[Éloi] Princesse de la Foi

La Bretonnie, c'est aussi les villes de Parravon et Gisoreux, les cités portuaires de Bordeleaux et Brionne, Quenelles et ses nombreuses chapelles à la gloire de la Dame du Lac, mais aussi le Défilé de la Hache, le lieu de passage principal à travers les montagnes qui sépare l'Empire de la Bretonnie, les forêts de Chalons et d'Arden et, pour finir, les duchés de L'Anguille, la Lyonnesse, l'Artenois, la Bastogne, l'Aquilanie et la Gasconnie.

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[MJ] La Fée Enchanteresse
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[Éloi] Princesse de la Foi

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

« Qu’il soit connu de chacune et chacun des prêtresses et frères de Shallya :

1. Que le Culte de Shallya a été fondé par Sainte Pergunda sur ordre de Shallya elle-même.
2. Que la Très Sainte Matriarche est l’héritière de Sainte Pergunda, et administre selon la volonté de Shallya elle-même.
3. Que seule la Très Sainte Matriarche garantit le Rite.
4. Que seule elle peut déposer ou rétablir des grandes-prêtresses.
5. Que, devant le Synode, ses légats, même simples oblats, sont au-dessus de toutes les grandes-prêtresses et peuvent déposer chacune d’elles.
6. Que seule elle peut déposer quiconque en son absence.
7. Que seule elle possède le droit, selon les besoins du temps, de faire de nouveaux canons, de rassembler des communautés, de faire un chapitre ou une abbaye, de diviser un riche diocèse ou d’en unir des pauvres.
8. Qu’aucun Synode ne sera qualifié à se réunir sans son ordre.
9. Qu’un jugement par elle ne peut être annulé par quiconque.
10. Que les princes ne pourront embrasser les pieds qu’à elle seule. »


– Synode de Bastogne III, Année de Luccini 2407



L’été était à présent bien entamé. Plus de deux mois s’étaient écoulés depuis l’arrivée de Père Centule à la chapelle d’Orléac ; Éloi, qui s’était plus-ou-moins résolu à l’idée de partir en pèlerinage vers le saint-siège de Couronne, pensait que ce serait peut-être la dernière fois avant fort longtemps qu’il puisse revoir la ville dans laquelle il avait grandi. Peut-être le moment était-il le bon, d’ailleurs. Loin d’avoir l’innocence qu’il pouvait posséder lorsqu’il était jeune oblat, il avait dû faire quelque chose de grave : mentir. Sous les ordres de la sœur Nathanaèle, il avait caché l’abandon d’un enfant qui était atrocement marqué par la Ruine. Commettre un infanticide par exposition, c’était faire souffrir Shallya. Ne pas dénoncer le Mal, c’était contrevenir aux coutumes de Bretonnie. Il n’y avait bien que cette femme au visage de porcelaine pour voir une justice dans ses choix, mais, qu’il l’accepte ou le rejette, Éloi était devenu son complice.

Peut-être était-ce cela, la vraie vie, les décisions difficiles, les choix cornéliens que devaient effectuer les prêtresses du Livre des Larmes. Pourtant aucune de ces martyrs ne s’était abaissée au cynisme — devant la mort, devant la souffrance, devant les enfants aux ventres boursouflés et les orphelins qui hurlent de tristesse, elles se contentaient de prendre leurs maux pour elles, de pleurer à leurs places, afin que les innocents remarchent, et que les clercs s’effondrent. N’était-ce pas là le seul chemin que devait emprunter Éloi ? Gontheuc la Défigurée avait eu le visage ravagé par la lèpre, à force de soigner les lépreux. Nathanaèle partageait cet handicap — est-ce que Gontheuc avait le cœur aussi froid qu’elle ?

Elle s’était installée dans l’infirmerie. Parce que, alors qu’Éloi allait enfin se préparer à partir, une lettre arriva de Brionne, de la part de la grande-prêtresse et abbesse en personne. Sébire de Malicorne ordonnait à tous les clercs et oblats liés au monastère de s’y tenir, annulant tous les pèlerinages et tous les envois en mission qui étaient prévus. Tous ceux qui étaient actuellement présents se devaient de peupler les chapitres d’hôpitaux ou les orphelinats de la région, et personne ne devait quitter le duché de Brionne sous peine d’excommunication.
La première réaction de Centule, fut, bien évidemment, de se plaindre. Toute sa vie, il avait rêvé d’atteindre Notre-Dame-de-Couronne, et il refusait de mourir avant d’avoir vu la cathédrale fantasmée de ses propres yeux d’homme. Mais non, pour la quatrième fois de sa vie, le sort se jouait de lui, et on lui refusait ce vœu pieu. Clémence ordonna au prêtre trop guilleret et bon vivant de servir de médecin de campagne autour d’Orléac — un bon moyen de se débarrasser de lui et de ne plus l’avoir dans les pattes, tellement il dissipait toutes les jeunes filles et les jeunes hommes avec ses racontars à dormir debout de carnavals et de bals délurés en Tilée…

Pourquoi Sébire avait donné un tel ordre ? Si Éloi devait en croire Amandine, mais Amandine n’arrêtait pas de médire de tout le monde, cette décision n’avait rien à voir avec Shallya, mais avec son nom de famille. Malicorne.

Quelle atroce famille que la famille régnante de la marche de Lichy. De ses propres yeux, Éloi avait assisté à l'issue d'un massacre. À des hommes, et même une femme, criblés de flèches. Ici, à Orléac. La ville, bien sûr, avait ses mauvais quartiers, elle avait, comme on peut s’y attendre dans une cité à la fois peuplée et pauvre, ses truands — mais il y a une différence entre voler l’escarcelle de quelqu’un par malice, et assassiner de sang froid des gens, ici, à juste une heure de marche de la belle Orléac.
Pour presque tout le monde dans cette ville, du petit chiffonnier Garin jusqu’à Roscelin l’aubergiste, le crime était déjà tout résolu. L’identité des victimes principales fut vite connue : Ittocore Tontodonati, et Massimo Discenza, deux représentants d’une importante banque Tiléenne qui avaient des affaires personnelles avec la seigneuresse de Carqueray. En effet, l’histoire du droit de relief qui avait été promis au duc Théodoric — un million de deniers ! — pour que les Malicorne s’emparent légalement de la ville avec le mariage forcé de la jeune et jolie Sybille était source de bien des inquiétudes. En fuyant le fils du cruel marquis de Malicorne pour épouser un petit chevalier sans terre, elle avait privé le duc d’une énorme rente dont il entendait bien se repaître pour ses appétits. Est-ce que les banquiers étaient ici pour offrir un prêt, ou pour servir d’intermédiaires dans cet imbroglio ? Peu importe. Valère était le vrai coupable, tout cupide qu’il était, refusant que Sybille puisse s’acquitter de son relief ou négocier un arrangement à travers les places de foires si disputées entre les seigneurs… Son bâtard, qui avait pu garder son poste de bailli de Percefruit malgré le mariage de Sybille, avait d’ailleurs fui à toute vitesse dès le jour du meurtre. Il avait le mobile, le moyen avec sa petite troupe d’hommes d’armes, et tout le monde prit le délit de fuite comme un simple aveu du meurtre.

Sybille de Carqueray décida donc dès la fin de semaine de condamner à mort Guerric FitzValère. Il était à présent porté disparu, une prime sur sa tête, tandis qu’une plainte était déposée auprès du duc à l’encontre de Valère afin qu’il montre son fils devant le parlement pour s’expliquer. Valère de Malicorne avait tout de suite réagi en levant le ban de ses propres vassaux, et étant marquis, il en avait beaucoup, de vassaux.
La situation était soudainement atrocement tendue, alors qu’on était en plein été, normalement la bonne saison des foires, de l’ivresse, et de la richesse du monde qui coule dans tous les sens. Pour l’heure, ça s’était arrêté là. Mais c’était bien une Malicorne qui était grande-prêtresse de Brionne, et abbesse du monastère de Gontheuc à Orléac…



« Ah, tu as enfin trouvé ? »
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Pour des raisons qui ne tenaient qu’à lui, Éloi avait passé beaucoup plus de temps ces dernières semaines avec sœur Isarn. La vieille camérière, encore élégante malgré ses profondes rides et ses cheveux blancs, était bien connue de l’enfant ; elle était une femme plutôt agréable, plus que Clémence ou Michelle en tout cas, mais qui montrait une espèce de timidité peu imaginable chez une femme qui avait de l’âge et de la stature. C’était une bâtarde, fille d’un grand-oncle du duc Théodoric, et d’une simple lavandière — sa mère avait condamné son sang à ne pouvoir avoir de grands espoirs, mais son père lui avait permis d’avoir une éducation, et donc d’être l’une des prêtresses de l’abbaye les mieux lettrées. Elle était passablement dévote, discrète, plus intéressée par ses papiers que par les soins aux pauvres et aux malades. Après tout, il fallait bien quelqu’un pour gérer les stocks, la paperasse, toutes les choses contingentes qui n’intéressent pas celles qui rêvent de sauver le monde et de devenir saintes…
…En travaillant avec elle, Éloi découvrit pourtant une toute autre femme chez Isarn. Une beaucoup plus maligne et ambitieuse qu’il ne le pensait. Elle avait des opinions, sur beaucoup de choses. Il fallait un peu élégamment insister par des jolis mots détournés pour la faire parler, pour surpasser cette timidité masquée derrière un voile de fermeté, mais elle connaissait beaucoup Orléac, et le duché de Brionne, et même le fonctionnement des Synodes de Shallya. Elle rêvait que le culte s’occupe mieux des pauvres, et pensait qu’il fallait pour cela ne pas se limiter aux donations volontaires de quelques aristocrates qui veulent racheter leurs consciences.

Actuellement, Éloi l’aidait à gérer des archives. Dans le sous-sol de l’abbaye, il faisait frais, ce qui devait être très pénible en hiver, mais salvateur en cet été. À l’extérieur, l’air marin de Brionne transformait la cité en fournaise, et les quelques nobles autour de Sybille passaient toutes leurs journées à l’ombre, comme la majorité des gros bourgeois. Les sœurs étaient débordées par les applications de cataplasmes sur des coups de soleil, ou la réhydratation de bonnes femmes qui ne buvaient pas assez. Amandine soupçonnait en fait qu’Éloi avait choisi d’être dans les pattes d’Isarn simplement pour être à l’abri, dans le froid de la vieille pierre.
Mais des archives, par contre, il n’y avait que ça. Des caisses, des armoires, des coffres qui en débordaient. Des traités, des codex, des reliures, des cartulaires, en parchemin pour les plus anciens, en papier pour les plus récents, et des tampons cirés de toutes les couleurs et de toutes les tailles qu’il fallait manipuler avec une extrême précaution pour ne pas briser le fin lac de toile qui les reliait aux documents. Tout ne provenait pas seulement de l’abbaye ; chaque orphelinat, chaque hôpital, et le récent asile du duché de Brionne devaient envoyer leur paperasse ici. C’était aussi là qu’on conservait des manuscrits, des psautiers qui étaient retirés car ils ne correspondaient plus exactement au Rite, et de la comptabilité, et des rapports par les missionnaires partis dans les Principautés Frontalières ou le fin fond de l’Arabie… Il y avait de quoi lire, et c’était tout un apprentissage pour trouver et retrouver ce qu’on cherchait. Il n’y avait bien qu’Isarn pour se déplacer nonchalamment d’écriteau en écriteau, en retrouvant tout ce qu’elle voulait d’un coup d’œil.
Au moins, Éloi avait tiré de cette expérience de meilleures connaissances en Classique, car absolument tout était rédigé dans cette langue. Mais la maîtrise de ce Classique frôlait parfois l’incompréhensible selon qui avait pris sa plume pour écrire… De quoi devenir aveugle très vite, et d’ailleurs, alors qu’Éloi déposait le rouleau de papier sur le bureau tout au centre des archives, Isarn ouvrit une petite boite de laquelle elle tira une paire de lunettes qu’elle posa sur son nez.

« C’est exactement ça… Voilà qui intéressera la révérende mère. J’ignore pourquoi, mais elle m’a demandé des informations sur les précédentes Grandes Pestes qui ont frappé Brionne. Il n’y a eu que ça dans l’histoire du duché, alors, ça déborde, mais elle souhaitait trouver des preuves d’actes qu’on put conseiller — voire ordonner — des grandes-prêtresses du passé pour endiguer la transmission des épidémies.
J’ignore pourquoi elle veut savoir tout ça. Il faudra lui poser la question lorsqu’elle arrivera. »


Car elle allait arriver. Aujourd’hui même. Et, pour la première fois depuis bien longtemps, Éloi découvrit une émotion insoupçonnée chez Clémence :
L’inquiétude.

