[Éloi] Extrême-onction

La Bretonnie, c'est aussi les villes de Parravon et Gisoreux, les cités portuaires de Bordeleaux et Brionne, Quenelles et ses nombreuses chapelles à la gloire de la Dame du Lac, mais aussi le Défilé de la Hache, le lieu de passage principal à travers les montagnes qui sépare l'Empire de la Bretonnie, les forêts de Chalons et d'Arden et, pour finir, les duchés de L'Anguille, la Lyonnesse, l'Artenois, la Bastogne, l'Aquilanie et la Gasconnie.

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[MJ] La Fée Enchanteresse
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Re: [Éloi] Extrême-onction

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Le jeune seigneur parut circonspect. Hésitant. Il tordait ses lèvres. Serrait légèrement son poing. Il semblait être en plein débat avec son propre for intérieur ; Une ultime grimace, et finalement, il décida de se redonner un peu de prestance en posant un poing contre sa hanche, et en levant bien son museau, plus hautain et supérieur que jamais :

« La pitié des serviteurs de Shallya ne doit pas m’empêcher de maintenir les coutumes de mon pays. Mais je serais un bien mauvais seigneur de me tenir sur ton chemin.
Alors, va donc t’enquérir de la santé de ce larron, après quoi, je le punirai. »


Il croisa ses bras et dévisagea Éloi d’un air dédaigneux. Peut-être pour se convaincre lui-même que la miséricorde venait uniquement de lui ; Peut-être que les arguments du jeune oblat de Shallya avaient fait remuer quelque chose en lui.

Les hommes d’armes qui l’accompagnaient déverrouillèrent le carcan de bois. Vivement, ils se saisirent du larron par ses haillons, et le jetèrent à terre, avant de s’éloigner pour laisser Éloi à son office.
Le vagabond haletait. Faisait craquer son cou. Alors qu’Éloi s’approchait, il ne put s’empêcher de lui attraper sa bure et de venir poser ses lèvres gercées sur les pieds du futur prêtre.

« Merci, merci mon frère ; J’cru qu’j’allais canner ! Les sergents, bah, c’des sauvages ! »

Entendant les critiques de leur rudesse, les-dit sergents se retournaient en lançant un mauvais regard au larron. Mais ils n’intervinrent pas autrement.
Il semblait en effet avoir été victime du courroux de sergents de paix. Sa peau était couverte d’hématomes, et son cou portait des marques de strangulation. Il semblait assoiffé ; Éloi lui tendit sa flasque de cuir, et ainsi, il put se désaltérer à pleines gorgées étranglées. Il eut ainsi un bon instant de repos dans le calvaire qui l’attendait. Il offrit donc un sourire triste en rendant son outre à l’initié de Shallya.

« Céti qu’ça va être une longue journée pour mi, mon bon frère. Pô la première fois sur l’pilori pour moi, mon frère. Mais j’crois qu’la sergenterie veut m’tuer, m’avoir à l’usure. Quoi qu’je fasse trouvent toujours une raison ou une aut’ d’me coller lô, céti qu’c’est vrai.
Messire, mon frère. Y a b’soin de plus de gens comme vous. »


Éloi posa sa main sur le front brûlant du larron. Celui-ci se força à se mettre à genoux, et lia ses mains devant lui. Le frère fit une courte prière, et alors, les traits du larron semblaient se détendre. S’apaiser.
Les hommes d’armes attendirent la fin de la prière pour s’approcher à nouveau du larron.

« Allez, qu’c’est bon, Jacquot ; T’as eu ta pause. »

Ils le soulevèrent, avec bien moins de violence tout à l’heure, il est vrai. Comme si la preuve de piété d’Éloi les avait convaincus de modérer leur ire.
Ils replacèrent le larron dans son carcan, et le forcèrent à courber le dos pour être enserré dedans.
Sans un mot pour l’oblat de Shallya, Drogo, qui avait assisté silencieux à la prière, se décida à s’éloigner, vite rejoins par quelques valets et serviteurs dans son sillage. Éloi pouvait jurer que le jeune sire lui avait lancé un regard avant de déguerpir, sans qu’il ne parvienne vraiment à comprendre ce qu’il signifiait.





L’abbatiale Shallya-d’Orléac était consacrée à une Âme Vénérée du nom de Sainte Gontheuc la Défigurée. Pour une raison étrange, le Pays de Brionne a toujours été le berceau de graves épidémies et de pestes se propageant à travers le monde. Il y a plus de deux millénaires, alors que le peuple Bretonni n’était pas encore unifié et n’avait pas encore la Dame du Lac comme Déesse, on raconte qu’une vérole gravissime s’était répandue à travers les terres de la Brienne, laissant sur les routes des hordes de malades couverts de pustules, chassés de chez eux et regroupés en bandes errantes souffrant de la famine, de la violence et des ravages de leur affliction. Gontheuc était une prêtresse de Shallya lors d’une ère où la religion n’était pas encore unifié, hiérarchisée, établie et protégée par des aristocrates ; C’était une époque plus rustre, et plus difficile pour soulager le monde de ses maux. Mais alors que les communautés barraient leurs palissades de bois et que les ancêtres d’hommes comme Drogo éloignaient les malades à coup de lances et de chevaux qu’ils montaient sans étriers, la jeune Gontheuc avait décidé de vivre parmi eux. De leur servir de porte-parole pour obtenir des petits seigneurs de guerre de l’eau et des vivres. Elle embrassait leurs plaies pour les soulager, lavait leurs pieds et les accompagnaient à travers leur errance. Elle prenait leurs peines et leurs souffrances pour elle-même, soulageant leurs escarres avec ses larmes. Elle en paya le prix le plus fort, avant de rendre l’âme après toute une vie dévouée à la Déesse.

C’était la statue de Gontheuc qui marquait l’entrée de la clôture monastique de l’abbatiale. Rien à voir avec la magnifique fontaine de marbre montrant les mouvements d’une Rhya et d’un Taal enlacés comme des amoureux, la pierre imitant le pli d’une peau enserré par de tendres mains ; Rien à voir non plus avec le rude visage d’un Duc Tancrède sorti d’un combat face à l’Orque, où le granit représentait bien les plus infimes détails de son camail et les peintures de son ailette. La statue de Sainte Gontheuc était une sculpture grossière, ancienne, sédimentée par l’usure du temps. Jeune homme, Éloi avait dû souvent en nettoyer les crottes de volatiles, et lui redonner une jeunesse constamment renouvelée. Sainte Gontheuc méritait bien son surnom : Malgré la rudesse du détail du granit, on devinait surtout une grosse robe de bure de pierre, la capuche recouverte sur son crâne aux cheveux partant par poignées entières ; Elle était quasiment chauve. Ses yeux étaient injectés de larmes, qui coulaient sur des joues boursouflées, sur un front couvert de croûtes, sur des lèvres où un bouton plein de pus semblait avoir prit naissance. Une sorte d’énergie émanait de la statue. Chaque fois qu’Éloi s’y tenait, y posait ses mains, il sentait une profonde dévotion l’envahir. Et il pouvait jurer, à moins que ce ne soit la fatigue, qu’il pouvait entendre Gontheuc pleurer. Chaque fois qu’il passait devant, il était piqué de légères démangeaisons autour de son nez.



L’abbatiale était plus vieille qu’Orléac. Il y a bien longtemps, avant que le Duc Tancrède n’accorde une charte de franchise instituant le conseil des capitouls, et que la cité ne se développe en un grand bourg prospère essentiel aux foires Brionnoises, il n’y avait que deux bâtiments à l’écart l’un de l’autre : Le donjon bâti sur une pointe de rocher, et l’abbaye de Shallya. C’est l’histoire qui avait doté Orléac d’un port, de guildes, d’ateliers, et finalement de murs pour enserrer l’abbatiale. Preuve qu’il fut un temps où cette abbaye était un riche propriétaire foncier, il était cerné de clôtures qui donnaient sur de la bonne terre, tranchant complètement avec le pavage et les blocs de maisons à colombages omniprésents dans le reste de la cité. Tout comme dans la chapelle de la basse ville qui disposait d’un petit potager privatif fort utile, l’abbaye avait à sa disposition une véritable vergée intra-muros ; Nul doute qu’en voyant le développement immobilier d’Orléac, cette propriété devait valoir une somme gigantesque. Mais c’était un Temple, avec une charte, aussi ces terres n’étaient pas à vendre. Une partie de cette terre était mise en culture, avec une serre, et une orangeraie, ce qui permettait de faire pousser tout un mélange de plantes, d’herbes, et de graines rares venant hors de la Bretonnie : L’abbatiale avait ainsi la chance d’être totalement auto-suffisante pour produire des baumes, des onguents et des remèdes, et même d’avoir suffisamment de surplus pour en offrir aux autres sanctuaires de Shallya de la région. La jolie terre permettait aussi d’offrir de plaisants chemins de randonnée, surtout à travers le cloître central – nul doute qu’un bourgeois physiocrate trouverait que ce serait un sublime gâchis de superficie cultivable, mais il n’avait pas son mot à dire.
La richesse la plus importante venait des ruches, plus éloignées et au bout de la clôture monastique. Le Temple disposait en effet de magnifiques abeilles, ce qui permettait de produire un miel qui servait pour les remèdes, mais également à en vendre sur le marché ; De ce nectar, l’abbaye tirait un précieux bénéfice qui faisait la joie de la sœur camérière chargée des achats et des revenus du Temple.

C’était, en tout cas, le lieu qu’Éloi pouvait appeler son chez-lui. C’était là que sa mère enceinte avait été reçue, et qu’il avait vu le jour. Là où il avait hurlé son premier cri, au sein de la grande infirmerie, et tous ses lits, ses chambrées et ses bureaux, où l’on pouvait accueillir des dizaines de personnes en cas d’épidémies – et puisque la Brionne était habituée aux épidémies, le temps et les travaux ont su en adapter la configuration. Il avait poussé ses premières dents dans le grand réfectoire, sur les genoux de sœur Mathilde, la vieille sacristine de soixante ans chargée de l’entretien et de la propreté de toute la propriété. Il avait fait ses lettres très tôt dans la froide bibliothèque, jamais chauffée, ce qui lui avait valu des engelures en hiver : Mais il avait pu profiter des lectures et des remontrances sévères de la sœur préchantresse Clémence, bien avant qu’elle ne devienne prieuse de l’abbaye ; La fonction revenait aujourd’hui à sœur Amandine, une jeune fille qui n’avait que trois ans de plus qu’Éloi mais qui avait toujours été bien travailleuse et assidue. Plus âgé, pré-adolescent, il avait passé beaucoup de temps à travailler de la buanderie à l’écurie, car, autre signe important de richesse, l’abbaye avait la chance de posséder de beaux ânes et ânesses, un solide mulet, et même un cheval de somme.

Ce Temple, n’importe qui, peu importe son âge, son sexe, son rang dans la société de Bretonnie, même s’il était hors-la-loi, avait le droit sacré de rentrer et de s’y présenter pour demander l’asile et l’assistance des sœurs de Shallya. Dans les faits, le Temple était aujourd’hui, en cette époque, assez éloigné des faubourgs pour que peu de mendiants se pressent en une véritable foule pour leur demander du travail. Chaque jour, une demi-douzaine de malades ou nécessiteux se présentait venant quémander aumône, mais Éloi avait été plus souvent demandé dans la chapelle de la basse-ville qu’au sein du riche et grand Temple de la haute-ville.





Il devait être midi passé. Éloi commençait à avoir faim.

Alors qu’il passait devant la statue devant laquelle il s’inclinait, adressant une prière comme il est coutume pour chaque arrivant de le faire, Éloi entendit un sifflement. Le Gros Pierrot était assis sur un banc devant l’entrée, en train de cirer minutieusement des sabots. Il était entouré de poules échappées du poulailler, qui gloussaient dans tous les sens en jouant du bec, et en picorant des miettes de pain jetées au sol. Derrière lui, se dressaient la grande infirmerie et l’abbatiale.

« Tu viens graille l’Éloi ? J’espère qu’t’as pô trop la dalle, aujourd’hui c’ti potage et pain rassis, pas d’quoi remplir l’estomac d’un homme, non mon gars. »

Il haussa les épaules avant de continuer son cirage de sabots.

« C’est jour d’marché ! On d’vrait graille de la poiscaille, pas du potage ! ‘fin, la p’tite Amandine qu’elle est sortie avec deux p’tits convers pour faire les courses, donc j’pense que c’soir ça s’ra p’têt plus consistant. D’la sardine j’espère. »

Depuis qu’elle était préchantresse, Amandine passait le plus clair de son temps avec les jeunes orphelins recueillis par le monastère, les frères et sœurs dits convers. Fut un temps où elle et Éloi occupaient ce rang. Ils avaient passé de nombreux moments de leur enfance ensemble, plus encore qu’avec les autres dont ils avaient dû partager les souffrances et le dur labeur.

