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Re: [Erwan de la rivière] Celui qui chante

Posté : 26 août 2020, 00:31
par [MJ] Le Roi maudit
Elle lui offrit sa main, douce, délicate, loin des battoirs épais des paysannes usant leurs doigts dans des travaux domestiques. Si ce n'était pour quelques cicatrices blanches laissées par l'entretien des rosiers et la couture, cette main était parfaite.

-Les rossignols ne chantent que la nuit dit-on. Alors il faut couvrir leur cage. Dans le noir ils révèlent leur talent.
Elle sourit avant de poursuivre : Si votre cœur se serre jeune musicien, c'est que vous avez une âme infiniment plus passionnée que celle des gens de ce monde Erwan. La passion est ce qui devrait faire fonctionner toute vie. Alors que c'est la soif de la violence, l'ambition, les bas-instincts. Peu importe les atours dont nous nous parons.

Sir Léonard lui semblait complètement absorbée par la vision d'une bannière arabéenne. Ou du moins faisait-il mine de l'être.

-Cependant il y a quelques impératifs nécessitant notre présence à tous ! Messieurs, si vous voulez bien me suivre jusqu'à la salle du banquet.

Comme pour fuir l'ambiance qu'elle avait elle même installé, la jeune noble souleva les pans de sa robe pour avancer d'un pas preste mais altier.
-Pour vous simplifier la chose messieurs. L'Intendant Hugues s'occupe du château en l'absence de mon père. Le Bailli Lambert lui s'affaire à la gestion de nos terres et Ronçard est le maître d'arme. Il forme les combattants de la roture et autrefois mes frères. Mon père est...Parti chasser les hardes qui maraudent dans la forêt de Chalôns. Les Hommes nobles de ce duché se dédient à combattre le mal. Sans voir qu'il est souvent enraciné au plus près de leur domaine...

La grande salle était imposante, brute. Bastognoise. La dame de maison arrivée, les domestiques tirèrent les chaises pour les quelques invités. Léonard, Erwan, Lambert, Ronçard, Hugues et Mathilde. Dans des assiettes de porcelaine on disposa une tranche de pain bien plus roturière pour éponger la sauce des viandes. Mathilde présenta brièvement le musicien, "Erwan de la rivière. Ménestrel ambulant, et voyageur du monde." Qui reçu des salutations brèves et solennelles des trois gérants.
Jet d'observation : 5, réussite
Image Lambert
Image Ronçard
Il ne fallait pas sortir d'une école impériale pour voir que les trois hommes ne tenaient pas en haute estime les deux invités. Leurs grimaces involontaires, le placement de leur regard, leurs tics. Tant de détail que l’œil avisé et acéré du Musicien décelait sans encombre. Léonard lui s'adressait à Mathilde placée en face de lui, saluant le travail de son père, et contant quelques exploits passés. Le premier plat arriva. De l'aspic de Lamproie. Si l'appellation sonnait exotique, il s'agissait de cubes d'un poisson gélatineux plongés dans de la gélatine froide. Guère ragoutant sauf pour le fin gourmet. Les bols à peine curé que l'on apportait des cailles aux raisins. Il ne restait plus qu'à se perdre en discussion et à se remplir la panse aux frais de la noblesse.

Re: [Erwan de la rivière] Celui qui chante

Posté : 26 août 2020, 18:34
par Erwan
Erwan apposa délicatement ses lèvres sur le dos de la main de la jeune noble, donnant un baise-main des plus délicats, et dans un étonnant respect des convenances et des distances, si bien qu'il n'appliqué que le début de ses lèvres, et non la totalité comme n'importe quel idiot le ferait. Ses quelques représentations à des banquets de noble lui avait fait comprendre, et certaines personnes avaient fait en sorte que les leçons rentrent bien dans son crâne. Il eut un léger sourire triste l'espace d'un instant en pensant à ces personnes, fugace mais qui a toutefois pu être aperçu par la jeune noble, du fait de leur proximité, mais rapidement le sourire vint éclairer de nouveau son visage. A la remarque de la jeune noble, Erwan ne put réprimer un léger rire et répondit avec pondération.

"- Le jour où la passion donnera son pain quotidien au plus humble des paysans, ce jour-là verra la fin des violences du monde." Il eut l'air de réfléchir une demi-seconde et lâcha avec une attitude plus personnelle, plus pour lui-même. "- Ce qui serait dommage, j'aurais moins d'exploits à chanter."