La sœur prieuse était totalement maîtresse d’elle-même, tout le temps. Elle ne souriait jamais. Pleurait très peu aussi, ce qui était étonnant de la part d’une Shalléenne — montrer ses émotions, surtout les larmes, est encouragé dans cette religion. Mais là, lorsqu’elle reçut une missive de la grande-prêtresse prévenant de sa visite, elle se mit à redoubler d’engueulades et de cris sur tout le monde, de la camérière jusqu’au simple oblat de 9 ans. Comme si tout le monde risquait de la faire mal paraître devant sa supérieure hiérarchique. Elle avait ordonné à Amandine de faire mieux chanter les enfants, à Annabelle de faire laver les vitraux, et, surtout, à Pierrot d’arrêter de mâcher la bouche ouverte. Quant à Centule, c’était déjà peine perdue pour qu’il se tienne bien, aussi espérait-elle simplement que la révérende mère ne lui tombe pas dessus.

La soudaine agitation de Clémence, si elle avait de l’effet sur les esprits les plus malléables, provoqua surtout l’amusement chez les jeunes. Amandine, surtout, était extrêmement douée pour sourire comme une sotte dans son dos, et afficher une mine grave dès que la prieuse se retournait subitement pour la regarder.

Mais si tout ça invitait à rire, l’arrivée de la révérende mère avait de quoi faire peur également. Son neveu naturel était, après tout, condamné à mort. Son grand frère était en train de lever une armée. Toute Shalléenne qu’elle était, sa présence ici risquait d’attiser des tensions, tensions que n’apprécie pas le rite de Shallya. Trois mille ans de neutralité et de pacifisme, quel poids ça pouvait bien avoir ?



Elle arriva en fin d’après-midi. Éloi n’était sorti des archives que pour manger un morceau très rapide au réfectoire. Amandine vint l’embêter durant ce temps-là, pour à nouveau dire des âneries aux dépens de Clémence, un petit peu, dans la limite de ce qui pouvait être permis, et aussi pour le mettre au courant de ce qui se passait à Orléac. Les deux jeunes gens avaient pas mal d’amis communs dans cette ville, après tout. Ils avaient commis les mêmes conneries dans les mêmes ruelles. Amandine fit une invitation assez étrange, à Éloi : elle lui proposa d’aller boire un coup chez Roscelin, un soir. C’était étrange, parce que les seules fois où ils étaient allés chez Roscelin, c’était pour manger, et en plein jour.

Pas tellement le temps de trop y penser, alors qu’il faisait la paperasse d’Isarn. On entendit quelqu’un frapper aux archives, et une jeune fille de 13 ans, une autre oblate orpheline — Urielle, son nom — annonça la venue de la Révérende Mère. Isarn la congédia, se releva, s’assura que sa belle robe jaune était en bon état et bien présentable, voila ses cheveux sur la tête, et tous les deux purent remonter les marches pour atteindre le rez-de-chaussée, traverser la grande abbatiale vide, et atteindre à travers le cloître la clôture monastique.

Il n’y avait pas tout le monastère de présent — en pleine journée, beaucoup étaient au petit sanctuaire en contrebas de la ville, ou prodiguaient des soins sur le port. Une au moins était occupée au donjon de Sybille, car un laquais était, à ce qu’on dit, tombé malade. Mais il reste que, attendant devant, se trouvait pas mal de jeunes sœurs. Celles qui normalement devaient être à l’infirmerie pour préparer des remèdes, au scriptorium pour rédiger des commandes de livres de seigneurs, au jardin pour jardiner, ou à la cuisine pour cuisiner — toutes étaient devant, sur le chemin. Le pauvre gros Pierrot, un peu andouille, tentait d’éloigner les poules bien peu efficacement, en trottinant derrière leurs croupions. Clémence, toute droite au milieu des sœurs, ne put s’empêcher de crier :

« Pour l’amour de Shallya ! Pierrot, vous vous y prenez mal, faites-les dégager !
– Hééé, j’essaye, sœur prieuse ! »

Amandine gloussa de rire. Clémence se tourna à 180°, presque comme une chouette, pour découvrir l’origine du bruit. Il fallut peut-être toute l’énergie des mandibules de la préchanteresse pour grimacer afin de ne pas se faire découvrir, mais enfin, Clémence se retourna en fronçant des sourcils sans la découvrir.

Centule tapota l’épaule d’Éloi, et commença à lui parler à petite voix.

« Bordeeeeel… ça fait tellement longtemps que je l’aie pas vue, la Sébire. Hé, elle était pas encore abbesse quand j’étais là, mais elle a vite vite monté des galons, à la jalousie de tout le monde.
Je me demande si-

– CHHHHHHHHHHHT ! »

Clémence darda des yeux de colères vers Centule et Éloi. Surtout Éloi, alors que le pauvre était innocent et n’avait rien dit. Voilà l’embarras dans lequel le mettait le bon padré. Enfin, Centule se remit bien droit en faisant mine de ne rien voir.

Par l’amour de Shallya, Pierrot arriva à bien dégager les poulettes. Et donc, la grande prêtresse put faire son entrée au bon moment.

Six chevaux étaient lancés à petite allure. Ils escortaient, deux devant, deux derrière, deux sur chaque côté, une grosse voiture avec attelage de deux canassons. De très belles montures — pas des destriers Bretonniens non plus, mais au moins des percherons bien solides, rien à voir avec le mulet bâté qu’Éloi utilisait pour se rendre à Percefruit. Un riche bourgeois aurait aimé les monter, ceux-là. Et d’ailleurs, la voiture elle-même était bien jolie : une solide calèche, tout en noble chêne, avec des fenêtres grillagées, qui étaient même… Vitrées. Vitrées en verre. Certes, Brionne était une région productrice de verre, mais tout de même, c’était un petit luxe qui ne seyait pas trop au Shalléenisme bien rigoriste. Clémence n’arrêtait pas d’engueuler les oblats qui consommaient trop de chandelles pour rédiger au scriptorium, la révérende-mère n’avait pas ce souci de l'économie.

« Hé beh, elle se fait plaisir, notre grande-prêtresse. »

Mais en revanche, le véritable scandale fut découvert alors que les chevaux passaient la clôture monastique. Dressés sur les six bêtes, on découvrait, pour le donner en mille : des soldats. Des soldats armés. Des mecs costauds, aux gueules couturées de cicatrices et aux barbes mal rasées, arbalètes sur le dos, brigandines décolorées brunes sur le buste, chapels de fer sur la tête. Ils n’avaient aucun signe d’aucune mesnie ou guilde sur leur équipement, c’était déjà ça, l’horreur que ça aurait été de découvrir des hommes d’armes portant un insigne de colombe sur le dos. Mais voilà, alors que les gardes tiraient sur les rênes de leurs montures et se jetaient hors de la selle, toutes les prêtresses eurent une mine apeurée en découvrant ces rustres.
Clémence elle-même, si neutre et si obéissante, faisait une mauvaise tête, et dévisagea bien longtemps l’un de ces sbires.

Un homme d’armes s’approcha de la porte de la calèche. Il l’ouvrit et fit un signe de tête. Alors, une jolie prêtresse descendit. Jeune, bien mise, avec la robe jaune habituelle, Éloi ne put s’empêcher de remarquer un détail : elle était maquillée. Coquelicot sur les lèvres. Ça l’avait frappé tout de suite, parce qu’aucune des femmes de toute l’abbaye, zéro, ne mettait habituellement du maquillage sur le visage.
La prêtresse tendit sa main. Une gantée de soie blanche l’attrapa, et voilà que la Révérende-Mère descendit, aidée de sa subalterne.
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Imagine tout ça mais en blanc et doré


Elle était extravagamment sublime. De la tête aux pieds, en fait. Sa grande soutane blanche semblait rembourrée d’hermine, son camail dans le dos était décoré d’une broche de colombe sertie d’un émeraude, ainsi que de rubans d’or qui s’accrochaient autour des épaules. À de sa taille, elle portait une ceinture sur laquelle quatre clés, des clés d’hospices et de l’abbatiale qui étaient ses symboles de fonction, pendouillaient. Ses mules aux pieds étaient faites de velours et de satin rouge, et claquaient bien tandis qu’elle remontait le chemin de cailloux. Si elle portait bien un voile autour de la tête, il ne permettait qu’une fausse décence, car ses cheveux noirs tressés en chignon apparaissaient bien derrière elle, tandis qu’au-dessus du front, elle portait une sorte de diadème qui représentaient deux ailes de colombe. Encore plus maquillée que la jeune prêtresse, elle avait du fard sur les paupières qui faisaient bien ressortir ses sourcils.
On aurait dit une princesse. Tout sauf une Shalléenne. Elle s’approcha tout droit en levant bien le menton, et observa rapidement le clocher de l’abbatiale, l’orangeraie, et le perron, jusqu’à arriver devant Clémence.

La prieuse fit une croix sur son cœur, signe de salutation.

« Révérende-mère, avez-vous fait bon voyage ? Je me dois de- »

Sébire étendit sa main gantée de soie. Sur un des doigts, se trouvait un gros anneau sigillaire. Clémence se pencha et l’embrassa du bout des lèvres, avant de se lever et de reprendre. Elle s’éclaircit la gorge, et pourtant, sa voix avait changé : bien plus maniérée que d’ordinaire.

« Révérende-mère… Est-ce des hommes armés avec vous ?
– Mon escorte. Les routes ne sont pas sûres, comme ce récent et sordide meurtre de ces deux Tiléens le prouve.
– Bien, d’accord… Je…
Vont-ils bien déposer leurs armes avant d’entrer, s’ils entrent ? »


Sébire fronça des sourcils.

« Hé bien, ils feraient de biens pauvres gardes-du-corps s’ils étaient désarmés, n’est-ce pas ?
– Je… Bien sûr, bien sûr, mais je veux dire…
Selon la donation, tout est terre consacrée depuis le perron, habituellement quand les chevaliers viennent prier ils laissent leurs fourreaux d’épées devant la cabane du concierge… »


Sébire resta silencieuse. Forçant Clémence à continuer de parler.

« Enfin je veux dire, ça pourrait désacraliser l’abbatiale !
– Oh. En effet. Vous avez raison, je n’avais pas pensé à ça », dit-elle tout froidement. « Hé bien, il faudra que je reconsacre tout en partant, vous avez bien des cierges, non ? »

Elle regarda tout droit dans les yeux de la prieuse, tandis que Clémence lui offrait un sourire gêné et tremblant. Visiblement, elle voulait protester. Mais la prieuse n’osa rien dire.

« Bien. Quand les prêtresses seront-elles réunies ?
– Ce soir, pour le dîner au réfectoire.
– Bien. Juste avant, vous les appellerez dans la salle du chapitre, j’ai une importante annonce à faire. En attendant, je peux retrouver mon bureau ?
– J’ai déjà fait changer les draps et les rideaux ! Et il y a à manger si vous le souhaitez !
– Excellent, merci, ma sœur. »

Tandis qu’elle parlait, elle avait claqué des doigts à l’intention de deux de ses costauds mercenaires. Ils passèrent derrière la calèche, de laquelle descendaient deux jeunes filles qui n’avaient pas de robe de bure, mais qui portaient d’élégantes mises ; on aurait dit des dames-servantes. Voire des petites nobles.
Les deux costauds mercenaires soulevèrent une grosse malle attachée à la voiture. Ils la tenaient tous les deux à bout de bras avec un petit peu de peine malgré leur forte allure.

« Bien, parfait… J’ai à vous parler un petit peu, vous n’êtes pas occupée ?
– Certainement pas si vous le demandez, révérende-mère.
– Bien, bien, excellent. C’est un plaisir pour moi de venir ici. Vous me ferez visiter un petit peu ? Vous gérez toujours très bien l’abbaye en mon absence, je sais déjà qu’absolument tout sera parfait, mais je souhaite tout de même vous féliciter pour chaque chose que vous avez accomplit.
L’une des prêtresses peut guider mes serviteurs en attendant ? Vous n'avez pas à vous occuper personnellement de si peu.