« L’prêtre qui doit v’nir te chercher est toujours pô arrivé, sité inquiet d’ça.
Tu comptes faire quoi d’ta journée à Orléac ? »

Je ne t’accorde pas l’utilisation du bonus « Séduction » dans ce contexte ; Je comprends que la compétence a un périmètre d’usage plus large que simplement quand tu veux draguer quelqu’un, mais je préfère la réserver aux moments où Éloi fait véritablement un effort pour paraître enjôleur, même s’il ne fait aucune avance. Étant donné le contexte avec lequel tu t’adresses à Drogo, je ne préfère pas l’utiliser.
Je ne t’accorde pas non plus un nouveau jet d’empathie, même si tu as quelques pistes sur la personnalité de Drogo dans la narration.

Je fais un ultime jet de Charisme avec Drogo pour voir ce qu’il en pense, avec tout de même un bonus de +4 (Réussites précédentes + Drogo est plutôt sensible à ta cause) : 11, ça passe.

Lancement de la prière « Détresse retardée » sur le larron.
Jet : 10, réussite de justesse.
+1 PdC de Shallya gagné.
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Frère Éloi
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Re: [Éloi] Extrême-onction

Message par Frère Éloi »

L’espace d’un instant, je crains d’être allé trop loin, de m’être montré trop critique des pratiques du nouveau prince consort d’Orléac. Si je ne puis lire en lui, je le vois manifestement contrarié, cherchant à se recomposer une prestance après l’avoir laissée s’échapper. Les bras croisés, le visage fermé, il me toise à nouveau d’un air pincé, comme au premier regard de notre fortuite entrevue, avant de m’autoriser à bénir le supplicié. Apaisant, je lui exprime l’étendue de ma reconnaissance avant de me détourner.

« Merci, messire. Shallya vous le rendra. »

Agenouillé sur les pavés de ma cité, c’est bien désolé que je fais le navrant inventaire des mauvais traitements subis par le pauvre hère. Contrairement aux affirmations de mon seigneur, l’homme a bien été bastonné, ou du moins roué de multiples coups dont son cuir accuse encore les traces. Je regrette bientôt de ne pas avoir emporté le moindre baume ou onguent avec moi, et ne peut guère que lui proposer de vider ma gourde pour se désaltérer. A défaut de soins, je puis néanmoins lui offrir ce bref instant de répit, le soustrayant temporairement aux attentions de la garde, sursoyant momentanément au tourment de son jugement. Passant ma paume sur son front moite et brûlant, j’entreprends de prier pour le malheureux, appelant sur lui l’attention de la déesse, lui demandant d’alléger, fut-ce pour un temps seulement, le poids des douleurs du larron. En cet instant de recueillement, j’en oublie même mon environnement, focalisé que je suis sur la transmission de ma supplique. Si j’ai toujours pris soin de ne solliciter ainsi Shallya qu’en cas de besoin, je me sais souvent sinon écouté, du moins entendu. En l’occurrence, une certaine félicité m’envahit au terme de ma prière. Le suppliant se détend ; il semble que mon vœu soit exaucé. Me redressant pour me retirer, je n’omets pas de le saluer, préférant une recommandation de se faire soigner aux expressions consacrées.

« Viens quérir l’aide de mes sœurs dans la ville basse, un jour prochain. »

Comme je m’apprête également à présenter mes respects au prince de Carqueray, celui-ci se détourne sans mot dire pour s’éloigner suivi de ses valets, ne me laissant pas l’opportunité de prendre dument congé. Cette soudaine distance m’intrigue, je dois l’avouer, d’autant plus qu’il ne me semblait pas l’avoir fâché. Un linceul de perplexité se referme sur moi, et je demeure un moment immobile, indécis, à me masser pensivement l’arête du nez. M’éloignant finalement à mon tour de la place du marché, je reprends la direction du temple, méditant sur les enseignements de cette singulière entrevue.


***


Mon for intérieur tressaille d’une douce allégresse à l’approche de la statue de Sainte Gontheuc. Le portique marquant l’enceinte de l’abbatiale tout juste franchi, mes pas me mènent machinalement à la dame de granit, et je lève les yeux vers son visage éploré, pour en embrasser le regard familier. Cette statue, je la connais pour ainsi dire sur le bout des doigts, pour l’avoir lavée, poncée, astiquée maintes fois déjà. Il y a quelque chose dans son regard de pierre, dans sa silhouette voûtée par le poids des années, qui apaise les douleurs, et calme les frayeurs. Quelque chose aussi dans son parcours, entre amour dévoué et refus du désespoir, une pieuse détermination en un âge de guerres incessantes et d’omniprésente barbarie, qui ne peut qu’inspirer le pèlerin contemporain. Quelque chose d’éminemment admirable dans l’histoire de sa lutte continuelle contre les maux de ces terres. A proximité de la vénérable sculpture, je me sens comme animé, touché par la cruelle fatalité d’une vie achevée dans la souffrance et les larmes, transporté d’une ancestrale piété poussant à se recueillir et à prier. La calme contemplation de ce visage marqué par l’effort, usé par les années, suffit à m’élever vers une calme sérénité, une douce quiétude propre à soulager mon âme parfois chagrinée. Cette vieille statue ne paie peut-être pas de mine, mais elle a ses secrets. Sous la surface stérile et rugueuse de la pierre érodée par le temps se cache en effet la même rassérénante chaleur que celle éprouvée aux alentours des reliques de la sainte. Sainte Gontheuc d’Orléac parle au voyageur, le console, le rassure. Avec du temps et de la patience, ces particularités deviennent évidentes. En de rares jours gris, je crois même l’avoir entendue pleurer.

Apposant ma main contre le granit gorgé de soleil, paupières closes, je récite pour moi-même le début d’un verset sacré, empruntant pour ma prière à Shallya des mots hérités de la sainte sœur.

« Bénie sois-tu, Mère des miséricordes, tu me consoles en toutes mes afflictions.
J'ai devant les yeux ton amour, tu es ma lumière, mon horizon. »

Ému, je médite un moment après avoir rouvert les yeux, touché par la bienveillance du triste sourire de granit. Une familière démangeaison gagne la commissure de ma narine, que j’entreprends de chasser d’une distraite friction du bout du pouce. C’est pour moi chose courante à proximité de Sainte Gontheuc, comme si mon corps réagissait à la sainteté rémanente de la pierre.

Un rapide sifflement vient me tirer de mon bref recueillement, m’amenant à en chercher l’origine du regard. Là-bas, à quelques pas de moi, Pierrot est installé sur un banc fatigué, un sabot à la main, un large sourire barrant son visage enjoué. Le voir ici m’emplit d’une joie aussi simple que sincère, et je m’avance sans tarder pour le saluer. Sa question ravive la faim lovée au creux de mon estomac, seulement endormie par le maigre quignon grignoté plus tôt en remontant de la ville basse. Trois enjambées plus tard, je me penche pour attraper au passage une poule esseulée s’étant éloignée de ses congénères. Se saisir ainsi de gélines en liberté vient aisément avec l’habitude, le tout étant de prestement immobiliser leurs pattes avant de hisser l’animal à soi. L’imprudente, me voyant venir, ne déguerpit pas pour autant, accoutumée à la présence humaine, me facilitant la tâche. La ramenant vers le reste de la volaille assemblée autour du banc de Pierrot, je retourne à mon ami un sourire enjoué à la mention du potage, puis vient m’asseoir à son côté.

« On m’a donné congé à la chapelle pour aujourd’hui. J’ai vaqué en ville depuis, et n’ai pas chômé. Je saurai m’en contenter. »

Je jette un regard contemplatif aux alentours. Cet endroit, c’est chez moi. Plus qu’en tout autre lieu à Orléac, je me sens entier en ces murs qui m’ont vu grandir. Enfant déjà, j’en arpentais quotidiennement les austères couloirs, du grand dortoir à la bibliothèque, de la cuisine au réfectoire, du dispensaire à la salle capitulaire. Sous la houlette de mes aînées, j’ai appris à travailler la terre arable autour de l’abbatiale, allant maintes fois au jardin puiser l’eau que l’on demandait en cuisine. Ici comme à la chapelle, je ne suis jamais orphelin : je me sais entouré, membre d’une communauté.

Songeur, je reste un moment sans répondre à Pierrot, mettant de l’ordre dans mes pensées. La mention de sœur Amandine n’est pas sans ramener son lot d’émotions et de plaisants souvenirs. De quelques années mon aînée, elle s’est toujours montrée d’une infinie bienveillance à mon égard, au gré de nos activités en commun. Plus jeunes, nous passions en effet le plus clair de notre temps ensemble, quotidiennement affectés à des tâches nous amenant à nous fréquenter. Il y a un peu de la bonté de sœur Annabelle chez Amandine, de cette tendresse à mon endroit qui me faisait pleurer de gratitude étant enfant. Me remémorant ces moments chéris, je me souviens de nos innocentes confidences, cachés au beau milieu du cloître arboré, chacun trouvant les mots pour apaiser les chagrins juvéniles de l’autre. Un sain attachement nous unit, singulier lien spirituel entre nous. Nos âmes doivent être jumelles devant Shallya, ou je ne me l’explique pas. Voilà néanmoins plusieurs années que nos chemins peinent à se croiser, nos attributions ayant depuis évolué. Le temps aidant, cette évanescente insouciance s’est progressivement estompée, disparaissant peu à peu comme autant de souvenirs d’enfance. Mes nouvelles attributions, de plus en plus recentrées sur les activités de la chapelle sur décision de la mère prieure Clémence, ont aidé en ce sens.

Expirant longuement comme pour me départir de telle songerie, je retiens un coupable soupir. S’il me faut bientôt quitter cette ville, plutôt que de me languir de ma sœur de cœur, j’aspire à me noyer une dernière fois dans l’onde limpide de ses prunelles. Certainement, la mère prieuse ne m’en tiendra pas rigueur, puisqu’elle n’aura tantôt plus à se soucier de moi.

Mon regard vagabond tombe par hasard sur le vieux bâton de marche que Pierrot m’a offert hier. Je me souviens alors ne pas lui avoir encore exprimé ma gratitude pour ce geste. Gêné, je me sens larmoyer.

« Pierrot... Pour ton bourdon…
Je ne sais comment te remercier… »

Jet d’Empathie animale auprès des poules, communiqué par le MJ : 8, réussite modérée.

Quelques intentions (indicatives) pouvant inspirer la suite de la journée d’Éloi : trouver un moyen de recroiser Amandine une fois qu’elle sera de retour, et si le prêtre itinérant n’est pas arrivé d’ici là, aller se recueillir/méditer.
Modifié en dernier par [MJ] La Fée Enchanteresse le 11 juil. 2020, 13:03, modifié 1 fois.
Raison : +6 XP / Total : 31 XP
Frère Éloi Voie du Prêtre Mystique
Profil : For 9 | End 9 | Hab 8 | Cha 11 | Int 11 | Ini 8 | Att 9 | Par 8 | Tir 8 | Mag 14 | NA 1 | PV 75/75

États temporaires
Une vie de Paix : +1 à tout jet visant à guérir un patient blessé, malade ou empoisonné.
La vie avant tout : doit tenter d'interrompre les affrontements auquel il assiste, à moins que le combat ne soit mené contre des ennemis.

Compétences :
- Maîtrise de l'Aethyr (1)
- Coriace : -1D3 dégâts subis.
- Réflexes éclairs : +1 aux tests d'initiative en situation de surprise.
- Résistance accrue : +1 aux tests d'endurance.
- Sang froid : +1 aux tests de caractéristiques effectués en situation de stress ou tension.
- Volonté de fer : +1 aux tests de volonté.
- Traumatologie : Sait administrer les premiers soins ou favoriser une guérison plus rapide.

- Alphabétisé : Capable d'écrire et de lire le Bretonnien.
- Langage secret (Classique) : Capable d'écrire et de lire le Classique.
- Législation : Sait manipuler le droit à son avantage.
- Doctrine du Culte (Shallya)

- Cuisine : Se débrouille en cuisine. +1 pour détecter des substances nocives dans la nourriture.
- Empathie
- Affûtage mental
- Incantation - Shallya
- Sens de la magie
Équipement porté sur soi :
8 sous d'argent 8 deniers
- Bâton de marche
- Robe de bure jaunie / Tenue en lin / Ceinture / Sandales
- Grande sacoche contenant couverts, rations diverses
- Livre de prière de Shallya
- Amulette de Shallya
Fiche wiki[Annexe] Brionne et Orléac

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[MJ] La Fée Enchanteresse
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Re: [Éloi] Extrême-onction

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Pierrot le simplet eut un petit rire sincère au remerciement d’Éloi.

« J’t’en prie, c’est qu’un bâton. Pis si tu dois aller jusqu’à Couronne, t’vas en avoir b’soin d’un bon bâton ! Crois-moi que quand tu marches un bon bâton ça aide ben son homme, oui-da mon gars ! »

Et il observa son sabot tout verni et remis en état, un sourire satisfait de sa besogne.

