tout de même, il serait dommage d’en rester là entre nous. Ou bien, serait-ce que, en raison de votre petite taille, vous n’osiez pas tenter de me disputer ma place en haut de cette vénérable stèle. Vous devriez essayer pourtant, la vue y est fort belle, et je ne doute pas qu’elle le serait encore plus pour vous, qui ne devez pas avoir l’habitude d’en avoir une telle !
     « Vous ne répondez pas ? Allons, je suis déçu. Ou est donc passée la combativité verbale des nains ? Partie avec votre envie de m’affronter je suppose, quelque part dans le lointain à la vaine recherche de votre honneur ? Mais je puis comprendre. Après tout, s’il m’a été aisé de grimper jusqu’ici, je me doute que ce grandiose monument vous pose plus de difficultés, tout aussi grand que vous qu’il est.
     « Quoiqu’il en soit, je suis déçu, moi qui eus, l’espace d’un instant, cru qu’enfin je pourrai rencontrer un vrai nain, dont on vante tant l’ardeur et la pugnacité, et non les quelques esclaves enchaînés, tous abattus et mutiques que l’on nous ramène depuis les arches noires… Je dois dire que vous ne faites pas meilleure figure. Finalement, vous faites bien de ne pas tenter de me rejoindre : il vous sied bien mieux de rester là où vous êtes, c’est à dire petite tâche crasseuse tout en bas de mon champ de vision. Quoique, peut-être que me combattre me donnerait l’occasion de lancer d’autres de vos congénères à mes trousses, qui offriraient un meilleur spectacle, si je vous occ…
     — Ah ! »

     L’interjection du nain, accompagnée du claquement métallique de l’arme qu’il venait … de partiellement remonter ? … le coupa dans sa tirade. Le paltoquet ! Il en était presque au bout et il avait l’outrecuidance de l’interrompre. Alors même qu’il allait justement vocaliser ses plaintes, Thrond le prit une fois encore de court en frappant d’un coup sec un le culot du fusil, juste au-dessus de la jonction du tube qui reliait l’arme à son imposant sac à dos.

     Le bruit crépitant qui s’en suivit ne rassura pas l’elfe, et encore moins la gueule de l’arme se mettant à fumer abondamment. Gueule qui, à nouveau, pointait vers lui. Diantre ! Sa position surélevée était tout d’un coup beaucoup moins enviable… Si on ne pouvait plus compter sur les malfonctions des armes naines, où allait le monde ? Et il se jeta de la pierre avec autant d’élan qu’il put se donner afin de s’écarter au plus loin du nain.

     Un peu trop tard. La langue de flamme le cueillit en plein vol dans son dos. (Thrond : test réussi ! Souffle : 11T, 6B, 1Svg, 1Invu, -4PV !!)

     Son accoutrement emplumé s’embrasa, et devint littéralement flamboyant. Il retomba au sol, s’y roulant vigoureusement. Cela n’eut pas l’effet escompté. Le feu de ne donnait pas l’air de vouloir s’arrêter… et l’un de ses fumigènes venait de s’activer. Eh ! Voilà qui n’était point si mal finalement…

     Effectivement, la forme prostrée de l’elfe disparut rapidement dans un petit nuage de fumée, entourant d’un halo brumeux les flammes orangées qui le recouvraient. Thrond s’approcha, un air satisfait sur le visage. (Sourire, donc qui donnait plus un aspect de rictus grimaçant qu’autre chose.)

     « Bon débarras. Jamais aimé le théâtre. »

     Il ne resta pas là à contempler la scène, et préféra se relancer dans la mêlée. Dommage pour lui car, se dissipant, la brume révéla non pas le cadavre calciné auquel il se serait attendu, mais un tas d’herbe encore brûlantes surmonté d’une coiffe de plume que dévoraient les flammes. Phy’lis, plus loin, hors de sa vue, ne s’en plaignit pas.


     Le combat faisait justement rage. Corsaires elfes noirs, armés de pieds en cap et rompus aux affrontements d’un côté, amazones vouées au meurtre et au massacre de l’autre. Les cris fusaient, surtout du côté de ces dernières, car leurs drogues les rendaient particulièrement sujettes à la rage, et leur soif de sang ne trouvait son égal que dans les mœurs sadiques de leurs adversaires du jour. Enfin, de la nuit. Au milieu de tout ça, le puits de pierre, oublié de tous et abandonné par son verbial cavalier, continuait sa lente activation, projetant à nouveau sans obstacle son pilier de lumière aux teintes violettes vers le ciel. Mais, si la rotation de ses rouages émettait le moindre bruit, ce dernier était couvert par la cohue ambiante, faite du bruit des lames, des corps, et surtout des cris.

     Au milieu de tout ça, Fiodor, le capitaine sans bateau et désormais sans équipage, maniait son épée avec une colère toute maîtrisée. Lui qui voulait soulager le monde du plus d’elfes possible il n’y avait pas dix minutes, voilà qu’ils étaient tout un groupe, tout un équipage, à être venu d’eux même. Que pouvait-on rêver de mieux, à part le petit déjeuner au lit ? Comme ça faisait longtemps qu’il ne prenait plus l’un et ne dormait plus dans l’autre, la réponse était claire : rien.

     C’est ainsi qu’il tuait des elfes, pour son plus grand plaisir. Ici un corsaire présomptueux avait cru le prendre par derrière, et avait fini empalé. Là, un autre s’était cru intelligent en le prévenant qu’il allait le « mettre dans une cage s’il était gentil ». Gentil. Fiodor n’avait pas le souvenir d’avoir un jour pu se considérer comme ‘gentil’. Aimable, certes, et parfois généreux. Mais gentil ? Pas moyen de savoir. L’elfe ne put donc mettre sa menace à exécution, et sa tête roula bien vite sur l’herbe haute. Dans tout ce chaos, le vampire avait conscience que ses derniers membres d’équipage avaient perdu la vie, à l’exception de Thrond, dont les insultes, et surtout les flammes, ayant depuis peu repris de plus belle, le rendaient inratable. Et il avait vu monsieur Flouz rester en périphérie de la clairière. Un léger sourire se dessina sur son visage autrement si sérieux. Flouz ne perdait jamais son sang-froid. Et rarement son sang tout-court d’ailleurs. Et en parlant de sang, la présente quantité de ce nectar divin, répandu par litres entiers sur le sol, les armes, et les cadavres, avait de quoi l’enivrer. Il se sentait prêt à tout.

     Son sérieux revint lorsqu’il croisa le regard – et la lame – de l’elfe le plus proche.

     « Toi, le taré, si tu ne finis pas dans un sac au fond de ma cale, c’est que tu seras trop abîmé pour y rentrer. On ne massacre pas mes hommes comme ça. »

     Sarquindi avait un timbre en acier trempé, et défia du regard le vampire qui se tenait au milieu d’une demi-douzaine de corps d’elfes. S’il ne voyait lui-même pas d’inconvénient majeur au fait de subir des pertes lors d’une attaque, c’était tout autrement quand les dés étaient pipés. Et de toute évidence cette…créature, au regard de glace et dont les blessures, nombreuses, auraient déjà dû venir à bout, n’était pas un homme. Le capitaine corsaire n’en doutait pas, pas après avoir affronté deux autres de ces sangsues à forme humaine dans les alentours.

     Ce vampire allait subir le même sort. Et même pire.

     « C’est toi celui qui mène cet équipage de demoiselles ? »

     La voix trainante de Fiodor savourait l’insulte, et les coins de sa bouche se muèrent en un rictus malfaisant quand il réalisa qu’il avait certainement en face de lui une ‘proprette en chef’. Sarquindi se contenta de sourire en retour, habitué à pire joute verbale.

     « Avec toi parmi mes rameurs, cela sera un peu plus vrai qu’avant. »

     La discussion se termina aussi vite qu’elle avait commencé. Les deux capitaines se lancèrent l’un sur l’autre en un duel sans concession, où seule la haine primait sur la violence. Les mots étaient vains, voire contre-productifs. Chacun réalisa que l’autre saurait utiliser la moindre distraction pour porter un coup mortel. L’acier frappa l’acier, le cuir, et la chair, alors qu’un cercle se dégageait autour des deux belligérants tandis que corsaires et amazones s’écartaient, par réflexe, de ces bouchers sans merci.
     La lame de Sarquindi était une arme létale, maniée par un escrimeur qui l’était tout autant. Elle perça cruellement la tenue et la chair du vampire en de nombreux endroits alors que Fiodor échouait à bloquer chaque attaque. Le déluge de coups que portait l’elfe noir était simplement trop intense. Mais malgré cela, si sa propre technique était plus brutale, il l’emportait par la force. À chacune de ses attaques, il sentait son adversaire plier.
     Pourtant, ce fut Sarquindi qui, le premier, perça totalement sa garde. En un puissant revers, l’elfe noir perfora le vampire de part en part au niveau de l’estomac. Un sourire sardonique apparut sur son alors que du sang noir suinta de la blessure (Sarquindi : 5T 4B 1Invu -3PV !!).

     Le sourire s’effaça.

     Fiodor venait de lâcher son épée pour le saisir à la tête.

     Le choc de la morsure de Fiodor sur la nuque de Sarquindi coupa le souffle de ce dernier, l’empêchant de crier ou même de soupirer. Ses yeux s’écarquillèrent de surprise puis de douleur au fur et à mesure que son sang s’écoulait dans la gorge du vampire.
     Cela ne dura pourtant qu’un instant. Un éternel instant où leurs deux silhouettes enlacées se tinrent immobiles dans une bataille sans issue visible.
     Puis Sarquindi serra les dents, et lutta de toutes ses forces, parvenant enfin à repousser du pied un Fiodor rendu extatique par le sang d’elfe, si fort et si enivrant, lui arrachant du même mouvement son épée du torse. Le vampire souriait de toutes ses dents (Fiodor : 5T, 1T annulée, 4B, -4PV !!!).

     « Pas mal mais c’est fini. Je vais te… »

     Fiodor ne termina jamais la liste des supplices qu’il voulait infliger à Sarquindi. Premièrement car l’elfe noir ne resta pas pour l’écouter, préférant reculer derrière les siens, la main libre pressée sur son cou. Et deuxièmement, car un brusque changement des vents de magie attira toute son attention.

     Il avait complètement oublié le puits.

     Faisant volte-face, le pirate vampire s’élança vers la structure de pierre. Désormais elle agissait comme un véritable phare dans l’aethyr, ou plutôt comme une source, exsudant des réserves semblant inépuisables des vents de l’ombre et de la mort. Personne d’autre ne paraissait l’avoir remarqué. Mais après tout, il était certainement le seul ici à posséder le moindre talent magique. Bien. Tant pis pour eux.
     Les combats continuaient autour de lui, mais les deux folles furieuses de tout à l’heure semblaient ne pas l’avoir retrouvé. Parfait, il allait pouvoir commencer.

     Fiodor se posta près du puits, grimaçant de douleur à chaque geste du fait de la blessure que Sarquindi venait de lui infliger. « Encore. Je me suis encore fait empaler par un elfe » s’admonesta-t-il en réalisant que cela faisait la troisième fois. Il se jura que ça ne se reproduirait pas de sitôt.
     Mais peu importait à présent. La douleur quitta son esprit alors qu’il tendit la main gauche, libre et griffue, vers le haut, paume ouverte, et qu’il se concentra sur ce qu’il était venu faire depuis le début.

     Une invocation.

     Les mots qui quittèrent sa bouche n’étaient pas de ce monde. C’était ce que Mundvard lui avait appris. « La magie vient aussi des mots, mais dans sa propre langue ». La langue du chaos, la langue de la ruine. Fiodor le sentait en les prononçant. C’était comme si son corps luttait contre cette grammaire, comme s’il se rebellait contre sa propre nature. Et pour contrebalancer cela, pour se donner la force, il y avait Shyish, le vent de la mort, dont Fiodor se drapa, qu’il absorba comme il l’avait fait tout à l’heure avec le sang de l’elfe, mais d’une manière plus naturelle, et plus brute. Il savait qu’il pourrait rester là des semaines entières, à se nourrir des vents de magie. Mais il savait ce qui arrivait à ceux qui le faisaient, et cela ne l’attirait guère. Et puis, le sang, c’était bon, et terriblement plus amusant à récupérer.
     Les autres vents se joignirent à celui de la mort tandis qu’il les appelait. La dhar, la magie noire, nécessitait plusieurs vents, car pour une obscure raison, le vent de la mort seul était insuffisant pour la nécromancie. Il fallait un mélange subtil et désordonné de chacun des huit vents. Un véritable numéro d’équilibriste, dans lequel il n’était pas particulièrement doué. D’où sa concentration.

     La nature réagit à cet événement qui lui était à ce point contraire. Les feuilles fanèrent, l’herbe noircit, et les roches se soulevèrent. Plusieurs craquements se firent entendre, et bientôt elfes comme amazones se demandèrent ce qu’il se passait. Puis certains posèrent leur regard sur la silhouette figée de Fiodor qui, le bras toujours levé, continuait son incantation dissonante.

     Une amazone sentit soudain un bras se refermer sur sa cheville, et baissa les yeux, s’attendant à voir un blessé s’y agripper.
     C’était un cadavre. Qui bougeait.

     Plusieurs cris retentirent, d’un timbre nouveau. Ce n’étaient pas des cris de douleurs. C’étaient des hurlements d’horreur. Elfes et amazones eurent en effet la désagréable surprise de constater que leurs morts se levaient à nouveau, faisant fi des membres arrachés, du sang perdu ou de la perte d’organes. Tous se relevaient, mécaniquement, sans un cri ni une parole, pantins d’os et de chair dont les fils étaient impalpables.

     Thrond regarda avec un dégoût profond l’amazone se relever à côté de lui, la mâchoire pendant sur son torse nu et ensanglanté, uniquement retenue par un mince lambeau de chair qui lui tirait toute la partie gauche du visage. Un seul regard suffit à confirmer ce qu’il pensait, ou plutôt ce qu’il craignait : Fiodor était bien là à incanter face au monument trapu. Ou plutôt, il avait tout juste fini d’incanter.

     L’espace d’un instant, il se demanda si l’amazone revenante allait l’attaquer. Mais non, elle passa à côté de lui en l’ignorant. Fiodor avait visiblement bien réussi son coup. Cela n’empêcha pas le nain d’écraser le crâne du zombie avec son marteau. Une telle abomination pouvait ne pas être contre lui, mais jamais Thrond se serait avec une d’entre elles.

     Le combat prenait une autre tournure… mais la surprise serait de courte durée : il n’était qu’une question de temps avant que les autres belligérants se rendent compte du point auquel les zombies pouvaient être patauds. Fiodor comptait ne plus être dans la clairière que cela serait le cas. Poussant un soupir (d'outre tombe) de soulagement, Marcel de Parravon se releva à côté de lui, et posa sa tête sur son cou, dans un claquement qui dépassait le simple son des os se remettant en place : l’enchantement qui le maintenait en “vie” était de nouveau complet.

     Thrond croisa le regard de Fiodor. Le vampire s’éloignait déjà du puits, s’engageant dans les fourrés. Quelques zombies, dont ceux de feu son ancien équipage, l’imitaient. Le geste que Fiodor adressa au nain était clair : il fallait déguerpir.

     Pour une retraite, elle fut piètre : déjà, un cri retentissait. Une amazone venait de les remarquer, et pointait son arme vers eux.

     Thrond regarda son arme à feu, qu’il venait si soigneusement de démonter, réparer, remonter, et démonter puis remonter une deuxième fois, le tout en une soirée. Il soupira.

     « Puisqu’il le faut... »

     D’un geste brusque, il fit sauter un clapet de son arme. Le tube s’en détacha. Il en fit sauter un deuxième, dans son dos, arrachant la plaque de métal bordée de tissus compressés qu’il avait disposés pour recouvrir le trou béant qu’avait déchiré la lance du prince haut-elfe. Thrond soupira derechef : il appréhendait la seconde réparation, sachant qu’elle serait bien plus ardue que la première...

     Dans un chuintement sifflant que tout entendirent, la clairière s’emplit soudainement d’un brouillard nauséabond. Mais ce n’était pas que des langues de fumées, c’étaient là des brumes de vapeur brûlantes, suffocantes, chargées de fines pellicules de minerais divers. Une purée de pois qui brûlait la peau et la gorge, piquait les yeux et enflammait impitoyablement la bouche. Pour ceux qui résistèrent aux pleurs, l’épaisseur du brouillard acheva de brouiller leur vue. Dans cette grisaille, quelques ombres noires filèrent entre les troncs moussus : ce qui restait de l’équipage du Corbeau Centenaire se retirait, emportant quelques membres des deux autres avec lui, sanguinolents et titubants, sous l’emprise mortuaire du capitaine vampire.

     Pour ceux qui restèrent, amazones comme elfes, la brume artificielle ne fit qu’empirer : croyant tout d’abord en un geste des membres de son équipage, Phy’lis avait lui-même lancé ses propres fumigènes.


     Depuis sa blessure, Sarquindi se sentait… étrange. Sa tête lui tournait, ses forces lui revenaient lentement, mais quelque chose restait, comme une marque au fer sur son cou. Il avait entraperçu pendant l’assaut de son adversaire une faim le subjuguer. Une faim intense, une faim inconnue. Des visions de sang, de festins, de mort lui étaient passées devant les yeux quand les dents avaient poignardé sa chair. Il n’en restait plus rien. Seulement un sentiment de manque profondément inscrit dans son esprit.
     Une brûlure dans la gorge lui fit retrouver ses esprits. Il était entouré d’une fumée épaisse et noire. Les corps rampaient autour de lui en direction de la jungle. Les elfes et les amazones toussaient et essayaient de quitter la nuée sombre qui emplissait peu à peu la clairière. Le druchii vit au loin quelques-uns de ses marins survivants disparaitre entre les arbres.