– Certainement si vous le demandez, révérende-mère ; Annabelle, tu te charges de guider ces… Ces messieurs dames ? »

Annabelle s’avança, se signa en baissant la tête, et approuva d'une petite voix. Tout le monde allait donc pouvoir se séparer et se remettre au travail.
Alors que le petit groupe s’éparpillait et que Clémence allait avec joie tout présenter en visite guidée à la grande-prêtresse, Sébire croisa Centule. Soudain, son visage fermé s’éclaircit, et elle lui offrit un magnifique sourire.

« Frère Centule ! C’est pas croyable, les Tiléens vous ont pas fait rôtir ?!
Oh ma parole ! Ahaha ! Alors, toujours aussi demeuré ?! »


Les prêtresses encore présentes haussèrent un sourcil devant le soudain accès d’amitié — et surtout l’insulte.
Mais Centule sembla le prendre bien. Il fit une révérence, et eut simplement à répondre :

« Toujours votre dévoué serviteur, révérende mère. »

Une réplique cinglante. Clémence eut l’air encore plus paniquée que d’habitude.
Mais Sébire sourit de plus belle.

« Vos traits d’esprits m’avaient manqué ! Heureuse de vous revoir en état, je vous parlerai plus tard.
Je vous suis, sœur prieuse.

– Les ruches, tout d’abord, je pense que c’est ce qui va le plus vous intéresser. »
Jet d’empathie sur Isarn (Bonus : +4, parce que tu passes un sacré bout de temps avec elle) : 15, échec de 1 seulement, tu as quand même des détails dans la narration.
Jet d’observation d’Éloi aux archives : 17, laisse tomber.
Jet de sens de la magie d’Éloi : 19, laisse tomber bis. T’es pas en forme ce mois-ci.
Jet d’observation d’Éloi devant Sébire : 15, laisse tomber.
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Frère Éloi
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par Frère Éloi »

Le lointain son du carillon de l’abbatiale me tire de ma studieuse concentration. Frottant machinalement d’un revers de main mes paupières fatiguées par l’obscurité ambiante, je toise d’un œil sévère les lignes d’écriture biaisée s’étirant sur le fin rouleau de papier. Ce ne sont pas les mots en Classique qui me retiennent ici, car ces dernières semaines passées à rendre service céans ont nettement consolidé ma maîtrise de ce langage. Si j’apprends encore régulièrement en la matière, je suis désormais capable de déduire par inférence la plupart des tournures même les plus désuètes. Mais pour cela, encore faut-il être en mesure de déchiffrer la plume parfois hasardeuse du clerc ayant rédigé le manuscrit. Passablement frustré, je laisse mon regard errer au hasard dans l’obscurité des archives, bien au-delà du petit halo de lumière formé par ma lampe à huile. Nul cierge, ni bougie alentours, toute flamme non protégée étant strictement proscrite en ces lieux, en ce qu’ils recèlent l’un des trésors les plus précieux de notre abbatiale. Ici sont entreposés quantités de documents de valeur, à la portée tant temporelle que spirituelle. Ici, inventaires comptables, titres de propriété de l’ordre, registres de donations, côtoient quantités de manuscrits discutant des rites de notre ordre. J’ai aussi pu manipuler plusieurs psautiers, recueillant pour certains des psaumes différant quelque peu du canon que l’on m’a inculqué. Sœur Clémence n’approuverait pas que je m’attarde sur certaines de ces lectures, je le sais, et je n’en ai de toutes façons pas le loisir. On m’a confié une tâche à laquelle je vaque avec diligence et assiduité, m’évertuant à chercher le texte demandé.

Sœur Isarn est une femme bien singulière, au tempérament et centres d’intérêt peu communs. Lorsque je me suis présenté aux archives, désœuvré, prêt à aider, elle m’a accepté sans trop me questionner. Depuis le sordide et pénible spectacle de la macabre charrette, j’ai ressenti le besoin de cacher ma misère intérieure aux regards de mes sœurs. Je n’aspirai alors guère à la sollicitude d’autrui, tout au plus à l’oubli. Mon errance préoccupée au sein de l’abbatiale m’ayant mené jusqu’ici, j’y ai trouvé une sœur camérière assez réservée, toute disposée à me déléguer quelques tâches pour me changer les idées. Dans la pénombre de ce paisible sanctuaire, je pouvais méditer quant aux événements récents. Un tumulte politique de mauvais augure continuait d’ailleurs de faire rage à l’extérieur, la tuerie ayant avivé les braises du conflit d’intérêt lié au mariage inattendu de Sybille de Carqueray. Les jours ont passé, mais celui de mon départ planifié en pèlerinage avec Frère Centule sur les chemins de Notre-Dame-de-Couronne n’est jamais arrivé. La nouvelle nous est en effet parvenue que Sébire de Malicorne, Grande Prêtresse du Culte en Brionne, ordonnait la cessation immédiate de tous les déplacements des clercs shalléens entre les villes du duché. La raison de cette injonction prêtait à spéculation, mais son exceptionnelle gravité suscitait autant d’étonnement que d’appréhension. Quelque temps plus tard, deux missives avaient suivi, émanant également de notre abbesse : l’une annonçant sa venue imminente, l’autre confiant à Isarn une tâche d’inventaire ciblé, concernant les registres des décisions prises par les grandes prêtresses de l’ordre lors des épisodes de grande peste dont le duché est malheureusement coutumier. Cette dernière information n’est pas connue de tous, et Isarn m’a bien fait comprendre l’importance d’en taire la teneur. Je m’en inquiète néanmoins, dans le secret de ce sous-sol, car les implications d’une telle demande sont loin d’être anodines.

Je cligne des yeux. Isarn m’a parlé, et semble attendre de moi que je lui amène le document. Quelques pas mesurés le long de fragiles rayonnages, je dépose avec déférence le rouleau demandé sur son bureau au centre des archives, et patiente là, en attente de son verdict. Peut-être, après tout, vais-je devoir le ranger immédiatement. Tandis que la sœur examine le document de plus près, une paire de lunettes posée sur son nez pour aider ses yeux fatigués, je ravale une intervention certainement malvenue, ne souhaitant pas troubler sa concentration. Bien m’en a pris, dans un sens, puisque par quelque heureux hasard, ce document indéchiffrable à mes yeux encore peu aguerris se trouve constituer une fière avancée dans la poursuite de l’ordre de la grande prêtresse. Soulagé d’avoir pu aider à ma modeste échelle, je m’en retourne vaquer.

***

Plus tard dans l’après-midi, tous les clercs présents à l’abbatiale sont convoqués dans la cour d’honneur pour accueillir notre grande prêtresse, dont l’arrivée se fait maintenant imminente. Sagement inscrit dans le rang, je garde les mains jointes ou nouées devant moi, pour éviter que celles-ci ne trahissent l’état de mes réflexions. Mon esprit est en effet voilé d’incertitude, encombré de multiples motifs d’hésitation, car Amandine m’a fait cette après-midi une étonnante proposition. Quelques heures plus tôt, à l’occasion du repas, elle m’a en effet proposé d’aller boire un coup chez Roscelin. Si je n’ai pas immédiatement répondu, je suis décidément fort partagé, embarrassé par l’audace de la proposition, eut égard aux règles strictes de l’abbatiale d’une part, mais surtout aux préceptes de Shallya. Je sais que Clémence désapprouve et sanctionnerait ces comportements, en application du précepte que j’ai d’ailleurs rétorqué, la mine ennuyée, à Amandine tout à l’heure. Ne gaspillez pas votre énergie pour vos plaisirs personnels. Ce à quoi elle m’a rétorqué avec un sourire taquin que Roscelin ne nous ferait pas payer, que la journée de service est pour ainsi dire achevée après vêpres ou complies, et que de toute façon, personne n’en saurait rien. Je suis partagé à ce sujet. Shallya ne m’en tiendrait peut-être pas rigueur, mais qu’en serait-il de Clémence ?

Les murmures se taisent, une calèche tirée par un conséquent attelage passant la clôture monastique. Le beau véhicule de chêne est déjà motif d’émerveillement en tant que tel, mais mon cœur et mes lèvres se pincent en discernant l’allure des cavaliers au-devant de la voiture. Leurs trognes sont patibulaires, mal lunées, mais surtout, ils portent encore leurs armes à leur côté. Déstabilisé, je crains d’avoir mal vu, quoique l’erreur ne soit pas possible en l’occurrence. Sourcils froncés, je m’émeus un peu. N’eut été la situation solennelle dans laquelle nous nous trouvons, je serais immédiatement allé au-devant de la soldatesque pour leur notifier leur inqualifiable atteinte à la pureté des lieux. Je fulmine présentement devant l’impensable spectacle d’une troupe armée se tenant nonchalamment au côté de la statue bénie de Sainte Gontheuc. Mais la porte de la calèche s’ouvre déjà, et, bon gré, mal gré, je me tiens coi.

Douce Shallya, que ta grande prêtresse Sébire est belle. L’abbesse de ces lieux est splendide, ravissante à vrai dire, dans ces atours de blanc et d’or. A vrai dire, je n’ai pas les mots pour qualifier le sublime, l’ostentatoire faste de notre révérende mère en cet instant. Bouche bée, je m’oublie un moment dans l’admiration de la grâce mesurée de ses moindres mouvements, plus particulièrement surpris par la présence de fard sur son visage que par son riche, somptueux accoutrement. Ma curiosité première assouvie, je détourne le regard, fixant le sol un moment, pensif. Je sais que, n’en déplaise à Amandine, Sébire de Malicorne fait beaucoup pour le clergé de Shallya, en Brionne et au-delà. Devant tant de richesse et de désinvolture, toutefois, en mon for intérieur je m’interroge. Est-ce vraiment cela, une princesse de la foi ?

J’éprouve le besoin impérieux d’aller bientôt évoquer ces sujets -et d’autres- avec Amandine. Lorsque la cérémonie d’accueil touchera à sa fin, j’irai accepter son invitation. Clémence sera bien trop préoccupée par la présence de la grande prêtresse Sébire pour se rendre compte d’une escapade sans conséquence après les complies.

Après cela, il me faut retourner aux archives, car si l’intuition de sœur Isarn est correcte, la grande prêtresse est susceptible de s’y rendre également après sa visite.
Frère Éloi Voie du Prêtre Mystique
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États temporaires
Une vie de Paix : +1 à tout jet visant à guérir un patient blessé, malade ou empoisonné.
La vie avant tout : doit tenter d'interrompre les affrontements auquel il assiste, à moins que le combat ne soit mené contre des ennemis.

Compétences :
- Maîtrise de l'Aethyr (1)
- Coriace : -1D3 dégâts subis.
- Réflexes éclairs : +1 aux tests d'initiative en situation de surprise.
- Résistance accrue : +1 aux tests d'endurance.
- Sang froid : +1 aux tests de caractéristiques effectués en situation de stress ou tension.
- Volonté de fer : +1 aux tests de volonté.
- Traumatologie : Sait administrer les premiers soins ou favoriser une guérison plus rapide.

- Alphabétisé : Capable d'écrire et de lire le Bretonnien.
- Langage secret (Classique) : Capable d'écrire et de lire le Classique.
- Législation : Sait manipuler le droit à son avantage.
- Doctrine du Culte (Shallya)

- Cuisine : Se débrouille en cuisine. +1 pour détecter des substances nocives dans la nourriture.
- Empathie
- Affûtage mental
- Incantation - Shallya
- Sens de la magie
Équipement porté sur soi :
8 sous d'argent 8 deniers
- Bâton de marche
- Robe de bure jaunie / Tenue en lin / Ceinture / Sandales
- Grande sacoche contenant couverts, rations diverses
- Livre de prière de Shallya
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Il retournait aux ténèbres. Traversant l’église abbatiale, il empruntait discrètement les escaliers en colimaçon qui le faisait descendre jusqu’aux archives. Il y avait un détail étrange à noter : Comme il l’avait remarqué depuis son enfance, le temple n’avait aucune crainte d’exposer des reliquaires, et des meubles liturgiques couverts de dorures et de pierres précieuses à la vue de tous. Qui oserait voler un Temple de Shallya ? Mais les archives, au contraire de tout ce qui avait une véritable valeur intrinsèque, faisaient l’objet de beaucoup plus de précautions bêtement humaines. La grande porte en bois dur était verrouillée par un mécanisme assez élaboré, et il lui fallut poireauter devant pour que sœur Isarn revienne, descende une à une les marches en faisant très attention à ne pas tomber — elle se plaignait d’avoir mal aux hanches depuis qu’elle avait mis au monde un enfant qu’Éloi ne connaissait pas — et daigne enfin sortir de son manteau la clé qui leur permettrait à tous les deux d’entrer.

