[Prestenent d'Affreloi] Silence, ça tourne...

La Bretonnie, c'est aussi les villes de Parravon et Gisoreux, les cités portuaires de Bordeleaux et Brionne, Quenelles et ses nombreuses chapelles à la gloire de la Dame du Lac, mais aussi le Défilé de la Hache, le lieu de passage principal à travers les montagnes qui sépare l'Empire de la Bretonnie, les forêts de Chalons et d'Arden et, pour finir, les duchés de L'Anguille, la Lyonnesse, l'Artenois, la Bastogne, l'Aquilanie et la Gasconnie.

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[MJ] Le Grand Duc
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Re: [Prestenent d'Affreloi] Silence ça tourne

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Rédigé par Snorri Sturillson, Assistant MJ


Une fois l'embrasure franchie, l'obscurité enveloppa le chevalier, juste quelques instants, le temps de s'acclimater au vestibule et aux panneaux de bois accrochés au murs. Une tranche blanchâtre apparaissait devant lui, comme une anomalie à l'obscurité, en totale opposition à l'ouverture sombre qu'il venait de franchir. Le silence ambiant continuait sur la lancée, puisque les seuls signes alentours étaient lumineux. Une fois, la seconde porte franchie, la lumière revint à sa portée.

La salle était grande, grandiose en apparence, mais sobre dans ses détails. Ici, aucune statue d'or ou d'argent, aucune colonne de marbre tiléen, aucune peinture gigantesque au plafond. Simplement de la pierre de taille, parfois gravée, et des vitraux. De larges vitraux, pas très hauts, représentant des scènes plus ou moins connues du folklore de la Dame.

Au centre siégeait dans l'évidence la plus pure et la plus totale, un vitrail ovale, finement coloré, représentant le réceptacle sacré de la Dame : le Graal

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Autour de cela siégeait quelque écriture trop fine pour être décelée dans cette demi-lumière, ce qui dénotait assez fortement avec l'éclat du verre central. Juste en dessous siégeait évidemment l'autel principal et les ustensiles de la Foi, tous taillés ou construits à base de pierre blanche ou grise. Juste derrière l'autel, une autre enclave rocheuse abritait un vitrail quasiment uniforme, qui semblait représenter une scène (ou une partie d'une scène) marine, avec l'écume et la lune en fond qui semblait virer à l'orange à l'heure actuelle.
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À partir de l'autel central s'élançait l'allée principale, courte mais suffisante à une chapelle, ainsi que les rangées de bancs inclinés servant au repos et à la prière. La sobriété de l'endroit semblait se refléter aussi sur les séants proposés à chacun, étant donné la simplicité de leur structure et l'unicité de leur composition : de la pierre lisse, encore une fois, bien qu'elle parut presque grumeleuse ou poreuse.

Appliqués contre les épais murs latéraux, d'autres vitraux ornaient la structure, représentant tantôt des champs vallonnés, des vignobles luxuriants, des embarcations chargées de richesses et de victuailles, etc. Tout cela était assez typique des lieux de recueillement en campagne, car malgré l'état assez décousu ou rapiécé du Duché de Prestenent, il y avait parfois des chapelles survivantes qui présentaient de tels apanages ruraux dans leurs enluminures ou gravures (Bien que le Duché ne soit plus vraiment au fait vis-à-vis de la fertilité agricole et de la beauté des paysages. Mais ce n'est pas Prestenent qui irait vous dire cela, bien évidemment.)
Un exemple parmi tant d'autres :
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Chose assez étonnante, le premier vitrail de chaque rangée semblait terne, sombre... Ou bien avait-il été obscurci par quelque chose... Ou quelqu'un. Étant donné sa position bien basse par rapport aux figures de verre, il était pour l'instant assez difficile d'évaluer la source de cette obstruction.

Et enfin venait le dernier vitrail, opposé et surélevé par rapport aux autres, qui siégeait sans effort au-dessus de la porte que le chevalier venait de franchir. Un visage féminin y résidait, un visage fier et altier, mais aussi calme, et étrangement perçant du regard. Enveloppé dans une chevelure claire qui lui couvrait oreilles et nuque, elle semblait flotter au-dessus de tout, lèvres closes, telle une figure pensive et séduisante qui trônait parmi les... Nénuphars. Oui, il n'y avait aucun doute. Les plantes qui agrémentaient le portrait étaient des nénuphars d'un vert vif et puissant, qui contrebalançait assez bien les grands yeux pâles de la demoiselle.
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Quoi qu'il en fût, un autre détail apparut aux yeux du chevalier alors qu'il descendait enfin le regard au niveau du commun des mortels : le sol. Le sol de plantes séchées et de dalles emmaillotées était parsemé de traces sombres - noires à la lumière ambiante - et qui semblaient tracer d'épaisses lignes interrompues le long des allées, et parfois même sur les murs. C'était en effet en passant le regard du portrait au sol qu'il aperçut les premières marques sombres, qui lardaient le mur de manière désordonnée et biscornue.
Test d'INT : 20.
D'accord.
Ne t'inquiètes pas, ça va bien se passer.