« Pis ça t’f’ra un souvenir d’mi. J’ai donc pô grand-chose à offrir mi, mais l’bâton c’t’un beau cadeau qui sert ; Moi j’l’ai toujours dit, un cadeau qui sert c’plus important qu’un cadeau qu’sert à rien, eh ! »

Et voilà, Pierrot le simplet était lancé ; S’il parlait peu, c’était uniquement parce qu’on lui demandait peu son avis sur les choses du monde. Mais il devenait un véritable moulin à paroles lorsqu’il pensait susciter un quelconque intérêt. En l’occurrence, il se mettait à expliquer qu’offrir un chiffon était un meilleur cadeau qu’offrir un beau bijou – ce qui l’arrangeait bien, vu qu’il n’avait pas de quoi offrir de bijoux, et que de toute façon la Prieuse Clémence n’aimerait pas que l’on dépense de l’argent durement acquis dans des frivolités.
Tout agréable qu’était Pierrot, il avait le don de tenir la jambe trop longtemps. Éloi dût trouver un moyen de gruger et de prétendre que quelqu’un l’attendait pour échapper à sa verve, aussi Pierrot le simplet ne s’en émut pas, lui dit simplement à toute vitesse où se trouvait qui et qui faisait quoi – en tant que concierge du monastère, il n’arrêtait pas d’épier les allées-et-venues de tout le monde.

Éloi pouvait aller grignoter un morceau au réfectoire. Ensuite, il pourrait se rendre utile en allant aider aux ruches, aux écuries, ou dans la pharmacie qui préparait des onguents – pas sûr que ce dernier point l’intéresse, après avoir passé toute la sainte matinée à étiqueter des bocaux. Plus tard, Amandine reviendrait avec les enfants, et puisque ce n’était pas jour où l’on devait apprendre le chantre, il aurait sûrement l’occasion de passer un peu de temps avec elle, ou d’autres de ses sœurs. En fait, depuis quelques jours, Éloi était dans une sorte d’entre-deux auquel il n’était pas habitué ; si Sœur Michelle continuait de le faire travailler normalement, en le rouspétant si elle l’accusait de tirer-au-flanc (Mais tout le monde à ses yeux tire-au-flanc), les autres prêtresses laissaient Éloi faire ce qui lui plaisait plutôt que répondre à un impératif.
Chacune avait bien compris que ses jours étaient comptés dans le monastère, et qu’il fallait profiter de sa présence avant qu’il ne disparaisse.

Mais avant de choisir comment occuper son après-midi, Éloi décida d’aller méditer dans l’église abbatiale.




Lorsqu’il faut s’imaginer un Temple de Shallya stéréotypé, la plupart des habitants du Vieux Monde se représentent immédiatement un édifice fort simple et épuré. Une nef en pierre, creusée de meurtrières pour y laisser entrer la lumière naturelle du soleil, un autel recouvert de cierges et d’effigies en bois, des bancs récupérés, poncés pour en retirer les échardes et laissés tels quels pour que les fidèles puissent s’asseoir, à moins qu’ils ne veuillent prier à genoux. Le culte de Shallya a toujours préféré dépenser de l’argent dans le soin et les œuvres plutôt que pour des réalisations architecturales.

Mais l’église abbatiale de Notre-Sœur-Gontheuc-d’Orléac n’obéissait pas à ce cliché. Les hasards de la féodalité et des changements familiaux avaient fait d’Orléac le siège des temples subalternes de ce duché, au détriment du Temple de Castel-Brionne. L’abbatiale avait ainsi profité de donations et de cadeaux transmis de génération en génération, ce qui rehaussait la somptuosité du lieu de culte.
Au lieu d’une pierre grise, la nef était faite d’un blanc éclatant, une charte vieille de trois siècles confiant le coût de l’entretien des murs au conseil des capitouls de la ville. À la place de fines meurtrières, la lumière du jour éblouissait le temple tout entier grâce à de majestueux vitraux éclatants, qui représentaient des scènes provenant du « Bréviaire de la Souffrance », du « Testament de Pergunda », ou encore de la compilation d’hagiographies du « Livre des Larmes » : Sous les yeux d’Éloi, on découvrait des verreries fines et précieuses représentant des sœurs de Shallya violées, décapitées, brûlées conscientes, attachées à des poteaux et fléchées, écorchées vives, bouillies dans de l’huile, ou assaillies, défigurées et meurtries par les épidémies, souffrances ignobles subies de la main de tyrans ou de serviteurs de la Déchéance. Des exemples à suivre. Sur ces vitraux, contrairement aux chapelles du Graal, ni chevaliers héroïques surgissant de nulle part pour défier les démons, ni conrois resplandissant de tortils et lambrequins pour sauver les innocents : Les sœurs de Shallya devaient savoir souffrir, et mourir, et plus une sœur avait souffert, plus elle était vénérée.
Au-dessus de sa tête, le plafond de l’abbatiale était creusé de petites statues. Quelques héroïnes ou âmes vénérées du culte, couvrant leurs visages arrachés et pleurant des larmes de pierre. Ces statues étaient si magnifiques qu’elles auraient la place dans la salle d’apparat d’un quelconque palais – C’était un artiste Tiléen qui, en convalescence dans le Temple au siècle dernier, avait sculpté la plupart de ces statues durant ses délires fiévreux, soudains accès d’inspiration.

Tout au bout de la nef, l’autel était couvert de dorures. Il resplendissait le luxe. Le culte de Shallya avait en horreur la simonie, aussi, tous les bijoux et les meubles dorés offerts par des aristocrates pour le salut de leur âme n’étaient pas revendus, ni coulés, mais simplement exposés. Il y aurait de quoi faire la richesse d’un voleur – mais qui volerait un Temple de Shallya ? Le plus magnifique de tous les objets était une boîte argentée, sertie de pierres précieuses, et de fines lettrines étincelantes en Classique. C’était un reliquaire, qui contenait le cœur momifié de Sainte-Gontheuc.

La nef était sublime et remplie les jours de fête. Les sires d’Orléac, qui avaient beaucoup investi au cours des siècles, aimaient se la réserver pour leurs mariages et honorer les naissances de leurs enfants. C’était ces rares jours où on pouvait voir des mendiants pieds-nus s’asseoir sur le même banc que des messeigneurs à chapeaux feutrés, manteaux tailladés et chaussures à poulies. C’était aussi le seul endroit de tout Orléac où on pouvait voir les chevaliers détacher les épées qu’ils portent en permanence à leur ceinture, même lorsqu’ils vont au bal ou se promènent dans la campagne, tant l’arme est un signe de leur stature.
Aujourd’hui, il y avait bien, tout au fond de la nef, une petite dame toute ridée et palote en train de se recueillir devant un vase, autre reliquaire, contenant le sein d’une sainte Tiléenne qui avait nourri des enfants avec après un naufrage. Mais à part elle, Éloi put continuer tout droit, jusqu’à l’autel, où une deuxième femme vêtue d’une robe jaune entretenait les cierges un à un.

La prieuse Clémence.



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Quand il était petit, elle était connue comme la sœur-préchantresse, chargée de l’éducation des jeunes convers et oblasts, et dirigeant le chœur pour les chants les jours de fête. Avec l’âge et l’expérience, on lui avait confié le grand honneur de devenir Prieuse de l’abbaye, c’est-à-dire celle chargée d’organiser les messes et de dire les sermons.
En réalité, à Orléac, elle prenait le rôle officieux de dirigeante. Et pour cause ;
Derrière l’autel, on trouvait une cathèdre. Un grand siège de bois vernis, avec un petit coussin pourpre de velours, et des prières en Classique soigneusement gravées dans le bois. Celle qui s’asseyait sur ce siège était l’abbesse, détenant le titre de grande-prêtresse du culte de Shallya à Brionne, une princesse de la Foi participant aux Synodes tous les six ans, chargée d’élire la Matriarche et de discuter des canons qui dirigeraient toute la religion à travers le continent entier.

L’abbesse, Éloi l’avait déjà vue, lui avait déjà parlé aussi. Elle était connue. Elle s’appelait Sébire de Malicorne, sœur du sire Valère de Lichy, le pair-chevalier le plus puissant de Brionne après le Duc et ses cousins germains. Sébire de Malicorne était une femme d’un exemple rare en Bretonnie – dans une patrie où chacun connaît sa place, et notamment celui de son genre, Sébire était une femme éduquée, intelligente, qui n’hésitait pas à briser la neutralité respectueuse et servile qui marque normalement le culte de Shallya. Plutôt que de s’occuper des affaires d’Orléac, Sébire déléguait tout à la prieuse Clémence, et passait le plus clair de son temps entre Brionne et Couronne, où elle tentait à la fois de réguler les excès du Duc Théodoric au niveau du pays, et surtout de réformer et diriger la Foi au niveau du Vieux Monde. Ambitieuse, Éloi avait entendu ses sœurs prêtresses murmurer que Sébire rêvait de devenir la prochaine Matriarche. Mais elle cristallisait les jalousies. Avec sa robe blanche au milieu de prêtresses à robes jaunes, elle cavalait dans le pays avec une escorte de sergents armés d’arbalètes pour la protéger alors qu’elle servait un culte faisant vœu de paix, et elle s’entretenait avec des artistes et aimait le luxe en étant ministre d’une religion ascète. On disait d’elle qu’elle couchait avec des aristocrates, qu’elle était une cynique doutant de la puissance des reliques, et une politicienne plus qu’une adoratrice du divin. Mais il était compliqué pour Éloi de savoir où commençait la sincérité et où surgissait la simple rumeur médisante. S’il avait déjà vu et parlé à Sébire de Malicorne, elle-même ne devait pas avoir la moindre foutue idée de qui était le petit Éloi.

Au moins, avec sœur Clémence, les moutons d’Orléac étaient bien gardés. Elle correspondait bien plus à la figure classique d’une ministre du culte de Shallya – sévère, ascète, froide, travailleuse. Elle était aussi humble, discrète, et dévouée. Même avec son beau titre de « Prieuse » qui lui aurait permis d’avoir une grande autorité auprès des seigneurs et des capitouls du coin, elle se contentait de s’occuper de sa paroisse, d’organiser les distributions de pain, et lavait elle-même les pieds des pèlerins, son rang ne l’ayant jamais éloignée des basses contingences qui s’imposent à un Temple. Certaines mauvaises langues, comme Amandine, suggéraient que c’était justement pour ça que Sébire l’avait nommée Prieuse : Elle était bien trop honnête pour s’opposer en rivale à la révérende-mère.

Clémence fit un sourire poli en voyant Éloi, qui se dissipa bien vite. Elle termina d’allumer les cierges, se signa devant le reliquaire contenant le cœur, et pria silencieusement. Puis, à voix basse, les deux genoux sur le sol, elle chuchotait à son oblast :

« Le père qui devait t’emmener a du retard. C’est sûrement rien, les routes ne sont pas dangereuses. »

Elle marqua un petit temps de pause, avant de reprendre.

« Je viens d’apprendre qu’un accouchement se passe mal dans le village de Percefruit. Un accouchement n’est pas une procédure à laquelle un homme doit participer, mais puisque je vais envoyer sœur Nathanaèle s’en occuper, tu en profiteras pour l’accompagner et voir si les gens de Percefruit ont besoin de l’aide du Culte. S’ils ont d’autres maux à s’occuper.
Ça fera un gain de temps. »

Il était étrange que Clémence donne soudain un tel ordre à Éloi en particulier, surtout qu’elle ne comptait peut-être pas sur le fait qu’il vienne soudainement prier à midi.
Peut-être en fait offrait-elle à Éloi l’occasion de quitter Orléac au cas où le prêtre devait soudainement venir. Un moyen de lui faire gagner un peu de temps à profiter de la campagne qu’il ne reverrait plus.

« Tout va bien autrement, Éloi ? Pas d’ennuis sur ta conscience ? »
Jet d’intelligence d’Éloi : 1, réussite critique. Détails supplémentaires dans la narration.
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Frère Éloi
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Re: [Éloi] Extrême-onction

Message par Frère Éloi »

De tous les sobriquets employés pour se moquer de Pierrot, « le simplet » m’a toujours paru l’un des plus injustes. D’abord parce que je ne cautionne pas les appellations vouées à déprécier ou rabaisser autrui ; ensuite, parce qu’un esprit simplet n’est pas nécessairement benêt. Quand bien même ces surnoms se voudraient affectueux, nul n’est à l’abri de blesser ainsi son prochain. Mère Clémence me l’a maintes fois répété : garde ta langue du mal, et tes lèvres des paroles perfides. Les blessures de l’esprit ne sont pas moins grandes que celles du corps, et meurtrir le cœur de quelqu’un peut causer parfois plus grande souffrance que bien des coups. Cela aussi, je l’ai appris de mes aînées, et fais tout mon possible pour l’éviter. En l’occurrence, je puis affirmer que mon ami Pierrot n’est pas stupide : tout au plus manque-t-il d’une forme d’intelligence sociale, de cette commune sagacité qui vous alerte lorsque vos paroles ne rencontrent plus que l’ennui poli de vos interlocuteurs. Me forçant néanmoins à l’écouter raisonner un moment, je songe distraitement à la meilleure façon d’occuper cet après-midi inhabituellement vide. Depuis quelques jours, je sens en effet distinctement l’allègement des corvées et tâches qui me sont assignées : tout se passe comme si mes sœurs me ménageaient en vue de mon départ. Si je leur suis profondément reconnaissant de l’attentionnée délicatesse qu’elles me témoignent, je peine à occuper pieusement le temps libre ainsi ménagé. Craignant d’autant plus de m’autoriser des loisirs non nécessaires, je m’efforce de repeupler les heures vacantes d’actes de dévotion envers la déesse, ou de services utiles à la communauté. Sur ces considérations, j’entends Pierrot se prêter à des comparaisons hasardeuses entre chiffonnerie et orfèvrerie ; le gratifiant d’un sourire, je le salue rapidement pour me diriger vers l’église.