À la suite de quoi, la jeune noble décida de les emmener dans la salle de banquet. Une occasion rêvée en perspective, la marche ouvrée l'appétit d'un homme, et surement que Sire Léonard devait avoir faim aussi. Erwan écouta attentivement les informations que Dame Mathilde révélait, ce genre d'information pouvait être très importante si on voulait au moins parler correctement à tel ou tel serviteur. Dans leur marche rapide, Erwan ressentit tout le poids de son corps pendant quelques foulées plus lentes quand la jeune dame parlé de ses frères au passé. Il était vraiment désolé pour elle si elle les avaient perdus. Reprenant un peu d'allure, il vit la grande porte de la salle de banquet. Il prit une grande inspiration, repris contenance, passa ses mains dans ses cheveux et vérifia si ses deux trésors étaient bien à leurs places. Son luth, toujours dans son dos. Et sa flûte en argent, toujours accrochée sur son veston. Il sourit tendrement en passant un doigt sur cette flûte en argent et en repensant à qui lui avait offerte avant de revenir dans le présent.

La grande porte était ouverte, et Dame Mathilde venait de le présenter. Il se fendit d'une révérence de circonstance, et profita du fait de revenir à une posture normale pour rapidement observer les deux hommes. Son visage n'affichait rien si ce n'est un immense sourire et quelques petites rougeurs du fait d'être dans ce château en présence de telles personnes. Mais derrière ce visage d'acteur, Erwan souriait certes, mais il était un peu las. Toujours cet air de mépris et hautain envers lui quand il entrait dans une pièce avec des nobles comme seule compagnie. Après y avoir été invité, il se mit à table, prenant très soin de son luth, qu'il déposa contre son siège. Si un domestique était venu pour le déplacer ailleurs, Erwan aurait été courtois en étant cinglant et aurait répliqué :

"- Toucher l'instrument d'un ménestrel revient à demander à un homme de faire connaitre le loup à sa femme. Désolé mon ami, mais cette femme-ci ne me quittera jamais." Si toutefois un domestique aurait tenté.

Erwan n'eut même pas le temps de s'intéresser à quelque chose en particulier que les premiers plats arrivèrent. Il ne put retenir ses dents de se dévoiler avec son sourire devant le premier plat. Un plat de la mer. Oh, un plat noble, qui ravis surement ces seigneurs mais qui ne remplirait pas la moitié de l'estomac d'un homme, mais ce qui faisait sourire Erwan était la provenance du plat. La mer lui rappelait son frère. Il devait avoir vu et vécu beaucoup de choses. Peut-être que si Ranald lui permet, un chemin vers Bordeleaux serait tranquille.
Et il mangea avec retenue, afin de ne pas passer pour un rustre, car il savait que les trois hommes attendaient de lui le moindre faux pas pour une remontrance quelconque. Pendant qu'il terminait de curer son plat, il se rendit compte de quelque chose qui le déprima presque immédiatement : le manque de musique. Peut-être que le ménestrel du château est parti avec son seigneur, ce qui expliquerais cela, mais tout de même... Il poussa un léger soupire quand le deuxième plat lui fut présenté. Il grignota à peine quelques morceaux quand ses yeux se perdirent dans la contemplation de la salle et dans l'écoute du silence, malgré les quelques conversations. Son sourire disparu refis légèrement surface dans le coin gauche de sa bouche et il commença à doucement chantonner pour lui-même, et sans s'en rendre vraiment compte, il chanta un peu plus fort, de sorte que l'écho de la salle faisait que tous l'entendaient.

"- Lavande verveine, Lavande jolie
Si vous m'aimez, je vous aime aussi...

Qui vous le dit, mais qui le dit ?
Le chant du cœur, c'est lui qui le dit.

Envoie tes gens, semer les champs.
Certains aux blés, certains moissonnant.

D'autres à la ferme, même aux fourneaux,
Tandis qu'nous deux resterons au chaud.

Lavande verveine, Lavande jolie
Si vous m'aimez, je vous aime aussi...

Chante l'oiseau, toujours plus haut
Répands l'espoir, de construire un nid."


Erwan prit alors une voix plus féminine à partir de là.

"Je veux danser, je veux chanter
Si je suis reine, vous serez mon roy...

Qui me le dit, mais qui le dis ?
C'est moi, c'est moi qui le dis..."


La chanson se voulait mélodieuse, et même si sa voix pouvait dérailler de temps à autre à cause de certaines émotions et souvenirs des personnes à qui Erwan pouvait penser à ce moment, tous pouvaient néanmoins ressentir que la chanson était une chanson d'amour, juste ça. Pas une déclaration envers la jeune et magnifique noble. D'ailleurs, Erwan ne l'a même pas regardé une seule fois pendant cette courte chanson.