     « Revenez-vous battre espèces de… »

     Il ne put pas terminer sa phrase, coupé par la fumée charbonneuse qui était entrée dans ses poumons. Par tous les dieux du Cytharai, il allait y passer s’il ne quittait pas cet endroit lui aussi ! Sarquindi ravala sa fierté. Il coupa sa respiration et s’élança vers la jungle. Le corsaire passa sous la frondaison et se permit une inspiration. L’air était lourd et chaud, mais il lui fit l’impression d’une gorgée d’eau fraîche. Il s’appuya un instant à un tronc pour reprendre totalement son souffle. Une lance se ficha juste à côté de sa main. Par reflexe, l’elfe se mit à couvert derrière l’arbre.

     Une guerrière de la jungle arriva en courant. Elle décrocha la lance et se mit en garde dans le peu d’espace que laissaient les sous-bois. Sarquindi se mit à découvert, l’épée pointée sur l’arrivante. L’accoutrement de celle-ci, bien différent de celui des autres guerrières qu’il avait combattu, lui rappela par ses plumes les parures de son nouveau second.

     Ixi’ualpa hésita quelques instants. Elle s’était lancée à la poursuite des quelques kalims trop téméraires qui avaient couru sur les talons des elfes en retraite, mais elle n’avait pas pensé que, se perdant elle-même dans la brume, elle tomberait d’abord sur lesdits elfes. Tant pis pour celui-ci.

     Le sabre de Sarquindi vola subitement vers la guerrière aigle. En réponse, celle-ci étendit soudain le bras et projeta sa lance vers le torse du corsaire. L’elfe sentit la pointe de l’arme se planter sous sa clavicule (Ixi’ualpa : 3T, 1 annulée, 2B, -2PV). Son arme, déviée par le choc, passa bien au-dessus de l’amazone qui esquiva avec facilité l’acier (Sarquindi : 3T, 1T annulée, 2B, 2 invus). Le corsaire recula de quelques pas, l’amazone sauta en arrière et réarma sa lance.

     Sarquindi sentit alors quelque chose de chaud sur son ventre. L’elfe passa les doigts sous sa tunique et les monta devant ses yeux. Ils étaient couverts de sang, et devenaient de plus en plus flous. Le sol disparaissait sous ses pieds.

     « J’avais oublié cette blessure-là tiens… » murmura-t-il avant de perdre connaissance (Sarquindi perd 1PV).

     Ixi’ualpa vit son adversaire s’effondrer de lui-même sur le sol. Incrédule, elle avança prudemment vers le corps du capitaine corsaire. Ces elfes étaient fourbes, cela pouvait être une ruse. Une volée de carreaux d’arbalète jaillit d’entre les arbres et fit reculer la guerrière. Plusieurs corsaires apparurent, l’arme à la main et entourèrent Sarquindi.

     « Il respire encore ! Vous deux, portez le capitaine au navire » ordonna l’un d’entre eux.

     L’amazone recula devant la menace des arbalètes. Deux corsaires mirent leur chef sur les épaules et le reste de la troupe s’en alla aussi vite qu’elle était apparue. Ixi'ualpa ne tenta pas la poursuite. Elle avait d’autres chats à fouetter, et d’autres elfes pouvaient surgir n’importe quand. Après un dernier regard aux pirates, elle fit demi-tour et retourna à la clairière, espérant que la plupart des kalims y reviendraient. Avec un peu de chance, la fumée nauséabonde à la place des effluves de koka dans les poumons, elles seraient revenues à la raison.


     À sa grande surprise, la plupart des kalims étaient restée à la lisière de la clairière. Silencieusement, elles s’occupaient de leurs blessées, rassemblaient les cadavres qui n’étaient pas partis, en attendant que le nuage nauséabond se dissipe.

     Le tout surprit Ixi’ualpa. C’était comme si elle découvrait les kalims à nouveau. Elle qui ne les avait rarement vues en dehors d’expédition guerrières ne les connaissait presque exclusivement en tant que guerrières folles-furieuses et droguées, et toute cette expédition n’avait pas aidé à changer cette image… jusqu’à maintenant. C’était comme si elle avait oublié, depuis tout ce temps, que les kalims étaient les servantes des prêtresses et des dieux. Il n’y avait plus trace de déraison, de folie sanguinaire dans leurs yeux, et leurs cris, leurs respirations rauques, avaient été remplacées par un silence solennel.

     Ixi’ualpa s’approcha de Luxia, qui bandait méticuleusement son bras gauche. L’expression espiègle de la guerrière blonde avait disparu, comme pour toutes les autres kalims. Son visage était fermé, presque sombre, lorsqu’elle le tournait vers la guerrière aigle. Cette dernière n’eut pas besoin de mots : toutes ses questions se lisaient sur son visage.

     « La clairière a été souillée par la présence des étrangers, par le sang des nons-méritants… et c’est sans compter que le pilier a été profané… » D’un air sombre, elle pointa la dévote kalim qui méditait en tailleur, le visage empreint de concentration. « Rakt’cheel va devoir mener un rituel de purification.
     — Dois-je … ?
     — Je pense que tu peux rester. Mais reste à l’écart, et sois discrète. »


     De longs moments passèrent avant que les dernières langues de brume nauséabonde quittent enfin la clairière, pendant lesquels les kalims emportèrent les blessées et ainsi que les corps des défuntes au camp, ne laissant qu’une poignées d’entre elles en train de méditer patiemment. Ces dernières se levèrent, et, patiemment, nettoyèrent la clairière sacrée des quelques cadavres des elfes qui y restaient encore.

     Depuis la lisière, sa lance posée sur ses genoux, Ixi’ualpa observa les kalims rassembler quelques herbes de leurs différentes besaces, qu’elles posèrent sur la stèle avant de les faire y brûler. Curieusement, de là où elle était, la guerrière aigle ne reconnut pas la senteur particulière de la koka. Il devait s’agir là d’autres herbes, aux propriétés rituelles et aux effets qu’elle ne connaissait pas.

     Entourant la pierre sacrée, formant un cercle d’une demi-douzaine de kalims, elles laissèrent Rakt’cheel, au visage toujours ensanglanté de ses combats précédents, s’avancer jusqu’au monument, où elle prit une grande inspiration, respirant solennellement les fumées odorantes.

     Un chant s’éleva parmi les kalims. Murmuré tout bas par quatre d’entre elles, il était guidé par les deux voix de celles qui encadraient Rakt’cheel, l’une rauque et grave, l’autre claire et perçante, pleine de vie. Guidée par le rythme, la dévote mit la main à sa chevelure et en tira l’une de ses deux épingles. Alors que le chant s’accélérait, elle en approcha la longue et fine pointe de sa bouche grande ouverte, puis tira sa langue de sa main gauche. Le chant se suspendit en une longue double note tenue par les kalims, qui dura tout le temps que, lentement, la main légèrement tremblante, l’épingle traversa la langue, jusqu’à y être complètement enfoncée. Goutte par goutte, le sang perlait de la blessure, descendait la longue pointe et tombait ensuite sur la pierre.

     Ratch’keel enleva l’épingle, et si elle gardait une expression fermée sur le visage, elle ne put empêcher l’un de ses sourcils de trembler. Ixi’ualpa elle-même grimaçait, comprenant maintenant pourquoi elle n’avait pas senti de koka dans les herbes incinérées : la plante allégeait la douleur, et il s’agissait ici d’un rituel de sang, où il fallait donner de son corps, sans détour, en pleine souffrance pour que le sacrifice puisse atteindre sa pleine valeur. Par son sang et sa douleur, Ratch’keel purifiait la pierre des vilenies qui avaient été déversées sur elle.

     L’épingle enlevée, le sang coula d’autant plus de la plaie, et la dévote le récupéra dans ses mains, avant d’en asperger toute la pierre, plusieurs fois. Ceci fait, elle s’inclina bien bas, jusqu’à ce que son visage touche presque le bol aux plantes fumantes, dont elle prit de nouveau une large inspiration, avant de rentrer dans le cercle des kalims, qui reprirent leur chant. L’une d’entre elle s’avança, et saisit un couteau à sa ceinture.

     Ixi’ualpa regarda, en silence, les amazones s’entailler la langue les uns après les autres, jusqu’à ce que tout le plat de la stèle fut rouge de sang. Un respect nouveau naissait en elle envers les kalims, alors qu’elle était témoin de la pleine dévotion qu’elles adressaient à leur devoir, à leur fonction d’intermédiaires entre leur peuple et les dieux. Honneur avait été rendu à ces derniers, et par la-même elles honoraient toutes les amazones.

     Une fois chacune des kalims passée à l’autel, elles mirent fin à leur chant et, après avoir jeté de nouvelles feuilles dans le bol rituel, elles s’assirent en tailleur, toujours en cercle autour du monument désormais purifié, se laissant baigner dans les fumées.

     Le silence tomba sur la clairière. Comprenant qu’elles resteraient là un moment, Ixi’ualpa se leva aussi discrètement que possible et laissa les kalims à leur communion avec les dieux. Tout ceci lui avait donné l’envie de se rendre aussi utile que possible envers ses compagnes d’armes, de leur retourner un peu de leur dévotion et de leur don de soi. Peut-être qu’au camp, elle pourrait faire quelque chose pour les blessées. Puis elle planifierait leurs assauts de demain. Chaqua n’était plus très loin, et désormais, Ixi’ualpa était plus déterminée que jamais d’en protéger les reliques sacrées des mains profanes de tous ces étrangers.
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La nuit parait toujours plus noire quand on est dans une jungle touffue. Le ciel avait beau être quasi exempt de nuages, presque aucune lumière ne parvenait jusqu’au sol, filtrée par plusieurs mètres de feuillages et de lianes. Mais ce noir avait beau être quasi-total, il n’était pas silencieux. Toute la faune nocturne s’était animée, et l’air était emplie des cris des grillons, des chauves-souris, des marsupiaux, et de temps à autres par celui, violent et lointain, d’un carnosaure en maraude. Le moindre coup de vent dans la canopée pouvait ressembler au vol d’un terradon, le moindre sifflement à un serpent géant. C’était un royaume où la force n’était vaincue que par la discrétion.
Et de discrétion, Fiodor n’usait pas. À cet instant, il se moquait de la myriade de créatures autour de lui, conçues pour tuer de mille et une façons. Il se moquait aussi de l’obscurité, sa vision surnaturelle lui permettant de voir dans la nuit sans difficulté. Lui faisait partie des prédateurs, et entendait bien le faire comprendre, déployant, consciemment cette fois, sa soif de meurtre autour de lui. Car, une nouvelle fois, sa frustration cherchait un exutoire. Maudites amazones, et maudits elfes. Ils avaient payé leur insolence cette fois, mais pas assez, non, pas assez. Leurs chefs avaient survécu, et il n’avait pu lever l’armée qu’il avait imaginée. Juste une douzaine de zombies, tout juste bons à éponger trois coups de sabre. C’était une piètre parodie de son équipage désormais décédé. Il n’avait jamais été un grand pratiquant de la nécromancie, mais il se savait capable de mieux, Mundvard, son géniteur, l’ayant forcé à devenir un adepte suffisamment compétent pour contrôler une vingtaine de ces créatures, mais encore fallait-il trouver la puissance de les invoquer. Marchant à courtes enjambées derrière lui, Thrond Ventre-de-fer serrait les dents, luttant contre une partie de son esprit qui lui disait de tourner les talons et de fuir son ami. Le plus loin possible. Mais le nain se dominait largement, et tirant une nouvelle bouffée de son cigare, il devait admettre qu’au moins, la fuite de tout être vivant conscient à leur approche avait ceci de pratique que ça évitait les mauvaises rencontres.
« Et maintenant, capitaine, que faisons-nous ? »
Max Flouz pouvait se targuer d’être le seul humain encore en vie du groupe, et si ça lui faisait plaisir, c’était impossible de le voir. Son visage exprimait rarement le bonheur ou la joie, mais en cet instant il était évident qu’il n’était pas ravi de la tournure des évènements. Ses cheveux étaient poisseux de sang à demi séché, son bras gauche avait été entaillé par une lance, et ses vêtements n’étaient pas dans leur meilleur état.
Fiodor répondit tout en avançant, ponctuant ses mots d’un coup de poing à l’arbre le plus proche.
« On retrouve un bateau, voilà ce qu’on fait. Il doit bien y en avoir d’autres qui naviguent sur ce satané fleuve. On en trouve un, on balance son équipage à l’eau, et on fonce droit vers ces proprettes d’elfes. Ensuite, on les tue, et on balance leurs corps à la flotte, membre par membre. Ou l’inverse. Je n’ai pas décidé. »
Seul Thrond fut témoin du regard que s’échangèrent Flouz et Marcel de Parravon, rare instant où un mort-vivant et un humain étaient unis dans les mêmes sombres pensées. Mais à leur décharge, tous deux étaient sous l’emprise du vampire. Le revenant avançait en silence, contrairement à son habitude. Le fait de ne plus avoir le moindre subordonné à insulter semblait le décontenancer. Autour d’eux, les corps des pirates, des elfes et des amazones trottaient mécaniquement, le regard vide, les bras ballant tenant toujours leurs armes. C’était ça le plus bizarre décida Thrond. Ce n’était pas de les voir avancer malgré d’évidentes blessures fatales, ni qu’aucun ne prononce le moindre mot. Non, c’était leur démarche, la tête penchée sur le côté, là.
Tout d’un coup, Fiodor s’arrêta en levant le poing. Aussitôt, les zombies stoppèrent leurs mouvements, se figeant, droits comme des i. Fiodor sembla scruter les ténèbres devant lui, tournant lentement la tête de droite et de gauche, les sourcils encore plus froncés que la seconde d’avant.
« Qu’est-ce que t’as vu ? » Demanda Thrond tout en se rapprochant cahin-caha, écartant quelques buissons tout en gardant la main posée sur le manche de son marteau.
Le vampire mit quelques secondes à répondre.
« Je ne vois pas. Je sens…je sens…je sens de la magie. Pas très loin. »
Son visage prit une expression plus grave. Quelle que soit cette magie, elle était puissante. Et dangereuse, très dangereuse. C’était un concentré de dhar tellement intense que ça lui évoquait un oursin au milieu des oranges, une magie violente, sans concessions, qui ne pouvait avoir qu’une seule origine : un mage très puissant, et sans aucun respect pour la vie.
Tout ce qu’il lui fallait.
« Je la sens aussi capitaine » gronda la voix grave de Marcel. « C’est une source de magie puissante. »
Fiodor acquiesça silencieusement, hochant lentement la tête alors que son esprit calculait ce que ça impliquait. Etait-il possible de s’attacher les services d’un tel thaumaturge ? Quoi qu’il en fût, la direction était à présent claire.
« Allons-y »
:chaotique:

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Essen
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Message par Essen »