Éloi refit les quelques menues tâches matérielles qu’Isarn lui ordonna de faire. Rien de très physique ou de véritablement éprouvant : préparer les encriers, faire chauffer un peu de cire, rassembler des plumes et tirer des feuilles de papier au cas où Sébire aurait envie d’écrire quelque chose. Il se mettait donc méticuleusement au travail, tandis que derrière son bureau, la camérière rassemblait tous les types d’ouvrages qu’elle avait demandé à Éloi de sortir de leurs commodes de rangements la semaine passée.

Il y eut bien une bonne demi-heure qui passa, dans un silence studieux, lorsque quelqu’un toqua à la porte. Isarn leva le museau, ses lunettes sur le nez, et fronça les sourcils.

« Ça ne peut pas être la révérende-mère.
Va ouvrir. »


Éloi alla prestement obéir. Il s’approcha de la porte, poussa le gros loquet de l’intérieur, et la tira.
Se trouvait alors devant lui une prêtresse qu’il ne reconnaissait pas : elle ne venait pas d’Orléac.
Image


Elle portait une grosse robe blanche, plus grande que sa taille, qui tombait le long de son corps de manière à bien masquer sa physionomie. Elle semblait avoir le même âge que lui, peut-être quelques années de plus. Son visage, pourtant, était lui fort bien découvert ; Elle avait de jolis cheveux avec des tresses en or, des lèvres maquillées de violet, et surtout, bien plus intéressant, d’énigmatiques peintures blanches qui formaient des flèches le long de son front et autour de son nez. Éloi savait que c’était un usage répandu chez certaines sœurs plutôt mystiques, le genre de saintes qui faisaient des miracles dans le Livre des Larmes.
Mais étonnamment, ce n’était pas ça qui marqua le plus le jeune oblat. En croisant son regard, il se mit à tressaillir, tandis qu’il sentait une espèce d’aura autour d’elle, une que même Sébire n’avait pas malgré la richesse de sa tenue. C’était difficile à expliquer, mais au moment où il l’observa, il jura qu’il entendit le roucoulement d’une colombe, et il sentit un oiseau battre des ailes tout près de son visage.

La prêtresse haussa un sourcil interrogateur. Elle regarda Éloi de la tête aux pieds. Avec insistance. Assez pour froncer des sourcils tandis qu'elle l'étudiait.

« Heu… Sœur Isarn est-elle ici ? Je viens de la part de la révérende mère. »

Éloi la fit entrer. Même en le dépassant, la prêtresse continua de regarder le jeune homme droit dans les yeux. C’est uniquement après avoir fait quatre ou cinq pas à l’intérieur des archives qu’elle tourna sa tête droit devant elle, et qu’elle traça jusqu’au bureau.
En la voyant, Isarn retira ses lunettes et lui fit un grand sourire.

« Sœur Solène. Vous venez préparer la réunion du chapitre ?
– La révérende-mère ne tardera pas trop, mais elle souhaite mettre la prieuse au courant en secret tout d’abord. Par respect pour elle, vous comprenez ? »

La-dite Solène s’arrêta devant le bureau et se toucha les lèvres violettes. Elle désigna alors Isarn du bout des doigts, preuve du respect qu’elle lui vouait. Isarn lui répondit en signant sa poitrine.

« Je n’aime pas faire des recherches secrètes dans le dos de la sœur prieuse, mais je sais que la révérende-mère ne m’aurait pas donné tel ordre sans une bonne raison.

– En effet, la demande était justifiée, pas par crainte que Clémence ne soit pas fiable, mais parce que mère Sébire n’était pas sûre elle-même de ce qu’elle souhaitait faire. »

Solène posa ses mains dans le dos. Elle se tourna, et regarda Éloi droit dans les yeux, silencieuse. Après un petit instant de mutisme général, Isarn hocha de la tête.

« Frère Éloi est un garçon en qui j’ai confiance. Vous pouvez parler avec ses oreilles qui écoutent.
– Moui. Mais ça reste un homme. »

La jeune sœur regarda à nouveau Isarn droit dans les yeux, se désintéressant de l’oblat.

« Le Seigneur des Mouches a étendu ses ailes sur le bourg de Clermont-d’Aquitanie. Les sœurs de l’hospice de cette ville commencent à être débordées par de nouvelles consultations liées à une épidémie peu sévère, mais dont la rapidité de la propagation est fortement anormale.
– Le… Le seigneur des mouches ? Ce n’est pas une accusation à prononcer à la légère. »

Solène attrapa quelque chose dans sa poche. Un bout de brouillon qu’elle déplia très soigneusement, pour le poser aux yeux d’Isarn.
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« Ce sont des graffitis que j’ai observé de mes propres yeux à Clermont. Il y en avait tout le long de l’hôtel du gouverneur local, ainsi que sur les murs de la garnison. Ce genre de symboles est courant dans les lieux où vivent les indigents, mais pas avec une telle profusion, et certainement pas près de là où vivent les hommes de justice.
Le gouverneur de Clermont pense que ce n’est que l’œuvre de quelques apostats sans gravité. Mais je l’ai senti, ma sœur, moi-même : quelque chose de grave se trame là-bas. L’épidémie qui a commencé à se propager à l’intérieur des remparts a été conçue puis dirigée. »


Isarn fit des gros yeux. Elle tira le papier vers elle, et dessina du bout du doigt le triple cerclé cerné de flèches.
Oui, Éloi savait ce que ce signe signifiait. Pas franchement précisément. Il savait qui était le Seigneur des Mouches ; Mais aux yeux des sœurs les plus rationnelles, ou les plus taquines, ce n’était qu’une figure mythologique. Comme beaucoup de religions avaient besoin de concevoir le Mal en le représentant par des gargouilles, ou des espaces remplis de flammes et de petits démons à la queue fourchue. Mais au-delà du mythe, de l’ennemi indicible, de la maladie qui ne cesse de se réinventer pour vaincre tous les remèdes… Qui serait assez fou pour l’invoquer ? Pour souhaiter affliction chez autrui ?

« C’est… C’est gravissime. Quelles décisions ont été prises à l’heure de ces événements ?
– Aucune. Le gouverneur ne croit même pas qu’il y ait une maladie dans sa ville. Il pense que ce ne sont que des épisodes de dysenterie comme d’autres. Pour empêcher que l’hospice général soit surchargé, il a fait interdire les nouvelles consultations sauf pour les urgences les plus graves. La supérieure de l’hospice a réclamé l’aide de mère Sébire pour obtenir du renfort, mais le gouverneur refuse que des patients soient transportés à d’autres temples proches.
Mère Sébire souhaitait en parler au Duc. Mais il y a eu cette affaire à Orléac des Tiléens morts, et on accuse son grand frère, alors toute faveur qu’elle possédait auprès de Son Altesse Théodoric est devenue plus difficile à invoquer. »


Isarn approuva d’un hochement de tête. Et elle regarda à nouveau le brouillon, silencieuse.
C’est là que Solène se tourna vers Éloi. Et, pour la troisième fois, qu’elle l’étudia en le regardant droit dans les yeux.
Un peu inquiète, elle frotta ses mains devant elle. Mais avec une voix grave, elle s’adressa à lui directement.

« Et toi, frère ? Est-ce que tu as senti le Seigneur des Mouches ici, récemment ? »

La camérière leva le regard.

« Pourquoi lui ?
– Je me pose la même question. Pourquoi Shallya s’adresserait à un mâle ? »

Jet de connaissances pour identifier les marques sur le visage de la prêtresse (Bonus : +2) : 14, échec.
Jet de sens de la magie : 1, réussite critique
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par Frère Éloi »

De retour aux archives, sœur Isarn me confie l’essentiel des préparatifs dans l’hypothèse où la Révérende Mère Sébire se rendrait bientôt céans. Vaquant de fait machinalement au rangement de telle étagère et au dépoussiérage de telle autre, je cogite beaucoup. Je suis affecté par la désacralisation de notre enceinte du fait de l’escorte de la grande prêtresse. Je m’interroge quant aux liens de notre atypique abbesse avec la noblesse. Je suis préoccupé, aussi, au sujet mon rendez-vous avec Amandine convenu pour après les complies. Tous ces sujets s’entremêlent dans mon esprit, et je ne vois pas le temps filer. Lorsque enfin l’on toque contre le lourd battant de la porte des archives, n’ayant pas encore ouï le carillon, j’en déduis qu’il n’a pu se passer une heure depuis mon retour. C’est aussi un peu tôt pour que l’abbesse soit déjà revenue de son tour d’inspection du domaine. Quoi qu’il en soit, je me dirige d’ores et déjà vers ladite porte, non sans solliciter du regard l’assentiment de sœur Isarn, et ouvre.

Je tombe nez à nez avec une sœur que je ne connais pas. Sa robe est blanche, marque de noble ascendance. Des tresses parées d’or encadrent son visage curieusement maquillé. Sur le moment, je n’y pense pas, mais j’ai déjà eu connaissance de ce type d’usage rituel au gré de mes lectures. Interloqué, je reste là un moment, béat, stupéfait, stupide. J’en oublie de me signer, de la saluer. Le violet de ses lèvres remue : elle s’adresse à moi, mais je n’ai d’yeux que pour le fond de son regard rivé au mien. Assailli d’un sentiment familier, je tressaille, et me sens réagir. Il y a quelque chose de familier chez cette personne. Nonobstant la pénombre ambiante, une rayonnante blancheur me touche de son éclat. L’espace d’un fugace instant, je demeure aveuglé, alors qu’une douce allégresse étend son voile sur moi. Un froissement d’ailes bat à mon oreille, un timide gazouillis retentit dans le lointain. Un frisson court le long de mon échine, et je tressaille, interdit.

Certainement lasse de mon silence ahuri, la mystérieuse arrivante s’avance, passant l’embrasure de la porte entrebâillée, soutenant mon regard absent sans discontinuer. Lorsqu’enfin cesse notre vis-à-vis, et qu’elle s’en va en direction du bureau de sœur Isarn, je reviens peu à peu à moi. Perplexe, consterné, je me frotte machinalement le bout du nez, tâchant d’en chasser l’importune démangeaison. Je me signe, aussi, bien à rebours, n’adressant plus mon salut qu’à l’imperceptible fragrance laissée dans son sillage. Et puis, au bout de quelques poignées de secondes, je me retourne, souhaitant en savoir plus.

Moui. Mais ça reste un homme. La moue de la dénommée Solène est perceptible dans sa réplique, et me cueille dans mon volte-face. Je le sais bien, Clémence me l’a dit. Le cœur des hommes souhaitant suivre les pas de Shallya se doit d’être testé plusieurs fois. Malgré tout, comme à chaque fois, je ressens un petit pincement au cœur face à ce doute systématique à mon égard. Je me sens diminué sous le regard conjoint des deux sœurs me toisant depuis le centre de la pièce. Mais l’instant passe, comme toujours, et le malaise s’estompe, ne laissant jamais qu’un arrière-goût amer.

« Le Seigneur des Mouches a étendu ses ailes sur le bourg de Clermont-d’Aquitanie. »

Un silence de mort tombe sur la pièce, et l’air même semble plus frais que quelques instants auparavant. Le Seigneur des Mouches est l’ennemi mythique de Shallya, la menace contre laquelle mettent en garde de nombreux psaumes. Il est l’artisan des épidémies, la contagion anonyme, l’affliction prédatrice de notre humanité. Joignant les mains, je récite à mi-voix plusieurs versets de circonstance, pour retrouver bonne contenance. Tu ne craindras pas les affres de la maladie, ni la peste qui marche dans les ténèbres, ni la contagion qui frappe en plein midi. Si l’ombre du mal s’étend sur Clermond-d’Aquitanie, à peine au Nord d’ici, alors l’ordre de confinement décrété par la Révérende Mère Sébire prend subitement tout son sens.