Re: [Erwan de la rivière] Celui qui chante

Posté : 02 sept. 2020, 21:23
par [MJ] Le Roi maudit
Jets cachés
La chanson d'Erwan reçut un accueil...Contrasté. C'était le mot. Si Léonard, la belle Mathilde et même le maître d'arme semblaient avoir apprécié le petit entremet musical, le bailli semblait tout à fait indifférent, mordant dans sa volaille avec indélicatesse. Le pire étant l'intendant Hugues qui affichait une mine consternée. Erwan aurait rendu son petit déjeuner sur ses bottes que sa grimace de dégout n'aurait pas été aussi crispée.

-Visiblement dame Mathilde, vous restez à vos premiers amours. Inviter toutes sortes de...Saltimbanques sous le toit de votre père. Vos étrangers, vos artistes payés à grands frais. Il y a chez vous un besoin de jeter l'opprobre sur notre nom.

Mathilde prit un teint farineux qui s'empourpra pourtant à la vitesse du Karag Dron alors que la colère prenait possession d'elle. Sa voix était aigu :

-Mes Saltimbanques ? Mais enfin Hugues, j'ai déjà mes tristes comiques juste sous mon nez ! Vous vivez aux crochets de mon père comme les petits bourgeois que vous êtes. Notre nom mon oncle ? Enfin si c'est comme ça que l'on nomme le bâtard de feu Grand-père. Père a eut la bonté d'âme de ne pas vous chasser dehors à coup de botte.

-Petite insolente ! Vous ne parleriez pas sur ce ton si votre père était présent !

-Je peux vous retourner la remarque Intendant!


La discussion s'envenimait, les deux autres personnes à responsabilité prendraient le parti de Hugues. Léonard lui regarda Erwan en coup de vent. Le Barde tenterait-il d'intervenir par sa verve entre Mathilde et Hugues ?

Re: [Erwan de la rivière] Celui qui chante

Posté : 02 sept. 2020, 22:29
par Erwan
Erwan avait repris son repas en fixant avec grand intérêt son bol et sa cuillère. Il avait chantonné par réflexe, presque sans même s'en rendre compte et il ne s'imaginait pas qu'une simple chanson pouvait prendre de telles proportions dans un lieu aussi calme. Il était un peu... déçu. Déçu serait le bon mot. Si les petites gens d'ici était heureux, conviviaux et accueillants, ils restaient cependant simples et directs quand un problème apparaissait. Il aurait espéré plus de ressemblance avec la noblesse locale, et Dame Mathilde avait été une agréable surprise. Mais semblait-il qu'elle était la brebis noire du logis, à moins que ce ne fut Hugues... Bah, Il allait attendre la fin de la tempête et demanderai le pardon des résidents pour avoir outrepassé sa position, ce ne serait pas la première fois de toute façon.
Quand il croisa le regard de Sire Léonard, il lui rendit un regard circonspect et un léger hochement d'épaule l'air de dire "- Que puis-je faire ?". C'était vrai, que pouvait-il faire ? Il n'était qu'un simple ménestrel, et si les chansons et la musique pouvait calmer ou exciter toute une foule, si le public n'était pas réceptif ce n'était pas la peine de commencer à jouer. Il allait reprendre son repas quand il entendit un mot, un seul, de la bouche d'Hugues.

"- Ce rescaille n'a pas sa place dans le château de votre père !"

Et Erwan vrilla. Il avait fermé les yeux et serré tellement les dents que sa tête tremblait légèrement. Sa main droite, dans laquelle se trouvait sa cuillère, serrait tellement cette dernière que même avec le peu de force qu'il avait, il commençait à la tordre un peu. Sa main gauche était un poing qu'il serrer fortement pour ne pas se jeter sur Hugues sur l'instant. Il resta comme ça le temps de trois grandes inspirations et expirations, le temps de se calmer un peu. Quand il put reprendre contenance, il déposa avec délicatesse la cuillère dans sa main, et Sire Léonard avait très bien pu voir qu'Erwan avait perdu le sourire.
Erwan ne souriant plus, son visage était désormais aussi méconnaissable que n'importe quel autre, il aurait aussi bien pu se fondre dans la foule de serviteurs du château que personne le remarquerait, ou bien dans une foule un jour de marché. Même sa crinière étincelante avait comme perdu de sa brillance, rendant le visage d'Erwan presque menaçant. Presque. Si Sire Léonard avait pu comprendre quelque chose à son sujet, c'est qu'Erwan encaisse sans aucun problème la majeure partie des insultes ou remarques à son propos, mais il est certains mots qui ne sont pas appréciés. Comme allaient le comprendre certaines personnes, maintenant que les deux côtés reprenaient leurs souffles. Erwan pris la parole et osa regarder Hugues dans les yeux.