« Je… J’irai plus tard au réfectoire. Ne m’attends pas, surtout. J’ai… à faire. »


Déterminé à discipliner mon propre estomac, j’oriente mes pas dans la direction de l’église abbatiale, laissant mon regard vagabonder au gré de sa singulière architecture. D’apparence somptueuse, l’édifice de pierre blanche arbore de surcroît de larges et coûteux vitraux laissant la lumière pénétrer en son sein. Il est peu commun pour les temples de notre ordre d’être à ce point embellis, mais Notre-Sœur-Gontheuc-d’Orléac constitue un haut lieu du culte en Bretonnie méridionale, plus encore que la ville ducale de Brionne. L’histoire a fait de cet endroit le point culminant du clergé brionnois, relais structurant de l’important maillage des œuvres shalléennes en ce pays. Arrivé au seuil du saint édifice, je lève la tête vers le fastueux arc ornementé du portique, songeur face à cette décoration pourtant familière. Notre-Dame-de-Couronne doit être un lieu bien béni, en vérité, si la majesté de sa cathédrale dépasse celle que je contemple de mes yeux. Un étroit meneau central supporte la voûte du portail, dont les sculptures n’ont rien à envier aux vitraux qui font pourtant la renommée du lieu : une effigie de colombe surmonte le tout, tandis que ça et là, des figures de saintes toisent de leurs prunelles de pierre le pèlerin contemporain en quête de réconfort. Sainte Gontheuc se trouve au sommet de l’arc, à l’aplomb de la blanche colombe, embrassant le voyageur de son regard éploré. Sa bienveillance me conforte comme je passe le seuil, pénétrant sereinement dans l’abbatiale.

Deux doigts sur le cœur, je me signe selon l’usage, levant bientôt les yeux pour contempler la magnificence de l’intérieur de l’édifice tandis que je m’avance sur les blanches dalles. De part et d’autre de la grande nef, derrière les colonnes soutenant la voûte supérieure ornée d’élégantes statuettes nous surplombant, d’étroites travées latérales d’un seul arc donnent accès aux bas-côtés baignés de l’éclat teinté des vitraux gorgés de lumière. Lesdites galeries courent jusqu’au niveau du transept, flanquées de statues, d’icônes et de bas-reliefs de shalléennes, devant lesquelles s’attardent d’ordinaire les laïcs venus se recueillir. En cette heure méridienne, je ne relève, encore que du coin de l’œil, la présence que d’une femme d’un certain âge se recueillant devant l’un des reliquaires, ainsi que la silhouette familière d’une sœur entretenant les cierges au cœur du transept. Cheminant en silence le long de la contre-allée inoccupée, mains jointes et front baissé, je m’égare au gré de mes pensées. Cette église voit fréquemment d’heureuses célébrations de naissance et mariages de la noblesse ; peut-être y célébrera-t-on même d’ici quelques mois le premier fils de Sybille de Carqueray. J’ai déjà assisté au faste de pareils rassemblements comblant tout le peuple d’Orléac, mais n’ai jamais servi lors de ces célébrations. J’en connais bien sûr les gestes sacrés et rituels, les ayant appris au côté de mes sœurs, mais ma condition masculine m’impose semblables restrictions. Je dois donc me satisfaire de voir mes sœurs opérer et conduire l’office en de telles occasions ; le poids de ce renoncement est encore latent, quoique atténué par les années.

Arrivé au blanc chancel, balustrade de marbre démarquant le chœur de l’espace dédié aux fidèles, je me signe à nouveau avant d’aller au-devant du sanctuaire de l’autel. Sur ce-dernier trône en effet, encadré de chandeliers et candélabres, le saint reliquaire ciselé d’argent recelant le cœur de Sainte Gontheuc. Son aura de sainteté m’est éminemment perceptible : l’air du chœur me semble substantiellement plus lourd, et mon nez est piqué de tenaces démangeaisons. En dépit du caractère familier de ces sensations, c’est donc relativement transcendé que je chemine en direction de la prieuse Clémence. Je baisse les yeux vers le marbre immaculé lorsqu’elle m’adresse un regard, portant deux doigts à mes lèvres selon le geste consacré, la saluant avec la déférence due à son rang. Mère Clémence n’est pas seulement mon aînée et ma supérieure, dirigeant le domaine de l’abbaye, supervisant les activités du clergé par délégation en l’absence de l’abbesse Sébire de Malicorne. Anciennement sœur préchantresse, elle est aussi et surtout mon mentor spirituel, tutrice de ma foi et arbitre de ma dévotion. C’est sous sa sévère férule que j’ai été éduqué au sein de la communauté shalléenne étant enfant, sous son austère tutelle aussi que j’ai fait mes preuves tout au long des années de noviciat. Elle m’a beaucoup appris des attentes du clergé shalléen à mon égard, supervisant aussi mon astreinte quotidienne à la rigueur et la discipline nécessaires pour se tenir aux vœux que j’ai déjà prononcés pour partie. Le passage du temps n’a rien ôté au respect que je lui porte, bien au-delà de sa seule position : sous son regard scrutateur, je reste encore ce modeste oblat sans prétention, petit orphelin dont elle a scrupuleusement supervisé l’éducation.

Le regard toujours sagement baissé, je viens docilement m’agenouiller à son côté durant sa prière, préférant l’imiter que de m’exposer au reproche d’être demeuré levé. Paupières closes, je patiente ainsi en silence, essayant de méditer en dépit de la lancinante protestation de mes rotules sur le marbre froid. Lorsqu’au détour d’un discret chuchotement mère Clémence m’affecte une mission de renfort à l’une de mes sœurs en partance pour le village de Percefruit, non loin d’Orléac, je me retiens à grand peine de relever les yeux. Ledit village est tout à la fois trop petit et trop proche d’Orléac pour bénéficier de son propre sanctuaire, il convient donc qu’il relève de l’aide shalléenne de l’abbatiale, mais la dernière phrase de la mère prieuse m’intrigue.

« Ça fera un gain de temps. »

Un frémissement court le long de mon échine, et je me sens raidir. Je crains de me méprendre quant au sens à accorder à ces quelques mots. L’austère sœur Clémence pourrait tout aussi bien parler d’une économie de temps dans l’assistance shalléenne audit village, mais une intuition m’étreint, selon laquelle on parlerait en fait de mon temps. Sans avoir le temps de mettre de l’ordre dans mes pensées, je suis de nouveau sollicité, invité sinon à me confesser, au moins à me confier. Nerveux, je sens mon cœur s’emballer, une pression pulsatile battant subitement mes tempes. Suis-je donc si commode à lire, pour qu’elle se doute ainsi d’un regard de mes tracas, ou s’agit-il d’une question de routine ? N’ayant néanmoins rien à lui dissimuler, je me soumets à cet examen de conscience en bon petit oblat, lui ouvrant en un souffle les tracas de mon for intérieur.

« Mère, est-ce pécher que de se languir déjà d’Orléac, de mes sœurs ?
Que d’appréhender de devoir partir ? »
Modifié en dernier par [MJ] La Fée Enchanteresse le 17 juil. 2020, 12:18, modifié 1 fois.
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Frère Éloi Voie du Prêtre Mystique
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États temporaires
Une vie de Paix : +1 à tout jet visant à guérir un patient blessé, malade ou empoisonné.
La vie avant tout : doit tenter d'interrompre les affrontements auquel il assiste, à moins que le combat ne soit mené contre des ennemis.

Compétences :
- Maîtrise de l'Aethyr (1)
- Coriace : -1D3 dégâts subis.
- Réflexes éclairs : +1 aux tests d'initiative en situation de surprise.
- Résistance accrue : +1 aux tests d'endurance.
- Sang froid : +1 aux tests de caractéristiques effectués en situation de stress ou tension.
- Volonté de fer : +1 aux tests de volonté.
- Traumatologie : Sait administrer les premiers soins ou favoriser une guérison plus rapide.

- Alphabétisé : Capable d'écrire et de lire le Bretonnien.
- Langage secret (Classique) : Capable d'écrire et de lire le Classique.
- Législation : Sait manipuler le droit à son avantage.
- Doctrine du Culte (Shallya)

- Cuisine : Se débrouille en cuisine. +1 pour détecter des substances nocives dans la nourriture.
- Empathie
- Affûtage mental
- Incantation - Shallya
- Sens de la magie
Équipement porté sur soi :
8 sous d'argent 8 deniers
- Bâton de marche
- Robe de bure jaunie / Tenue en lin / Ceinture / Sandales
- Grande sacoche contenant couverts, rations diverses
- Livre de prière de Shallya
- Amulette de Shallya
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Re: [Éloi] Extrême-onction

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

La prieuse lança un regard en coin suite à la question d’Éloi. Mais il était difficile pour le jeune oblat d’interpréter ce qu’il signifiait. Depuis son enfance, Clémence avait toujours paru être une énigme. Froide, sévère, autoritaire, ce n’étaient après tous que les traits de caractères qu’on attendait d’une ministre du culte avec des responsabilités comme les siennes ; Contrairement à d’autres sœurs, elle n’avait jamais eu de tendresse pour Éloi. Si sœur Michelle était acariâtre et énergique, elle semblait sincère dans son travail, en plus d’être très protectrice de ses ouailles. Clémence, elle, était toujours impassible, il était difficile de déceler chez elle le moindre tic sur le visage, ou une quelconque émotion dans sa voix.

Elle termina d’allumer quelques cierges, psalmodia en Classique, puis se releva avec flegme, passa les mains sous sa grande robe jaune. Et d’une voix bien claire, elle répondit :

« Non. Ce n’est pas péché, frère oblat. Mais c’est futile.
On est triste lorsqu’on doit quitter quelqu’un. Mais tu ne pars pas. Tu es un fidèle de Shallya, une religion qui est miséricordieuse à travers tout un continent. Où que tu ailles, tu auras toujours le respect et l’amitié des gens, et tous les temples seront ton chez-toi.
Tu n’as quasiment connu qu’Orléac en grandissant. Cette ville a son lot de malades et d’indigents. Mais notre mission sacrée est de panser toutes les blessures du monde. »


Elle se tut. Elle parut pensive, sans pour autant changer d’expression ou initier le moindre mouvement. Un léger froncement de sourcil. Puis, elle reprit.

« Tu es très jeune Éloi. Malheureusement, je crains que notre éducation t’aie trop couvé. Tu dois profiter de cette jeunesse tant que tu en as le temps, te saisir de cette fougue et de cette force que le temps et la souffrance du monde vont user. Tu n’en as peut-être pas envie, mais tu as le devoir de voyager à travers le monde. De le rencontrer. De soigner partout où tu le peux. Vivre dans un couvent c’est… C’est une destinée honorable. Mais la tienne est tout autre. »

Elle posa soudainement une main sur l’épaule d’Éloi. Ce genre de contact physique était bien rare de sa part. Elle le regarda tout droit dans les yeux, et avec un ton dur, elle lui donna un ordre :

« Tous les orphelins que l’on confie au Temple ne sont pas taillés pour cette vie. Elle n’est pas agréable. Elle est douloureuse, et longue. Mais je sais que tu as les qualités pour. Tu as un bon cœur, et tu es studieux. Si je t’éloigne, ce n’est pas parce que je te punis, c’est parce que je te récompense.
Va tout faire pour changer ce monde, Eligius. »


Eligius. « L’Élu », en Classique. « Éloi », en Bretonni. C’était le nom avec lequel on l’avait toujours appelé, sans qu’il ne sache quelle sœur le lui avait donné, ni pour quelle raison.
Mais Clémence signa le cœur du jeune oblat, et se détourna de lui pour qu’il se concentre sur sa mission.




Sœur Nathanaèle était aux écuries. Ayant entre-temps enrôlé l’aide de Pierrot le Simplet qui en avait fini de cirer ses sabots, elle se démenait pour accrocher un âne à une toute petite charrette en bois, et s’occupait de ranger des bocaux dans une petite sacoche. Éloi sortait du réfectoire où il avait pu rapidement ingurgiter une soupe toute commune sans viande dans laquelle flottaient des quignons de pain. De quoi remplir l’estomac sans pour autant profiter de beaucoup de saveurs, malgré tous les efforts de la sœur-cuisinière pour rendre le tout un peu moins fade à grand renfort de sel. Il se dirigea tout droit vers l’âne pour offrir son aide, lorsque Nathanaèle se retourna et l’aperçut.

C’était une grande femme. Très grande, plus que certains chevaliers. La peau toute cachée sous sa robe ample jaune, capuche relevée sur ses cheveux noirs. Mais ce qui marquait le plus, le premier détail qu’on notait en la voyant, c’est comment son visage était camouflé derrière un masque de porcelaine recouvert de quelques pièces de bronze.