Molos se pencha par-dessus le rebord du contenant, sa barbe s’accrochant à son contour. Le fumet qui en émanait était nauséabond, car depuis plusieurs jours ils déversaient dans son eau des morceaux de chair crue de poissons locaux, d’iguanes et de rongeurs dont ils ignoraient le nom. Mais cela n’incommoda pas le capitaine de la Loreleï, scrutant le liquide trouble. Même lui peinait à discerner les contours du guerrier immergé depuis que l’équipage l’avait retrouvé dérivant à la surface du fleuve, inconscient, blessé et terriblement affaibli. Quelque chose lui avait soustrait son endurance, le malheureux paraissant amaigrit et ne parvenant même plus à se régénérer dans l’eau. Il fallait qu’il consomme de la viande pour recouvrer ses forces.
Il survivrait, cela le capitaine n’en doutait pas en reposant les talons au sol. Combien de temps cela prendrait en revanche… impossible à dire. Il hocha de la tête en silence à l’adresse des deux corsaires chargés de rester auprès du tonneau. À l’instant où Corus se manifesterait, ils subviendraient à ses besoins. Lui, en attendant, avait à faire.
Laissant les deux tiers de ses hommes pour garder le navire, il descendit à terre à la tête d’un groupe expéditionnaire. D’après la carte en leur possession, la destination n’était plus très loin. Néanmoins, les eaux se faisaient de moins en moins profondes. Les dangers inconnus de plus en plus pernicieux. Leurs rivaux de plus en plus audacieux. Néanmoins, il en fallait davantage pour le décourager, marchant en queue de file, se contentant de suivre ses camarades.
Presque distraitement, il tira une pierre de sa poche qu’il étudia tout en marchant. Poreuse et orangée, elle serait passée pour un vulgaire caillou aux yeux des êtres de la surface. Pour lui et ses hommes en revanche, il s’agissait d’une mine d’or. Eux connaissaient la vraie nature du corail. Son véritable potentiel. Celui d’écouter. De se souvenir. De restituer. Encore eut-il fallu être attentif à ses paroles et comprendre ses mots. Mais les humains comme les elfes étaient bien trop obtus pour cela. Les nains, ironiquement, semblaient plus à même de percevoir cette fabuleuse propriété. Mais ces imbéciles préféraient briser le matériau vivant et sculpter des inepties à sa surface plutôt qu’y prêter attention.
Comme l’avaient découvert ces femmes lors de leur embuscade nocturne, l’équipage de la Loreleï ne comportait aucun humain. Écumant le Golfe Noir et le Lagon des Larmes, entre autre, l’équipage de la Loreleï dissimulait un secret dont ces furies avaient fait les frais. Derrière leurs traits humains se cachaient des êtres amphibiens. Des êtres capables de respirer aussi bien sur terre que sous l’eau, camouflés par des pendentifs enchantés les faisant passer pour natifs de la surface. Des colifichets bien pratiques comme celui rebondissant sur sa poitrine, entre les mèches de sa barbe. Même si ici, au bout du monde et loin de toute civilisation, ils auraient aisément pu s’en passer, ce que réclamaient ses guerriers. Mais il le leur refusait. Le monde de la surface n’avait pas besoin de connaître leur existence. Pas encore. Mieux valait qu’il continue à les confondre avec des esprits de la nature, des Naïades, et croire que l’empire sous-marin n’était qu’un conte fantaisiste.
Soupirant, il porta la pierre à ses lèvres, puis baissa le bras. Il la tenait enroulée dans l’une de ses mèches de barbe relevée, trahissant l’illusion auprès d’un observateur attentif. Mais il s’autorisa ce léger écart. Puis commença à parler, transmettant à la roche ce qu’il voyait et ainsi que l’objectif de son expédition de reconnaissance. Cela lui épargnerait la peine de le faire à bord lors de son retour.
*
À bord de la Loreleï, l’équipage s’ennuyait. Ce qui convenait parfaitement aux hommes. Suite à leurs différents accrochages avec d’autres équipages ou autochtones, ce repos était le bienvenu. Repos qui fut toutefois troublé par un cri aigu et atypique en provenance du fleuve. Cessant leurs occupations, les marins se regroupèrent sur la rambarde donnant vers l’Amaxon.
La surface était agitée de remous, d’imposantes formes venaient crever l’onde et remontaient le courant dans leur direction. Reconnaissables, les silhouettes des nyxes nageaient à vive allure vers eux sans chercher à se dissimuler. C’était le cri de l’une d’elle qui avait tiré les marins de leur repos.
- Encore un alligator ! s’écria l’un des officiers du pont, devinant ce qui effrayait leurs alliées aux traits féminins. Arbalètes !
Plus ils remontaient le fleuve et plus les nyxes se faisaient harceler par la faune locale. Les attaques de ces reptiles étaient désormais quotidiennes. Avant même qu’elles n’atteignent le rebord du navire, une dizaine de carreaux avaient été encochés, pointés vers l’eau. Les alligators étaient imposants et endurants, mais une seule volée suffisait généralement à avoir raison d’eux, offrant d’ailleurs aux nyxes un repas facile.
Un moment, Molos les avait suspectées d’attirer ces reptiles aquatique à dessein pour décrocher leur pitance sans avoir à chasser. Ces créatures, aussi appelées Sirènes par les hommes du Nord de l’Empire, étaient en effet connues pour leur esprit rusé. Néanmoins, lorsque les soldats de la Loreleï virent une crête écailleuse fendre la surface dans le sillage des femmes-poissons, ils surent que quelque chose n’allait pas. Voire n’allait pas du tout. Cette crête, avançant droit sur eux, mesurait aisément trois mètres de long. Ce qui laissait supposer un animal d’au moins le double.
- Par Stromfels, murmura l’un des arbalétriers en visant le monstre aquatique. Nos projectiles seront des piqûres d’oursin pour lui…
- Des lances ! s’écria l’officier arrivant à la même conclusion. Vite ! Et amenez le lance-harpon pour...
- Il n’est pas encore réparé, l’interrompit aussitôt un autre marin. Les femmes ayant investi le bâtiment l’avaient saboté !
- Je…
Un nouveau cri aigu le coupa dans sa phrase, aussitôt étranglé et suivi d’une énorme éclaboussure. Sous les yeux médusés des pirates, l’une des nyxes fut projetée à travers les airs avant de s’écraser violemment un peu plus loin, en arrosant la coque du navire.
La partie humaine de ces créatures était légèrement plus grande que celle des femmes normales. Leur queue de poisson, quant à elle, pouvait atteindre les deux mètres de long. Pourtant, l’alligator démesuré qui l’avait ferrée par la partie basse du corps l’arracha une seconde fois de l’eau sans effort apparent. Elle traversa les airs et claqua violemment à la surface dans des projections d’écume, face la première.
- Tirez ! beugla l’officier alors que la malheureuse était à nouveau projetée hors des flots. Tuez-moi ce reptile !
Aussitôt, une nuée de projectiles partit du pont, volant au-dessus des survivantes accolées au bois de la coque en quête de sécurité. Le déluge creva la surface, agitée de vagues écarlate.
Il était à craindre que la nyxe fut également touchée par une lance ou un carreau. Mais au vu du traitement subi, c'eut été abréger ses souffrances.
Rapidement, le calme revint, les marins prêts à lâcher une nouvelle volée. Attentifs, ils scrutaient la surface trouble du fleuve, guettant le moindre mouvement. Un béhémoth pareil, il était impossible de l’avoir fait déguerpir avec si peu. Encore moins d’en être venus à bout.
Sans signe avant-coureur, la sirène réapparut, à nouveau furieusement ballottée à travers les airs. Elle ne criait plus et n’était que chair écorchée en-dessus des hanches, là où la peau cédait place à des écailles. Puis elle claqua à nouveau douloureusement la surface, disparaissant encore à leur vue.
Sous le choc, les marins n’avaient pas lâché le moindre projectile. Ceux-ci n’avaient eu et ne feraient aucun effet. Quant à plonger au secours de la nyxe, malgré leur vraie nature d’êtres aquatiques et leurs compétences martiales, ce serait du pur suicide. En supposant qu’il n’y ait qu'un seul de ces monstrueux prédateurs tapis dans le lit du fleuve…
Tout ce qu’ils pouvaient faire était de contempler l’eau rougeâtre, impuissants, et espérer que le reptile ne s’en prendrait pas aux nyxes survivantes.
Brusquement l’un des marins se fraya un chemin au premier rang et arracha son trident des mains de son propriétaire. Avant que l’intéressé ne proteste, le voleur sauta par-dessus bord, un écu rond accroché dans le dos. La scène ne dura qu’une seconde. Mais tous eurent le temps d’apercevoir la peau bleue et les nageoires écarlate du marin ne portant pas de médaillon enchanté.
- Corus ! s’écria l’un des matelots assigné à sa surveillance à l’étage inférieur. Où…
Il trouva sa réponse en suivant tous les regards, convergeant vers le fleuve.
D’une brasse vigoureuse, le gladiateur à peine remis de ses blessures se précipita au secours de la femme-poisson. Depuis la cale, il avait perçu ses cris de panique et, malgré sa condition actuelle, n’avait pas hésité un instant.
Il flairait le sang de la blessée dans l’eau. À tel point qu’il aurait pu s’orienter les yeux fermés. Ce qu’il faisait presque à vrai dire tant l’eau était trouble à cet endroit du fleuve. Lorsqu’enfin il distingua son objectif, à deux mètres de profondeur environ, il put prendre la mesure de ce qu’il s’apprêtait à affronter.
La créature était tout bonnement énorme. Au point qu’à K'Kligir, elle aurait été abattue plutôt que lâchée dans les arènes, représentant un risque trop grand pour les gladiateurs. Néanmoins, Corus n’en était pas le champion pour rien et il n’hésita pas. Son trident mordit le museau de l’animal, réalisant avec stupeur qu’il était couvert d’une protection en métal, l’empêchant de percer son cuir (Corus : 1T, 1T annulée, 0T). Il ne s’attarda cependant pas sur sa surprise, son intervention ayant visiblement attiré l’attention du monstre qui entrouvrit la gueule en se tournant vers lui. Le guerrier n’hésita pas. Il tendit le bras entre les crocs du monstre, brandissant son bouclier et lui bloquant la mâchoire. Puis, attrapant la nyxe par le bras, il la tira à lui et parvint miraculeusement à la dégager de ce traquenard. Le monstre tourna la tête de côté pour tenter de la rattraper. Il voyait son repas lui être soustrait, puis réalisa ne plus pouvoir mordre en raison du bouclier calé entre ses dents. Bouclier qui commença déjà à se déformer sous la pression exercée.
De l’autre main, Corus s’empressa de se dégrafer l’écu du poignet, s’efforçant de garder son sang froid malgré cette démonstration de force. Il se débarrassa de l’accessoire. Puis, d’une impulsion des pieds sur le museau du monstre, se propulsa en arrière. Secouant la tête, le reptile parvint à recracher le morceau de métal plié en deux et tourna sa tête massive vers l’importun (Qracl'Naui : 1T, 1B, 1 PV ! ). D’une vigoureuse ondulation de la queue, il prit le gladiateur en chasse, s’éloignant de la Loreleï.
Corus ne parvenait plus à distinguer la nyxe à travers l’eau brunâtre. Mais avec le prédateur sur ses talons, il n’eut pas le temps d’y réfléchir. D’un coup d'œil rapide par-dessus son épaule, il étudia la silhouette du monstrueux crocodile remontant le courant sans peine apparente. Un genre de masque doré lui couvrait effectivement le crâne. Également, des plaques de métal rebondissaient sur son ventre. Quelqu’un avait affublé cette bête de ces ornements tape à l'œil. Était-elle dressée ?
Avant de se faire rattraper et perdre le contrôle de la situation, Corus coupa son effort et fit volte-face. D’une brasse puissante, il nagea à la rencontre de son poursuivant. Dans le sens du courant cette fois. Remarquant son approche, le reptile cessa sa progression et écarta les bras, marquant un arrêt. Dans l’une de ses “mains”, il tenait une masse énorme que Corus ne remarqua que maintenant à travers l’eau sombre.
Cette chose n’était pas qu’un simple animal, mais bien une créature intelligente. En cela, il songea qu’elle ressemblait à une autre espèce du royaume sous-marin. Les “placoderm”. En d’autres circonstances, il aurait pu établir le contact avec cet individu. Mais là n’était pas le moment d’avoir ce genre de réflexions, qu’il chassa de son esprit.
Corus tendit le bras en atteignant son ennemi et le trident fendit l’eau avec aisance. Mais ses pointes ne firent que glisser sur le cuir épais du cou de la bête (Corus : 1T, 0B). Esquissant une grimace de frustration qui lui étira les barbillons faciaux, Corus avisa le lent moulinet qu’effectuait le monstre, lui étant destiné. D’un coup de rein, le gladiateur s’octroya une impulsion en avant et, propulsé par le courant, passa sans difficulté sous le brassement d’eau puissant, mais d’une terrible lenteur (Qracl'Naui : 2T, 1B, 1 svg ).
Nageant avec adresse, il tournoya et se retrouva dans le dos de son ennemi massif, esquissant un léger sourire. Ce n’est pas pour rien que masses et lames tranchantes n’étaient pas utilisées aux royaumes sous-marins. L’amplitude nécessaire à leur utilisation les rendait lentes et dépourvues de force, retenues par la résistance de l’eau. Lances et tridents en revanche se révélaient dévastateurs.
Le reptile se tourna dans la direction de l’homme-poisson, faisant preuve d’une agilité surprenante pour sa taille. Il lâcha son arme avant de nager vers Corus, bras le long du corps, adoptant une posture profilée et exploitant à son tour du sens du courant. Derrière lui, la masse rebondissait sur sa cuisse épaisse, retenue par une chaîne.
Les crocodiles de mers, sauvages, adoptaient souvent ce genre de posture à la chasse. Corus en avait affronté des dizaines auparavant et devina ce qui allait suivre. Trident au poing, il se projeta en avant à contre-courant, venant à sa rencontre. Lorsque la créature ouvrit une gueule béante en se tournant légèrement de côté, lui s’octroya une soudaine impulsion de côté en écartant son mollet palmé. Le puissant claquement de mâchoire manqua de peu sa jambe tandis que lui plantait enfin son arme dans le dos du reptile, parvenant à traverser ses écailles.
En revanche, il ne s’attendait pas à ce que le monstre ne roule brusquement sur lui-même pour se débarrasser du gladiateur. Il s’accrocha au manche de son arme, tourbillonnant avec le béhémoth. La masse, volant au bout de sa chaîne, passa dangereusement près de son visage, manquant lui arracher ses barbillons.
Corus parvint à poser un pied contre l’épaule de l’homme-crocodile après une seconde rotation complète. Profitant de cet appui, il tenta de dégager les pointes barbelées de son trident, en vain. Celui-ci resta profondément fiché dans la cuirasse naturelle et, à la révolution suivante, la force centrifuge lui fit lâcher prise (Corus : 3T, 0B).
Désorienté et pris de tournis, Corus secoua la tête. Il s’efforça de retrouver ses sens, d’identifier de quel côté se trouvaient la surface et le fond. Mais il fut interrompu par un étau lui broyant soudain le bras. Les crocs du saurien se plantèrent dans son épaule, déchirant comme du papier sa cuirasse enfilée à la hâte. Hurlant un chapelet de bulles, Corus fut brusquement entraîné en arrière par le reptile, se propulsant via de puissants coups de queue (Qracl'Naui : 2T, 2B, 2 PV).
En panique, le gladiateur s'efforça de frapper le museau du saurien de sa main libre. Mais il ne récolta que la sensation des crocs qui lui fouillaient la chair plus profondément encore, raclant sur ses os. À nouveau il cria sans pouvoir être entendu. Jusqu’à ce qu’un choc sourd dans son dos ne le plonge brusquement dans les ténèbres.
Du pont, les marins à apparence humaine suivirent ce qu’ils purent voir du duel aquatique. Puis brusquement, le manche du trident creva la surface, fusant à toute allure dans leur direction. Manche suivi d’une crête écailleuse de trois mètres de long. Réalisant son approche directe, les nyxes jusque-là agglutinées contre la coque fuirent précipitamment.
La collision du reptile avec le flanc du navire fut si violente qu’elle se fit ressentir jusqu’au bastingage.

Après une seconde de flottement, les marins jetèrent de nouvelles lances et carreaux d’arbalète au monstre aquatique. Ils l’invectivèrent et hurlèrent pour qu’il se détourne de sa victime. Mais leurs efforts semblaient dérisoires...
Brusquement, un hululement aigu et perçant résonna à travers la jungle. À ce son, Qracl'Naui s’immobilisa et lentement dressa le museau hors de l’eau, révélant l’état horrible dans lequel se trouvait Corus. Son bras était en charpie, bien que miraculeusement encore accroché à son épaule.
Lorsque résonna une seconde fois l’appel étrange, le kroxigor se contenta d’ouvrir la gueule, laissant couler l’homme-poisson, puis se dirigea vers la rive.
*
Une troisième fois Tixyixyon appela son frère de couvée, les mains en porte-voix. Il mettait du temps à répondre. Quoi qu’il ait trouvé comme proie, soit elle lui avait donné un semblant de résistance, soit il jouait encore avec sa nourriture. Ce n’était pourtant pas le moment : l’un des éclaireurs du tupac venait de l’avertir de la convergence de multiple groupes d’êtres à sang-chaud en direction de la cité dorée. Dépourvue de Slann, celle-ci serait vulnérable à l’intrusion des envahisseurs. Il leur incombait de les en empêcher. Si Qracl'Naui daignait se montrer un jour...
Une quatrième fois, il mit les mains en porte-voix, s'apprêtant à l’appeler avec plus d’insistance. Mais il se retint en entendant des craquements résonner dans le sous-bois, ponctués d’un pas pesant. Le kroxigor pénétra tranquillement dans la clairière où l’attendaient les skinks. Ils contemplèrent le trident avec perplexité, toujours fiché dans son épaule et ne semblant nullement l’incommoder.
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     Tout en grommelant et en poussant moult jurons, Helmut Markus Heldenhame était donc seul, ballotté par les eaux tumultueuses de l’Amaxon, tentant de ramer à contre-courant dans sa barque dérisoire. Il se demande si l’otage valait vraiment la peine mais, maintenant, il n’avait aucun intérêt à revenir en arrière, surtout que les asurs ne devaient pas porter les impériaux dans leur cœur, après cet affrontement.
     Les vêtements trempés par l’écume, le regard tourné vers l’horizon, les bras effectuant la même manœuvre suivant des rythmes réguliers, le nulner remontait le fleuve saumâtre. Il veillait à rester vers le centre du cours d’eau, car les berges boueuses et traîtresses abritaient des créatures à sang-froid qu’il ne voulait surtout pas rencontrer.
     Soudain, une de ses rames s’immobilisa. L’humain tira de toutes ses forces, mais ne parvint pas à arracher le simple ustensile de bois des abysses troubles. Suspectant tout d’abord le limon poisseux des berges, il vit qu’il ne s’était pas éloigné d’un pouce de sa position initiale.
     Une vérité bien pire s’offrit à ses pensée lorsqu’un mouvement eut lieu sous sa frêle embarcation. Une ligne sinueuse d’écailles pointues fendit soudain les flots tranquilles, et un grand reptile émergea, tenant en sa gueule hérissée de crocs semblables à des poignards la malheureuse rame de bois tendre que tentait de dégager Helmut. Celui-ci réagit au quart de tour, lâchant immédiatement les deux avirons pour s’emparer de son arme, qui brillait d’un éclat qu’on eût dit le reflet des cieux lorsque le vent d’Azyr soufflait à sa pleine envergure. Des éclairs, manifestation de la juste colère de Sigmar, crépitaient sur le métal béni lorsque la carapace rugueuse du reptile entra en contact avec le coup d’estoc de l’envoyé de la comtesse. L’alligator usa alors de ses pattes antérieures pour frapper sur l’embarcation, qui tangua dangereusement. Profitant des efforts d’Helmut pour se remettre en équilibre, l’animal prit dans l’étrave du gouffre de ses mâchoires l’avant-bras gauche de l’impérial. Hurlant de douleur, chancelant sur sa barque, celui-ci plongea finalement son épée dans le ventre de l’animal, qui se retira, à force de spasmes d’agonie, dans l’eau, entraînant avec lui son meurtrier.
     Un ballet de bulles se forma à la surface du fleuve, suivit ensuite par une pellicule de liquide carmin. Une main creva la surface de l’eau suivie d’une deuxième. Les deux trouvèrent le bord de la barque, et hissèrent leur propriétaire ruisselant sur les quelques planches qui constituaient le fond de l’objet.
     Ne pouvant se résoudre à abandonner sa précieuse arme, le nulner prit sa respiration et replongea dans les profondeurs. N’y voyant plus rien, il trouva néanmoins l’endroit où son épée avait provoqué la mort du monstre, et dut, pour détacher son arme de sa proie, user d’un mouvement de scie, qui sépara bientôt la tête saurienne du corps écailleux, en une figure de parfait trophée. C’est du moins ce qui traversa l’esprit de l’humain triomphant quand il remonta, saisissant d’une main son épée, brandissant de l’autre la tête de son ennemi.