« Mais je l’ai senti, ma sœur, moi-même : quelque chose de grave se trame là-bas. L’épidémie qui a commencé à se propager à l’intérieur des remparts a été conçue puis dirigée. »

L’énigmatique Solène relate des faits graves, très graves. Et les croquis reproduits sur le papier préparé un peu plus tôt par mes soins sont à glacer le sang. J’ai déjà vu ces symboles impies, mais dans des ouvrages autorisés, validés par le dogme. C’est bien différent que de les voir ainsi tracés, à main levée, sous mes yeux. Mal à l’aise, je serre d’autant plus fort la petite effigie de bois entre mes doigts.

Un silence de quelques instants s’installe, et je m’aperçois que l’on me parle, à moi. Levant les yeux, surpris, vers sœur Solène, dont les prunelles me fixent intensément, une expression indéchiffrable sur son visage maquillé. Etonné tant par la spontanéité de sa question que par sa teneur, j’observe un instant de réflexion avant de balbutier une hésitante réponse.

« Eh bien… Il y avait bien le marchand tiléen, ce jour-là, à Percefruit. Il venait de Clermont, et souffrait aussi de foire inexpliquée…

Il danse avec Mórr, mais sa dépouille a été ramenée à Orléac. »


Un silence de mort ponctue ma déclaration, sans que je sache trop à quoi m’en tenir. Un brin angoissé, ne souhaitant pas le laisser se prolonger, j’ajoute, balbutiant un peu :

« Sœur Solène… Pensez-vous qu’il s’agisse d’une seule et même affliction ? C’était tout de même il y a quelques mois… »
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- Volonté de fer : +1 aux tests de volonté.
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- Alphabétisé : Capable d'écrire et de lire le Bretonnien.
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- Doctrine du Culte (Shallya)

- Cuisine : Se débrouille en cuisine. +1 pour détecter des substances nocives dans la nourriture.
- Empathie
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Les sourcils de Solène se froncèrent très légèrement à l’annonce d’Éloi. Elle croisa les bras, et posa une main sous son menton, dans une posture de réflexion.

« Symptômes ? »

Éloi répéta le peu qu’il avait observé chez le Tiléen : Fièvre, diarrhées. Rien de véritablement incroyable ou impressionnant. Le genre de mal récidivant très aisément un peu partout, sans mettre en danger de mort quiconque, sauf les nourrissons ou les personnes âgées, et qu’on guérissait uniquement par des tisanes et de la réhydratation.

« Ce serait tout de même impressionnant que ce soit une simple coïncidence, qu’il souffre du même mal en venant de la même ville. Il l’a très probablement contractée là-bas. J’espère qu’il n’a pas eu trop de contacts en chemin. Mais je ne peux pas non plus entièrement assurer que la maladie dont il souffrait soit identique.
Comme j’ai dit, ce n’est pas le mal en lui-même qui interpelle, c’est plutôt sa contagiosité. En seulement quelques semaines, des symptômes similaires ont été déclarés de l’autre côté de la frontière dans des villes en Aquitanie, même si ça a dû être accéléré par le commerce… on craint une flambée dans toutes les cités liées aux foires de Brionne. Ce qui tuera, ça sera quand les hospices seront surchargés, pas l’affliction en elle-même.
Néanmoins, la révérende mère est assez pessimiste quant à l’action des autorités. C’est pour cela qu’elle a demandé à ce que vous fouillez des précédents de conseils et de décisions prises par des grandes-prêtresses. Elle souhaite avoir des arguments à utiliser pour forcer Théodoric à mettre fin aux foires et mettre en quarantaine les villes de son duché. »


Isarn désigna le papier qu’Éloi avait trouvé plus tôt. Il attendait dans son rôle sur la table.

« An de Gilles 1088. Une maladie s’est mise à se répandre sur la façade maritime de Brionne : Nez qui coule, toux, fièvre, souffle court, dans les cas plus graves, aggravation par modification de la couleur de l’urine, cas de cécité subites, défaillances des viscères. Personne n’était capable d’en définir l’origine.
Le Duc Amédée III de Brionne régnait alors. Il a collaboré avec les prêtresses de Shallya qui se sont occupées de remonter rapidement à partir d’un malade jusqu’à toutes les personnes qu’il a rencontrées au cours des jours passés, de manière à faire enfermer pour deux semaines les gens qui n’avaient pas encore déclaré de symptômes. En remontant ainsi de proche à proche, ils sont parvenus à identifier des contrebandiers Tiléens qui avaient déchargé du sel et de la poudre à canon sans payer leurs taxes. Les Shalléennes les ont livrés aux autorités, mais l’histoire s’est mal finie, car le Duc a fait pendre et les matelots, et les acheteurs qui avaient voyagé et transmis la maladie.
C’était un exemple d’instant où les prêtresses de Shallya ont été investies de véritables pouvoirs de police. Ce n’est pas le seul, je peux tirer une quarantaine d’autres, mais celui-ci est plus impressionnant puisque les prêtresses avaient eu la possibilité de faire enfermer n’importe qui chez lui : noble, clerc, roturier, membre de guilde, étranger ou vagabond, sans devoir se justifier, avec les matraques des sergents ducaux pour se faire obéir. Ceux qui contrevenaient à l’ordre pouvaient se voir infliger des amendes, et même être battus. Elles avaient également reçu une licence d’inquisition pour fouiller les maisons et interroger les personnes simplement suspectées de bientôt déclarer des symptômes. »


Solène sourit un petit peu en coin.

« On rêverait toutes d’à nouveau avoir de tels pouvoirs.
– Pas tellement, ma sœur. Je n’aimerais pas être à la place de ces prêtresses qui ont envoyé au gibet les contrebandiers, et ont dû vivre avec leurs âmes sur la conscience.
– Au moins on réglerait le cas des apostats servant les Mouches de manière bien expéditive, au lieu de devoir juste réparer les pots cassés derrière eux.
– Vous dites cela parce que vous êtes une jeune de vingt ans. Les jeunes sont toujours plus extrémistes que les vieux. Une fois que vous aurez vu assez de misère dans ce monde et assez relu les Écritures, vous verrez que votre jugement s’adoucira. »

Solène leva les yeux au ciel, dans sa seule tentative de contredire mentalement Isarn. Elle prenait ainsi le même air détaché qu’Amandine, lorsqu’elle était une gamine immature, pouvait parfois arborer lorsqu’une doyenne la rouspétait ; mais il s’agissait alors d’histoires de biscuits volés à la cantine, pas de meurtres perpétrés au nom de la Loi.

« J’ignorais en tout cas que les banquiers tués ici avaient contracté la maladie également. C’est… Embêtant, cette histoire.
Embêtant ? On accuse tout de même le grand frère de notre mère-abbesse de les avoir fait tuer de sang froid, par l’intermédiaire de son bâtard qui avait un devoir de bailli.
– Les accusations c’est facile à lancer. Valère de Malicorne est innocent.
– Et c’est au culte de Shallya de le défendre ?
– Si nous y sommes forcées. La réputation de Sébire de Malicorne vient également du respect qu’on voue à sa famille.
– Tu as une robe blanche, Solène, alors je vais te dire ce que je t’ai déjà expliqué : Fait très attention à ne pas confondre d’où tu viens et où tu vas. »

Solène tiqua des lèvres, dans une espèce d’agacement purement enfantin. Quand bien même elle avait un air hautain, des manières de bouger de grandes dames, qui rappelaient un peu par mimétisme ceux qu’avait employés Sébire devant la prieuse, Éloi ne pouvait pas s’empêcher de voir à quel point ça paraissait forcé. Elle singeait sa maîtresse comme tout élève imitait son mentor — comme lui-même devait imiter Clémence sans trop faire exprès. Mais non. Elle était bien trop jeune, le visage bien trop fin, pour qu’il puisse véritablement prendre l’autorité dont elle faisait preuve au sérieux.

Mais elle le pointa du doigt, et lui parla bien froidement :

« La révérende-mère voudra vous parler en privé. Vous lui amènerez les documents de sœur Isarn dans son bureau dans précisément dix minutes.
Ne traînez pas, frère. »

Elle tourna les talons et s’éloigna dans des pas qui claquaient au sol — elle aussi semblait porter de jolies chaussures qui coûtaient très cher, et non de très humbles sandales comme l’oblat. Toujours est-il qu’on l’entendit pousser le loquet des archives, et claquer la porte derrière elle.
Sitôt partie, Isarn ricana.

« Une vraie peste, pas vrai ? Sébire a cet effet sur ceux qui l’accompagnent…
J’espère qu’elle ne t’appréciera pas trop. »


La camérière attrapa le rôle et le tendit à Éloi, afin qu’il le place sous son bras.

« Ne t’adresse à elle qu’en disant « révérende-mère », sauf si elle t’autorise à l’appeler autrement. Et fait bien attention à ses questions : elles sont très souvent à double-sens.
Mais reste honnête. Elle saura si tu mens. Elle a ce… Ce talent. »



Même en son absence, Sébire faisait toujours sentir sa présence dans l’abbaye d’Orléac ; Le plus bel exemple était son magnifique cathèdre dans l’abbatiale, une chaise imposante, en bois de chêne, au coussin de velours, qui trônait toujours près de l’autel alors même qu’elle n’était jamais présente pour les cérémonies. Mais il y a bien un lieu où elle laissait sa suppléante travailler sans laisser des chaises et des pièces vides pour marquer sa présence métaphorique : c’était la grande salle de l’abbesse.
Un beau bureau de travail, situé à l’étage du monastère, on y accédait en grimpant de grandes marches d’un escalier de pierre. C’est là que la prieuse Clémence passait le plus clair de son temps, à signer des papiers que lui tendait la camérière, à donner des ordres à la préchanteresse, et à recevoir, de temps à autre, des gens d’Orléac de toutes les conditions qui venaient lui présenter des pétitions ou quémander l’aide de Shallya. Depuis deux jours maintenant, elle avait abandonné les lieux et était retournée dans sa cellule de prieuse bien moins spacieuse. Ça ne semblait pas trop la déranger : tant qu’elle avait une table sur laquelle écrire, elle était une femme qui paraissait comblée.

Devant la salle de l’abbesse se trouvait une petite statue de Gontheuc levant le bras, une colombe d’albâtre posée sur le bout de ses doigts. Sur du marbre juste en-dessous, une inscription en Classique : « Priez Pour Les Prostituées Et Les Truands De Brionne » ; c’étaient les putes et les pickpockets de la ville de Brionne qui s’étaient cotisés pour acheter la statue, qu’on avait placé là, juste devant le bureau de la Shalléenne la plus puissante du duché. Tout un symbole.
Éloi attendit sur un siège qui était posé juste devant. Et il attendit… Longtemps. Solène avait beau lui avoir dit qu’il était attendu dans dix minutes, ce n’était visiblement pas le délai qu’avaient pris la prieuse et la révérende-mère pour visiter l’abbaye. C’est plutôt après une heure à poireauter inutilement assis ici (Nul doute que si Michelle l’avait aperçu ainsi ne rien faire, elle se serait mise à le houspiller, elle qui haïssait l’oisiveté) qu’il entendit des voix dans l’escalier, et un tas de pas remonter les marches de pierre.

Sébire et Clémence remontaient en parlant à voix basse. On ne percevait que des chuchotements à l’ouïe. Les deux se tenaient bras-dessus-bras-dessous, et visiblement, à voir leurs mines fermées et renfrognées, ça devait être grave. Il y en avait en effet, des sujets graves en ce moment. Juste derrière elles, se trimballaient à dix pas d’écart deux gros bras, hommes d’armes en brigandine, avec un fauchon à la ceinture. Ils s’arrêtaient juste en haut de l’escalier, de manière à ce que leurs oreilles ne puissent pas les écouter parler.

La prieuse parut un peu surprise en apercevant Éloi avec le rôle des archives sous le bras.

« Mon frère ? »

Avant qu’il ne puisse se justifier, Sébire fit un signe de tête.

« C’est… La camérière qui doit l’envoyer, n’est-ce pas ?
– Ah. Si la camérière l’envoie, dans ce cas…
Bref. Voulez-vous que je prépare la salle du chapitre ?