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Éloi avait quelques souvenirs de l’enfance. Il se rappelait vaguement que Nathanaèle avait un visage plutôt commun, un nez proéminent, des sourcils broussailleux et mal épilés. Ni jolie ni vraiment laide. Aujourd’hui, elle était forcée de cacher tout ça derrière ce masque au blanc terne, croisé de deux chiens de chasse et de quelques fleurs-de-lys près du menton. Elle était forcée de porter ce masque après avoir servi dans un galion royal dans la rade de Bordeleaux qui avait été placé en quarantaine. Elle avait passé des semaines à soigner des marins atteints d’une étrange maladie qui les fauchait un par un, ce qui lui avait laissé quelques marques atroces sur le visage, bien pires que les cicatrices de vérole qui sont si habituelles parmi le peuple.
Le masque lui avait été offert par l’Amirauté Royale de Bretonnie. C’était la seule chose qu’elle avait tiré de son sacrifice. Éloi n’ignorait pas que Nathanaèle était une femme talentueuse, lettrée, qui avait des connaissances en chirurgie – elle était une de ces prêtresses de Shallya qui pensait que l’étude de la médecine lettrée était plus efficace que l’herboristerie et les prières. Elle avait le même âge que Clémence, et aurait pu elle aussi finir prieuse. Mais l’abbesse Sébire avait préféré la prêtresse plus traditionnelle et plus discrète Clémence. Même si la chose était tue dans les murs bien saints de l’abbatiale, Amandine avait bien raconté à Éloi comment Nathanaèle en avait gardé une grande rancœur.

« Si tu as déjà mangé, nous pouvons partir tout de suite. »

Nathanaèle avait juste dit ça d’un ton froid en se saisissant de sa sacoche. Elle et Éloi, pour le coup, ne se connaissaient presque pas ; Alors qu’il avait sept ans, elle était partie étudier à Couronne puis avait voyagé pendant dix ans à travers le monde. C’était sa maladie et ses blessures qui l’avaient forcé à rentrer à Orléac. Elle n’avait pas vraiment pu participer à l’éducation de l’oblat.

« Percefruit n’est pas loin et j’aimerais traiter cette patiente rapidement. »

Elle jeta la sacoche à l’arrière de la charrette et grimpa tout de suite dessus, dépassant Pierrot qui pourtant avait trotté après avoir harnaché l’âne pour l’aider. Pierrot eut un sourire bête, puis souleva Éloi comme quand il était gamin pour l’aider à se poser derrière les rênes, le concierge visiblement peu embêté par la taille et la corpulence de l’oblat.

« Qu’les routes soient ben clémentes avec vous, oui-da !
– Nous allons à un village qui n’est pas à deux heures d’Orléac, réserve tes prières pour ceux qui en ont besoin. »

Pierrot se signa et obéit prestement. Nathanaèle, elle, se saisit bien des rênes et donna un petit coup à l’âne pour qu’il se mette en marche.

Orléac s’éloignait progressivement derrière eux. Ils quittaient les tours bastionnées pour se retrouver au milieu de la réserve seigneuriale. Ils traversaient un sentier débroussaillé au milieu d’une forêt. Ils contournaient le grand vignoble des Carqueray, et dépassaient un verger clôturé et gardé par quelques sergents d’armes. Ils se retrouvaient dans le vide du pays, peu secoués vu la lenteur de l’âne.

Nathanaèle soupira, et finalement, décida de parler à Éloi, ses yeux marron à travers les ouvertures du masque se posant sur l’oblat :

« On va être ensemble tous les deux un moment, jeune homme. Tu veux discuter de quelque chose ? »




Percefruit était un bourg absolument commun. Situé à quelque chose comme une heure et demie, une heure trois-quarts d’Orléac à vitesse d’âne bâté au pas, Percefruit relevait toujours de la juridiction d’Orléac, et était bien trop petit pour justifier de grands aménagements. Sur une butte, on découvrait un gros château bien joli, au donjon blanc ; Percefruit avait un châtelain, un petit seigneur habituellement nommé par des alliés des Carqueray pour avoir un petit fief et profiter d’un revenu. En bas, on découvrait une petite vingtaine de chaumières autour de champs labourés – avec la belle saison, les blés pour le froment étaient bien dorés. Le gros intérêt de Percefruit était en fait que la ville servait à la fois de relais de chasse, et de relais de poste. Situé à la lisière d’une très grande forêt domaniale, les sires de Carqueray pouvaient régulièrement accueillir des invités de marque pour s’amuser une petite semaine, en profitant de la beauté du château du bailli pour faire des apéritifs jusqu’à très tard dans la nuit. En bas, le peuple vivait plutôt correctement. Ce n’était pas un lieu très peuplé, mais les chaumières semblaient en bon état. La seule structure de pierre était un tout petit autel de Shallya, vers lequel l’âne se dirigeait : Juste trois murs, un petit toit, et une dalle de pierre sur laquelle on avait posé des colombes et des icônes en bois. Un moyen pour tout le monde de poser de temps à autre des cierges et s’agenouiller pour prier.

La charrette n’eut pas vraiment le temps de se poser devant le tout petit autel que déjà quelques curieux un peu paniqués arrivaient. Une vieille dame alpagua les deux serviteurs de Shallya à toute vitesse, tandis que Nathanaèle descendait lentement de la charrette en ouvrait sa mallette pour vérifier qu’elle avait tout sur elle.

« Ma sœur ! Bénie soit la bonne pleureuse ! Céti qu’la p’tiote elle a très mal, très fiévreuse !

– Je sais. Je vais m’en occuper, bonne femme.
Qui est l’Ancien ici ? »


Un gros monsieur tout ridé, chauve et à la barbe poivrée leva un doigt joufflu.

« Bien. Je me présente, sœur Nathanaèle, prêtresse de Shallya, et frère-oblat Éloi. Je vais m’occuper de la jeune fille accouchant, et le frère-oblat en profitera pour s’occuper de vos autres troubles.
Éloi, il y a des onguents et des bocaux dans la charrette, je te laisse gérer tout ça. Prouve que ton éducation a servi à quelque chose. »


Et sans dire un autre mot, elle marcha d’un pas décidé aux côtés de la vieille dame qui s’inquiétait à toute vitesse, Nathanaèle se contentant de demander avec un ton calme de préciser quelques symptômes – notamment s’il y avait du sang, puis la durée des contractions.

Éloi restait donc tout seul devant une demi-douzaine de pégus qui le regardait avec des yeux de merlan frits. L’Ancien du Village l’observa avec un semi-intérêt, hagard. Un comparse aussi âgé que lui lui fila un petit coup de canne sur le pied, alors, il sembla soudain s’éveiller et se rendre compte qu’on attendait quelque chose de lui.

« Ah ! Ah bah, beh…
Beh b’jour mon frère. Quécité qu’j’m’appelle Serge, Serge Gentil. Oui-da. Pis que… Qu’j’suis ancien du village d’Percefruit. Voilà. »

Il regarda la charrette et l’âne, et toussota.

« Heu… Maint’nant qu’j’y pense, qu’jsuis pô sûr qu’zavons vraiment b’soin d’vot aide, bon frère… Je…
Zêtes pas… Vous soignez les animaux ? Parce qu’j’ai un canasson qui s’est foulé la pâte, l’aurait p’têt b’soin de vot’ aide, oui-da.
Pis qu’sinon, à part la p’tiote, qu’on a un gars à nous qu’c’est blessé aux champs… Pô adroit, y s’est blessé avec une serpe, l’connot. Mais on l’a bandé pis qu’il va plutôt ben, mais zallez pouvoir l’voir si vous voulez, j’veux dire, un prêtre d’Shallya ça sait mieux faire les bandages qu’nous, oui-m’frère. »

Le vieux à ses côtés tapa à nouveau l’ancien avec la canne.

« Parle-lui du gors lô.
– Ah oui !
Oui, qu’c’est vrai… Qu’on a un gors qu’est v’nu y a trois jours… Un marchand. Savez, pour les foires lô, il en arrive d’partout des marchands. L’gors a une escorte, qu’il a réservé une chambre dans l’auberge… Mais j’sé pô pourquoi, l’gors est d’venu tout malade. Grosse crève, l’est cloué à son pieu d’pis trois jours.
C’que dalle mais l’gors a ramené d’méchants gens avec lui, qu’il a des gardes pour ses marchandises, oui-da. On aimerait ben qu’ils dégagent mais y payent la chambre, alors bon… p’têt qu’si ça vous intéresse pourriez lui j’ter un coup d’œil. Mais faites gaffe à vous m’frère, c’est vraiment d’sales teignes ces marchands. C’est vilain les marchands bourges. Ça s’prend pas pour quetchi alors qu’sont vulgaires, voyez l’bon genre hé ? »


Jet d’empathie sur Clémence, avec malus de -2 : 11, échec. Difficile de lire les intentions de la prieuse.

Jet d’intelligence pour se souvenir d’informations sur Nathanaèle : 2, réussite. Informations supplémentaires dans la narration.
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Frère Éloi
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Re: [Éloi] Extrême-onction

Message par Frère Éloi »

Un silence pesant succède à ma confidence, et je n’ose affronter l’intransigeant regard en coin de la mère prieuse. Quand bien même aurais-je au fond de moi l’aplomb de soutenir de front son attention, je doute en effet d’y déchiffrer une quelconque émotion. De toutes les sœurs qu’il m’ait été donné de rencontrer, de toutes mes aînées dont j’ai tant appris au fil des années, sœur Clémence est de loin la plus réservée à mon endroit. Il y a chez elle quelque froide retenue bien lisible jusque sur son impassible visage que rien ne semble émouvoir. Les yeux baissés sur le carrelage du chœur, je patiente donc, muré dans un mutisme teinté d’appréhension. Mes rotules gémissent contre le marbre nu, ma nuque est assaillie de démangeaisons, de même que l’arête de mon nez, mais je me fais violence pour ne pas relâcher mon inconfortable position. Lorsqu’enfin commence le sermon, énoncé d’une voix claire rompant le silence du calme transept, je tressaille de nervosité.

Futilité, me dit-on, que ces éphémères considérations assaillant mon esprit chagriné par mon départ prochain. Vanité, qui plus est, que de penser échapper à mon devoir de voyager de par le monde pour en panser les plaies. Humilité, enfin, face à l’étendue de la destinée qui m’est réservée. Les paroles de la mère prieuse sonnent à mes oreilles comme une mission davantage qu’une consolation, et son toucher comme une bénédiction. Il est rare en effet que j’entretienne quelque contact physique avec mes sœurs ; une saine et pieuse réserve dont on m’a longuement prêché les bienfaits. Plus singulier encore, en ce fugitif instant, l’imperturbable sœur me gratifie d’une fugace quoique touchante louange. Surpris, confus, ému, je me vois signifier mon congé, me détourne, et m’éloigne lentement. Je ne me souviens pas m’être relevé. Mon for intérieur demeure chagrin, ma peine émoussée, tandis qu’un linceul de résignation tombe sur mon âme. Je me sens reconnu, conforté, consolé aussi. Les mots de la mère prieuse m’ont mis du baume au cœur, nommé mes peurs, ravivé ma vacillante ferveur. Au sortir de l’édifice, je viens trouver du bout des doigts la petite colombe de bois que partout j’emmène avec moi, et m’efforce d’inscrire au plus profond de mon être certains des mots prononcés en ce jour. Puissent-ils me soulager encore lorsque je serai seul à l’heure des larmes, de la souffrance et du doute.


Après un frugal et solitaire déjeuner au réfectoire, je m’en vais rejoindre Sœur Nathanaèle, intrigant personnage à bien des égards. Comme j’approche de ma sœur affairée auprès de l’âne attelé, je peux d’ores et déjà remarquer sa taille fort peu commune. Lorsqu’elle se retourne, me dominant de près d’une tête, j’ai également la surprise de constater qu’un précieux masque de blanche porcelaine dissimule ses traits. Si je me rappelle l’avoir croisée auparavant étant enfant, le vague souvenir de son visage m’échappe, se dérobant à moi tant le motif du masque emplit mes pensées. Son imperturbable mine, ciselée dans le bronze, tout à la fois m’intimide et m’inspire alors que je me remémore ce que je sais des circonstances de son octroi. De ce que j’en sais, il s’agit d’un présent reçu par sœur Nathanaèle pour services rendus à bord d’un bâtiment de la flotte bordelaise, à l’équipage décimé par un mal jusque-là méconnu. La maladie devait avoir laissé de bien terribles séquelles dans sa chair pour qu’elle opte pour le port de cet ostentatoire faciès. Je me souviens aussi qu’elle est certes ma supérieure et mon aînée, mais aussi une sœur des plus lettrées et instruites, versée tant en médecine qu’en chirurgie. Alors que je m’apprête à la saluer avec cette même révérence que je réserve à sœur Clémence, elle s’adresse à moi d’un ton froid et impersonnel, sec et impérieux. Surpris en plein milieu de mon geste, j’opine lentement du chef, lui signifiant humblement mon assentiment. Sans mot dire, elle se détourne, déplace sa sacoche d’une main gantée, avant de monter à bord de la carriole. L’idée m’a pourtant effleuré l’esprit de lui proposer mon aide pour ce faire, mais c’eut été bien malavisé à plus d’un titre, et elle m’a de toute façon devancé. Comme je ravale à peine mes mots, j’ai la surprise de me voir saisi, soulevé, hissé par Pierrot. Ainsi embarqué malgré moi sur la charrette, et ce sous les yeux de l’imperturbable sœur, je demeure un instant interdit. Une pudique chaleur me monte aux oreilles, augurant une probable rougeur. Sans plus tarder, sœur Nathanaèle met l’attelage en route, me laissant à mon silence gêné.