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Chapitre 5 : cinquième journée de combats sur l’Amaxon




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     Le brouillard de la veille s’était dissipé à la levée du jour nouveau. Au-delà du mur impénétrable de la jungle, éblouissants de mille feux sous les rayons de l’astre diurne ascendant, les sommets visibles d’immenses et vénérables pyramides auraient pu passer pour autant de pépites que l’on eût pu toucher du doigt. Ce n’était plus qu’une question de quelques heures, tous ceux qui voyaient le séduisant éclat de l’or ce matin-là le sentaient…


     Ixi’ualpa, Guerrière-Aigle des Amazones (Gromdal) vs Alicia de Meissen (Alicia)

     L’inquisitrice rangea la longue-vue qu’elle avait réquisitionné à bord de l’Emmanuelle et d’un bref coup d’œil examina l’état de son équipage : ses stirlanders semblaient aussi frais que l’on pouvait l’être après des semaines de privations ; quant aux nulners présents à bord du reaver, ils survivaient. Pour de la chair à canon à la loyauté fragile, c’était déjà ça. À la première rencontre avec les autochtones de la cité, elle les enverrait au turbin en première ligne, ça aurait le mérite de faire le tri entre les bons et les faibles.
     Les ombres sur le fleuve pâlissaient, le soleil ne tarderait pas à devenir aussi oppressant que tous les jours… Alicia s’empara instinctivement de son pistolet et en vérifia la charge, rangea son arme. Ses hommes avaient depuis longtemps appris à reconnaître ce tic de leur commandante et s’emparaient alors à leur tour des quelques armes à feu qu’ils étaient parvenus à conserver jusque céans.
     Deux encablures plus loin, l’Emmanuelle fendait les flots de l’Amaxon à la suite du reaver ; à son bord régnait une atmosphère tendue depuis que le commandant nulner avait ouvertement défié les ordres de la commandante de facto de leur alliance. Les quelques stirlanders à bord préféraient désormais ignorer l’équipage de Heldenhame, et ce dernier, revenu à bord du vaisseau seulement quelques heures plus tôt, se demandait s’ils n’avaient pas reçu d’ordre de l’abattre en cas de récidive… Helmut n’avait cependant pas hésité de bon matin à réaffirmer son importance à bord : dès qu’ils avaient aperçu les sommets dorés à la chiche lumière de l’aube, il avait réuni tous les hommes sur le pont pour leur rappeler les richesses qui les attendaient au loin et les honneurs qui pleuvraient sur eux à leur retour à Nuln.
     Les échos de cette cérémonie furent ignorés à bord du reaver : c’était le genre de discours que les hommes d'Alicia avaient entendu à chaque nouvelle fournée de volontaires qui arrivaient à la colonie de Wulfhart ; l’inquisitrice n’allait guère leur faire l’affront de le répéter pour la millième fois.

     Au tournant, ils virent que, quelques encablures plus loin, le mur de la jungle cessait des deux côtés ; le mur de la jungle cessait des deux côtés ! Qu’était-ce que ces arbres épars, dont les racines noueuses s’étiraient péniblement à même le sol et jusque dans les eaux du fleuve ? Qu’était-ce que ces recoins gris et lisses sur la terre ? Qu’était-ce enfin que cet étrangeté rectiligne de l’Amaxon ?! Ces rives taillées ?! Ces oiseaux qui volaient d’une haie éparse à une autre ? Qu’était-ce, enfin, que ce risible et pitoyable rempart de quelques pirogues sur les dernières centaines de coudées qui les séparaient des ruines tant convoitées, tant espérées ?!

     Elles avaient retourné le problème dans tous les sens et étaient parvenues à ce plan : un détachement d’élite qu’elles commanderaient ferait face à l’ennemi, le mettrait en confiance, l’inciterait à l’imprudence de vouloir passer en force… Leur maîtrise des armes leur permettrait de tenir un peu, juste le temps d’une diversion. Juste le temps pour le gros de leurs forces de quitter l’ultime couvert de la jungle et de prendre les deux navires en tenailles. Trop longtemps ces étrangers naviguaient sur ces eaux sacrées, trop insultante était leur convoitise des trésors dissimulés des Anciens.
     Quelque part, Ixi’ualpa se demandait si elle n’avait pas donné son accord à ce plan sous une impulsion irrationnelle : teinté de bon sens, de cette ruse guerrière dont elle ne cessait de défendre l’intérêt, ce plan mettait celles qui se battraient dans le détachement d’élite dans une position singulière : leurs chances de survie ne seraient jamais plus tenues qu’ici, sous les regards et la haine de leurs ennemis, sous la grêle de projectiles dont elles seraient sans doute les victimes, bien que pour ce dernier point, Ixi’ualpa avait proposé le pari de plonger dans les eaux du fleuve avant que leurs ennemis ne leur tirent dessus…

     Deux détonations successives résonnèrent sèchement dans les oreilles des amazones ; Ixi’ualpa plongea instinctivement, maudissant ciel et terre : elle savait que ces bruits portaient la mort. Un petit nuage rouge sombre parmi les flots lui confirma qu’elle avait donné le bon exemple. En quelques instants, Rakt’cheel et elle guidèrent leurs meilleures guerrières sous les eaux du fleuve, priant pour que le sang déjà versé n’attire pas les prédateurs trop rapidement.
     À bord du reaver, les arquebuses étaient pointées sur la surface des eaux.

     Dès que les détonations retentirent, les guerrières-kalim cachées dans la jungle oublièrent toute retenue et le moindre mot de ce qui leur avait été ordonné : attendre jusqu’à ce que le détachement d’élite aborde le premier navire. L’air-même semblait vibrer de férocité, les intentions meurtrières devenaient presque palpables des deux côtés ; les kalims croyaient même que c’était cela qui justifiait leur empressement : elles *sentaient* l’envie de faire couler le sang parmi les hommes à bord du reaver…

     Alicia n’avait guère besoin d’ordonner la marche à suivre à ses hommes : leurs reflexes étaient devenus quasiment aussi bons que les siens et, comme eux, elle s’apprêtait à gratifier la première tête qu’elle verrait sortir de l’eau d’une jolie bille de plomb. Elle dut cependant détourner son attention de la menace immédiate lorsqu’elle entendit le vacarme des cris sur les rives. Les autochtones n’allaient pas leur faire de cadeaux, hein…
     À bord de l’Emmanuelle, la tension qui régnait entre nulners et stirlanders vola en mille éclats au bruit de l’embuscade tendue par les amazones ; Helmut, qui avait déjà eu affaire à ces femmes-guerrières, ordonna immédiatement à deux hommes d’aller surveiller la sainte-barbe. Par Sigmar, si ces furies pensaient qu’elles allaient l’avoir comme la dernière fois…
     Ixi’ualpa ne sut jamais que ce fut la frénésie des kalims qui lui sauva peut-être la vie lorsqu’elle émergea des flots, avant de se mettre à escalader le reaver ; la distraction causée par leurs imprécations sauvages ne dura que quelques instants ; le détachement d’élite n’eut besoin de guère plus pour aborder l’équipage impérial ; en face d’elle, la guerrière-aigle vit un groupe d’hommes et une femme ; tous braquèrent leurs armes à feu à bout portant ; les amazones jetèrent leurs lances.

     La balle perfora l’épaule de la guerrière (Alicia : 3T, 1T annulée, 2T, 2B, 2 PV !) alors que la lance se ficha brutalement dans l’épaule de l’inquisitrice (Ixi’ualpa : 3T, 2B, 2 PV !). Cette dernière perdit d’ailleurs son équilibre sous l’impact de l’arme de l’amazone et tomba à la renverse (Alicia, entrainement : 0T). Alors que la même scène se produisait simultanément autour d’elles, Ixi’ualpa s’élança vers l’élue de sa lance et retira brutalement son arme de l’épaule d’Alicia. L’inquisitrice sentit la tête lui tourner et sa vision se brouiller ; damnée soit cette jungle… La soudaine perte de sang causée par la blessure béante sur son épaule lui fit perdre conscience et elle ne se releva pas. (Ixi’ualpa : 4T, 2B, 2 PV !!!)

     Les hommes de l’inquisitrice étaient les meilleurs, cependant ils partageaient les mêmes privations que leur commandante ; les amazones, elles, n’avaient jamais souffert de maladies ou de sous-nutrition. La mêlée sur le reaver fut aussi brève que sanglante, les stirlanders vendaient chèrement leur peau et les nulners présents à bord, bien que terrifiés par tout ce qu’ils voyaient, suivaient aveuglement leur exemple. Malheureusement pour eux, les amazones étaient bien plus rapides et plus aptes à se battre ; il n’y avait guère le temps de recharger quelque arme que ce fût, et le corps-à-corps ne laissait aucun doute sur l’issue définitive de l’abordage : rien ne pouvait arrêter le détachement d’élite, surtout lorsque Rakt’cheel menait l’assaut. Ixi’ualpa, elle, dut se résoudre à beaucoup plus de prudence, son épaule blessée lui causant mille douleurs.
     Victorieuses, elles constatèrent alors ce qui s’était passé sur le deuxième navire, le plus gros : le bâtiment résistait furieusement à l’abordage des guerrières. Quelques moments plus tard, Ixi’ualpa restait à contrecœur à bord du reaver alors que Rakt’cheel plongeait dans le fleuve pour se joindre à la curée en face. Des cris retentirent à bord du vaisseau ennemi : le perte du reaver venait d’être repérée.
     Helmut ordonna immédiatement la retraite ; les stirlanders présents à bord de l’Emmanuelle poussèrent des imprécations rageuses que le commandant prit d’abord pour un signe de mutinerie mais qui se mua seulement en une résistance encore plus acharnée face aux guerrières qui n’avaient de cesse d’escalader le vaisseau.
     Soudain, Ixi’ualpa distingua dans les bruits ambiants le rythme soutenu de tambours de guerre qu’elle ne reconnaissait guère, à moins que…
     « La volonté du dieu du sang soit faite : FRACASSEZ LES CRÂNES ET CAPTUREZ TOUS CEUX QUE VOUS POUVEZ !! »

     Les sous-bois de la jungle traitresse vomirent des guerrières vêtues de peaux de bêtes et brandissant hachettes et boucliers ; leurs hululements se joignirent à la cacophonie ambiante et Ixi’ualpa réalisa que leur rêve de victoire allait tourner au tourment de la défaite si rien n’était fait. Ignea, Ignea, Ignea, maudite soit-elle, cette blasphématrice ! La malédiction de Rigg soit sur elle et sur toute sa tribu !!
     Cependant, contrairement à toutes ses attentes, le mouvement de ses guerrières et des kalims se mua en… retraite… sous les vociférations de… Rakt’cheel. L’abordage du vaisseau des mâles eut cessé en quelques instants et déjà les pirogues s’extirpaient du guet-apens, pagayant à contre-courant, vers le reaver à la dérive, vers la cité en ruines… La guerrière-aigle décida de remettre les questions à plus tard lorsqu’elle bondit adroitement sur la pirogue de Rakt’cheel. Cette dernière ordonna la poursuite de leur fuite vers l’avant : quels qu’étaient les dangers qu’abritaient les ruines, ils devaient s’avérer préférables au sort que leurs réservaient les guerrières de la Gardienne de l’Amaxon.
     Alors qu’en même temps, l’Emmanuelle virait de bord, Ignea constata que la puissance de sa tribu se heurtait lamentablement à la confusion engendrée par la fuite simultanée de leurs cibles dans deux directions opposées. La moitié des guerrières prenait la tribu ennemie en chasse, l’autre souhaitait manifestement attaquer le vaisseau des étrangers, l’ensemble parvenait à se ralentir mutuellement ! Elle-même réalisa avec dégoût qu’elle ne savait guère sur qui porter sa soif de meurtre, que le refus unanime de ses ennemis de lui faire face était une disgrâce pour sa tribu et qu’elle devait prendre une décision rapidement.

     Les étrangers ne valaient pas autant que la tribu ennemie. Encore fallait-il remettre la main sur leurs guerrières…

     Quelques heures plus tard, à bord du reaver à la dérive, Alicia reprit péniblement conscience. Par un miracle que nul érudit n’aurait su expliquer, son corps fourbu lui obéissait encore.






     Le prince Aetholdyr Prestelance (Johannes la Flèche) vs le capitaine Sarquindi (Ethgri Wyrda)

     Alicia parvint à se dissimuler du mieux qu’elle le put dans les circonstances qui étaient les siennes : par Sigmar, si ses ennemis la retrouvaient maintenant, elle leur ferait payer sa capture au centuple et sa mort – par leur mort à tous. Au vu de son état lamentable, se cacher sous une pile de couvertures et de coussins entassés au fond de la cabine des officiers du reaver avait le bénéfice d’être confortable ainsi que de la rapprocher du potentiel gratin qui viendrait prendre ses quartiers dans la cabine, quel qu’il fût. Par Sigmar, elle se battrait jusqu’à son dernier souffle. Par Sigmar, son dernier souffle ne l’abandonnerait que lorsqu’elle aurait liquidé tous les ennemis présents à bord du navire.

     Ignorant tout de ce qui se tramait sous ses coussins, Phy’lis se laissa tomber sur eux avec délice. Il avait retrouvé son navire, les affaires reprenaient, la cité était à deux pas…
     « Cher allié, nous avons de la compagnie !
     - Capitaine – »
     Le passage-éclair de Sarquindi et son refus constant d’écouter les répliques du comédien jusqu’au bout avaient le don de plonger ce dernier dans une colère abjecte, éveillant à chaque fois un peu plus en lui l’envie irrationnelle de le poignarder en traître. Malheureusement, un bretteur tel que le capitaine du Rêve d’Atharti lui était plus utile vivant que mort… Comme pour les fois où ils avaient de la compagnie, tiens.
     L’elfe noir quitta prestement la cabine ; Alicia se permit enfin un grognement étouffé. Elle avait mal partout et il fallait encore que ce fût cette peste des mers qui débarquât !!

     Ignorant tout de cette haine envers les druchii concentrée sous un amas de coussins à bord de l’épave qu’il venait de visiter, Sarquindi avait son attention entièrement accaparée par ce qui devait être un navire humain, au vu de la laideur du bâtiment. Comment donc se faisait-il cependant que, partout où il pouvait y avoir des bannières, il n’apercevait que les couleurs du royaume ennemi de Cothique ? Cothique, Cothique…
     Non, décidément, tuer d’abord et poser les questions ensuite était plus simple et accessible pour lui comme pour ses elfes. Sarquindi dégaina son épée et la soupesa. Par Khaine, avait-il maigri ? Ses blessures finissaient-elles par avoir raison de son métabolisme ? Sinon, sa lame ne lui semblerait point légèrement plus lourde qu’à l’habitude. Du sang, de la chair bien saignante, voilà ce qui lui manquait depuis qu’il s’était permis de jouer avec sa prisonnière asure pour la perdre ensuite au premier nain venu ! Au premier nain venu, en plein milieu de la jungle, ah, ah, non, il n’avait pas fini de s’amuser dans cette jungle, ça non ! Au bercail, son récit serait tellement incroyable que, pour une fois, certains se sentiraient presque forcés d’y croire…

     La journée avait été longue à bord du Corbeau Centenaire, bien que ses nouveaux propriétaires n’utilisassent guère ce nom. La journée avait été longue car tous portaient dans leurs cœurs la crainte que la maladie et les blessures auraient finalement raison de leur prince. Ce dernier ne s’était calmé que lorsque le soleil eut commencé sa lente descente depuis le zénith et dormait depuis. Le médecin qui le veillait peinait lui-même à garder les yeux ouverts : guère moins endurant que n’importe quel autre elfe, il ne subissait pas moins les affres du climat tropical, de la sous-nutrition et de l’épuisement. Il avait fini par trouver un moyen de raffermir sa détermination en tenant constamment le pouce appuyé contre le pouls du prince Prestelance : son pouls était synonyme d’espoir pour lui, et il devait veiller sur lui coûte que coûte.
     Lorsque l’alerte fut donnée, Aetholdyr se réveilla en sursaut, provoquant un hoquètement de surprise de l’érudit assis à son chevet. Le prince fusilla celui-ci du regard, comme si en lui il trouvait la justification à tous les maux que leur expédition avait subis depuis le début, avant de se lever doucement, mais résolument, avant de se rasseoir. Les remerciements qu’il prononça à l’adresse du médecin furent si peu audibles que ce dernier ne sut que penser. Lorsque le Heaume des Mers toqua prudemment à la porte de la cabine, le prince fit au médecin un signe de tête pour qu’il ouvrât ; le rapport de l’officier à son prince provoqua chez celui-ci un rictus qui acheva de convaincre le soigneur que son seigneur était soit de nouveau en pleine possession de ses moyens, soit complètement fou.
Aetholdyr ne s’embarrassa guère d’explications ni de discours cette fois-ci : il savait que pour équipage, sa seule apparition sur le pont suffirait pour la mise au point de son état comme de ses intentions. Ses calculs se confirmèrent ; ah, ils étaient allés aussi loin… Il était hors de question qu’il restât alité alors même qu’un combat glorieux les attendait ! Mort ! Mort à leurs sombres cousins ! MORT !!