Alors qu'il penchait la tête pour accompagner l'obscur tracé, le chevalier eut un étrange pressentiment. Levant les yeux au ciel, il croisa prestement le regard de la Divine et...

Ses yeux pâles avaient bien viré à l'or, non ? Juste un inst...
Venait-elle de cligner des paupières, ou était autre chose ?
L'air sec s'était-il soudainement rafraîchi, ou s'en rendait-il compte qu'à présent ?
L'embrasure de la porte extérieure venait-elle bien de grincer subitement ?
Qui sait...
Je suis le Grand Duc, seigneur de ces bois. Je vis avec mes gens, loin de la folie des hommes. La nuit je vole dans les sombres profondeurs de la forêt. Mon regard d'acier partout se pose, et sans bruit, comme le vent, je file entre les branches des arbres séculiers. Je suis le Grand Duc, seigneur de ces bois.

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Prestenent d'Affreloi
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Dans cette pénombre opaque qui emplissait la chapelle abandonnée se découpaient des traits de lumière colorés. Pénétrant prudemment dans l'abîme inquiétant, le jeune chevalier fut submergé, non pas de ténèbres mais au contraire d'une lumière exaltante. Un instant, il s'arrêta totalement, cessa aussi bien de bouger que de penser et se contenta de porter un regard fasciné sur la salle grandiose dans laquelle il était. La splendeur surnaturelle avec laquelle était érigé ce bâtiment ne laissait aucun doute sur sa nature sacrée. Cette puissance sobre et magnifique, aussi forte qu'apaisante que l'on ne retrouve que dans l'architecture ecclésiastique baignait ce lieu.

En s'avançant dans la nef, entre les bancs prévus pour accueillir les fidèles, Prestenent se laissa émerveiller comme un enfant par les couleurs chatoyantes des vitraux. Il fut tant distrait qu'il ne pensa plus à s'annoncer ni à scruter plus profondément l'obscurité pour trouver quelqu'un. Captivé par ces monuments de verre qui dans l'éclat du crépuscule semblaient percer les ténèbres de leurs lumières propres, il déambula lentement, la tête levé, la bouche béate, et les yeux emplis d'étoiles. Il y avait dans les paysages figurés une beauté magistrale qui dépassait la laideur que le monde avait placé sous ses yeux depuis sa naissance. Au milieu de tant de beauté, Prestenent se sentait à sa place. Il fut surpris de constater que la plupart de ces vitraux figuraient des scènes maritimes, de l'eau et des fleuves. Voilà bien des sagas que le dernier chevalier d'Affreloi n'avait pas entendu au sujet de la Dame. Sans doute s'il avait été plus intelligent Prestenent aurait fait le lien avec la province de Bordeleau, mais pour l'heure il se laissait bercer par ces scènes d'opulence agricoles et de navires chargés de marchandises.

Puis ses yeux se posèrent sur ce visage féminin, une dame au visage fier, et au regard perçant comme celui d'un juge. La scène la figurait comme allongée sur un étang de nénuphars, regardant les fidèles d'un air inquisiteur. Prestenent se sentit frémir devant ce vitrail, et comme machinalement il mit un genou en terre pour rendre hommage à la déesse protectrice de la Bretonnie. En baissant les yeux pour se recueillir, il aperçut malgré lui les lignes sombres qui lézardaient les dalles du sol et couraient sur les murs, comme un lierre fielleux qui se répand dans la ruine.

Un étrange pressentiment lui fit relever son regard vers le vitrail. Ce qu'il vit le fit cligner des yeux plusieurs fois, incrédule. Les couleurs qui émanaient du vitrail, comme une lumière propre à cet ornement gracieux, quelque chose avait muté, quelque chose avait... bougé ?

Il lui apparut comme un changement dans l'atmosphère même du lieu. C'était comme si le bâtiment avait perdu de sa chaleur, de son aura rassurante. Comme si un maléfice glacial venait de pénétrer à l'intérieur et était sur ses talons.