– S’il vous plaît. Si vous n’avez rien à me redire.
– J’ai… J’ai peut-être à redire. Mais je préfère le faire devant les prêtresses, plutôt que par messes basses.
– Oui, oui, toujours aussi honnête… »

Pour une fois, Éloi entendit quelque chose dans la voix de Sébire : de l’agacement. Clémence semblait l’avoir relevé également, car elle demanda d’un air faussement innocent :

« Y a-t-il un mal à ça ?
– Aucun. Je n’en aurai pas pour long.
– Je dispose alors, révérende-mère. »

Clémence fit une courte révérence, se tourna, et retourna à l’escalier tout droit. Les deux militaires s’écartèrent vivement de son chemin, comme si la petite bonne femme avait la force de passer au travers de deux gros bonhommes comme eux. Même les brigands aux sales gueules semblaient avoir un peu de crainte face aux Shalléennes : ils n'arrêtaient pas de jeter des regards gênés, en coin, comme des poules de basse-cour, vers les cierges, les statuettes, les insignes religieux aux murs, les inscriptions en Classique qui étaient indéchiffrables pour leurs yeux, et même incompréhensibles à l’ouïe — ils devaient confondre ça avec des formules magiques. Oui, le mysticisme de la religion avait encore beaucoup d’emprise sur des hommes très vils comme eux.

Sébire attendit qu’Éloi se lève. Elle tendit alors sa main pour exiger de lui le baise-main qu’il se devait de faire sur son anneau sigillaire. C’était là une pratique héritée de la Tilée : Dans cette région, une politesse antique était d’embrasser la bague ou les pieds d’un patricien pour lui montrer son plus sincère respect, et afficher qu’on se mettait sous sa domination de patriarche familial. Par mimétisme, les religions du Panthéon Classique avaient pris pour elles cette codification civile. Mais voilà, dans des dizaines d’hagiographies du Livre des Larmes, il y avait cette scène, presque copié-collée, où une prêtresse allait se faire embrasser par quelqu’un qui voulait lui montrer son inféodation, et qu’elle l’arrêtait au dernier moment en lui expliquant comment on ne s’agenouillait que devant la Déesse, et que les prêtresses ne devaient pas s’habituer à recevoir un tel respect.
Sébire devait bien évidemment faire partie de celles qui ne trouvaient pas que c’était trop faire que d’exiger telle gestuelle. Mais au fond, qu’est-ce qui obligeait vraiment Éloi à se plier devant elle ?

Qu’il souhaite le faire ou non serait en tout cas une première impression très forte sur Sébire. Mais ça ne l’empêcherait pas d’être guidé dans la salle de l’abbesse que la petite Solène, surgissant de derrière les gardes, vint ouvrir et refermer derrière les deux.

C’était une jolie salle que celle de l’abbesse. Il y avait un bureau très imposant, plein de commodes et d’armoires fermées à clé, une grande broderie qui représentait une scène du Testament de Pergunda au-dessus du mur, un porte-manteau fait d’ailes de colombes en bois. Il y avait un âtre, avec une cheminée qui brûlait en hiver. Et de grandes fenêtres en verre, qui permettaient d’avoir toute la lumière du jour qui inondait la pièce.
Sébire vint s’installer sur le fauteuil derrière le bureau, et désigna de la main une chaise pour qu’Éloi vienne s’asseoir. Avant qu’elle ne parle, Solène vint s’approcher de l’oreille de Sébire, et lui chuchota quelque chose.
La grande prêtresse fit alors un simple hochement de tête.

« As-tu les documents que j'ai demandé à la sœur camérière, frère ? »

Elle le laissa dérouler le rôle et présenter le sujet, attentive.

Jet d’intelligence d’Éloi quant à la discussion qu’ont Isarn et Solène ; 16, échec
Jet d’empathie d’Éloi sur Solène : 4, réussite. Détails rajoutés dans la narration.
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Frère Éloi
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par Frère Éloi »

Soeur Solène me répond avec un tel aplomb, et avec raison, que je ne sais trop que lui rétorquer. Difficile en effet de croire à une coïncidence dans cette configuration des faits. Pour autant, je partage son inquiétude quant à la contagiosité du mal, au vu des échanges commerciaux que connait la région, qui laissent entrevoir les conditions d’une propagation plus large si des mesures ne sont prises. Le duché de Brionne ayant connu nombre d’épidémies au cours de son histoire, la démarche de la grande prêtresse consistant à se documenter quant aux décisions passées semble fort à propos. Acquiesçant par mon silence, je me tiens coi, tandis que la conversation se recentre sur les deux sœurs en présence, me laissant à nouveau spectateur.

La lecture par Isarn du document dont je peinais à déchiffrer tout à l’heure l’écriture ne me laisse pas de marbre. La perspective de voir le culte de Shallya s’associer de façon aussi directe aux pouvoirs temporels de police m’effraie en effet. Perplexe, je ne pipe mot tout du long, pesant péniblement les intérêts et contreparties de pareille collaboration. La description faite par sœur Isarn des mesures martiales mises en œuvre me semble en effet contrevenir aux préceptes de notre doctrine. Le pouvoir coercitif délégué par le duc d’alors est aux antipodes de nos attributions traditionnelles, et l’évocation de licences d’inquisition me fait frémir, n’envisageant pas que telle fonction puisse relever de notre clergé à aux vocations pacifistes et altruistes. Je suis ainsi surpris de relever l’enthousiasme de sœur Solène à l’égard de ces pratiques. Préférant demeurer discret, je ne tente pas d’intervenir en cours de conversation, et prend mentalement bonne note du pragmatisme affiché de la sœur. Ce-faisant, alors même que je demeure focalisé sur elle, ne détournant que ponctuellement le regard vers le document pour donner le change, je peine toujours à m’expliquer la subtile aura de la fascinante sœur. Absorbé par ces considérations, je me détache quelque peu du fil de la conversation, et ne saisis guère de la suite plus tendue de l’échange entre les deux femmes. Tandis que les mots fusent, quant à moi, je contemple successivement tantôt le singulier visage de sœur Solène, tantôt le froid sol de pierre des archives.

Je sursaute, interdit. Un doigt autoritaire pointé vers moi, sœur Solène m’adresse non pas une requête, mais bien un ordre formel, me convoquant d’office auprès de la Révérende Mère. Passé l’instant de surprise initiale, mon cœur s’emballe, le sang me monte à la tête, tandis que j’intègre cette vertigineuse perspective. Moi, humble oblat, dans le bureau de la grande prêtresse ? Saurais-je seulement trouver les mots pour lui rendre compte de nos trouvailles ?

Auprès de moi, sœur Isarn maugrée quelque peu la grande prêtresse et son entourage, mais je ne lui en tiens guère rigueur. Le regard perdu dans le vague laissé par l’absence de sœur Solène, je lui réponds seulement d’un ton absent tandis qu’elle me confie les documents.

« J’imagine, oui…
Merci, ma sœur. Je m’y efforcerai. »


***


Voilà bien une heure que je patiente ainsi, rôle sous le coude, assis sur mon siège solitaire, devant la porte du bureau de l’abbesse. Si au début, je n’en menais pas large à l’idée d’être ainsi convoqué, à force de prendre mon mal en patience, du brasier dévorant de mon appréhension initiale ne subsiste plus guère que quelques braises. Pensif, je songe plutôt à l’étonnante expérience vécue un peu plus tôt en présence de sœur Solène. C’était un sentiment fulgurant, inattendu, sensible, et en même temps insaisissable, abstrait, diffus, mais néanmoins éminemment familier. Cela au moins, je le tiens pour certain. A deux pas de moi, la statue commémorative de Sainte Gontheuc m’évoque celle, certes plus monumentale, de l’entrée du domaine de l’abbatiale. J’ai toujours eu un sentiment similaire auprès de cette autre statue, comme l’émanation discrète d’une force intérieure, d’une énergie rémanente comparable, je crois, à l’aura de Solène. Difficile néanmoins d’en être absolument certain, car c’est par le contact direct avec la pierre que j’en avais la meilleure perception.

Des pas se font entendre au bout du couloir. Emergeant de mes incertaines considérations, je vois sœur Clémence s’avancer le long du couloir, en pleine conversation avec la grande prêtresse. Leurs regards tombent sur moi, et je baisse les yeux, pas seulement en marque de respect, mais surtout par crainte de lire de la désapprobation dans le regard de la sœur prieuse. Je reste là, mal à l’aise, ne sachant trop comment me tenir, jusqu’à ce que, sœur Clémence congédiée, la grande prêtresse se retourne vers moi, attendant manifestement quelque chose. Maladroitement, je me lève, conscient d’être déjà resté trop longtemps assis en sa présence, me rappelant qu’elle affiche depuis son arrivée des manières empruntées aux cours de la noblesse de Bretonnie. D’un coup d’œil inquiet au visage de ma supérieure, je relève une moue pincée sur ses lèvres maquillées. Alors que, perplexe, je cherche à déterminer si elle attend quelque chose de moi en particulier, elle tend sa main, exhibant de façon ostentatoire l’anneau sigillaire marqué du sceau de sa fonction. Comprenant soudainement son attente, je finis de me redresser, rôle sous le coude, mains jointes devant moi. Je n’ai jamais encore effectué ce geste auquel je suis à présent invité, et d’ailleurs je ne crois pas que celui-ci soit vraiment conforme à l’usage shalléen que l’on lit dans les textes. Néanmoins, sur le moment, il me semble approprié d’obtempérer à l’invitation qui m’est lancée, de plaire ainsi à celle qui m’a convoqué. C’est donc assez gauchement que je me penche jusqu’au sceau à l’aile de colombe. Je crois que le geste est essentiellement symbolique, aussi ne fais-je qu’effleurer l’attribut du pouvoir avant de me redresser lentement, levant timidement les yeux vers Sébire de Malicorne, craignant d’avoir mal fait.

Invité à pénétrer dans le bureau de l’abbesse, j’obéis machinalement, cherchant toujours quoi dire, et comment. J’hésite un peu avant de m’asseoir, quand bien même j’y suis explicitement incité par nulle autre que l’abbesse. L’espace d’un moment, j’envisage de demeurer debout, mais me ravise bientôt, comme sœur Solène murmure quelque chose -peut-être à mon sujet- à l’oreille de la grande prêtresse. C’est donc assis que j’attends docilement que l’on m’adresse la parole, ne souhaitant pas commettre d’impair aux yeux de la révérende mère, qui attend manifestement quelque chose de moi. La présence de sœur Solène me distrait quelque peu, mais je m’efforce de rester focalisé sur mon illustre interlocutrice, rivant mon regard au sien, baissant les yeux par moments pour chercher mes mots. Finalement invité à parler, je bafouille un peu avant de trouver contenance au fil de mon propos, tâchant de m’exprimer dans le registre le plus soigné dont je suis capable.

« Ou… Oui, Révérende Mère. Voici.

Ce rouleau n’est que l’un des documents recherchés… selon votre ordre, mais il est … remarquable … en ce qu’il fait état de mesures peu communes.

Ainsi, sous le règne du Duc Amédée III, notre clergé s’est-il vu déléguer des attributions de … police temporelle… en vue de lutter contre l’épidémie qui sévissait alors.

Comme vous pouvez le voir, cet épisode est… remarquable, encore une fois… de par le pouvoir d’inquisition et coercition que le Duc d’alors confia au clergé shalléen… »


D’autres remarques, et quelques questions me restent sur les lèvres, mais je ravale ces questionnements, le temps de chercher une quelconque appréciation, ou licence, dans le regard de Sébire de Malicorne.
Frère Éloi Voie du Prêtre Mystique
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États temporaires
Une vie de Paix : +1 à tout jet visant à guérir un patient blessé, malade ou empoisonné.
La vie avant tout : doit tenter d'interrompre les affrontements auquel il assiste, à moins que le combat ne soit mené contre des ennemis.

Compétences :
- Maîtrise de l'Aethyr (1)
- Coriace : -1D3 dégâts subis.
- Réflexes éclairs : +1 aux tests d'initiative en situation de surprise.
- Résistance accrue : +1 aux tests d'endurance.
- Sang froid : +1 aux tests de caractéristiques effectués en situation de stress ou tension.
- Volonté de fer : +1 aux tests de volonté.
- Traumatologie : Sait administrer les premiers soins ou favoriser une guérison plus rapide.