     Le Rêve d’Atharti vira de bord, les corsaires savourant en avance la curée qui s’annonçait contre… L’empennage des flèches qui furent tirées sur eux leur confirmèrent qu’ils avaient bien affaire à de vieilles connaissances.

     Leurs insupportables cousins !

     Sur un navire de singes !

     Et après, c’était eux que l’on accusait de déchéance et de débauche !!  

     « Pour Cothique, pour Ulthuan et pour le Roi-Phénix ! »

     « MORT !! »

     Dans leurs esprits, asurs et druchii entendaient les échos des batailles livrées par leurs parents, leurs grands-parents et les parents de ceux-ci. Si certains d’entre eux parvenaient à rentrer un jour vers leurs terres natales, ils transmettraient à leur tour les récits de leurs combats sanglants contre leurs intraitables cousins de par-delà-les-eaux. Leurs enfants auraient beaucoup à apprendre…  

     Il n’y eut guère d’abordage : les deux navires avaient leurs ponts respectifs peu ou prou à la même hauteur ; asurs et druchii bondirent les uns sur les autres selon des gestes et des coutumes réitérés au cours de millénaires de guerre fratricide.
     Sarquindi et Aetholdyr se reconnurent de loin et nul ne commit l’affront de s’interposer entre eux à cet instant ; le prince et le capitaine apprêtèrent leurs armes et croisèrent le fer, une dernière fois, espéraient-ils tous deux.
     Tous deux ressentirent une boule au ventre au sortir de ce que chacun avait cru être un combat bref et inégalé. Tous deux avaient lamentablement raté les points vitaux adverses ; tous deux tenaient à peine debout (Aetholdyr : 2T, 1T annulée, 1T, 1B, 1 PV ! Sarquindi : 4T, 1T annulée, 3T, 2B, 1 invu, 1 PV !), chacun sentant ses blessures récentes se rouvrir dangereusement… (Sarquindi perd 1 PV !)
     Le combat faisait rage autour d’eux et ils eurent la même pensée simultanée qu’ils devaient absolument montrer l’exemple à leurs elfes et en finir au plus vite : le second échange fut bien plus foudroyant que le précédent, les deux combattants finissant par s’empaler mutuellement. (Aetholdyr : 2T, 2B, 2 PV ! Sarquindi : 3T, 3B, 1 invu, 2 PV ! Les deux combattants repartent à 1PV chacun)
     La douleur ne sembla que de faire décupler leurs forces : rugissant tels deux fauves, le prince et le capitaine, combattant tantôt sur le reaver, tantôt sur le navire humain, finirent par ne plus du tour faire attention à qui pouvait se dresser sur les trajectoires de leurs armes. Feintant et tranchant à l’envi, ils étaient tels deux élus de Khaine dans une arène de Naggarond, ferraillant aussi longtemps que leurs membres tenaient en place. (Aetholdyr : 4T, 3B, 3 PV ! Sarquindi : 5T, 5B, 1 invu, 4 PV ! Les deux combattants repartent à 1PV chacun)
     La lutte s’éternisa ; tout autour, asurs et druchii s’entretuaient avec une rapidité que les deux ennemis en vinrent presque à leur envier. Leurs bras refusaient de frapper juste, tremblants à cause de l’épuisement extrême de leurs maîtres. Ni l’un, ni l’autre n’envisagea à aucun moment de renoncer au combat.
     Aetholdyr : 3T, 3B, 3 PV ! Sarquindi : 4T, 3B, 1 invu, 2 PV !
     Aetholdyr : 4T, 2B, 2 PV ! Sarquindi : 5T, 5B, 1 invu, 4 PV !
     Aetholdyr : 3T, 3B, 3 PV ! Sarquindi : 4T, 4B, 4 PV !
     Aetholdyr : 2T, 2B, 1 PV ! Sarquindi : 4T, 3B, 3 PV !

     Sarquindi ne se souvenait plus de quoi que ce fût de semblable. Tout son corps martyrisé, il se sentait cependant plus vivant que jamais. Aetholdyr, quant à lui, sentait ses forces le quitter au-delà de la limite du supportable ; il surprit son adversaire lorsqu’il hurla de toutes ses forces « JUSQU’À LA MORT !! » au beau milieu de la mêlée, avant de lancer ses dernières ressources dans cet ultime assaut. Sarquindi, se sentant en train de se transcender soi-même, déjoua férocement les estocades du prince (Aetholdyr : 1T, 0B) avant de trouver enfin la fente entre le casque et l’armure de son ennemi, fente que sa lame effilée emprunta immédiatement pour lui trancher la gorge.
     Aetholdyr tomba sur un genou, faisant tomber sa lance et son bouclier. Il articula muettement une prière à Ereth Kial, expira en s’effondrant. (Sarquindi : 3T, 2B, 2 PV !!!)

***

     La nuit tombait-elle vraiment ? Pour les elfes de l’expédition du prince Aetholdyr de Cothique, elle était tombée pour de bon.

     C’était également le cas pour beaucoup de corsaires, peut-être trop même selon la tolérance druchii pour les pertes. D’ailleurs, ceux qui avaient survécu à la bataille étaient nombreux à être plus ou moins gravement blessés. L’ampleur des dégâts était telle que les derniers elfes valides devaient absolument s’assurer de la navigation du Rêve d’Atharti, détruisant à jamais les rêves de Phy’lis de pouvoir récupérer son propre navire. Quant au navire humain, il ne restait tout simplement ni assez de forces, ni assez de fantaisie pour qu’un druchii s’aventurât dans ses cales et ses cabines. Caprice du destin, les ruines dont ils avaient entr’aperçu les sommets étaient là, juste à côté, comme suggérant d’y prendre un refuge providentiel, comme si quelque chose pouvait être plus dangereux que la jungle…
     Sarquindi sourit en réalisant que personne n’allait profiter de son état de faiblesse avéré, pas même son cher allié, qui avait survécu, pour le meilleur et pour le pire. Trahir son congénère devenait étrangement contre-productif lorsque l’on se retrouvait en nombre si restreint au sein d’un territoire si hostile. Ah, ah, cette jungle… Ah, ah, qu’est-ce qu’il avait une drôle de tête, son soigneur, lorsqu’il s’étonnait que son capitaine ne fût pas mort de ses blessures… Il fallait cependant absolument qu’il dorme, oui, absolument…

     À bord du reaver abandonné, l’inquisitrice avait également succombé au sommeil au sein même de sa planque.

     À bord du Corbeau Centenaire, les elfes d’Aetholdyr Prestelance dormaient du sommeil éternel.

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Intermèdes V





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     Le marin contemplait les édifices crevant l’océan de verdure, impassible, depuis la colline où ils avaient fait halte. Une trouée dans la canopée leur permettait d’apprécier enfin l’horizon depuis leur légère hauteur. La jungle émeraude s’étendait aussi loin que portait son regard. Pour lui, habitué aux profondeurs ou la surface de l’océan, là où l’on ne voit qu’à quelques centaines de mètres ou rien à des kilomètres à la ronde, s’en était déroutant. Au moins autant que les curieuses pyramides qui s’offraient à lui.

     En passant près des ruines appelées Tlanxla, selon la carte obtenue à leur départ de Sartosa, ils avaient déjà pu apercevoir ce genre de constructions. À la nuance près que celles-ci étaient non pas faites de pierre, mais de métal, brillant de mille feux en captant les rayons solaires. La cité d’or et ces énormes demeures étaient si proches. Ces pyramides, comme les appelaient les humains. Le même genre de structures primitives se trouvait a priori au-delà de l’Arabie, perdues dans le désert… Rien que de songer à ce lieu, l’homme-aquatique se faisant passer pour humain réprima un frisson.

     Un craquement sinistre le tira toutefois de ses pensées. Se tournant vers le reste de leur groupe de reconnaissance, le marin jusque-là stoïque ne put retenir une mine écœurée.

     Laissant choir la dépouille d’un humain, une créature bipède se releva et s’étira le dos, le bas du corps affublé de braies et de bottes de marin. Sa peau verdâtre roulait sur des muscles noueux et était moite d’humidité, reflétant la lumière du soleil. Accrochés à son crâne bulbeux et mou, des tentacules faciaux occupaient la partie inférieure de son visage là où aurait dû se trouver son nez et sa bouche, dégoulinant de sang. L'aberration au faciès de céphalopode écrasa le scalp du défunt de la botte, puis accorda un dernier regard au crâne défoncé, vidé de son contenu. Enfin elle tourna ses yeux écarlates, enfoncé profondément dans leurs orbites, vers le marin le plus proche. Pour établir un contact visuel, elle dû lever la tête, légèrement plus petite.

     Grognant, l’hybride d’homme et de pieuvre leva une main griffue en sa direction, le tentacule naissant au milieu de son avant-bras s’enroulant autour de son poignet. Le pirate déposa dans sa paume le médaillon ensorcelé réclamé et, une fois que l'aberration commença à l’enfiler autour de son crâne, elle laissa place au capitaine de la Loreleï. Ayant retrouvé son apparence humaine et sa chemise de toile, il batailla un instant dans sa barbe pour y glisser la breloque, puis se tourna vers un autre guerrier tandis qu’elle continuait de se mouvoir, faisant disparaître l’artefact sous la couche de poils mouvants. Son acolyte lui tendit manteau et tricorne dont il s’empara.

     Toutes traces du sang sur ses appendices et son torse avaient disparu dans l’illusion.

     « L’un des humains portait ceci, l'interpella un de ses marins en approchant une besace à la main. Cela devrait vous intéresser capitaine.

     Plissant le regard, il tendit la main, rose et en apparence normale, vers le contenant qui lui fut transmis.

     - Le propriétaire portait une robe malgré la chaleur et l’humidité, précisa son subalterne. Je suppose qu’il s’agissait d’un mage, mais il n’a pas pu lancer de sort. Nous l’avons criblé de carreaux en premier lors de l’embuscade.
     - Vous avez bien fffait, répondit Molos en regardant à l’intérieur.

     Dubitatif, il fouilla le contenu du doigt, y faisant rebondir quelques breloques. Puis une étincelle d’intérêt vint s’animer dans son regard. Il jeta de côté la besace, ne gardant en main qu’une fiole qu’il leva au-dessus de lui. La lumière vint jouer dans le liquide vermillon et épais.

     - Une fiole de sang, capitaine ? Interrogea l’un de ses acolytes.
     - Pas de sang non, corrigea-t-il. De la vie. Ceci, à Miragliano, s’arracherait une petite ffffortune.

     Esquissant un sourire ravi, il poursuivit :

     - Il s’agit d’une potion de soin. Cependant, le port Estalien est un peu loin pour faire des profffits. Et il se trouve que je sais déjà, précisément, ce que je vais en faire.

     Les membres de son équipage comprirent aussitôt ce qu’il sous-entendait : leur téméraire gladiateur serait bientôt remis sur pied.

     - Nous avons vu ce que je voulais voir, déclara Molos avec un regard sombre en direction des pyramides dorées. Si l’Appel se trouve en ce lieu, nous le trouverons. Rentrons à la Loreleï. »



***
***
***

Alors que la nuit tombait sur la Lustrie et que la jungle plongeait petit à petit dans les ténèbres, une embarcation décrépite, tenant plus de l'épave que du navire fonctionnel, était en train de dériver lentement sur l'Amaxon. Portée par le cours d'un fleuve paresseux et indifférent à son destin, cette parodie de vaisseau, à la coque malmenée et aux voiles déchirées, finit enfin par s'échouer sur la rive dans un grand grincement, penchant désormais à un angle improbable au-dessus du sable.
Soudain, de longs filets de sang, débordant des sabords et du bastingage, ne tardent pas à s'écouler, puis se répandent au sol, ou dans l'eau, tout autour du navire.
Encore et encore, du sang se déverse de cette carcasse de bois, dans un silence de mort, pendant de longues minutes.
Tellement de sang.
Un vampire en aurait pâli d'envie.
On pouvait se douter qu'à la faveur de la nuit, tous les prédateurs et charognards de la forêt tropicale allaient se précipiter sur cette épave.
Mais ce ne fut pas le cas, pas du tout même.
Au contraire, aucune bête n'osa vraiment s'approcher de ce sinistre endroit. Toute la faune des environs semblait éviter ce navire dévasté, autant que possible, dérangée par le silence de plomb qui l'entourait, et par l'atmosphère, glaciale, qui régnait désormais à son bord.
Seuls quelques perroquets, muets, se tenaient à la lisière de la jungle; perchés du haut de leurs arbres, ils observaient d'un air craintif les dizaines de cadavres, de têtes, de mains et de pieds, livides ou sanguinolents, qui jonchaient le pont saccagé de cette épave.
Une rafale de vent, soudaine comme froide, parcourut alors les environs, soufflant et agitant tout ce qu'il restait à bord de ce navire dérangeant. Et ce que virent alors ces oiseaux les fit s'envoler à toute vitesse, poussant des cris de terreur à travers les arbres et la canopée.
Entre les corps massacrés et les débris de bois, on aurait juré apercevoir une ombre irréelle.
Une silhouette, d'une pâleur spectrale, figée sur le gaillard du bateau, semblant contempler le carnage immonde qui s'étendait sous ses yeux, sur les planches de l'épave.
Mort et Violence avaient marqué de leurs stigmates l'apparence de ce fantôme. Son armure éthérée était désormais souillée par le sang, cabossée et même défoncée à certains endroits; une profonde entaille parcourait dorénavant sa gorge, sur toute sa largeur.
Un spectre; un charnier; une épave: voilà tout ce qu'il restait d'Aetholdyr Prestelance et de sa fière expédition.
De son vivant, le prince avait toujours été un elfe énergique, intrépide, voire téméraire; jamais l'abattement ne l'avait atteint, pas même dans les moments les plus durs de ce périple.
Et pourtant, voilà maintenant que son visage fantomatique arbore un air lugubre, au centre duquel trône un regard vide, alors qu'il ne cesse de regarder la conclusion, funeste comme sanglante, de son périple au sein de cet enfer vert.
De son vivant, le guerrier avait toujours été quelqu'un de déterminé, convaincu, persuadé de la justesse de sa cause et de ses actes; il avait toujours eu cette certitude que jamais, au grand jamais, les sacrifices consentis par lui et son équipage ne seraient vains.
Et pourtant, le voilà, lui, Grand de Cothique, en train de découvrir le goût amer de la défaite, et de l'échec.
Ses épaules spectrales s'affaissèrent, et son visage balafré s'assombrit encore plus, l'aigreur raffermissant son emprise sur son esprit. Il se rendit alors compte qu'il était, quelque part, en tant que commandant, le seul responsable de cette fin tragique.
Il avait été à la tête de l'un des meilleurs équipages d'Ulthuan, voire du Monde Connu. Des soldats disciplinés, talentueux et dévoués, l'avaient loyalement servi tout au long de son périple; tous étaient prêts à l'ultime sacrifice pour apporter Victoire et Gloire à leur nation.
Et lui, en se comportant comme un aventurier hardi et exalté, voilà ce qu'il en a fait...
"Incapable....Tu as échoué...."
Cette phrase, lancinante, murmurée sans relâche par des voix irréelles, n'arrêtait pas de hanter l'âme d'un prince désormais déchu.
Ses orbites vides se posèrent alors sur chacun des elfes qui jonchaient le plancher du navire, reposant au sein des ombres, baignant dans des flaques de sang. Tous avaient été démembrés, éviscérés, décapités ou estropiés par une haine ancestrale, et par un combat sans fin. Leur élégants uniformes étant désormais déchirés, débraillés, et souillés par le sang.
"Incapable....Tu as échoué...."
Toujours nimbé d'une aura sépulcrale, le fantôme d'Aetholdyr ne put s'empêcher de penser à sa famille, et à celles de ses hommes.
Il ne put s'empêcher de penser aux parents, qui ne verraient pas leurs fils rentrer au foyer; aux enfants, qui ne verraient jamais revenir leurs pères dans leurs demeures; aux veuves éplorées, qui supplieraient aux dieux le retour de leurs maris, en vain...
"Incapable....Tu as échoué...."
Une immense trouble s'empara alors de son esprit, lorsqu'il pensa à quelqu'un en particulier. À sa simple évocation, l'émoi ne tarda pas à rejaillir en son âme, allant jusqu'à tirer les traits de son visage, déjà spectral et émacié. Cette même figure qui, de son vivant, lorsqu'il faisait face à cette fameuse personne, s'était figée dans la retenue et le stoïcisme.
....Dame Yelmerion....
"Incapable....Tu as échoué...."
Le spectre lugubre détourna alors son attention de l'épave, tentant d'oublier les reproches et les remords qui assiégeaient ses pensées. Son regard se perdit dés lors dans le lointain, sur l'horizon de l'Amaxon.
D'un coup, il aperçut une autre nef, aux courbes agressives et à la voilure sombre, qui s'éloignait vers la Cité d'Or. Ses meurtriers se tenaient là, sous ses yeux, s'écartant de lui sans être inquiétés, sans qu'il puisse les pourchasser et se venger d'eux.
À cette pensée, tous les regrets qu'il avait éprouvé jusqu'ici refluèrent de son esprit.
Désormais, il semblait dévisager le navire des naggarothii, d'un regard imperturbable, froid, insensible.
Haine et Rage, qui avaient pu s'emparer de lui lorsqu'il était en vie, n'arrivaient tout simplement plus à atteindre le revenant brumeux qu'il était devenu.
Une phrase, une seule phrase résonna à ce moment dans son esprit.
"Le devoir est plus lourd qu'une montagne; et la mort est plus légère qu'une plume."
Dans cette expédition, le Prince de Cothique avait quasiment tout perdu; son navire, ses ambitions, ses soldats, et jusqu'à sa propre vie. Il ne lui restait plus que deux choses: l'honneur, celui d'avoir lutté, sans relâche, sans fuir, jusqu'à son dernier souffle, contre ses maudits cousins; et ce fameux sentiment du devoir accompli, envers sa famille, son pays, sa race, et aussi envers lui-même.
Soudain, il se revoit alors dans le passé, au campement, à moitié fiévreux et juché sur une barque, en train de faire son discours à ses troupes.
"Les dieux nous regardent! Ils jugent et jugeront nos actions futures!"
Aux yeux d'Aetholdyr, cette phrase prend tout son sens désormais...
Le Panthéon l'a regardé, lui et ses hommes, et a jugé que l'heure était venue, que son destin s'arrêterait ici, dans cette jungle.
Si le nom de Prestelance, et de ceux qui ont combattu avec lui, ne ressortiront pas de Lustrie couverts de gloire, ils ne seront pas non plus marqués du sceau de l'opprobre. Il ne sera pas dit qu'ils rentrèrent honteux, accablés pour leur réputation et leurs familles, sans panache ni trésor pour leur patrie.
Ulthuan n'a pas perdu la face.
Une nouvelle rafale de vent souffla alors à travers la jungle. Et au cœur de la nuit, sur le navire, la silhouette spectrale s'estompa, peu à peu, avant de s'évanouir définitivement, rejoignant enfin l'au-delà.
Oui. L'honneur est sauf.
Même si pour cela, il a fallut payer le prix du sang...