"- Messire, je ne suis guère un preux chevalier, ni un homme noble, je pense que cela saute aux yeux de toute personne du peuple. Je suis un homme fier de ce qu'il est, je suis fier d'arborait mon luth et mes vers par monts et par vaux. Je suis fier de beaucoup de choses, et vos propos m'ont blessé. Je suis un homme du monde, et je me vante d'avoir vu bien plus de choses que n'importe qui à cette table ne le pense. J'ai chanté pour des seigneurs de nombreuses terres, j'ai connu de nombreuses personnes et toutes m'ont apporté quelque chose, j'ai vécu parmi les petites gens et quelques seigneurs. Et j'ai été récompensé pour ma chanson et ma musique par l'une des plus magnifiques dames que notre bonne terre ait à offrir." Dit-il en caressant la petite flûte en argent accroché à son veston.

"- Et vous, messire, me prenez pour un rescaille ? Un bandit ? Un voleur et un détrousseur ? Je ne vous dirai pas de mesurer vos paroles, vous ne le faites déjà pas en présence de la fille de votre seigneur, alors pourquoi envers moi. Je ne vous demanderai pas d'excuses non plus, vous seriez incapables de faire preuve de charité, de bonté, de tolérance et d'acceptation d’autrui, toutes ces qualités, semble-t-il, sont passées dans le bon côté de votre famille, Dame Mathilde." Dit-il en la gratifiant d'un sourire, et de son éclat roux retrouvé. Sa gaieté été également revenu, mais gaieté et paroles venimeuses risques de faire de gros dégâts, et Erwan n'en a pas fini.

"- Si vous vous sentez dans l'envie de passer vos nerfs sur une magnifique jeune femme, quelques-unes attendent surement la visite d'une personnalité comme vous dans votre magnifique ville, qui sais. Et si vous vous sentez mal du fait d'être... ce que vous êtes, alors... Peut-être que plusieurs magnifiques jeunes femmes voudront apprendre à vous connaitre à vous faire vous sentir plus vivant et mieux dans vos bottes." Il reprit sa cuillère en main, totalement indifférent à la rage palpable de Hugues.

"- Vous avez bafoué mon honneur, mais je ne vous en tiens pas rigueur, mon bon seigneur.
Étant un homme du peuple, j'essaie de ressembler au bon peuple.
Si votre honneur a été bafoué, vous ne m'en tiendrez pas rigueur, j'ose l'espérais.
Car si votre ire, je dois subir, c'est votre image qui risque d'en pâtir.
Mais si cela devait arriver, quelque chose je vais vous rappeler, c'est vous qui avez commencé."


Puis il reprit une bouchée avant de regarder Sire Léonard et Dame Mathilde.
"- Ce plat est très bon." Avec son sourire habituel revenu sur le visage.

Re: [Erwan de la rivière] Celui qui chante

Posté : 10 sept. 2020, 18:27
par [MJ] Le Roi maudit
Si l'égo est quelque chose de très fragile pour nombre de personnes, celui des nobles est en verre. Il se casse, et les éclats tranchants se plantent avec aisance dans les chairs. Celui de Hugues était en cristal. Et Erwan avait frappé du poing dessus.

Son visage avait enflé sous la colère, des veines violacées battaient sur ses tempes. Les jointures de ses doigts épais blanchissaient tandis qu'il broyait sa malheureuse cuillère. Il se redressa et pointa le roux de sa main libre.

-Il suffit. Sortez un porc de son auge, donnez lui des vêtements et une belle voix il sentira toujours le lisier. GARDES !

Renversant la pauvre domestique qui apportait les fromages, deux brutes à l'allure aussi sympathique que le bougre déboulèrent pour attraper le malheureux Erwan par les aisselles. Le décollant de sa chaise avec brutalité, ils essuyèrent sans même battre d'un cil les protestations énergiques de Mathilde qui les invectivait à s'en rompre la gorge.
Léonard se leva pour barrer leur route mais les Nobles étaient soumis à une étiquette délétère et obsolète et tirer l'épée sous le toit d'un autre seigneur aurait apporté bien plus de problèmes qu'il n'en aurait réglé.
Les deux armoires trainèrent l'infortuné ménestrel jusqu'à une poterne de l'enceinte extérieure du château. Un délicat coup de pied botté à l'arrière-train expédia Erwan dans la boue deux bons mètres en dessous. Il se retrouvait crotté, humilié, expulsé comme un vulgaire voleur de couverts. Par chance son luth n'avait pas été endommagé dans sa chute, seule une épaisse couche de fange le maculait.