Surmontant peu à peu mon embarras, je nous vois bientôt quitter successivement les murs de la ville, puis les rues des faubourgs, laissant derrière nous ma cité pour nous diriger vers un bois. Songeur, j’hésite longtemps à rompre la monotonie du bruit des roues sur le sol forestier, seulement troublée par la régulière mélopée des sabots de l’âne piétinant le sentier. A mon côté, Nathanaèle soupire enfin, et pose sur moi un regard châtain :

« On va être ensemble tous les deux un moment, jeune homme. Tu veux discuter de quelque chose ? »

Libéré de la responsabilité d’amorcer la conversation, je bafouille un peu. Néanmoins soulagé, je retrouve bien vite le fil de mes pensées, hasardant une maladroite question le temps de recomposer mon aplomb.

« Eh bien… A vrai dire… Je me demandais ce que ça fait…
De voyager pour servir Shallya, je veux dire, loin de sa communauté. »


Habile, Éloi. C’est tout toi, ça. Fulminant intérieurement de ma propre gaucherie, je me m’empresse d’enchaîner, le visage néanmoins marqué par le retour de l’embarras.

« Je… dois bientôt partir en pèlerinage pour Notre-Dame-de-Couronne, et je redoute que ma piété ne s’étiole en chemin. »



Percefruit est un joli bourg, tout juste au-delà du pan de vaste forêt domaniale dont nous avons seulement longé un bout de sentier au cours de l’heure écoulée. Aucun imprévu n’est en effet venu nous distraire au cours du voyage en ces bois particulièrement sûrs, pour être fréquemment le théâtre du loisir des seigneurs de Carqueray. La vision de Percefruit au sortir de la forêt ne peut que confirmer cette impression : nul doute que les élites locales apprécient de disposer de tels fiefs pour se divertir et recevoir des invités, à en juger par le coquet donjon posant fièrement au sommet d’une butte sous le soleil d’après-midi. Une poignée de chaumières en contrebas forment autour des champs un village bien propret, fidèle à l’ordonnancement brionnois que vantent les gestes et ballades prisées par la noblesse. Notre sentier mène à une placette centrale, avant de grimper la colline vers le fort du bailli.

Sœur Nathanaèle arrête l’attelage non loin d’un petit autel couvert dédié à Celle-qui-Guérit, et déjà plusieurs habitants nous interpellent. Descendu de la carriole à la suite de mon aînée, je me tiens coi tandis qu’elle s’entretient avec eux, les saluant de deux doigts sur le cœur et d’une inclinaison de tête dès lors que ma sœur me présente, avant de s’éclipser. Resté seul face à l’Ancien de Percefruit flanqué de quelques curieux, je tâche de rester serein, mains nouées sous leurs regards intrigués. Je connais ce genre de curiosité polie, pour l’avoir maintes fois essuyée, et je la comprends, en dépit du malaise qu’elle induit : il faut bien reconnaître que les initiés mâles en habit de Shallya demeurent un spectacle rare. Je suis néanmoins bien content lorsque l’un des larrons, sensiblement aussi âgé que l’Ancien, le rappelle à sa fonction. Au gré de multiples sollicitations de son comparse, l’Ancien entreprend alors de se présenter, et de m’exposer les besoins actuels du village. L’ayant écouté patiemment sans l’interrompre, je m’efforce de lui sourire, de soigner mon élocution, et d’adopter une attitude apaisante.

« J’entends bien, frère Ancien. Merci pour ton accueil.
Je vais aller m’enquérir dans un moment de l’état de ce marchand que tu mentionnes, et lui proposer mon aide, si tu veux bien m’indiquer la direction de l’auberge de céans.
Si l’on fait d’ici là mander l’imprudent maladroit, je trouverai le temps de vérifier son bandage.
Quant à la patte de ton canasson, je suis navré, crois-le bien, mais je ne puis t’être d’aucun secours. »


Et de me retourner aussitôt pour sélectionner un panel de plusieurs onguents et remèdes génériques parmi ceux laissés à ma disposition dans la charrette par Nathanaèle. Déposant soigneusement lesdits produits dans ma propre sacoche en bandoulière, je vérifie d’un œil distrait qu’aucun passant ne s’avise de trop approcher de la carriole, quand bien même sais-je évidemment que Shallya est aimée de tous et de chacun. J’entreprends ensuite de m’agenouiller devant l’autel du village. Paupières closes, mains croisées sur la colombe contre mon cœur, je récite à mi-voix plusieurs psaumes en classique, avant d’adresser une prière à Celle-qui-Pleure, l’implorant de prêter une partie de sa grâce à son humble serviteur, et de le protéger contre le mal.

* Shallya gratia plena
In adjutorium meum intende
Miserere mei
Et libera me ex morbo *


A travers ces gestes de dévotion, tentative par Éloi de lancement de deux prières répondant à la situation.
En premier lieu, Bonté du Cœur sur lui-même, en anticipation d’une certaine antipathie de la part de l’escorte du marchand présumé malade.
Également, Résistance à la Maladie sur lui-même.

Après cela, Éloi suit la direction indiquée -ou cherche l’auberge par ses propres moyens- pour demander à y voir ledit patient.
Modifié en dernier par [MJ] La Fée Enchanteresse le 21 juil. 2020, 17:26, modifié 1 fois.
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Frère Éloi Voie du Prêtre Mystique
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États temporaires
Une vie de Paix : +1 à tout jet visant à guérir un patient blessé, malade ou empoisonné.
La vie avant tout : doit tenter d'interrompre les affrontements auquel il assiste, à moins que le combat ne soit mené contre des ennemis.

Compétences :
- Maîtrise de l'Aethyr (1)
- Coriace : -1D3 dégâts subis.
- Réflexes éclairs : +1 aux tests d'initiative en situation de surprise.
- Résistance accrue : +1 aux tests d'endurance.
- Sang froid : +1 aux tests de caractéristiques effectués en situation de stress ou tension.
- Volonté de fer : +1 aux tests de volonté.
- Traumatologie : Sait administrer les premiers soins ou favoriser une guérison plus rapide.

- Alphabétisé : Capable d'écrire et de lire le Bretonnien.
- Langage secret (Classique) : Capable d'écrire et de lire le Classique.
- Législation : Sait manipuler le droit à son avantage.
- Doctrine du Culte (Shallya)

- Cuisine : Se débrouille en cuisine. +1 pour détecter des substances nocives dans la nourriture.
- Empathie
- Affûtage mental
- Incantation - Shallya
- Sens de la magie
Équipement porté sur soi :
8 sous d'argent 8 deniers
- Bâton de marche
- Robe de bure jaunie / Tenue en lin / Ceinture / Sandales
- Grande sacoche contenant couverts, rations diverses
- Livre de prière de Shallya
- Amulette de Shallya
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Re: [Éloi] Extrême-onction

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Impossible de déceler les réactions de Nathanaèle aux questions d’Éloi. Derrière son masque de cuivre et de porcelaine, tout était impassible. Seule la lueur de ses yeux marron paraissait aux travers de petites fentes circulaires.
Ce qu’Éloi put physiquement percevoir, c’est comment elle haussa les épaules.

« J’ai pas voyagé dans un pèlerinage extrêmement difficile. J’ai passé le plus clair de mon temps à Couronne, sur les bancs d’une école. Beaucoup étudié. Beaucoup lu. Mais j’ai peu soigné. Enfin je veux dire… Si, j’ai beaucoup soigné. »

Elle avait répété ce mot en insistant. Elle devait comprendre qu’Éloi ne pigeait pas ce qu’elle signifiait par cela, alors elle éclaira ce qu’elle voulait dire après un soupir d'agacement :

« J’ai pas lavé des pieds de pauvres et j’ai pas distribué la soupe. J’ai fait de la chirurgie. J’ai essayé d’autopsier des cadavres avec quelques sœurs, aussi, mais le culte de Morr n’a pas arrêté de nous limiter là-dessus, ces fondamentalistes… La Matriarche Lisegund est une pieuse femme, une sainte, mais elle n’aime pas les conflits, alors elle s’est dépêchée de nous censurer. On a plus eu le droit que d’autopsier des condamnés à mort, et toujours avec un corbeau du culte du Veilleur au-dessus de notre épaule… »

Elle grogna à voix basse quelque chose d’incompréhensible.
En vérité, elle n’avait pas tellement répondu à la question qu’Éloi lui avait posé. Elle semblait plus avoir eu envie de parler de ses propres frustrations personnelles plutôt que de rassurer l’âme d’Éloi comme toutes les prêtresses semblaient vouloir faire.

« Enfin franchement, c’est pas plus mal de voyager. Notre-Dame-de-Couronne c’est pas seulement le plus beau temple de tous les temples de Shallya au monde – c’est aussi un véritable sanctuaire du savoir. On se contente pas de garder des reliques. On accueille des médecins, on traduit des traités du monde entier.
Si je peux te donner un conseil, mon futur frère ; Te contente pas seulement de prier. Shallya aide ceux qui s’aident eux-mêmes. Bien sûr il faut toujours donner nos dévotions à la colombe, nous vivons humblement comme elle nous le demande, au service du monde… Mais enfin, une dévoyée qui sait opérer une cataracte de l’œil sera toujours plus utile qu’une pieuse servante qui ne sait rien faire d’autre que prier. »


Et là, Éloi jura l’entendre murmurer :

« C’est ce que Clémence n’a jamais pu comprendre... »


Ses courtes dévotions rendues à Shallya, Éloi put se soulever du petit autel en pierre de Percefruit pour suivre le bonhomme Gentil, qui se déplaça avec une lenteur accentuée par la canne sur laquelle il appuyait tout son poids. Il n’avait pas l’air particulièrement grabataire, mais devait être probablement victime d’une arthrose typique des laboureurs qui avaient passé toute une vie derrière un araire ou une charrue.
Il l’amena jusqu’à un grand bâtiment en bois, assez unique en ce qu’il avait une petite terrasse, et surtout, des fenêtres en verre affichant par petits carreaux des scènes de vie paysanne ; Le sable de la côte Brionnoise servait aux verreries dans tout le Vieux Monde, mais qu’un simple bâtiment de paysan en utilise plutôt qu’avoir de simples ouvertures creusées et recouvertes de pans de bois prouvait l’importance de cet édifice bien plus large qu’une simple chaumière d’habitation. C’était la taverne de Percefruit, mais pas que ; À en croire la petite grange accolée, le bâtiment devait également servir de relais de poste, à en découvrir la réserve qui jouxtait une petite basse cour, il devait aussi servir de magasin général rempli de produits de la ville, et à en percevoir l’étage surplombant le tout, il y avait forcément des chambres dans lesquelles coucher. Probablement que c’était le lieu le plus important à l’économie du village, et que les propriétaires devaient être les notables les plus influents de Percefruit, qu’importe à quel point une influence politique dans un minuscule bled paumé devait bien faire se gausser les nobles du pays.

Gentil s’arrêta devant la porte et expliqua à Éloi que la garde du marchand se trouvait à l’intérieur. Lui-même n’osa pas rentrer, mais Éloi eut la chance d’être escorté par deux solides gaillards d’une vingtaine de piges, bien musclés par une vie rude qui les laisserait probablement dans le même état physique que Serge Gentil une fois qu’ils seraient plus âgés. Pour qu’on confie ainsi telle garde à Éloi, l’escorte du marchand ne devait pas être appréciée. Même crainte.

En ouvrant la porte, Éloi découvrit un comptoir derrière lequel un gros monsieur moustachu, à début de calvitie, était en train de trier du courrier qu’il disposait dans des casiers derrière lui. Il y avait beaucoup de caisses, des coffrets, des couvertures et des tentes avec des étiquettes qui désignaient des prix – le fait qu’Éloi découvrait de l’écrit alors que la majorité de la population était parfaitement illettrée prouvait que Percefruit était bien un lieu de passage et d’échanges, à défaut d’avoir beaucoup de personnes qui restent. Dans un coin, plusieurs tables et chaises, toutes vides, à l’exception d’une tout au fond qui était bien remplie. Devant une vitre verte et rouge qui dessinait Rhya cultivant de l’épeautre, huit personnes attendaient, avec des assiettes souillées de pot-au-feu, et des chopes en terre cuite vides ou à moitié pleines.
Le gros monsieur à calvitie paraissait un peu surpris. Il salua Éloi en reconnaissant tant sa robe de bure que la colombe autour de son cou.

« Beh salut m’frère, vous v’nez pour la p’tiote aux Dupuis ?
– Céti une prêtresse qu’s’occupe d’elle
, coupa un des jeunes paysans qui guidaient Éloi. Lui l’est v’nu pour l’aut’ gors d’la ville, lô !
– Oh... »


L’homme au comptoir parut passablement gêné, pour une raison inconnue.

« Beh… Beh c’tant mieux, ouaip. Plus tôt qu’il s’ra barré d’son lit mieux qu’ce s’ra…
J’sais pô dans quel état j’vais r’trouver ma chambre, mi. Qu’le gors arrête pas d’vider son pot d’chambre, l’fait changer toutes les trois heures, doit avoir une p’tain d’chiasse, j’lô dis.
Donc c’ben gentil d’vot’ part, m’frère. La colombe avec nous. »


Il s’affaira à nouveau à ranger le courrier, en lisant les adresses pour les placer dans le bon casier.