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Modifié en dernier par Essen le 12 avr. 2021, 10:51, modifié 5 fois.

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Essen
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Re: [Event RP multijoueur] La Route d'Eldorado

Message par Essen »

Cela faisait maintenant plus de quatre jours qu’Heinrich et Sargath erraient dans la jungle inhospitalière à la recherche de la cité perdue de Chaqua. Soudain, ils entendirent un bruit de piétinement répété et furent presque écrasés par une salamandre ancestrale pourchassée par quelques skinks menés par un skink à crête rouge, décidément cette jungle est pleine de danger. L’immense créature laboura l’armure du général lahmiane et déchiqueta son corps mais ses pouvoirs de régénérations lui permirent de tenir le temps qu’Heinrich fasse tomber un arbre sur le monstre en sciant le tronc à l’aide de son épée. Le monstre bougeait néanmoins et tenta de cracher un jet de flammes qui se répandit rapidement dans la végétation luxuriante. Alors qu’il rôtissait sur place, Sargath usa de toute sa volonté pour outrepasser la souffrance et avancer à travers le torrent de flammes tandis qu’Heinrich grimpait sur le dos du monstre. Le von Carstein enfonça son épée dans la nuque du reptile écarlate ce qui stoppa le jet de flamme et Sargath put ouvrir une longue entaille dans son cou, dans la peau tendre et non carapaçonnée et s’abreuva du sang qui lui fit repousser la peau sur ses os calcinés. La créature se releva ensuite avec une lueur améthyste dans les yeux, tandis que Heinrich von Carstein vacillait en contrecoup de ce qu’il lui avait fallu pour relever une créature aussi massive. Le reptile en question tua rapidement les quatre skinks armées de lances puis Sargath embrocha leur commandant et se bût son sang pour reprendre des forces. Ils mirent le précieux liquide dans quelques fioles puis montèrent à dos de leur nouvelle acquisition. Ils progressèrent vite et virent bientôt sous leurs yeux émerveillés la cité dorée.
***
***
***
« Herr Fiodor, je ne vous crois pas. Un orgue ne pourrait jamais rentrer à l’intérieur d’un navire. J’en ai déjà vu un au castel Drakenhof, sa hauteur fait au moins la taille du mât ! »
Les deux vampires étaient dans l’eau jusqu’à la ceinture. Le chroniqueur avait la désagréable sensation de sentir des choses louvoyer entre ses jambes et la sensation de ses pieds sur le limon tendre du fond des eaux lui plaisait encore moins. Toute l’opération n’était censée durer que quelques minutes mais chaque minute lui paraissait durer trop longtemps, aussi il avait engagé la conversation avec son nouveau capitaine d’équipage, Fiodor le Non-Mort.
« Vous pensez bien, Herr von Essen, que les instruments peuvent varier en taille en fonction des besoins ! »
Un grincement salutaire suivi du mouvement subit de leur fardeau indiqua au capitaine vampire que leur langschiff venait enfin d’être extirpé des mangroves. Fiodor ne comprenait pas encore comment ils allaient s’en sortir, avec des rameurs morts-vivants dont le maître ne maîtrisait que fort mal la cadence, mais c’était déjà au moins ça de fait.
« Il doit alors faire la taille d’un clavecin, votre instrument ! C’est un clavecin, c’est ça ? »
Ils avaient passé la journée à progresser lentement, du fait notamment de l’application des deux vampires à se dissimuler tant bien que mal du soleil à bord de l’étroit langschiff. Au crépuscule, le mystérieux « Von Essen » avait jugé bon d’accélérer la cadence, le tout pour perdre le contrôle du navire quelques minutes plus tard et rentrer dans une haie de mangroves. Fiodor ne savait pas s’il trouvait la mésaventure comique ou pathétique. Un peu des deux, en réalité.
« Non, Herr von Essen ! L’orgue à bord de mon navire est imbriqué dans la poupe du vaisseau ! Sa taille est respectable et les sons qui en sortent n’ont rien à voir avec ceux d’un clavecin !
- Et des canons, alors, avez-vous des canons à bord de votre navire ?
- Des canons ? Mais bien entendu que le Corbeau Centenaire dispose de canons à son bord ! Qu’allez-vous donc croire !
- Ah, bonté gracieuse ! Peut-être arriverons-nous enfin à nous défaire de ces maudits elfes avant-même qu’ils ne vous démontrent encore une fois à quel point ils sont bons bretteurs ! »
Ils venaient de remonter à bord du langschiff lorsque Von Essen se fendit de cette dernière remarque. S’ensuivit un regrettable malentendu avec son capitaine, qui eut pris ces propos comme une pique envers lui-même, et il coûta encore beaucoup de mots placés ici et là pour qu’enfin le chroniqueur lui expliquât que lui-même n’était tombé quasiment que sur les maudites longues-oneilles au cours de sa traversée. Les lunes jumelles étaient hautes dans le ciel nocturne lorsque les nordiques trépassés s’emparèrent à nouveau des rames et le vaisseau revint au centre de l’Amaxon.
« Herr von Essen ? »
L’intéressé, assis contre la proue du langschiff, venait d’enlever ses bottes et s’efforçait d’en évacuer le résidu vaseux du fleuve. Fiodor aperçut un bref éclair de frustration sur ses traits, qui lui rappela immédiatement la fureur de vampire lorsqu’il fut tombé sur lui la nuit précédente. Le massacre autour de lui avait alors beaucoup moins importé que l’intensité de cette fureur que le capitaine lui aperçut cette nuit-là : c’était de la rage mais de la rage consciente, dirigée non pas contre ceux qu’il venait de pourfendre ou d’immoler vivants, mais contre des puissances obscures, dont le capitaine avait entendu parler.
« Je croyais que nous en avions fini, Herr Fiodor.
- J’ai une proposition à vous faire. Vous comme moi souhaitez remonter ce maudit fleuve au plus vite, n’est-ce pas ?
- Evidemment, oui !
- Pensez-vous pouvoir accélérer la cadence de vos rameurs en évitant les accidents, cette fois-ci ?
- Non, absolument pas.
- Si vous m’en cédez le contrôle, je saurai obtenir un résultat qui me satisfera… Je veux dire, qui nous satisfera tous deux. »
Fiodor se tenait debout, à quelques pas du chroniqueur. Ce dernier le regarda droit dans les yeux ; dans la pénombre nocturne, les prunelles du vampire brûlaient tels deux charbons ardents. Fiodor n’apprécia guère ce regard mais il avait vu d’autres. De plus, il s’était attendu à ce genre de réaction.
« Vous savez, prononça Von Essen, j’y avais songé. Cependant, je dois vous avertir, capitaine : mon ignorance totale de l’art de la navigation n’est pas la seule raison pour laquelle ces rameurs ont été aussi… hasardeux à contrôler. Voulez-vous m’entendre jusqu’au bout ?
- J’écoute, Herr.
- Vous avez sans doute observé qu’il ne s’agit guère de simples zombies : j’ai capturé leurs âmes au moment où elles quittaient leurs corps et leur ai refusé le repos des trépassés. Au-delà même d’âmes puissantes rappelées depuis l’au-delà, affritées, incomplètes, celles-ci gardent quasiment toute leur intégrité, toute leur force. »
Le chroniqueur marqua une pause, s’attendant à recevoir une quelconque critique vis-à-vis de tant de complications. Le capitaine fit cependant preuve d’une agréable retenue.
« Je pense que vous devinez au moins les contours de la suite, Herr Fiodor. Ces « rameurs » luttent à chaque instant pour se libérer de mon emprise et s’extirper de leurs prisons charnelles pour de bon. Si je vous en cède le contrôle, je ne garantis même pas ce qui va arriver : au mieux, vous allez les perdre. Au pire, il vous en coûtera, à vous, d’avoir tenté de dominer ces âmes ardentes.
- Je vous les rendrai dès que nous arriverons à retrouver mon vaisseau, Herr von Essen. Rien, pas même ces trente-huit âmes ardentes, ne peut se dresser entre moi et mon vaisseau.
- Capitaine ?
- Maître d’équipage ?
- Je déteste mettre en doutes vos capacités, capitaine, mais je n’aime guère cette idée. »
Von Essen gratifia de son attention le seul mort-vivant qu’il ne contrôlait pas à bord du langschiff, les zombies de Fiodor ayant tout simplement été chargés à bord sous leur forme inerte, dénuée de dhar. Il lui semblait en avoir croisé d’autres, des « comme ça », à une autre époque, sur un autre continent…
« Considérez cela comme la décision du capitaine.

- Et que faisons-nous si la « décision du capitaine » lui joue un sale tour, capitaine ? »
Ah, cet humain, aussi, n’était guère dénué d’intérêt. Il en avait aussi vu, euh… Bah ! Il suffit avec le passé !
« À votre aise, Monsieur Flouz. On ne joue pas de « sale tour » à un loup de mer tel que moi.
- Disons que le sort de mon collègue de Parravon sera décidé par le vôtre, capitaine. Moi, en revanche, je me retrouverai seul à seul avec Herr von Essen.
- Monsieur Flouz, je vous trouve fort malpoli avec notre hôte. Tenez, en gage de pardon et de notre belle alliance, pourquoi ne lui offririez-vous pas votre bras ? »
Cela devait sans doute être l’éclat verdâtre de Morrslieb qui éclairait présentement le visage mal rasé du mortel ; même sans cela, le chroniqueur aurait immédiatement senti son sang quitter les traits de son visage à cette annonce. Cependant, il devait mettre un terme immédiat à ce malentendu :
« J’apprécie le geste, Herr Fiodor, mais je refuse la proposition. Le saviez-vous ? Non, vous devriez le savoir, en réalité : vous comme moi avez sans doute croisé au moins une amazone en arrivant en Lustrie ?
- Une amazone ? Cette mortelle qui…
- Qui se tenait à l’embouchure du fleuve, oui.
- Eh bien ?
- Eh bien je ne quitterai point cette jungle avant de m’être gorgé de sang d’une de ses congénères, voilà ce que je dis ! »
Fiodor eut un rictus. Ce vampire était demeuré aussi indéchiffrable maintenant qu’il l’avait été vingt-quatre heures plus tôt, cependant une constante persistait : la détermination et la démesure. Deux qualités qui faisaient du « chroniqueur des von Carstein » quelqu’un d’appréciable à ses yeux. De plus… Bah, ils avaient déjà assez perdu de temps !
« Bien parlé, Mein Herr. Je serais presque prêt à vous accompagner dans votre chasse, si l’occasion se présente encore devant nous. En attendant, acceptez-vous ma proposition ?
- Vous voulez dire que vous ne renoncez pas ?
- Je trouve l’expérience aussi intéressante que nécessaire.
- Dans l’éventualité où vous réussissez, je vous prie de ne pas retourner mes chiens de guerre contre moi. Je détesterais d’avoir à les tuer à nouveau.
- Balivernes ! Je suis prêt, Herr von Essen.
- Bonne chance, Herr Fiodor. Ein… Zwei… Drei ! »