Erwan de la Rivière se retrouvait donc au creux de la soirée, sans gite ni gains. Lui et sa compagne l'infortune.
Jet d'esquive des gardes : 13, échec.
Jet pour te libérer de leur entrave : 15, échec.
Jet de résistance à la chute : 3, réussite.

Re: [Erwan de la rivière] Celui qui chante

Posté : 10 sept. 2020, 21:25
par Erwan
Quand les gardes furent appelés, le premier réflexe d'Erwan fut immédiatement d'attrapé son luth. Il pourrait être conduit aux geôles, aux oubliettes ou simplement jeté dehors, il refuserait de céder son luth. Quand les gardes vinrent le saisir et le faire sortir, il demanda pardon à la femme qui apporté les fromages, la pauvre avait tout fait tomber et Erwan s'en voulait un peu.
Sur le chemin vers la sortie cependant, son sourire naturel qui ne l'avait pas quitté, devint un sourire vraiment touché. Lui n'était qu'un simple ménestrel, mais il pouvait entendre les rugissements et les éclats de voix de Sire Léonard et de Dame Mathilde, et cela lui fit chaud au cœur. Ses tentatives pour simplement se retourner ont dues être prises pour une tentative d'évasion de la part des gardes car ils le serraient davantage maintenant et lâcher un petit bruit de douleur. La seule chose qu'il ait pu dire sur la route fut :

"- Bah, une de plus ou une de moins tu m'diras. Enfin... Dame Mathilde semble être une personne plus noble que ce Hugues. Je prie vraiment pour qu'il ne lui arrive rien."

Et Erwan le pensait. Si Ranald était souvent vu comme les dieux des filous, des voleurs et des parieurs, Erwan avait toujours vu en Ranald cet esprit de liberté, cette espièglerie et cette fougue qui manquait à tant de gens de par le monde. C'est ces aspects de Ranald qu'appréciait Erwan, et il priait intérieurement pour que la liberté de la belle Dame ne lui fut jamais retirée. Ce serait un drame pour beaucoup dans le coin.
Une fois arrivé à destination et la botte bien planté, Erwan dégringola et apprécia pendant quelques instants la sensation de ne plus rien peser. Avant de ressentir l'effet de la pesanteur dans la boue à l'extérieur des murailles. Après s'être essuya le visage il prit délicatement son luth entre les mains et l'inspecta sous toutes les coutures et poussa un profond soupire de satisfaction et de soulagement en le voyant intact. Un peu sale, mais intact.

"- Béni sois-tu mon bon ami. Que ferai-je sans toi ?" Dit-il en s'adressant au luth pendant qu'il se relevait.

Il retira le plus de boue qu'il avait sur lui en se rendant sur le chemin sans se départir de son sourire. Pourquoi ne pas sourire, après tout ? Erwan n’était pas noble, donc n'avait que peu d'honneur à défendre. Il était couvert de boue ? Bah, une baignade et le problème est réglé. Il s'est fait mettre dehors ? Les châteaux ne sont rien d'autre qu'une grande auberge en pierre, une plus modeste faite de bois lui a toujours mieux convenu. Et surtout, il se sentait respiré. Les châteaux sont certes magnifiques, autant dedans que dehors, avec toute leur architecture, leurs tableaux, leurs tapisseries... Mais il y avait ce quelque chose qui manquait cruellement à chacun d'entre eux, et qui ne pouvait se trouvait que dehors, là dans les terres et les champs, dans les montagnes et dans les plaines. La tendre caresse et l'appel du vent. Et un sourire satisfait apparut sur le visage d'Erwan quand il sentit une légère brise le caressait, comme s'il semblait avoir manqué au vent lui-même. Il remit son luth sur son épaule et pris le chemin inverse de tantôt pour repartir en direction de la ville.

"- Je me demande comment vont Luçon et le Bougre, tiens. Héhéhé, peut-être que notre cher Luçon a une compagnie agréable ? Ou peut-être même mieux, que c'est notre Bougre qui sait." Il rigola à lui-même avant de tourner sa tête vers l'ouest, un air serein sur son visage souriant.
"- J'espère que ton voyage se passe bien, p'tit frère. Je prie Ranald pour que sa fortune te ramène sain et sauf sur nos bons rivages." Dit-il en continuant sa route, en paix malgré une douleur au niveau de son fessier à cause de la douleur.

Re: [Erwan de la rivière] Celui qui chante

Posté : 15 sept. 2020, 22:16
par [MJ] Le Roi maudit
Si personne n'empruntait la route entre Castel-Gîte et son village attenant, Erwan ne pouvait être absolument serein. Les bosquets et les champs déserts du soir pouvaient tout aussi bien grouiller de créatures déplaisantes comme les Hommes-bêtes ou quelques bandes de brigands en maraude. Pourtant, Ranald devant être de son coté, rien ne troubla son retour.