- Alphabétisé : Capable d'écrire et de lire le Bretonnien.
- Langage secret (Classique) : Capable d'écrire et de lire le Classique.
- Législation : Sait manipuler le droit à son avantage.
- Doctrine du Culte (Shallya)

- Cuisine : Se débrouille en cuisine. +1 pour détecter des substances nocives dans la nourriture.
- Empathie
- Affûtage mental
- Incantation - Shallya
- Sens de la magie
Équipement porté sur soi :
8 sous d'argent 8 deniers
- Bâton de marche
- Robe de bure jaunie / Tenue en lin / Ceinture / Sandales
- Grande sacoche contenant couverts, rations diverses
- Livre de prière de Shallya
- Amulette de Shallya
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Sébire retira son anneau qu’elle posa dans un coin du bureau, enleva ses gants blancs, et attrapa alors le rôle déroulé par Éloi. En même temps qu’il résumait le propos, elle le lit, assez lentement pour qu’au bout d’un moment, il y eut à nouveau un silence gênant dans la pièce, le temps que ses yeux terminent de parcourir le parchemin.
Pendant ce temps, Solène se perchait près d’une des fenêtres vitrées de la salle. Elle croisait ses bras en observant Orléac ; D’ici, la vue donnait surtout sur le grand palais noble, le donjon, et l’esplanade bastionnée où vivait la cour de dame Sybille.

« Amédée III… Il a régné de… »

Alors qu’elle marquait deux secondes de réflexion, Solène se pencha un tout petit peu pour dire fièrement :

« Couronné Duc en 1083. Mort en 1097.
– C’est bien. Tu as suivi tes leçons. Tu vas même me dire de quelle dynastie il était.
– Tancrédien, révérende-mère.
– L’époque où les Ducs de Brionne avaient fait d’Orléac leur capitale. Dommage, ce n’est pas un ancêtre direct de Théodoric… »

Elle replia le rôle, tout en continuant ses explications.

« Les nobles dans ce pays, ils sont obsédés par leur généalogie. Pas seulement parce que c’est de là qu’ils tirent toute leur légitimité — ils sont tous persuadés d’avoir une origine familiale ininterrompue qui remonte jusqu’à Gilles et les Compagnons, et aucun ne s’imagine qu’une petite courtisane gueuse ou un roturier usurpant l’errance puisse se faufiler dans leur arbre…
Les chevaliers sont persuadés que la famille transmet un… Comment dire ? C’est vulgaire, mais disons le mot quand même : un patrimoine. Pas seulement des titres et des terres, mais aussi de l’honneur, du courage, des traits particuliers. Ils voient de l’atavisme partout. Connais-tu ce mot, frère Éloi ? Atavisme. C’est pour ça qu’ils n’arrêtent pas de redonner leurs prénoms à leurs fils aînés, et qu’ils nomment les puînés comme des oncles ou des aïeuls. Ils sont tous persuadés que tout dans ce pays n’est qu’une chaîne à ne jamais interrompre, de mêmes personnes de la même race, du même tempérament.
L’Histoire est importante pour ces gens-là. Ils en lisent peu, parce que… Parce qu’en général les chevaliers de Bretonnie lisent peu. Mais ils en commandent beaucoup, ils veulent des généalogies et des chroniques sur leurs ancêtres. Si j’avais pu avoir un exemple de grand-père ou d’arrière-grand-père du Duc, ça aurait eu beaucoup d'influence sur lui.
Mais Isarn est une femme intelligente. Si elle m’a tiré ça des archives, c’est qu’elle sait que je peux l’utiliser. J’irai la remercier moi-même plus tard. »


Maintenant elle se taisait. Jetait un petit regard en coin vers Orléac, là-dehors. Et pesta.

« Personne ne dit que Brionne est le pays des épidémies. On en a une quasiment à chaque décennie, aucune sœur n’est capable d’expliquer précisément pourquoi, et pourtant les gens n’ont pas envie qu’on parle de ça. On est le pays des troubadours, de l’amour courtois, des sculptures en marbre blanc et des châteaux beaux comme de la dentelle ; surtout pas le pays des épidémies.
Peut-être que Brionne est aussi sensible parce qu’on est un duché de commerce, la porte vers le sud pour la Bretonnie — là où les gens bougent, ils emportent le Mal avec eux. À Couronne, une sœur avait l’explication originale que ce serait à cause de la consommation d’animaux exotiques… Il y a des élevages de visons pour les fourrures des nobles, des petits animaux venus de Norsca, et puis la cour ducale n’arrête pas de se faire offrir des cadeaux. Théodoric a un éléphant sur une de ses seigneuries, un sultan d’Arabie qui lui a offert. Peut-être que ces animaux servent de chaîne de transmission, au bétail plus commun, aux poules ou aux moutons, et après ça passe à l’homme.
Une autre sœur, pensait que Brionne était punie pour ses péchés. Pour la pauvreté crasse, à côté des nobles indolents qui se remplissent le ventre avec du cygne. Mais c’est une canes, et l’opinion de ces femmes-là n’a aucune importance.
Toujours est-il que le résultat est le même : Les Brionnois devraient avoir appris à être précautionneux, à prendre gare à ne pas trop se mêler, pour lutter contre les épidémies. Ils devraient écouter les sœurs de Shallya. Mais ils tiennent trop à leur vie normale, de tous les jours, pour hanter leurs esprits avec ces pensées-là. »


Silence. Qu’est-ce qu’Éloi pouvait vraiment répondre ? Hormis « oui révérende-mère » ? La grande-prêtresse se taisait à nouveau après son exposé venu de nulle part. Ne devait-elle pas expliquer tout ça dans la salle du chapitre, plus tard, au lieu de faire un cours privé à l’oblat ?
Elle se tourna dans son fauteuil, et tira quelque chose de derrière le bureau : une sacoche. Elle l’ouvrit, et sortit un petit objet d’ébène, avec une baguette en bruyère qu’elle tenait entre ses doigts. Éloi reconnaissait là une pipe.

« Ouvre la fenêtre, Solène.
– Vous savez que ça laisse une très mauvaise odeur dans les fibres de vos vêtements, révérende-mère ?
– On mettra cet écart sur le compte de la nervosité.
– Je vais ouvrir la fenêtre mais vous retiendrez mon objection, révérende-mère. »

Sébire sourit. Une toute petite boîte circulaire en fer-blanc dans sa main droite, elle l’ouvrit et en piocha des petites feuilles qu’elle posa au fond de la pipe, avant de les bourrer avec la baguette en bruyère. C’était du tabac, une denrée qui était accessible en Brionne, surtout dans une ville côtière comme Orléac ; mais elle restait réservée aux bourgeois et aux nobles qui pouvaient s’en payer.

« Votre nom est revenu dans ma conversation avec la sœur prieuse, frère Éloi. Je dois avouer que ça m’a un peu surpris…
Je veux dire, je connais sœur Clémence depuis… Bon sang, douze ans maintenant, et je crois que je commence un peu à noter ses… Disons ses manières de parler des gens, des autres. Elle semble avoir grande estime de vous, et c’est, je dois l'admettre, assez étonnant que ce soit le nom d’un jeune homme qui sorte ainsi de sa bouche.
Parce que vous êtes jeune. Et parce que vous êtes un homme. »


Elle eut un petit sourire. Peut-être, mais Éloi n’avait aucune chance d’en être certain, peut-être un sourire taquin.

« Elle m’a dit que vous n’avez jamais connu autre chose qu’Orléac. Et qu’elle vous sentait ému et incertain à bientôt devoir faire vos bagages et partir en pèlerinage…
Permettez que je vous pose quelques questions personnelles ? Je vous demande l’autorisation parce que vous n’avez aucune obligation de répondre. Je ne suis presque jamais dans cette abbaye, je ne vais pas avoir la prétention de surveiller les mœurs de mes clercs, je délègue bien assez ce pouvoir à la prieuse… Si ça vous met mal à l’aise, ne répondez donc pas. »


Elle utilisa un petit briquet en silex pour allumer la pipe, et tira une bouffée de tabac qu’elle recracha en pivotant un petit peu la tête vers la droite.
Et puis, alors même qu’Éloi n’avait jamais connu la grande-prêtresse, hormis pour quelques prêches lors des fêtes où elle apparaissait soudainement le temps d’une nuit ou d’une journée, elle se mit à devenir bien inquisitrice quant à son existence à laquelle elle n’avait absolument pas pris part :

« Vous êtes un orphelin, c’est bien ça ? Un enfant du monastère. Beaucoup de Shalléennes — et de Shalléens — ont cette origine. La Colombe est très miséricordieuse, et aimante, alors les jeunes femmes qui n’ont personne vers qui se tourner s’en sentent naturellement proches. Shallya vous a donc rendu tout ce que Shallya promet au monde : On vous a nourri, logé, blanchi, élevé du mieux qu’il était possible. On vous a offert une chance à la vie.
Clémence aussi était une orpheline. Elle a aimé cette vie, elle a aimé lire, apprendre, écrire, et aider son prochain. C’est pour ça qu’elle est une prieuse aussi talentueuse. Mais voilà, je me demandais si… Si son expérience personnelle ait pu avoir un peu trop… Un peu trop d’emprise sur vos jugements.

Vous n’êtes pas encore prêtre. Vous êtes oblat. Être prêtre, c’est prononcer des vœux, qui vont marquer votre âme et vous poursuivre jusqu’à votre dernier souffle. Ce sera un service que vous rendrez au monde entier, et c’est un immense honneur, mais aussi une responsabilité écrasante.
Vous avez conscience que vous n’avez aucune obligation de poursuivre une vie de service ? Vous savez lire, et écrire, rien que cela justifierait un bon sort dans ce monde, et de nombreux choix de métiers. Mais ça dépend de vos rêves.
Est-ce que c’est vraiment tout ce que vous désirez de la vie, devenir prêtre errant ? Ou bien… Y-a-t-il d’autres choses auxquelles vous aspirez ? »


Elle s’enfonçait au fond de son fauteuil, la pipe au bec, tandis que Solène restait devant sa fenêtre ouverte, toujours les bras croisés.
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par Frère Éloi »

Soulagé d’avoir achevé mon exposé, j’observe un silence de circonstance tandis que Sébire de Malicorne s’empare avec autorité de notre entretien, débutant un monologue ponctué de réflexions songeuses. Je me contente quant à moi d’acquiescer avec respect lorsque son regard tombe à nouveau sur moi au gré de son propos.

Il est vrai que les nobles de Brionne -et peut-être d’ailleurs encore- prêtent une grande attention aux histoires, chroniques et récits des hauts-faits de leurs aïeuls. Ce goût prononcé pour une forme de postérité transcendant la simple durée de la vie des individus se remarque notamment de nos jours par les commandes régulières de tels ouvrages par une noblesse pourtant bien peu lettrée, comme la grande prêtresse se plait à le rappeler. Les innombrables ballades, chansons et gestes contées par les troubadours de Brionne comptent aussi parmi les élogieuses productions susceptibles de perpétuer la trace de nobliaux depuis longtemps disparus. Songeur, je me rappelle que Sébire de Malicorne elle-même est issue d’une lignée dont on raconte que le patriarche Arnault le Rusé terrassa par malice une créature de la nuit. Semblables mythes sont monnaie courante au sein des généalogies familiales de Bretonnie, a fortiori parmi les dynasties les plus influentes.

Un autre temps du propos de l’abbesse vise l’implacable propension de Brionne, vérifiée au fil des siècles, à subir des épisodes épidémiques notables, et ce beaucoup plus qu’en d’autres duchés ou contrées. Au gré de mes recherches pour le compte de sœur Isarn, j’ai consulté moult rouleaux et manuscrits sur ce sujet précis, et lu plusieurs thèses contradictoires, mais les hypothèses balayées par la grande prêtresse ne m’étonnent guère. On entend souvent dire en effet que les afflictions de l’humanité constituent un châtiment divin pour quelque mauvais comportement passé, ou encore que les maux circulent d’un individu à un autre par le biais d’humeurs qui, en surplus, causeraient les symptômes. Je n’ai quant à moi pas la compétence ni l’autorité pour m’être constitué un avis sur la question, quoique sœur Nathanaèle aurait certainement soutenu une interprétation proche. C’est avec surprise néanmoins que je relève le dédain affiché de l’abbesse pour les canes, prêtresses au surnom dépréciateur prônant avec ferveur une piété et des rites bien plus rigoureux. En effet, si le faste affectionné par Sébire de Malicorne semble de fait incompatible avec les positions des sœurs canes, les mots prononcés à leur encontre témoignent d’un mépris banal dont je tâcherai de me rappeler.