***
***
***
Plusieurs heures s’étaient écoulées. Des heures où le langschiff, actionné par des revenants et des zombies, avait avancé à un rythme soutenu. À la barre, Fiodor hurlait des ordres aux cadavres calcinés qui avaient jadis été des norses avec l’assurance d’un maître en son logis. Il n’en avait pas besoin, et le savait très bien. Depuis que Von Essen lui avait transmis le contrôle de feu son équipage, il avait immédiatement organisé ceux-ci de façon à optimiser le fonctionnement du navire. Il lui avait fallu quelques temps pour en acquérir la maîtrise, car lui-même n’avait jamais vogué sur un tel bâtiment, mais son expérience avait fini par prévaloir. Désormais, le langschiff avait atteint sa vitesse de croisière, et fendait les flots d’apparence calme du fleuve Amaxon.
Toute la concentration de Fiodor était divisée entre deux choses : le pilotage, c’est-à-dire le contrôle des morts-vivants pour les faire ramer en cadence, et aussi et surtout le maintien de sa mainmise sur ces marins non-morts. Ce dernier point n’était pas une mince affaire. Comme le soi-disant ‘chroniqueur des von Carstein’ – dont la présence ici loin de tout membre de cette lignée était en soit incompréhensible – lui avait indiqué, ces créatures n’avaient de cesse de lutter contre leur situation. Il devait déployer toute sa maîtrise des arcanes pour maintenir leurs âmes de force dans leurs corps, usant pour cela d’un subtil mélange des vents de la mort et de l’ombre. Il devait tisser, filin après filin, des liens de magie qui emprisonnaient âmes damnées et corps carbonisés. Ce travail était d’autant plus difficile qu’il s’agissait d’âmes de guerriers fiers et orgueilleux, qui n’avaient aucune notion de la soumission. Aucune importance pensa sombrement Fiodor, je le leur apprendrai. Certains de ces revenants, mouvantes insultes à la vie, déambulaient sur le pont en rondes bien ordonnées. Ici, à tout heure du jour et de la nuit, il fallait être prêt à se battre.
À la proue du bâtiment, Marcel de Parravon scrutait les ténèbres, les deux flammèches de ses orbites perçant la nuit avec l’acuité d’un chat. Le revenant bretonnien se tenait coi, affectant l’immobilité du serpent qui scrute sa proie. Car dans son crâne vide, ses pensées tourbillonnaient. Sa propre nature de revenant lui provoquait une certaine pitié pour les nouveaux – et temporaires – esclaves de son capitaine, qui contrairement à lui n’avaient pas eu le temps de se faire à leur nouvelle condition. Pitié tempérée par deux choses : sa haine ancestrale de tout ce qui était un adorateur de la ruine, et sa profonde méfiance quant aux capacités de Fiodor à les maintenir sous son emprise. Il sentait, de façon diffuse et parcellaire, que le capitaine non-mort faisait de son mieux, et le résultat n’en finissait pas de l’impressionner. Pour l’instant, il n’avait pas eu à déplorer la moindre perte de contrôle. Mais il était méfiant, et si sa vue était fixée sur les ombres devant eux, tous ses autres sens étaient focalisés sur ses arrières.
Accoudé à la poupe, Von Essen rêvassait, légèrement intrigué par son nouvel ‘associé’. Ce dernier s’en tirait plutôt bien avec les morts-vivants, bien que n’ayant pas vraiment sa propre maîtrise. Bah, on ne pouvait pas vraiment attendre mieux d’un roturier, fusse-t-il un vampire. Mais pour un roturier, il avait des passe-temps plutôt associés à l’élite. La musique, ce n’était généralement pas l’affaire des gueux, mais plutôt des gens de bien. Ce voyage est décidément plein de surprises, pensa le seigneur vampire en époussetant une poussière imaginaire sur son épaule. Son regard capta la présence de monsieur Flouz, qui examinait le langschiff sous toutes les coutures. Les effluves de la vie titillèrent ses narines et ses pensées avec l’obstination d’un amoureux éconduit. Mais Von Essen repoussa cette soudaine envie avec désinvolture. Ce genre de nourriture était bonne pour le bas peuple. Il ne trahirait pas son vœu de se nourrir de l’amazone, dû-t-il mettre la forêt à feu et à sang. Surtout à sang. Il n’avait d’ailleurs pas manqué de remarquer la présence quasi révoltante de certaines de ces exquises femelles parmi les rangs des zombies de Fiodor. Ainsi donc, cet agrégat de contradictions qu’était ce capitaine vampire avait rencontré des amazones et n’en avait pas ramené une seule vivante pour sa consommation personnelle ? Mais à quel point fallait-il être obtus pour en arriver là ?
Un cri interrompit ses pensées, pour son plus grand bonheur.
« Bateau en vue ! »
Fiodor ne perdit pas de temps. Ses ordres inutiles fusèrent.
« Bougez-vous, bande de chiens galeux ! Tenez-vous prêts à l’abordage ! Le premier qui lambine je le met au bout d’une corde et je m’en sers comme ancre ! Flouz, à la barre. »
Cette dernière instruction provoqua chez Von Essen un sursaut d’intérêt. Ainsi, ce grand escogriffe mécontent était capable de tenir un gouvernail ? Il fallait vraiment que ce Fiodor soit bête pour ne pas l’avoir laissé faire dès le début. Bête, ou terriblement désœuvré. D’un pas nonchalant, le chroniqueur rejoignit la proue, où l’attendaient déjà Fiodor et Marcel de Parravon.
« Aucun doute capitaine. » tonnait le revenant bretonnien. « Ce bateau a dérivé avec le courant et ne bouge pas d’un pouce. Mais il n’est pas assez endommagé pour avoir chaviré. Mille civadières, s’il reste quelqu’un à bord, il doit être en mauvais état. »
Fiodor ne répondit rien, tout à la contemplation de la silhouette allongée à moitié renversée sur la berge, légèrement sur la droite, à deux ou trois encablures. Elle n’était pas difficile à distinguer à présent, malgré les nombreuses branches et troncs d’arbres qui dépassaient constamment de la jungle environnante. Le grand mât de l’embarcation se voyait bien, d’autant que, par chance, les deux lunes brillaient intensément. Von Essen avait l’air intrigué.
« Flouz ! » La voix de Fiodor évoquait les grommellements d’un nain revanchard. « Mène-nous devant. Nous allons voir à son bord. »
Silencieusement, le second obéit, et pendant de longues minutes seules le grincement des rames brisait le silence sur le bateau, silence rendu tout relatif par le bruissement de vie de la jungle alentours.
« Vous perdez votre temps si vous pensez trouver qui que ce soit de vivant à son bord » fit soudain la voix nonchalante de Von Essen, qui s’était approché. « Je n’entends rien à son bord, pas le moindre soupir ou cliquetis de pistolet. Rien que le clapotis de l’onde. Et je sens aussi…
- Du sang. »
Fiodor avait répondu sans le regarder, tout son corps vibrant à l’idée seule de ce nectar. Pourtant, il s’était nourri la veille, et à plusieurs reprises. C’était parfois difficile de se contenir. Mais là, étrangement, l’odeur n’avait rien de divin, au contraire même. Ce sang n’était pas récent, du moins pas autant qu’il aurait fallu. Il avait coulé depuis plusieurs heures.
« Capitaine…Ce bateau, c’est…c’est »
Fiodor cessa de penser au sang et se concentra sur son environnement. Et avant qu’il ait pu demander à Marcel d’arrêter de bégayer, tout son être se figea. Le bateau échoué, qui n’était plus qu’à une vingtaine de mètres, se révélait à lui dans toute sa beauté.
C’était le Corbeau Centenaire.
« Vous reconnaissez ce navire, cher associé ? »
Fiodor n’entendit même pas la question de Von Essen. Il avait retrouvé son bâtiment, contre toute attente. Sa conscience se focalisa dessus. Un battement de cils plus tard, il atterrit à bord.
Sur le langschiff, von Essen laissa échapper un sifflement admiratif. « Je n’imaginais pas ce Fiodor capable de se changer en brume. Décidément, votre capitaine est plein de surprises. » Son ton était badin, comme si la scène toute entière était une simple distraction. Mais son regard perçant n’avait rien perdu des détails. Il nota que Fiodor n’avait d’ailleurs pas relâché son contrôle sur les rameurs, et ce malgré son trouble évident. Souhaitant être là où se passe l’action, il le rejoignit en un instant.
Fiodor, lui, resta un instant immobile, la main posée sur le pommeau de son épée, les yeux luisant de colère alors qu’il détaillait la scène macabre qui s’offrait à lui. Le pont du Corbeau Centenaire avait manifestement été le lieu d’un combat sans merci entre des elfes et…d’autres elfes ? Le doute n’était pas permis, au vu de la posture de nombre de ces cadavres aux oreilles pointues. Son poing se serra en même temps que ses dents. Mais quel était ce monde où ses pires ennemis s’entretuent d’eux-mêmes ? L’affrontement avait aussi partiellement endommagé le bateau lui-même, plusieurs endroits du bastingage étant brisés, et des voiles arrachées. Fiodor se mit à déambuler au hasard, scrutant les corps aux visages figés dans des expressions diverses comme la haine, la peur, la rage ou l’incompréhension. Rien que de très classique en somme. Mais quelle tristesse de n’avoir pas pu être là pour causer ce carnage lui-même.
Von Essen secoua la tête d’un air navré.
« Ainsi, Herr Fiodor, si je comprends bien, nous avons retrouvé votre vaisseau ? Asurs et druchiis s’en sont visiblement servi comme champ de bataille. Mais à part ça, il a effectivement fière allure. »
Fiodor laissa éclater sa colère.
« Quelle sale engeance ! Les salopards, les enfoirés ! Ils m’ont volé ma vengeance ! C’était ma prérogative de les tuer, mon droit, mon droit exclusif de les écharper jusqu’au dernier ! Mais il a fallu que d’autres sales elfes m’en aient privé ! Et sur mon bateau, pour ajouter à l’humiliation. Pourquoi, pourquoi, est-ce qu’à chaque fois qu’une chose se passe mal, je me rends compte qu’un de ces oreilles pointues est dans le coup ?
- Parce qu’ils ont la fourberie dans le sang, voilà pourquoi, Herr. Mais ne vous laissez pas abattre. Vous avez récupéré votre vaisseau. Quant à votre vengeance, elle peut toujours avoir lieu. Il vous suffit de retrouver ceux qui ont gagné ici. Ils ne peuvent être loin. Ils ont perdu pas mal des leurs, à ce que je vois. Oh, lui je le connais… »
Le regard de von Essen s’était posé sur l’un des corps. Ce dernier était celui d’un asur, comme l’indiquait les quelques taches blanches de son armure, même si la quasi-totalité de celle-ci était recouverte de sang. Fiodor s’approcha à son tour, et retourna le cadavre sur le dos d’un coup de pied, révélant le visage exsangue et la gorge tranchée d’Aetholdyr Prestelance. Derrière eux, le langschiff s’était posté à côté du Corbeau Centenaire, et les revenants mettaient en place une passerelle entre les deux.
« Moi aussi je le connais » finit par cracher Fiodor. « Je lui en dois un.
- Un quoi ? »
Sans répondre, le capitaine vampire se saisit de la lance du prince, gisant au sol à côté de lui, et en poussant un cri de rage il l’enfonça dans le corps de son ancien propriétaire, le clouant sur le pont juste dans le cœur.
« Un empalement. »
C’est soudain l’air plus détendu qu’il avisa von Essen.
« Mein Herr, je suis navré, mais je crains que votre prise de guerre ne soit momentanément morte. Aucun des elfes présents ne peut, je pense, vous satisfaire. »
Le chroniqueur eut un acquiescement désolé.
« J’en conviens.
- Je vous propose donc de poursuivre les responsables de ce gâchis jusque dans la cité d’or. Pour peu que personne ne nous dame le pion une nouvelle fois, nous pourrons retrouver ces elfes et leur faire payer cet affront. »
Le rictus sadique de von Essen aurait suffi à faire frissonner un norse aguerri.
« C’est d’accord ! »
***
***
***
« Pour la dernière fois mein Herr, ce n’est pas ma faute si la salamandre se déplace en dodelinant de l’arrière-train. Si nous n’avons pas croisé ces écailleux sur son dos, c’est bien qu’il doit y avoir une raison. Alors accrochez-vous, et laissez-moi la diriger en paix. »
Réajustant son armure à moitié carbonisée, Sargath grommela tout en s’accommodant, résigné, des instructions de son second – et seul membre d’équipage restant. Mais il lui répondit tout de même pour la forme.
« Et pour la dernière fois, ce n’est pas ‘mein Herr’, Heinrich, c’est ‘Héraut’, ou ‘Héraut des milles lames’. Et tâche de la faire aller dans la bonne direction, j’ai l’impression que nous dévions. »
Heinrich, dont la tenue de cour était tellement délabrée que même une friperie de Mousillon n’en voudrait pas, sans parler de la ruine qu’était son armure, ne pipa mot. Il se concentrait pour ne pas perdre le contrôle de l’immense créature rouge, dont les plaies suppurantes commençaient désormais à sérieusement offenser ses sens. Le héraut des mille lames lui-même n’avait pas non plus aussi fière allure qu’à leur arrivé sur ce fleuve, la moitié de son visage portant encore les stigmates de leur rencontre brûlante avec la salamandre, alors vivante. Une partie de ses vêtements avaient brûlé sous le feu, et le reste était désormais couvert d’une suie qui s’était révélée tenace. Qu’importe, cependant. La cité d’or était bien devant, immanquable à travers la végétation pourtant dense de la jungle, végétation que leur monture écrasait sur son passage. Plus qu’à voler un bateau, assujettir son équipage, remplir les cales du métal précieux, et repartir en sens inverse.
Un jeu d’enfant.
***
Quelques centaines de mètres plus loin, où la jungle cédait à la place à l’Amaxon, sur un langshiff désormais attaché par un solide cordage de chanvre au Corbeau Centenaire, un autre vampire en tenue de cour presque aussi peu fraiche esquissa un sourire. Cette sensation, cette vergence dans les vents les plus obscurs, c’était…oui, c’était de la nécromancie. Il jeta un œil dans la direction du phénomène, mais ne vit rien. Seule la jungle lui rendit son regard, aussi impénétrable qu’un nain à la nouveauté. Ses autres sens ne l’informèrent pas plus. Odorat et ouïe étaient depuis longtemps saturés par le carnaval de vie de la faune et de la flore environnante. Il y aurait de quoi rendre fous les vampires les plus faibles, mais pas Von Essen. Ce dernier admit, en toute humilité, qu’il était fortement intrigué. À sa connaissance, le seul autre nécromant des environs était son allié, Fiodor le Non-Mort, dont le bateau récupéré naviguait en tête de leur petite formation. Il pouvait même entendre d’ici les hurlements de ce curieux revenant, qui, ayant retrouvé des marins – quoique zombifiés – s’en donnait à cœur joie. Mais Fiodor lui-même était trop occupé à commander son nouvel équipage par sa propre nécromancie, et cela, von Essen le sentait. Il n’y avait rien, rien qui établisse sa responsabilité dans ce phénomène. La meilleure explication était encore la plus simple : il y avait un troisième nécromant dans le coin.
Von Essen se mit à faire les cent pas, sous le regard enflammé de ses revenants norses qui attendaient leur heure, immobiles auprès de rames devenues inutiles. Que faire ? Il se refusait à ignorer cette apparition aussi singulière qu’invisible, à laisser partir la seule manière de tromper l’ennui de la journée, ou plutôt de la fin de cette nuit. Mais alors quoi ? La rejoindre ? Seul ? Hors de question. Il l’avait déjà essayé une première fois et s’était fait pourfendre sur place par cette elfe au bouclier qui faisait très mal. Non, il allait tenter quelque chose de plus indirect, peut-être plus insidieux. L’idée-même le fit sourire.
Se précipitant à l’avant, il héla son allié.
« Herr Fiodor ! Avez-vous senti la même chose que moi ? »
La réponse, prononcée d’une voix impatiente, trahissait la concentration dont faisait preuve le capitaine vampire pour piloter son vaisseau par nécromancie, vaisseau qui devait de surcroît charrier le langschiff de son impossible allié.
« Oui ! Nous ne sommes pas seuls !
- Alors ralentissez, je vous prie ! Il y a quelque chose que j’ai envie d’essayer. On va s’amuser. »
Fiodor ne répondit pas, mais leva le bras. Aussitôt, les mouvements des zombies changèrent de cadence, et de nature ; les voiles furent repliées. Bientôt, les deux navires s’immobilisèrent dans le fleuve, ayant tous deux jeté l’ancre.
Von Essen n’avait pas attendu, et s’était lancé à l’assaut des vents de magie. Il n’avait jamais tenté ça, mais cela faisait quelque temps qu’il maîtrisait les arcanes de la nécromancie, et de plus, à bien y regarder, le ‘troisième larron’ n’était pas si doué non plus. On allait bien rire.
***
« Heinrich, redresse le cap. Ce n’est pas par là !
- J’essaye mein…héraut. Mais je ne suis pas…elle ne m’obéit plus !
- Comment ? »
Sargath était fou de rage. Cet incapable n’était même pas à même de se faire obéir d’un simple zombie, fut-il une monstruosité de cinq mètres de haut et quinze de long ? Juché sur la tête de la bête, Heinrich tentait tant bien que mal de se concentrer pour reprendre le contrôle, mais en vain. Une volonté et une maîtrise plus forte que la sienne l’en priva. L’effort que représenta cette tentative ne fut pas gratuit cependant, et le vampire von Carstein hésitait à recommencer.
Sous eux, la salamandre avançait à présent d’un bon pas à travers la jungle, se moquant des arbres, des buissons et des bêtes qui passaient par là. Ses pattes immenses faisaient légèrement trembler le sol, écrasant au passage feuilles et branchages, et traçant ainsi un sillon net dans la jungle. Plusieurs fois, un banc d’oiseaux s’était envolé à leur approche en poussant des cris d’alarme.
Ce nouveau trajet ne dura pas longtemps. Au bout de quelques centaines de mètres, ponctués par les imprécations de Sargath et les cris d’Heinrich, la salamandre finit par s’arrêter brutalement.
« Ah, Heinrich, bravo ! » Fit Sargath en avançant cahin-caha sur le dos de la bête en direction de la tête. « Maintenant que tu as repris le contrôle, retournons vers… »
Le héraut des mille lames ne termina pas sa phrase. Son regard, perdu vers l’avant, venait de capter plusieurs choses. De une, ils étaient à présent devant le fleuve, la tête de la salamandre émergeant des feuillages bordant la berge de l’Amaxon. De deux, ils n’étaient plus seuls, car deux bateaux se tenaient arrêtés là, à une vingtaine de mètres d’eux. Et de trois, ces bateaux, d’apparence plutôt différente l’une de l’autre, étaient peuplés par des morts-vivants. Ce constat, il le fit tout autant par ses capacités thaumaturgiques que par sa vue, malgré l’obscurité nocturne. Et parmi ces autres créatures d’outre-tombe, deux rayonnaient particulièrement pour son troisième œil. Une sur chaque bateau.
« Gute nacht, meine Herren. Belle nuit, n’est-ce pas ? »
Cette voix enjouée venait du plus grand des deux bateaux, un navire norse, sur lequel se tenait sur la proue un individu pâle aux yeux de braise, vêtu de la même façon qu’Heinrich mais avec plus d’extravagances. Un vampire donc, et de la même origine. Heinrich pointa alors un doigt vers lui.
« C’est lui, c’est lui qui a pris le contrôle ! »

Sargath pris les devants.

« Ce que dit mon subordonné est-il vrai ? »

L’autre eut un geste évasif, se contentant de sourire.

« C’est bien possible. Enfin, que voulez-vous, la vie est pleine de surprise. Enfin, la non-vie, en l’occurrence. Le seul être vivant ici, c’est Monsieur Flouz. »
Sargath était éberlué. Cet outrecuidant personnage s’adressait à lui comme au dernier des imbéciles, en une diatribe sans queue ni tête, et ce après l’avoir offensé. Une réparation était de mise !
Sans même prendre d’élan, le vampire nehekharien franchit d’un bond la distance qui le séparait du langschiff, atterrissant souplement sur le pont de celui-ci, faisant immédiatement froncer les sourcils de son interlocuteur.
« Je ne crois pas avoir saisi votre nom, engeance de Vashanesh. Donnez-le-moi, que je puisse l’écrire à la fin de votre épitaphe. Ou au début, suivant ce que je déciderai. »

L’autre fit une révérence.

« Von Essen, chroniqueur des von Carstein. Le seul, le vrai, l’unique ! »

Sargath, la main sur la poignée de son arme, eut un haussement de sourcils surpris.

« Chroniqueur des von Carstein ? Heinrich, tu le connais ? »

L’intéressé, à qui s’était adressé cette réplique criée depuis le pont du bateau, était toujours sur la tête de la salamandre, désormais immobile.

« Pas le moins du monde, héraut. Mais ça faisait longtemps que j’étais dans ce cercueil dans lequel vous m’avez trouvé. »

Sargath reporta son attention sur Von Essen, qui le dévisageait avec une attention soudain exempte de la moindre trace d’humour.

« Et vous, ‘héraut’, avez-vous un nom ? J’en aurai besoin pour mes mémoires, voyez-vous. »

Sargath dégaina son khépesh et se mit en garde.