Les rues étaient quasiment désertes à l'exception d'un ou deux habitants se pressant de rentrer à la maison ou se dirigeant vers la taverne. Dans cette dernière il y avait le bruit des rires gras, des bouteilles de vin et des verres claqués sur le bois dur des tablées. Le Bougre et Luçon étaient entourés de villageoises peu farouches avides des récits guerriers des deux écuyers.
Tout en passant ses doigts noueux dans le corsage d'une lavandière, le plus loquace des deux leva la tête en direction du musicien :

-Bah alors l'Erwan, déjà parti d'la petite sauterie des Nobles gens ? L'sire Léonard l'est pas avec toi tiens ?

Le Bougre enfourna une grande cuillerée de fèves au jus tout en acquiesçant de son habituel "Oui-Da."

Re: [Erwan de la rivière] Celui qui chante

Posté : 16 sept. 2020, 20:44
par Erwan
En voyant Gîte-au-Breton, Erwan souri. Loué soit Ranald, aucune embûche sur la route, alors espérons qu'il le bénira pour l'intérieur du village également. Il allongea ses pas et malgré le manque de populace à l'extérieur et dans les rues, les odeurs et les sons qu'il percevait de ci de là lui avait déjà manqué. Il lui arrivait de rester des heures, voire une nuit au sein du château d'un seigneur, mais par Ranald, il n'était pas fait pour ce genre d'endroit, pas à vie en tout cas. En suivant les rires les plus fournis, il se retrouva dans la taverne dans laquelle se trouvèrent ses deux nouvelles connaissances préférées, le beau Luçon, et le bon Bougre. Il ria à la réplique de Luçon et arrêta sa route sur une chaise à leur tablée.

"- Qu'ils gardent leur gelée et leurs mets, mon ami. Quand on n’est pas la bienvenue, mieux vaut partir sans demander le menu.

Malheur à moi, j'ai posé les yeux et je fus en émoi.

Devant la demoiselle du Castel, et j'ai bien cru tomber pour elle.

Mais malheureusement l'accueil fut glacial par le régent, cet homme en plus de manquer d'humilité et de compréhension est froid jusqu'en dedans.

Parler ainsi à une dame noble c'est inconvenant, et quand du seigneur il est le bâtard c'est courrouçant.

Je fus mis dehors par l'arrière du château, et crois moi deux mètres, pour un postérieur, c'est bien assez haut.

Bah, que le régent se garde son austérité et son balai mal coincé, c'est auprès des bonnes gens et de vous autres que j'ai décidé de rester !

Cependant, je rends hommage à Dame Mathilde ainsi qu'à notre Sire Léonard, qui malgré leurs origines des plus nobles ont pris partis de me défendre du
bâtard et de son venimeux dard.

J'entends encore les échos de leurs disputes, et même lors de ma chute."
Il poussa un soupire.

"- Ah, désolé Luçon. J'ai tendance à parler en vers quand je suis pris d'émotion. En plus simple, le régent n'était pas très content que la dame du château m'est invité à sa table, les deux ont commencés à monter la voix. J'ai pris le parti de me défendre, comme tout homme blessé dans son honneur le doit, mais mes mots n'ont très visiblement pas plu à notre cher régent. Donc j'ai écopé d'une chute de deux mètres de haut dans la boue, et une marche seul du castel jusqu'ici. Mais, très honnêtement, j'ai été touché par le geste de Sire Léonard et de Dame Mathilde. Ils ont pris ma défense... J'avoue que je m'y attendais légèrement de la part de Sire Léonard, mais de Dame Mathilde..." Il se mit à arborer un sourire séducteur. "- Hum... Mon charme ravageur a encore frappé, faut croire."

Il ria à gorge déployée d'un rire claire, et commanda de quoi remplir le ventre d'un homme, et de quoi aider à descendre tout ça.

"- Le repas était très bon là-bas, mais parole d'homme, ça te remplis pas l'estomac comme il faut. Mais bon, ça m'a fait penser à mon p'tit frère, donc on va dire que le repas était bon, pour le temps qu'il a duré. Faudra peut-être que je reprenne la route vers Bordeleaux après quelques temps ici..." Dit-il l'air songeur, en plein calcul du temps que tout ceci prendra. Puis son attention fut attirée par quelque chose de plus présent, et de plus aguichant. Il afficha un sourire sournois l'espace d'un instant que Luçon et le Bougre n'ont pas pu manquer, avant de dire assez fort pour que quelques personnes l'entendent.