Comme sœur Solène proteste avant d’ouvrir la fenêtre, je m’interroge bientôt quant à la relation des deux femmes. Le comportement de la sœur tout à l’heure aux archives ne laisse que peu de doutes sur le fait qu’elle a l’habitude de commander ponctuellement au nom de la grande prêtresse. Divers autres indices, dont son maquillage et certains éléments de son accoutrement, laissent aussi penser qu’elle occupe une position de confiance, peut-être de conseil, auprès de la révérende mère. Subrepticement, je glisse un regard à cette dernière, mais le détourne bien vite, la voyant absorbée par une activité que les préceptes shalléens orthodoxes qualifieraient certainement de malvenue. Détourne le regard de l’objet de tes envies. me répète-je en pensées, reportant mon attention sur sœur Solène, dont l’étonnante aura m’intrigue encore. N’ayant élucidé le mystère de la sensation familière qu’elle m’inspire, j’éprouve une vive curiosité à son sujet, renforcée par l’intérêt qu’elle semble aussi me porter. Nulle autre sœur de ma connaissance ne rayonne d’un tel éclat sensible, presque palpable, quoique insaisissable.

L’attention de Sébire de Malicorne à nouveau tournée vers moi, me voilà pressé de plusieurs questions par ma supérieure, dont l’intérêt et la sollicitude à mon endroit sont aussi nouveaux que surprenants. Au vu du panache du personnage, nul doute à mes yeux que cette soudaine curiosité cache quelque dessein. Je me souviens néanmoins des paroles de sœur Isarn, m’enjoignant de ne pas même songer à mentir à l’abbesse. Nul besoin d’être fin diplomate pour deviner également que ses manières faussement prudentes dissimulent en réalité toute la force d’une injonction émanant de sa fonction. Baissant les yeux vers mes mains nouées, c’est donc avec prudence et mesure que j’entreprends, avec aplomb et spontanéité, de me confier à mon interlocutrice.

« L’estime de mes sœurs m’honore, Révérende Mère. Vous l’avez dit, la Colombe m’a recueilli, élevé, nourri. J’ai souhaité, en retour, lui consacrer ma vie. L’ordination, si j’en suis digne un jour, demeure mon horizon. »

De belles paroles, mais surtout honnêtes. Je n’ai pas eu de mal à les énoncer, ni à soutenir le regard de la révérende mère le cas échéant. Reste la question, plus épineuse, de mettre des mots sur mes aspirations. Je me doute bien que l’abbesse ne se satisferait pas d’une réponse tirée des professions de foi shalléennes. Le cadre de cet entretien privé, la tournure de ses questions, tout semble indiquer une attente plus concrète. Me ménageant un instant de réflexion avant de poursuivre, je jette un regard mouillé vers Orléac, au-delà de la fenêtre vitrée, étreint d’une subite émotion.

« Je sais que le cœur des hommes se doit d’être testé maintes fois par Shallya. On m’a dit aussi que je ne pourrai durablement rester vivre au sein de la communauté.

J’accepte une vie d’errance, si c’est là le meilleur chemin au service de Shallya. Mais mon cœur saigne, Mère, et mon âme se languit déjà de Brionne et d’Orléac.

S’il est d’autres moyens de servir la déesse, de prévenir le mal plutôt que de le guérir, qui soient adaptés à ma condition... »
Frère Éloi Voie du Prêtre Mystique
Profil : For 9 | End 9 | Hab 8 | Cha 11 | Int 11 | Ini 8 | Att 9 | Par 8 | Tir 8 | Mag 14 | NA 1 | PV 75/75

États temporaires
Une vie de Paix : +1 à tout jet visant à guérir un patient blessé, malade ou empoisonné.
La vie avant tout : doit tenter d'interrompre les affrontements auquel il assiste, à moins que le combat ne soit mené contre des ennemis.

Compétences :
- Maîtrise de l'Aethyr (1)
- Coriace : -1D3 dégâts subis.
- Réflexes éclairs : +1 aux tests d'initiative en situation de surprise.
- Résistance accrue : +1 aux tests d'endurance.
- Sang froid : +1 aux tests de caractéristiques effectués en situation de stress ou tension.
- Volonté de fer : +1 aux tests de volonté.
- Traumatologie : Sait administrer les premiers soins ou favoriser une guérison plus rapide.

- Alphabétisé : Capable d'écrire et de lire le Bretonnien.
- Langage secret (Classique) : Capable d'écrire et de lire le Classique.
- Législation : Sait manipuler le droit à son avantage.
- Doctrine du Culte (Shallya)

- Cuisine : Se débrouille en cuisine. +1 pour détecter des substances nocives dans la nourriture.
- Empathie
- Affûtage mental
- Incantation - Shallya
- Sens de la magie
Équipement porté sur soi :
8 sous d'argent 8 deniers
- Bâton de marche
- Robe de bure jaunie / Tenue en lin / Ceinture / Sandales
- Grande sacoche contenant couverts, rations diverses
- Livre de prière de Shallya
- Amulette de Shallya
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

La dernière phrase prononcée par Éloi eut au moins le mérite de faire hausser un sourcil à la grande-prêtresse. Elle tira une grosse bouffée de sa pipe, qu’elle ne prit pas vraiment la peine de recracher vers la fenêtre ouverte cette fois.

« Prévenir le mal plutôt que le guérir… Voilà une… Proposition sommes toutes fort étrange…
Mais continuez, s’il vous plaît, c’est très intéressant. Qu’est-ce que vous entendez par là ? »


Elle fit un grand sourire. Et le regarda droit, tout droit dans les yeux. Elle le laissa parler. Se dévoiler un peu lui-même.

« Vous êtes monté jusqu’à mon bureau pour me présenter ces… Ces papiers, issus du passé. Avouez tout de même qu’ils sont assez… Atypiques. J’aimerais beaucoup avoir votre opinion là-dessus, frère oblat :
Les sœurs de Shallya entretiennent des hospices, et des orphelinats. On recueille les pauvres, les malades et les nécessiteux. Et n’est-ce pas là tout ce que nous faisons ? Guérir des plaies, remplir des ventres affamés, puis laisser les gens partir sur leur route ?
Vous avez vu de vous-même la pauvreté. Et ceux qui peuvent causer des blessures et des maladies, et entretenir la pauvreté partout autour d'eux. Il y a des gens, emplis par le Malin, qui les causent. Et pas seulement ceux qui gravent des symboles du Seigneur des Mouches sur des murets. »


En disant ça, elle fit un signe de tête à Solène, qui se rapprocha du bureau. La jeune prêtresse se mit juste derrière sa supérieure hiérarchique, les mains dans le dos, droite comme une statue.

« Qu’est-ce que vous pensez que je pourrais faire, pour prévenir le mal plutôt que le guérir ? »

Jet d’empathie d’Éloi : 2, réussite.
Jet d’empathie de Sébire contre Éloi : 1, réussite critique.
Effet : Tu verras.
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par Frère Éloi »

Je me rends compte un peu tard de mon faux pas. Il faut dire que je n’ai pas l’habitude que l’on me questionne aussi directement, mais cette opportunité de m’exprimer est aussi à double tranchant, comme je viens de m’en apercevoir à mes dépends. L’abbesse a très distinctement relevé quelque chose, dans les mots que j’ai employés, qui retient maintenant son attention, et me place dans l’embarras. Interdit, je l’écoute témoigner plus avant de son étonnement, son visage maquillé masqué par un nuage d’effluves de tabac. Et quelque part, je commence à paniquer, craignant d’avoir mal fait, redoutant d’avoir péché en paroles. Mes phalanges se crispent sur la petite colombe de bois, triturant le pendentif, en quête d’une issue favorable à la situation. Désormais exposé, acculé à ma chaise, je m’efforce de demeurer droit, et d’inspirer profondément, cherchant à conserver quelque contenance, essayant laborieusement de m’expliquer.

« Eh bien… Nous sommes agents de Shallya ici-bas, n’est-ce pas ? Nous nous efforçons de soulager notre prochain, de prendre plus que notre part de malheur, parce que… parce que décharger autrui de ses maux, c’est préparer le chemin de la Colombe, et de la guérison. Et en cela… en cela... »

J’hésite, bien sûr. Je n’en mène pas large. Sébire de Malicorne, éminence du culte shalléen en ce duché, me toise, son regard désormais rivé au mien, et j’ai conscience de progresser sur un terrain éminemment glissant. Ce que je suis forcé d’aborder là, ce n’est pas stricto sensu le dogme shalléen, tout au plus les déductions hasardeuses d’un oblat qui, pensant bien faire, pense peut-être un peu trop. Mais il est trop tard à présent. Je dois m’en remettre à l’indulgence de ma supérieure, et le cas échéant, supporter les conséquences de mon imprudence. Serrant les dents, je m’efforce de contrôler tant mon élocution que mon regard, évitant de fuir le contact visuel avec l’abbesse.

« Est-ce que lutter en amont contre la source des maux, lorsqu’elle est de notre ressort, ne contribue pas… aussi… au dessein de la Colombe en ce monde ? Sans jamais remplacer les gestes sacrés de fraternité envers notre prochain, bien sûr, mais… »

Confus, je m’empêtre dans mes propres hésitations, et mon discours plein d’emphase s’éteint prématurément. Est-ce d’ailleurs la chaleur de la honte que je sens me monter aux tempes, aux oreilles ? Je n’ose reprendre la parole pour demander pardon, pour implorer l’indulgence de l’abbesse sur mon propos quelque peu distant de la rigoureuse orthodoxie du dogme prêché en ces murs. Le silence de la grande prêtresse ne fait qu’accentuer mes doutes et remords, et je m’affaisse imperceptiblement tandis qu’elle me jauge encore un moment.

Lorsqu’enfin elle prend la parole, après d’interminables instants de contemplation, ce n’est pas immédiatement pour me tancer, mais pour me questionner plus avant, cette fois plus spécifiquement quant aux perspectives d’action du clergé de Shallya en la présente situation. L’immensité de la question me heurte presque physiquement, et je tangue un peu, de droite, de gauche, amèrement conscient de la profondeur du bourbier dans lequel je me suis fourré. Sébire de Malicorne me demande-t-elle vraiment de répondre à cette question ? Juge-t-elle pertinent, dans le secret de ce bureau, de recueillir mon humble avis d’oblat, au lieu de me sermonner ? Ou l’humiliation à venir fait-elle peut-être partie intégrante de la sanction ? Quoi qu’il en soit, je n’ai guère d’autre choix que de continuer de parler vrai, quand bien même mon ton se fait peu à peu suppliant.

« Mè… Révérende Mère… Je vous en conjure, pardonnez mon ignorance, mais…

Si le malheur guette Brionne, peut-être pouvons-nous agir avant que ne vienne l’heure des pleurs… débusquer les artisans du Malin avant qu’il n’accomplisse leur dessein ?

N'avons-nous aucun soupçon quant aux instigateurs de cette épidémie ? Je ne peux me résoudre à attendre qu’Orléac souffre pour agir… »


La présomption de mes paroles me fait m’interrompre : qui suis-je, pour parler ainsi ? Pourquoi suis-je obligé de répondre aussi franchement à une question qui n’était certainement que pure rhétorique ? Honteux, humilié, je baisse le regard, me murant dans un mutisme blessé, ne percevant guère des deux sœurs face à moi que la douce aura de sœur Solène, demeuré silencieuse.
Frère Éloi Voie du Prêtre Mystique
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La vie avant tout : doit tenter d'interrompre les affrontements auquel il assiste, à moins que le combat ne soit mené contre des ennemis.

Compétences :
- Maîtrise de l'Aethyr (1)
- Coriace : -1D3 dégâts subis.
- Réflexes éclairs : +1 aux tests d'initiative en situation de surprise.
- Résistance accrue : +1 aux tests d'endurance.
- Sang froid : +1 aux tests de caractéristiques effectués en situation de stress ou tension.
- Volonté de fer : +1 aux tests de volonté.
- Traumatologie : Sait administrer les premiers soins ou favoriser une guérison plus rapide.

- Alphabétisé : Capable d'écrire et de lire le Bretonnien.
- Langage secret (Classique) : Capable d'écrire et de lire le Classique.
- Législation : Sait manipuler le droit à son avantage.
- Doctrine du Culte (Shallya)

- Cuisine : Se débrouille en cuisine. +1 pour détecter des substances nocives dans la nourriture.
- Empathie
- Affûtage mental
- Incantation - Shallya
- Sens de la magie
Équipement porté sur soi :
8 sous d'argent 8 deniers
- Bâton de marche
- Robe de bure jaunie / Tenue en lin / Ceinture / Sandales
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