Éloi s’approcha de la seule table occupée. Alors qu’il traversait la grande salle, tous les regards des attablés se tournèrent vers lui. La plupart arboraient de sacrées trognes. Six d’entre eux étaient des hommes particulièrement costauds, plusieurs avec des nez cassés, des boucles d’oreilles sur les lobes, l’un était borgne avec une estafilade barrant sa paupière gauche, un autre avait deux doigts de la main droite qui poussaient de traviole – tous les six avaient en commun de porter des broignes de cuir, des moustaches parfaitement peignées, et d’étranges armes aux lames toutes longues et fines, portant une garde élaborée, qui n’avaient rien à voir avec les grosses épées à main-et-demi dont raffolait la chevalerie Bretonnienne.
Au milieu de la table, les deux autres avaient eux un aspect totalement différent. Il y avait tout d’abord une femme légèrement ridée, les cheveux noirs qui étaient bouclés dans une queue-de-cheval tirée en arrière, mais découverts, et qui portait un pantalon – deux choses qu’on ne voyait jamais chez les femmes Bretonniennes. L’autre était un homme qui devait avoir la trentaine, qui contrairement aux autres bonhommes était rasé de très près, n’avait pas la moindre cicatrice sur sa face, et portait un très beau doublet de velours, pourpre et rouge ; Tout élégant qu’il était, Éloi ne pouvait s’empêcher de deviner que telle tenue n’était pas un habillement de bourgeois, qu'importe sa fortune, car elle contrevenait beaucoup trop aux lois somptuaires. Si certaines guildes de marchands du Royaume avaient obtenu pour leur service exemplaire et la qualité de leurs produits des exceptions aux coutumes, et étaient très fiers de porter un petit brassard blanc ou une écharpe rouge accordés par le Roy ou le Duc depuis des générations, ce type-là profitait de bien trop de libéralités dans son habillement.
Ou bien il était noble, ce qui n’était pas certain vu sa compagnie et son manque d’épée à sa ceinture, ou bien il était un étranger de passage dans le Royaume.
Mais quand bien même Éloi remarquait tous ces détails bien frappants, il était incapable de savoir d’où ils venaient, ni ce qu’ils représentaient.

L’un des gars moustachus, le borgne, observa Éloi de la tête aux pieds. Et avec un accent à couper au couteau, dont Éloi était bien incapable de deviner la provenance, il se contenta de faire :

« Nous… Pas parlé… Bretonni. »

Il lui fit un petit sourire gêné, et désigna sa colombe du doigt avant de piailler dans un dialecte totalement inconnu à ses compagnons. L’un d’eux but son verre. La femme au pantalon et l’homme tout coloré discutèrent entre eux.
Finalement, c’est la fille qui grogna un peu et qui fit un signe de tête à Éloi, avant de lui parler dans un Bretonni très approximatif.

« Tou vô quoi ? »

Visiblement, elle devait avoir deviné les intentions d’Éloi au regard – la colombe autour de son cou devait bien assez parler pour lui – car elle ne lui laissa pas le temps de répondre, le reprenant dors et déjà :

« Nostr’ mêitre n’a pou bezoinne d’aide. Il a demoundé qué personné ne leuh dérangé. »

L’homme coloré parla dans sa langue étrangère à la femme. La femme sembla l’engueuler, mais malgré la dispute, le premier fit un petit sourire à Éloi et s’essaya également à communiquer difficilement dans sa langue :

« Ilé oune petite pé malade, dipouis Clérmonté-dé-Aqouitania. Oune fièvre, quièl attound qué céla passe.
Nous savons qué lé gens d’ici n’aiment pouint not’ présencé... »


Et comme preuve de ceci, il désigna d’un geste du front les deux gaillards dans le dos d’Éloi.

« Mé il ira mieux biennetôt et nous partirons aussitôt. Pas dé problèmés. »

Jet de charisme sur Nathanaèle :
3, réussite.

Lancement de la prière « Bonté du Cœur » :
17, échec de la prière.

« Résistance à la maladie » :
16, échec de la prière.

Jet de connaissance d’Éloi
Malus : -2 (Pas spécialement de connaissances à ce sujet)
13, échec. Pas d’information débloquées sur la garde du bourgeois.
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Re: [Éloi] Extrême-onction

Message par Frère Éloi »

Si Celle-qui-Pleure ressent toutes les souffrances du monde, elle ne peut pour autant pourvoir simultanément à chaque apaisement. Cela peut sembler naturel, de la même façon que l’on peut entendre nombre de sons ou conversations en marchant dans les rues, sans pour autant écouter chacune. Le vieux Roscelin me confiait avoir ouï dire que Mórr aurait interdit à sa fille d’accorder son aide miséricordieuse à trop de souffrants en même temps. Il me semble à moi qu’il convient de se garder de toute interprétation abusive. Si Shallya ne me répond pas en ce moment, ce n’est pas qu’elle ne m’entend pas, car Elle marche toujours avec chacun d’entre nous. Non, il est probable que sa divine attention soit retenue pour l’heure par de plus grands malheurs, quelque part ailleurs.

Me redressant, j’emboîte donc sans plus tarder le pas à mon aimable guide, mesurant discrètement mon allure, m’adaptant poliment à sa vénérable allure. Bientôt déjà, je distingue notre destination, aisément repérable au cœur du village de Percefruit. La bâtisse de l’auberge se distingue en effet des alentours tant par son gabarit que par son apparence, témoignant de l’importance dudit lieu. Plusieurs de ses fonctions sont en effet immédiatement apparentes à l’œil, de la terrasse de la taverne à l’annexe attenante devant faire office de relais de poste. Les fenêtres décorées, aux vitres bien colorées, ajoutent sans nul doute au pittoresque charme de l’endroit, sans nul doute un prospère établissement. En vérité, l’endroit est en effet difficile à manquer, et j’aurais certainement su me débrouiller sans me faire aider en ce sens.

Remerciant encore Serge Gentil de son accueil, je passe donc le seuil de la bâtisse, désormais flanqué de deux gars bien plus costauds et robustes que moi-même. N’ayant guère le loisir de me questionner plus avant quant à la raison de telle escorte, je reporte mon attention sur le gérant de céans. Relativement bien portant d’apparence, l’homme semble fort affairé au-devant de plusieurs casiers, manipulant missives et autre genre de courrier. Lorsqu’il se tourne vers moi, je le salue comme j’aime à le faire, mais ravale aussitôt mes mots comme l’un de mes gaillards attitrés déjà prend les devants pour lui répondre à ma place. Les mots du tenancier tendent encore à m’inquiéter quant à l’état du malade, en ce qu’avoir la courante est un mal plus insidieux qu’il n’y parait. Si l’homme est comme l’a dit l’Ancien alité depuis trois jours, il y a lieu d’être soucieux.

Or donc, poussé par la nécessité, je m’avance résolument vers l’unique tablée, profitant des longues secondes qui nous séparent pour les détailler. C’est la deuxième fois en cette journée que j’endure le regard de soldats mal disposés, mais cette fois est bien différente. Des huit personnes ainsi attablées, une majorité était manifestement armée, sans pour autant ressembler l’ordinaire soldatesque brionnoise, ne serait-ce que par leurs remarquables moustaches bien soignées. Non, décidément, ces gens viennent manifestement d’ailleurs, au vu de leur accoutrement, et du fait qu’ils escortent un marchand itinérant. Leurs broignes de cuir semblent de qualité, pour peu que je sache en juger, et leurs épées aux gardes décorées sont d’apparence bien singulière, comme l’on n’en voit point par ici. Leurs lames doivent être si fines que l’on douterait volontiers de leur capacité à résister aux heurts – non que le simple oblat que je suis y connaisse quoi que ce soit, au demeurant. Leurs expressions à mon égard sont pour l’heure fort peu amènes, mais je ne crains pas ; Shallya est avec moi.

Même de plus près, leurs trognes ne sont pas plus tendres à mon endroit. D’ici, je distingue mieux la méfiance dans leurs yeux, les curieuses boucles décorant le lobe de leurs oreilles -d’ailleurs ça non plus on n’en voit pas par ici. Le borgne à la balafre me toise de son unique œil, avant de s’excuser laborieusement, dans un Bretonni hésitant, marqué d’un pesant accent. Je reste un instant interdit, lui rendant néanmoins volontiers une esquisse de sourire, dans un effort pour paraître plus serein que je ne le suis réellement. J’assiste bientôt à une conversation rythmée dans un dialecte chantant que je ne comprends pas. Si je n’ai toujours pas la moindre idée de leur origine, au moins suis-je relativement assuré que l’on ne parle pas ce genre de langue en Brionne. Par ailleurs, les deux locuteurs les plus centraux à la tablée sont vraiment trop curieusement -et richement- vêtus pour être des bourgeois d’ici. Singulier spectacle en effet qu’une femme sans le moindre couvre-chef, et si cavalièrement vêtue. De même, quel homme est assez riche pour s’habiller de la sorte, s’il n’est noble, ou étranger ?

La femme m’adresse la parole, elle aussi avec un accent marqué, qui ne l’empêche toutefois pas d’exprimer sa défiance, relativement flagrante, envers moi. J’avoue être assez sidéré de leur manque d’intérêt manifeste pour toute aide extérieure : leur commanditaire serait malade depuis plusieurs jours, mais n’aurait plus besoin d’aide ? Qu’est-ce à dire, au fond ?

L’intervention plus apaisante de l’homme aux atours colorés me fait prendre conscience de l’air que je peux avoir à venir les solliciter, ainsi flanqué de mes deux lurons. Je ne sais rien du passif de ces étrangers avec les villageois de Percefruit, mais quel qu’il soit, je n’ai pas à l’endosser. Me tournant donc vers les deux gaillards affectés par l’Ancien, je les remercie de m’avoir accompagné, leur signifiant gentiment leur congé, avant de leur assurer que ça va aller. Je lis dans leur regard toute leur méfiance vis-à-vis des étrangers attablés, aussi suis-je soulagé de les voir obtempérer et refluer vers le comptoir, discuter à mi-voix avec le tenancier. Désormais seul devant la tablée, je commence par répéter les paroles de l’homme au remarquable accoutrement, joignant le geste à la parole, paumes ouvertes en signe universel d’apaisement.

« Pas de problème. »

Je m’efforce de soigner mon élocution, sans toutefois parler trop lentement, préférant être mal compris qu’offenser mes interlocuteurs en les infantilisant. Pour maintenir ce précaire équilibre, je décide de me fier à ce que je peux percevoir des expressions de l’homme au doublet de velours. Deux doigts sur le cœur, je lui adresse un salut certes shalléen, mais certainement apprécié.

« Je m’appelle Éloi. Je sers Shallya, et Shallya aide tout le monde. »

Bref silence, le temps de vérifier que l’on me comprend. Pas trop long, pour en venir prudemment au fait : Clermont d'Aquitanie, c'est bien à l'est d'Orléac, et si le marchand est souffrant depuis lors...

« Vous êtes passés par Clermont d’Aquitanie ?
Si ça fait plusieurs jours de fièvre… Peut-être problème ? »


Shallya, je t’en conjure, ne les laisse pas se fourvoyer.
Modifié en dernier par [MJ] La Fée Enchanteresse le 24 juil. 2020, 15:50, modifié 1 fois.
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Frère Éloi Voie du Prêtre Mystique
Profil : For 9 | End 9 | Hab 8 | Cha 11 | Int 11 | Ini 8 | Att 9 | Par 8 | Tir 8 | Mag 14 | NA 1 | PV 75/75

États temporaires
Une vie de Paix : +1 à tout jet visant à guérir un patient blessé, malade ou empoisonné.
La vie avant tout : doit tenter d'interrompre les affrontements auquel il assiste, à moins que le combat ne soit mené contre des ennemis.

Compétences :
- Maîtrise de l'Aethyr (1)
- Coriace : -1D3 dégâts subis.
- Réflexes éclairs : +1 aux tests d'initiative en situation de surprise.
- Résistance accrue : +1 aux tests d'endurance.
- Sang froid : +1 aux tests de caractéristiques effectués en situation de stress ou tension.
- Volonté de fer : +1 aux tests de volonté.
- Traumatologie : Sait administrer les premiers soins ou favoriser une guérison plus rapide.

- Alphabétisé : Capable d'écrire et de lire le Bretonnien.
- Langage secret (Classique) : Capable d'écrire et de lire le Classique.
- Législation : Sait manipuler le droit à son avantage.
- Doctrine du Culte (Shallya)

- Cuisine : Se débrouille en cuisine. +1 pour détecter des substances nocives dans la nourriture.
- Empathie
- Affûtage mental
- Incantation - Shallya
- Sens de la magie
Équipement porté sur soi :
8 sous d'argent 8 deniers
- Bâton de marche
- Robe de bure jaunie / Tenue en lin / Ceinture / Sandales
- Grande sacoche contenant couverts, rations diverses
- Livre de prière de Shallya
- Amulette de Shallya
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Re: [Éloi] Extrême-onction

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

L’homme coloré eut un grand sourire qui affichait ses dents jaunâtres à la courte réflexion d’Éloi.