"- Franchement, les lits de ce bon Hervé sont grands et assez souples. En plus il y a pas mal d'espace, assez pour que je puisse jouer de mon luth avec ces magnifiques et doux doigts, dont certaines personnes vantent les mérites." Dit-il en regardant autour de lui, autant pour voir si des hommes allaient venir lui refaire le portrait, et aussi pour voir si sa déclaration avait fait mouche sur quelques donzelles.

Re: [Erwan de la rivière] Celui qui chante

Posté : 24 sept. 2020, 15:12
par [MJ] Le Roi maudit
Luçon et le Bougre restèrent bien silencieux le temps qu’Erwan partage le récit de la soirée. Plusieurs fois, ils ponctuèrent ses propos en levant leurs museaux pour s’observer mutuellement, avant de s’échanger un signe de tête, comme s’ils partageaient quelques paroles muettes et bien entendues entre eux.

- Bêh, installe-toi donc pour grailler l’Erwan. On essayera d’êt’ d’bonne compagnie.
– Oui-da.

Luçon regarda par-dessus son épaule. Et, alors qu’il était d’un naturel plutôt parleur, il se mit à éloigner la lavandière de son genou, l’incitant à partir plus loin, et voilà qu’il modérait le volume de sa voix alors que le ménestrel prenait place tout près de lui. Comme s’il voulait garder quelque chose de secret, ou du moins qui n’était destiné qu’à ses oreilles et non à d’éventuels curieux placés dans l’auberge.

-T’es beau garçon, l’Erwan, t’chantes ben, mais entre nous…
Prends très, très, très gare à toi ‘vant d’aller conter fleurette à une noble dame… Les chevaliers d’ce pays, y peuvent s’permettre de faire toutes les amourettes qu’ils veulent avec des p’tites jeunes filles d’villages. Mais les femmes nobles…
…Ben, j’ai vu pas mal d’horreurs, qu’arrivent à leurs amants. Des trucs à t’donner des cauchemars, j’te jure. Pas vrai l’Bougre ? Tu t’souviens d’ce p’tit gipponier d’Salignac ?


En guise de tout témoignage, le Bougre passa son pouce le long de sa gorge, imitant ainsi un égorgement. Puis, il avala à nouveau de sa pitance, mâchant la bouche pleine.

-Métier d’chanceux, gipponier. L’gars d’vait aller chez la fille d’un vicomte pour lui prendre des mesures pour ses robes. Il en a p’têt profité pour faire un peu plus que poliment reluquer, tu vois. La fille, on lui a rasé l’crâne et foutue dans l’culte de Shallya. Le p’tit costumier…
Ils lui ont tranché tout c’qu’il avait entre les jambes. La dague et les bourses. L’ont traîné à travers la ville les pieds attachés, la face raclée sur le pavé alors qu’il était tiré par un ch’val. Lui ont arraché les mains, pis les chevilles, pis seulement ensuite l’ont pendu. Paraît qu’le culte de Morr a poussé une gueulante parce qu’le vicomte les a pas laissés r’prendre le corps pour le mettre en terre avant qu’il soit bien pourri, ça on l’a pas vu l’Bougre et moi, mais on en a entendu parler alors qu’on entrait dans Parravon, alors c’est t’dire le beau massacre.


Alors que Luçon faisait des gros yeux, comme si rappeler le martyr du jeune homme à sa mémoire l’horrifiait, le Bougre, lui, se mit à ricaner.

-‘a creusé sa propre tombe. Oui-da.

Le Luçon agita lentement la tête de gauche à droite, mais n’osa pas contredire son comparse, bien inhabituellement loquace.

-J’te dis ça pour ton bien, Erwan. Les nobles dans c’pays… Y sont bons chevaliers, pour sûr, mais moins t’as à faire avec eux, mieux c’est, j’te l’assure. Alors la bonne Mathilde, p’têt que tu lui as tapé dans l’œil, mais j’te l’dis, essaye même pas d’t’en approcher.
T’as pas idée d’à quel point les nobles y sont ingénieux quand faut faire souffrir quelqu’un. Surtout si l'aut'régent t'as mauvaise. J's'rais toi, artiste et tout le tintouin. Je décar'rais rapidement d'ici. Le Monde l'est bin vaste.


Il se retourna et siffla au tavernier en train de laver ses chopes derrière le comptoir.

-Ressers-nous, bon Hubert !

On amena une assiette de fèves servies sur un pain à tranchoir, une nourriture bien moindre que l’aspic des aristocrates, mais qui devait bien tenir au corps.
Et bien sûr, de l’alcool pour faire passer le tout.