« Je suis Sargath, héraut des mille lames, chef de la garde de Lahmia. Et vous, Von Essen, pour l’humiliation dont vous m’avez frappé, vous allez mourir séance tenante, "le seul, le vrai, l’unique" ou non. »
Et sans attendre de réponse, il bondit, l’arme levée et les dents serrées. Von Essen réagit au même moment, et le bruit du métal frappant le métal résonna soudain. L’échange initial fut brutal, mais bref. Sargath eut un sourire, constatant avec plaisir qu’il avait réussi à toucher cet impertinent vampire au torse (Sargath : 2T, 1B, 1 PV !). Von Essen recula d’un pas, la frustration se lisant sur ses traits.
« Damned » grogna-t-il. « Jamais je n’arrive à frapper et à bloquer en même temps.
- Quoi ? »
Sargath s’aperçut que la dague de son adversaire était elle aussi couverte de sang, et il réalisa soudain qu’il avait mal au flanc. Sa main gauche palpa la zone, confirmant son diagnostic. Il avait été touché (Von Essen : 2T, 1B, 1 PV !). Ce filou n’était pas seulement un impertinent. Il savait aussi manier les armes. Un sourire appréciateur se dessina sur son visage, celui du connaisseur qui, d’un œil, sait discerner le talent. Cela faisait quelques jours qu’il n’avait pas disputé de duel à sa mesure. Autant en profiter.
Von Essen contre-attaqua le premier, mais Sargath profita de son allonge supérieure pour l’intercepter, l’atteignant à la tête. Mais son épée ne fendit que l’air. L’instant d’après, un réflexe lui fit esquiver, et il entendit le chroniqueur jurer. Manifestement, ce dernier savait se changer en brume, et entendait bien en jouer pour esquiver ses coups. Fort bien, si c’était un test de son habileté, qu’il en soit ainsi. Sargath et von Essen s’élancèrent à nouveau l’un contre l’autre dans une danse où chacun cherchait l’ouverture. L’un frappait et esquivait, l’autre surgissait de la brume comme un spectre avant d’y retourner, encore et encore.
Sargath en eu vite assez. Puisque tu refuses le combat, très bien, je vais me battre selon tes termes. Mais tu vas le regretter. Suivant le fil de sa pensée, Sargath orienta sa prochaine esquive de façon à se faire planter la dague dans le bras. Mais l’autre fut plus rapide, et l’atteignit à l’aisselle gauche, parvenant à le toucher sérieusement (Von Essen : 2T, 2B, 2 PV !!!). Pourtant, le vampire lahmian ne se laissa pas dominer, et profitant de la matérialité de son adversaire, il lui enfonça son khépesh dans l’estomac (Sargath : 2T, 2B, 2 PV !!! Les deux combattants repartent à 1PV).
Von Essen eut un hoquet de surprise et de douleur. Un sang noirâtre sortit de leurs plaies respectives, mais sans couler. Le chroniqueur se changea à nouveau en brume pour reculer, libérant du même coup Sargath qui tomba à moitié à genoux, s’appuyant sur la pointe de son arme.
« Tu ne…perds rien…pour attendre » pesta von Essen, chancelant, et heureux de ne pas avoir eu le cœur transpercé.
Ce fut Sargath qui, cette fois, initia l’offensive. Brandissant son khépesh, il coinça Von Essen par d’habiles passes d’armes, lui zébrant le front (Sargath : 2T, 2B, 1 invu, 1 PV !!!). Mais le chroniqueur disparut immédiatement, et le héraut des mille lames sentit une douleur froide passer entre deux de ses plaques, dans son flanc droit. Ses forces s’amenuisaient (Von Essen : 3T, 2B, 2 PV !!! Les deux combattants repartent à 1PV).
Il se retourna violemment, saisissant le chroniqueur au poignet, et sans lui laisser le temps de réagir il l’envoya violemment s’écraser contre le mât (Sargath : 2T, 1B, 1 PV !!!). L’instant d’après, l’autre avait encore disparu, et une seconde plus tard c’est dans le genou gauche que Sargath sentit l’acier cruel du chroniqueur s’enfoncer (Von Essen : 2T, 2B, 2 PV !!! Les deux combattants repartent à 1PV). Il réussit à ne pas fléchir les jambes, au prix d’une douleur immense, et ses dents serrées témoignèrent de la souffrance que lui causa le pas de côté qui lui permit de se mettre à nouveau hors d’atteinte.
Cela ne pouvait plus durer.
Von Essen disparut à nouveau, conscient lui-aussi que leur duel devait trouver une conclusion. Sargath eut alors un raisonnement rapide. Il avait été touché au flanc, au bras, et dans le genou. Si son adversaire cherchait à l’achever, il allait frapper…
Une seconde passa. Sargath, alors seul, entouré de revenants immobiles comme des pierres, pivota soudain sur lui-même.
La surprise qu’il lut dans le regard de von Essen quand sa lame bloqua la sienne juste devant sa nuque valait tout l’or du monde (Von Essen : 0T). L’instant suivant, le chroniqueur reçut un violent coup de poing au plexus, et sentit plus qu’il ne vit les dents de Sargath plonger dans sa gorge (Sargath : 1T, 1B, 1 PV !!! Règle Vampirique qui proc' ENFIN chez un des deux vampires : Sargath récupère 1PV).
Soudain drainé de son essence-même, le chroniqueur finit par retomber au sol, impuissant car suffoquant sous la douleur, aux pieds d’un Sargath extatique qui poussa un rugissement de rage.
Qui se transforma en hoquet de stupeur quand une main puissante se saisit de sa tête pour l’écraser sur le mât.
« Toi, le héraut des mille lames, si tu ne veux pas finir en mille morceaux, tu vas te tenir tranquille. »
La surprise passée, Sargath avisa son nouvel opposant, qui se trouvait être le vampire de l’autre bateau. Peste, il avait oublié qu’ils étaient deux. Surtout que ce dernier avec un visage impénétrable et un regard glacial. Un regard de tueur. Il n’était pas là pour enfiler des perles. Le dragon de sang se libéra brutalement, mais recula, réalisant petit à petit que ce combat l’avait affaibli, plus qu’il ne le pensait. L’autre s’en était également aperçu, et sa main était posée sur la poignée de son épée.
« Si tu veux te lancer dans un deuxième round, libre à toi, mais sache que je ne te laisserais pas reprendre des forces. »

Pour Sargath, c’en était trop. C’est d’une avec l’amertume d’un kislévite sobre qu’il déclara :

« Quand ce ne sont pas des elfes, ce sont d’autres non-morts. Tout le monde cherche à m’humilier ici ? »

L’autre s’arrêta net.

« Des elfes ? Quels elfes ?
- Des elfes noirs » cracha Sargath, comme si ce mot était en lui-même douloureux à prononcer. « Ces impudents ont détruit mon bateau et anéanti mon équipage. Mais ils ne m’ont pas tué moi, et je leur ferai payer cette erreur. »
Le vampire au regard de glace parut réfléchir. Près de lui, le chroniqueur des von Carstein avait fini par s’asseoir péniblement en tailleur, et épongeait ses plaies sur un mouchoir qui n’en demandait pas tant. Heinrich les eut alors rejoints, mais Sargath remarqua une quatrième silhouette, celle d’un…d’un revenant vêtu d’acier, qui se tenait non-loin, et qui n’était pas du tout immobile.
« Mein Herr Sargath, si vous souhaitez tuer de l’elfe, je préfère vous y aider que vous en empêcher. Mais si vous continuez de retarder notre expédition, vous finirez au fond de l’eau, éparpillé dans plusieurs tonneaux. Les elfes ne savent peut-être pas tuer un vampire, mais moi si. »
Fiodor aurait tout aussi bien pu commenter la qualité du vin avec cette voix, mais la menace n’en était pas moins précise. Sargath cependant, bien loin de plier, s’emporta.
« Mais vous ne manquez pas d’audace ! Je vous signale que c’est vous qui avez interrompu mon expédition, avec vos tours de passe-passe nécromantiques. Et maintenant vous me menacez, en m’accusant d’être le trouble-fête ? »
Fiodor ne bougea pas, mais il baissa son regard pour aviser Von Essen, qui se tenait toujours assis à même le pont, le costume couvert de sang, et qui affectait, avec un succès mitigé, de garder une posture aussi discrète et aussi distinguée que possible en même temps.
« Il a en partie raison, Herr von Essen. »
Ce dernier secoua la tête, puis se lança dans une longue déclaration pleine de hauts et de bas.
« Oui, tout cela semble être un affreux malentendu. Héraut des mille lames, j’ai l’honneur de vous présenter mon associé, Fiodor le non-mort, capitaine du fier vaisseau ‘Corbeau Centenaire’, qui se trouve à côté. Nous nous dirigeons vers la cité d’Or, avec pour objectif de piller l’endroit et de faire un carnage parmi les elfes qui s’y trouveraient. Mon associé et moi-même leur vouons une haine particulièrement tenace à force d’avoir fait les frais de leur vilénie sur l’Amaxon. Si ça vous intéresse, nous pourrions être trois dans cette opération qui, j’en suis certain, va aussi dans vos intérêts. »
Sargath était cette fois interloqué. Une alliance ? Avec un autre descendant de Vashanesh et un pirate ? Par les mille lames dont il était le héraut, ce n’était pourtant pas une opportunité à prendre à la légère, car Heinrich et lui ne représentaient pas ce qu’on pourrait appeler une force conséquente. Et cela lui fournissait aussi un moyen de ravaler sa fierté sans la bafouer. Un seul coup d’œil à l’expression faussement innocente de Von Essen lui confirma que ce dernier l’avait très bien compris.
Soit.
« Pourquoi pas, messieurs. Si votre but et le mien coïncident, je ne vois pas de raison de refuser. Mais deux choses : d’abord ne jouez plus avec mes serviteurs, aussi décédés soient-ils, et ne m’appelez pas 'mein Herr'. »
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Re: [Event RP multijoueur] La Route d'Eldorado

Message par Essen »

     « Par Sigmar ! Cette expédition n’en finira donc jamais ? »
     Cette phrase fut la première que grogna Helmut après la violente mêlée sur le pont de l’Emmanuelle. Ses muscles lui faisaient mal, et ses armes lui semblaient bien lourdes. Des barques transportant des hommes aux livrées vertes et jaunes, maculées de sang séché, apparurent entre les racines de la mangrove, au loin. Le chef de l’expédition de Nuln se tourna vers ses troupes, affalées sur les planches du pont, éreintées après les âpres combats.
     « Les gars, j’vous avait bien dis qu’ces satanés demi-sylvaniens d’Orientaux allaient pas nous lâcher ! Pas avant qu’l’on trouve leur capitaine, c’est sûr. » Il tourna son regard vers les arrivants lorsqu’ils arrivèrent au niveau du navire. « Alors, Franz ? Rien à signaler ?
     - Rien cap’taine, pas la moindre trace de ces sauvageonnes des marais.
     - Bien. J’aime pas trop ça, mais c’est mieux qu’si on devrait encore lutter contre elles. Hein les gars, Ce serait dommage de ne pas en garder pour plus tard ?
     Les impériaux, que leurs livrées soient grises et blanches ou vertes et jaunes, rirent à cette pique malgré tout grossière envoyée à leurs ennemis. Ils se sentaient plus proches de leur commandant quand celui-ci parlait avec ce ton-là.
     La respiration calme, Helmut reprenait des forces dans la cabine du capitaine. Ce répit lui était bienvenu, et lui permettait d’oublier pendant un temps les horreurs des combats. Un nulner, visiblement officier, fit irruption dans la pièce.

     «  Chef, je viens de faire l’inventaire des réserves. On devrait en avoir assez pour le chemin du retour !
     - C’est une sacré bonne nouvelle, ça. On a encore de la bière pour se rincer le gosier ?
     - Oui cap’taine.
     - C’est qu’on a finalement un peu de veine, alors. »
***
     Plus tard, le commandant de l’expédition vit les Stirlanders rescapés manœuvrer un imposant navire noir qu’il ne reconnut tout d’abord pas. Les souvenirs le frappèrent ensuite de plein fouet. Il s’agissait du Reaver, navire de l’inquisitrice Alicia de Meissen. Où était-elle d’ailleurs passée ?
Bah, ça n’avait pas tant d’importance, car le spectacle de la cité perdue de Chaqua s’offrit à ce moment aux yeux ébahis d’Helmut.
     - Les gars !  Venez voir. Vous imaginez le pactole qu’on se fera avec ça ?
     - Ouais, on pourra ptêt même bien racheter Nuln.
     - J’ai un plan : dès qu’on arrive dans les ruines, on s’empare de sacs et on collecte tout ce qui nous passe à portée de main. Compris ?
     - Oui chef ! »
     Le moral était enfin revenu parmi l’équipage. Rien de tel que la présence de trésors pour motiver les cupides esprits humains. La gloire marchait aussi, mais le désir de l’or était plus répandu. C’est donc avec la tête dans les projets fous que le trésor permettrait aux marins et soldats d’accomplir que les hommes commencèrent leur travail de pillage. Helmut préféra rester prudent, ce pourquoi il supervisa, depuis le pont du navire, le détachement des plaques d’or et leur rangement dans les cales du navire. Il avait avec lui une petite poignée de ses meilleurs piquiers, qui surveillaient stoïquement les voies d’accès à leur position.

     Cela ne l’empêcha pas d’être surpris lorsque le premier homme-lézard se jeta sur un Stirlander. Ni quand ledit Stirlander finit entre les mâchoires du monstre. Il fut prêt cependant quand le reptile anthropomorphe tourna sa face écailleuse en direction d’une autre proie, et descendit les échelons de l’échelle du navire à toute vitesse. Portée par l’élan de sa charge, il trancha net le cou du monstre, tandis que le sang crépitant d’énergie électrique aspergeait les pavés d’or des quais antiques. Mais il y’en avait d’autres. Armées de boucliers et d’armes perforantes ou contondantes, les saurus, comme leur espèce s’appelait, hurlèrent leur rage plurimillénaire à ces impudents humains. Ceux-ci se dépêchèrent de remonter au navire et de s’équiper de leurs armes...
Les hommes-lézards, tant habitués qu’ils sont à être le prédateur, mirent du temps à comprendre que les puissantes armes d’hast impériales perçaient leurs écailles comme un poignard perce du cuir de mauvaise qualité. Leur rage les empêcha ensuite de ravaler leur fierté et de laisser tranquilles les hommes d’Helmut. Le sol fut bientôt jonché de corps inanimés, qui furent ensuite écorchés et équarris. L’équipage avait besoin de viande, et qui sait quelle valeur pouvait avoir leur peau ?
     Lorsque les zones attenantes à l’Emmanuelle eurent perdu leur éclat doré, les troupes de Nuln eurent le déplaisir de constater le départ du Reaver. Ils décidèrent de l’attendre, pendant que les plus versés en cuisine essayaient de faire rôtir les chairs dures et filandreuses des membres de la redoutable Légion de Chaqua. Il ne restait plus grand-chose à manger de ce côté-là quand le Reaver revint doucement, dans la nuit. Après un petit accès de colère de la part d’Helmut, il exigea des explications aux Stirlanders. Ceux-ci lui racontèrent donc comment ils ont découvert la cachette ensanglantée d’Alicia, suivi ses traces carmines dans la jungle, et enfin comment ils ont retrouvé leur capitaine à demi inconsciente dans la forêt, serrant son bras validé contre une large plaie située sur l’épaule. Helmut fit intervenir les quelques médecins de campagne qui avaient survécus aux fréquents affrontements pour monter sur le Reaver et tenter d’empêcher la mort de la contre-amirale de la flotte d’Altdorf. Si Alicia viendrait à mourir, l’impact moral que cela aura sur les troupes placées sous son commandement seraient inacceptables et pourraient sans aucun doute compromettre la maintenance du Reaver sous le contrôle d’Helmut. Seul la nuit nous le dira, se dit Helmut en remontant la couverture sur son torse, alors qu’il s’apprêtait à sombrer dans un sommeil réparateur et apaisant, du moins l’espérait-il.

***
Yelmerion poursuivait le voyage avec un sentiment amer. Elle s'en voulait de s'être fait attraper si facilement. Firvuniel s'apprêtait à lui parler avec ses mains, quand un "CRACK" survint : l'avant du navire venait d'être ouvert par un récif. Dans la courte panique engendrée, l'équipage s'aperçut trop tard qu'ils venaient de perdre le contrôle de leur vaisseau et que le courant les emportait désormais vers un étrange canal connexe. Canal qui, pour comble d'infortune, débouchait visiblement sur une cascade se déversant d'une falaise à-pic. Les asurs se jetèrent tous à l'eau pour éviter la chute potentiellement mortelle. Hélas, tous ne purent sauter à temps, sans compter ceux qui étaient emportés par le courant.
Une fois leurs effectifs amoindris des hommes lézards passèrent à l'attaque.
Désorganisés, en sous nombre et perdus, la seule chance des asurs résidait dans la fuite. Yelmerion, qui ne voulait pas abandonner le combat, fut traînée par Firvuniel et Valandral. Kallemmensha ouvrait la voie dans l’épaisse jungle : derrière elle, les asurs fuyaient à toute allure, seule la mort attendait ceux qui s’attardaient.
Après une heure de course effrénée les asurs avaient semé leurs poursuivants. A peine plus d’un elfe sur deux avait survécu. Les elfes poursuivirent leur chemin dans un ravin. Tout à coup, une gigantesque colonne s’effondra au milieu des elfes mais, heureusement, cette fois-ci il n’y eut aucune victime. Seulement les asurs étaient divisés en deux groupes distincts : Kallemmensha, Firvuniel avec la garde argentée et les maîtres des épées, Yelmerion, Valandral avec les archers et les marteliers.
Les hommes lézards arrivèrent derrière le groupe de Yelmerion qui fut obligé de fuir. Kallemmensha et Firvuniel ne purent leur être d'aucun secours : la massive colonne effondrée aurait nécessité des heures pour être gravie...
Yelmerion parvint à échapper à l'embuscade des hommes lézards avec une poignée de survivants, pendant que les autres leur octroyaient une fois encore la possibilité de fuir. Les elfes étaient épuisés par toutes ces péripéties. Ils marchèrent, leur vigilance s’était amenuisée, aucun d’entre eux ne vit le nouveau danger qui les guettait. Les corsaires sautèrent sur eux de tous les côtés. Les archers, encerclés, se firent exécuter, les marteliers, essoufflés, ne purent écraser que quelques elfes noirs avant de trépasser. Yelmerion dut combattre dos à dos avec Valandral pour assurer leur sauvegarde.
Phy'lis surgit entre les deux elfes, les séparant, Valandral se retourna et souleva son marteau maculé du sang d'un corsaire à qui elle avait ouvert le crâne pour éclater la mâchoire du druchii. Yelmerion sauta en l’air pour retomber sur son adversaire mais Phy'lis tourna habilement sur ses appuis, esquivant les jeunes elfes. Puis, il donna un coup de pied dans le dos de Valandral qui tomba terre. Yelmerion, ramassant son épée tombée au sol, tenta en vain de décapiter son adversaire qui se baissa, taclant la princesse en même temps. Il leva son épée pour tuer Yelmerion lorsque Valandral s'interposa, se faisant ainsi transpercer par l’épée. Aussitôt que Yelmerion se releva, Phy'lis lui envoya directement le corps agonisant de sa garde du corps. Yelmerion n’eut pas même le temps de songer à pleurer qu’elle reçut un coup de pied brutal à la tempe, l’assommant.

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