« Pourqôi problèmé ? No problèmé. »

Il était bien le seul à sourire. La femme à ses côtés s’était mise à croiser les bras en détaillant le prêtre des pieds à la tête, soulevant un peu son dos de sa chaise pour se surélever un peu. Toute la troupe de cottereaux, en revanche, lançait plutôt des regards en direction du comptoir, méfiants à l’égard des deux solides pégus qui se répandaient en messes basses.

« Tou pô… Tou pô parlé normalement, tou sé. J’é vis ici en Britonnie dipouis des années, jé né pas bésoinne qu’on me parlait comme à oune… Comment qué l’on dit ? Comme si j’avais oune andouille. »

La femme soupira et eut une réflexion en langue étrangère. L’homme répondit par un petit rire et un mouvement de la main. Puis, les deux se mirent à discuter vivement, comme si Éloi n’était pas là, pendant un petit instant de va-et-vient.

« Écoute, mon bon frèré, tou m’a pas l’air mauvais, donc si tou veut aller voir notré patron, tou peut… Mais, s’il tou vire au bout dé doux minoutes, tou comprendra.
C’est loui qui nous ordonne de né pas le déranger. Moi jé souis payé au jour dé travail, donc ça né change rien pour moi. »


Il fit un geste au borgne.

« Vai, accompagnalo nella stanza del padrone.
– Qué quieres decir? »

L’homme soupira à ce qui avait semblé être une réflexion béate et idiote du borgne. Il tiqua des lèvres et prit une autre voix, plus lente, pour expliquer :

« Tú... sube las escaleras… con el sacerdote.
– Por qué no? Me senté en esa silla tanto tiempo que mi, mi trasero comienza a doler ! »

Tous les hommes armés se mirent à rire à l’unisson. La femme et l’homme au pourpoint ne les rejoignirent pas dans leur hilarité. Le borgne se souleva de sa chaise, et s’étira comme un chat avant de lâcher un gros rot. Il s’approcha d’Éloi et lui donna une tape sur l’épaule – sa grosse pogne calleuse offrant une physionomie assez généreuse pour coller d’énormes mandales.

Visiblement un peu ivre autant qu'un peu fatigué, le borgne traîna un peu dans les escaliers aux marches grinçantes. Il traversa un petit couloir et s’arrêta devant une porte, où il toqua avant de parler. Une voix de derrière hurla. Le borgne grimaça et répondit tout calmement. Il y eut un délai d’attente, puis, la voix étouffée derrière la cloison cria :

« Fallo entrare ! »

Le mercenaire borgne tira la poignée et ouvrit la porte, faisant signe à Éloi d’entrer, afin de découvrir son patient.

La chambre était en bon état. C’était une chambre d’auberge assez typique et sans importance, pas de poussière sur les meubles vides, des rideaux tirés qui ne laissaient pas apparaître la lumière. Mais ça puait. Puait une sale odeur de flatulences. Certainement pas l’heure de gloire du malade qu’Éloi découvrait.

Le plus dégoûtant était son pot de chambre, rempli de selles liquides et anormalement noires. Impossible pour Éloi de le rater ; Le pot se retrouvait juste à côté du lit, probablement à cause de la nécessité fréquente de l’alité.
Celui-ci paraissait être un homme de quarante ou cinquante ans. Il avait des ridules sur le front et autour des yeux, et des cheveux noirs qui commençaient tout juste à grisonner. Des poils de barbe disgracieux tapissaient ses joues – probablement qu’il n’avait pas eu à cœur de se raser depuis un moment. Il était vêtu d’une simple robe de chambre clairement humide, tant il transpirait ; Cette transpiration abondante ne l’empêchait pas de se recroqueviller sous les draps, en tremblant de tout son corps. Il avait une affreuse mine, des cernes autour de ses yeux marron, et pâle comme tout.
Il toussait.

Alors qu’il avait crié vivement derrière la porte, il fit un simple geste poli à Éloi et prit une voix plus douce en le découvrant. Il lui parla en bretonni, avec un accent présent, mais bien moins marqué que celui de ses employés.

« Shallya qui vous envoie à moi, bon frère ?
Hé, qué je préfère cela au Père Veilleur. »


Il se signa en pointant du doigt la colombe. Il cria quelque chose dans une autre langue, et le borgne ferma la porte.
Les yeux paniqués, il fit signe à Éloi de s’approcher.

« Qu’est-ce qué j’ai, poutain ? Bon frère, qu’est-ce qué j’ai ? J’arrête pas dé tousser, dé chier, jé suis brûlant… »

Il fut pris d’une violente quinte de toux qui coupa son auto-diagnostique. Une grosse toux qu’il tenta de limiter en couvrant sa bouche de son poing fermé.

Jet de charisme d’Éloi.
Malus -2 (Manière de parler aux étrangers) :
1, réussite critique.

Jet de reconnaissance (INI+INT) :
18, échec.



À toi d’établir le diagnostic du patient. Je n’ai mis dans la narration que les signes les plus visibles de sa maladie. Ensuite, dans ta réponse, c’est à toi de poser des questions qui te semblent pertinentes au malade, et me dire quels tests tu choisis de faire afin de l’ausculter. Je résoudrai aux jets, des réussites pouvant t’aider à te guider ; Faire des échecs ne t’empêchera pas de deviner toi-même la maladie et de donner les soins appropriés.

Jet d'intelligence : 4, réussite :
Au cas où ; n'oublie pas de prendre les précautions appropriées au cas où le patient est contagieux... :mrgreen:
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Re: [Éloi] Extrême-onction

Message par Frère Éloi »

Je dois confesser être relativement surpris du succès inespéré de mon allocution. Sans doute aucun, je marche là dans les pas de Shallya. Difficile autrement d’expliquer ce soudain revirement de comportement des étrangers à mon égard. Si l’homme rasé de près a bien le sourire facile, ce n’est guère le cas de ses sept comparses, réticents à s’en aller déranger leur maître. Rasséréné d’avoir obtenu gain de cause, j’emboîte volontiers le pas au soldat borgne qui me précède bon an mal an en direction de l’étage. Les marches grincent un peu davantage sous son poids que sous mes pas dans l’escalier fatigué, auquel succède un couloir des plus étroits. Fermant les yeux tandis qu’on m’annonce, je profite de quelques secondes de répit avant d’être proprement introduit auprès de mon patient. Je ne suis soudain plus si assuré : j’entends mon cœur s’emballer comme pour s’échapper de ma poitrine. En cet instant, je suis encore tenté d’implorer la déesse de me protéger contre tout mal que cette porte puisse cacher. Mais voilà que, déjà, on m’invite à entrer, à pénétrer dans cette pièce où je ne sais ce que je vais trouver.


La chambre est sombre, les rideaux tirés, aussi me faut-il quelques instants pour m’accoutumer à la luminosité ambiante. L’ameublement est tout à fait ordinaire, quoique bien plus commode que les sobres cellules de l’abbatiale. Et tout aussi sec, sur ces entrefaites vint l’odeur. Un incontrôlable larmoiement brouille mon horizon. Déjà bien fragile, ma détermination encore vacille, et je me sens chanceler. Une rebutante puanteur rampe en cette pièce, étouffante, assommante, suffocante. Non que je sois étranger aux relents des excréments, mais même les rues les plus reculées d’Orléac-le-Bas, même les plus tristes latrines dans le plus gris des jours, sont plus supportables que l’air vicié auquel je m’efforce de m’habituer. Un rapide coup d’œil au pot de chambre souillé au côté du lit confirme une intuition au demeurant élémentaire. Oui, sans épiloguer, cet endroit manque d’air.

Luttant contre le dégoût viscéral qui me retourne les entrailles, je poursuis mon inspection de la pénombre ambiante, forçant mon regard à quitter ce sordide spectacle, pour gagner le lit. Là, un homme à peine grisonnant gît, tremblant sous des draps gagnés par l’humidité. Ses traits sont tirés, il est pâle, et tire une sale mine pour être honnête. Mais il me parle poliment, quoique d’une voix faible. Sensible à la détresse de ses questions, c’est le cœur chaviré de compassion que j’entreprends de l’apaiser, toujours dos à la porte tout juste close.

« Ne crains pas, mon frère, Shallya veille sur toi. »

Cette pieuse déclaration sonne certainement plus creux à mes oreilles qu’aux siennes, mais qu’importe, mon esprit est occupé. Tâchant de me concentrer, je passe mentalement en revue les symptômes les plus manifestes, privilégiant les plus immédiatement évidents, corroborés par ses aveux. Foire, tout d’abord. Symptôme des plus sordides, affliction misérable devant laquelle chacun est égal à son prochain, quelle que soit sa condition ici-bas. Avoir la courante peut rapidement affaiblir son homme, le laissant vulnérable à d’autres maux, le terrassant parfois. Fièvre, ensuite, directement visible aux tremblements de mon vis-à-vis, à cette fébrile frilosité qui le pousse à chercher refuge sous ses draps. Toux, enfin, éminemment audible, signe que le mal habite même chacune de ses respirations. Pas de sang ni de bile sur ses draps ni son poing ; peut-être cela viendra-t-il. Comme résultant de ces trois principaux maux, je constate également un desséchement corporel manifeste, laissant soupçonner que le pauvre hère ne boit pas suffisamment pour remplacer les humeurs viciées quittant son corps affaibli.

Au risque de surprendre, je ne suis point érudit. Je n’ai pas la science de sœur Nathanaèle, mais j’ai tout de même retenu quelque enseignement des pratiques de sœur Michelle, au petit dispensaire de la chapelle. Si je ne sais guère comment Rhya nous a fait en notre intérieur, je me rappelle plusieurs sermons inspirés quant à la circulation de l’essentiel des maux dans les miasmes de l’air, ou de l’eau. Certaines afflictions peuvent voyager d’une victime à une autre sans même un contact ; les plus retorses volent au gré des effluves, nauséabondes à défaut d’être apparentes à l’œil. Je dois prendre garde à ne pas me faire malgré moi le vecteur de ce sinistre ouvrage du Seigneur des Mouches. A cette fin, j’implorerais volontiers Shallya, mais les préceptes que l’on m’a enseignés commandent que je me préoccupe en premier lieu du malade. Pourvois aux besoins de ton prochain avant les tiens, dit-on. Prier, il le faut, mais il ne sera pas dit que ma première pensée n’aura pas été pour autrui. Mais d’abord, tâchons de calmer le larron, autant que faire se peut.

« Depuis combien de temps es-tu souffrant ?
Aurais-tu festoyé de nourriture avariée, de boisson tournée ? »


Avant de m’approcher, je dois l’inciter à clore ses paupières ; je ne souhaite pas qu’il me voie me protéger le visage avant de m’approcher. Il pourrait paniquer, et je ne veux pas avoir à affronter le désespoir au fond de son regard. Je lui laisse donc le temps de me répondre, et de s’exprimer encore, avant de commencer à donner le change.

« Ferme les yeux, mon frère, recueille-toi.
Je vais prier Shallya pour toi. Si tu le souhaites, tu peux répéter avec moi.
Shallya gratia plena… »


Continuant à initier une lente mélopée en classique, j’entreprends de tirer le haut de ma tunique jusqu’à couvrir mon nez. La maigre barrière du lin n’oppose guère de résistance aux immondes effluves de la pièce, mais elle ne peut sûrement pas faire de mal contre les miasmes latents dont je soupçonne la présence. A tout le moins, le contact simple et familier de l’étoffe me conforte dans ma démarche, tandis que je m’approche au chevet de l’homme alité.

« Et libera me ex morbo… »

Lentement, comme réticent malgré moi, j’avance ma main gauche jusqu’à toucher de deux doigts le front moite et brûlant de l’homme. Focalisé sur mon office, je formule ma supplique à voix haute, implorant Shallya de prendre mon prochain en sa garde, d’étendre sur lui sa bénédiction.

« Eius non timebis
A morbo perambulante in tenebris
Ab incursu et meridiano febris…
»


Comme écrit, on va s’approcher, et tout à la fois limiter les contacts au minimum nécessaire pour ce qui suit, tout en respirant à travers le peu de protection textile dont nous disposons...

Éloi tente d’abord Résistance à la Maladie sur son patient, en vue d’honorer un précepte « maison » d’altruisme, faisant passer son prochain avant lui-même. J’ai conscience du risque induit, mais j’ai horreur du spam de sorts « jusqu’à ce que ça marche », et Éloi l’a tenté sur lui-même deux posts plus tôt, donc ainsi soit-il.

Puis Bénédiction de Shallya sur le malade. A toi de voir si le bonus de +1 de l‘attribut de domaine s’applique en cette situation.

Pas d'examen corporel, parce que je n'en vois pas le fondement historique / narratif, le diagnostic de visu étant éloquant.

Enfin, si tu peux me confirmer qu’Éloi a bien récupéré dans la charrette un quelconque remède à base de camomille ou autre herbacée typiquement utilisée pour apaiser les maux des entrailles… Il le lui laissera au prochain post.
Modifié en dernier par [MJ] La Fée Enchanteresse le 24 juil. 2020, 15:50, modifié 1 fois.
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