Re: [Erwan de la rivière] Celui qui chante

Posté : 24 sept. 2020, 18:39
par Erwan
Erwan jetait quelques regards de ci de là jusqu'à ce que Luçon ne commence à agir bizarrement, en faisant s'éloigner la lavandière, ou en baissant d'un ton. Erwan continuait à regarder dans la salle, mais d'un œil un peu vide, ses yeux voyant le marron du bois de l'auberge et les formes et les couleurs des gens, seuls Luçon et le Bougre avait conservaient leurs formes dans l’œil d'Erwan. Une petite astuce qu'un ancien troubadour de sa vieille troupe lui avait apprise :

"- Quand tu veux faire croire aux gens qu't'es sur tes gardes alors qu'non, r'garde autour, mais sans vraiment r'gardez mon gars."

Semblait-il que chacun avait sa façon de "regarder sans vraiment regarder". Mais ainsi, même si sa vision était très floue, son ouïe était un peu plus acérée, et il écoutait attentivement ce que Luçon lui disait.
Pendant le discours à huit clos de Luçon, Erwan ne pus s'empêcher de faire quelques rictus dégoûter quant à certaines violences faites à ce pauvre costumier. Mais c'est surtout la phrase formait par le Bougre qui avait déstabilisait Erwan, si bien qu'il revint à une vision plus normale, perdant sa concentration, et dans sa tête une question et une affirmation venaient de fuser en même temps avant que Luçon ne reprenne :

"- Tu parles le Bougre ?! Diantre... Moi qui te croyais simple d'esprit." Pensa-t-il.

Quand Luçon eut fini et que les assiettes furent servies et les godets remplis, Erwan pris quelques instants pour réfléchir. C'était clairement visible pour tous qu'Erwan avait quelque chose en tête, mais quant à savoir ce que c'était, difficile de dire pour ceux qui ne le connaissent pas. Cela pris tout de même deux bonnes minutes, assez pour possiblement inquiéter Luçon et le Bougre, mais finalement Erwan bougea. Il se leva simplement de sa chaise, vint se mettre à côté de Luçon et démontra une nouvelle fois qu'il pouvait surprendre en toute occasion. Il prit Luçon dans ses bras avec un grand sourire. Il le serra dans ses bras quelques instants, sans vraiment chercher à se cacher, et avec un sourire chaleureux et amical, différent de son sourire habituel, ce dernier étant affiché pour montrer la simple joie de vivre. Il retourna s'assoir à sa chaise et regarda Luçon dans les yeux.

"- Luçon, tu sais à quoi ressemble la vie d'un ménestrel ambulant tel que moi ? Laisse-moi te la décrire en quelques mots. Rarement un toit sur la tête, occasionnellement de quoi me remplir l'estomac, difficilement accepté dans un petit village, et je ne goûte jamais à la tranquillité. Très peu de personnes acceptent les gens comme moi car nous sommes exotiques, nous sommes un brin charmant, et nous sommes une curiosité. Quand je suis en ville, j'ai toujours le dos au mur pour être sur qu'un homme ne vienne pas me faire du mal parce que sa femme a regardé dans ma direction l'espace d'un instant. Quand je suis sur les routes, je dois toujours faire partis d'une caravane car je ne sais pas me battre, alors que ferai-je face aux bandits ou monstres qui foulent notre bonne terre. Et même au sein de cette caravane, je dois prendre garde car qui sais s’ils sont bien intentionnés ?" Il regarda Luçon avec un sourire cynique, presque brisé, et bois deux gorgées de son godet avant de reprendre.

"- Mais tu sais quoi ? Cette vie me plait. La raison ? Parce qu'il existe des gens comme toi, Luçon. Des personnes gentilles, attentionnées, qui prennent soins de leur prochain, même si cette personne n'est qu'un ménestrel qu'ils ont rencontré la veille au soir et qui n'a rien fait d'autre que chanter pour eux. Pour toi Luçon, ton discours de torture et de mise en garde était un avertissement envers quelqu'un que tu apprécies légèrement. Pour moi, cela montre que tu es quelqu'un de gentil, et qui ne veux pas que du mal soit fait sur quelqu'un." Erwan remplis son godet et celui de Luçon également si son godet est vide, et il lève son propre godet un peu l'air, sans vraiment vouloir trinquer.

"- Je rends hommes à la gentillesse que t'anime, Luçon. Et ton conseil, je le suivrai car il faut toujours tendre l'oreille quand un ami vous parle. Je laisserai le vent me conduire où bon lui semblera demain, car ce soir, j'ai envie de le passer en compagnie de mes deux nouveaux amis." Et il avala son godet cul-sec avant de passer la soirée avec Luçon et le Bougre.