Un grincement. Il était presque sûr de l'avoir entendu. Dans son imagination bouillonnante, il s'imagina aussitôt quelque chose d'infiniment mal intentionné. Une femme peut-être, venait d'entrer dans cette chapelle. Le chevalier empoigna le manche de son épée avec une hésitation. Il était dans une chapelle du Graal, il ne pouvait pas tirer son arme ici. Il ferma les yeux, respira doucement pour calmer son excitation. Il ne cherchait pas les ennuis, il voulait juste pouvoir se reposer ici sans faire d'histoire, alors quand il ouvrit les yeux il se retourna tout en disant assez fort:

- "Y a-t-il quelqu'un ici ? Je suis Prestenent d'Affreloi, chevalier errant. N'y a-t-il personne ici ?"

Et dans le même temps il pointa son regard vers la porte entrouverte, tournant le dos aux vitraux pour scruter l'ouverture d'où ne filtrait jusqu'alors qu'une moite clarté lunaire altérée par la brume du ciel. Si un danger approchait, il n'avait pas peur de se montrer. Mais aucun danger n'oserait venir jusque dans un lieu aussi sacré après tout ?
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[MJ] Neferata

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Message par [MJ] Neferata »



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Rédigé par Snorri Sturillson, Assistant MJ


Test d'INT, -1 pour la fatigue post-crise : 6, réussi

Faisant face à l'obscurité et à l'issue principale, le chevalier sentit quelque tension monter jusqu'à son visage, comme si la froideur ressentie précédemment avait amené un réflexe nerveux. En soufflant lentement, il vit aucune brume s'échapper de son visage, bien que ses cheveux virevoltaient quand il les dégageait d'un soupir... Et puis rien. Non pas le vide, mais l'absence de changement. Absolument rien ne bougeait, hormis lui-même. Nul mouvement ne vint à ses yeux, nul bruissement à ses oreilles, nul relent à son nez.

Cherchant quelques menaces, il vit alors que l'embrasure s'était élargie, et qu'ainsi, il pouvait presque déceler la porte principale, ce grand panneau de bois qui le séparait de l'extérieur... Et qui avait bel et bien bougé. Si quelqu'un avait accompli cet effort, alors il n'avait pu s'insérer dans l'édifice - sinon il aurait été aperçu par le jeune chevalier. Mais alors, cet inconnu était-il resté à l'extérieur? Sieur d'Affreloi n'avait pas l'impression d'avoir fait le moindre br- Si, il avait fait du bruit. Il avait parlé. La possibilité que ses paroles eurent effrayé ce nouvel arrivant subsistait, bien qu'il n'y eut que peu de moyens de la prouver.

Désormais, seuls les deux vitraux noircis et les traces sombres paraissaient en désaccord avec l'ensemble, et bien que cela prit quelque temps avant de l'affirmer, Prestenent n'eut jamais la moindre réponse aux questions qu'il avait prononcé de vive voix.

Tout à coup, la lumière céleste s'agita, comme agitée par un courant très puissant. Les vitraux s'assombrirent rapidement, si ceux-ci rejoignaient les premiers de rangées. Seuls certains détails restaient translucides, tels que la coupe bénie, le contour des vagues, etc.
Test secret : 2, réussi

Avec cette nouvelle ambiance, l'intérieur du bâtiment semblait s'allonger, les couleurs s'étiraient petit à petit vers le gris, tandis que les sillonnés grotesques s'étalaient par quelque jeu d'ombres et de relief. Oui, en vérité, certaines empreintes commençaient à faire sens, comme si leur caractère ésotérique disparaissait à vue d’œil.

Et puis... Là ! Une... Une lettre ? Malgré la mollesse des apprentissages artistiques et littéraires du chevalier, il n'y avait aucun doute : cette forme était un D. Et le reste formait un mot.

"D...Dame".

"L...a Dame v...e sur .... ! G... !"


Les mots étaient là, juste devant ses pieds, en train de le narguer, avec leur existence et leur signification inconnue. Ca et là, d'autres lettres semblaient apparaître et disparaître alors que l'ombre et les lueurs cristallines se chamaillaient sans bruit. Des écritures étaient ainsi marquées sous certains vitraux, en travers des rangées de bancs, sur un bloc mural, etc.

Et pendant cet interlude, les portes n'avaient émis aucun son, se contentant uniquement de transmettre les reflux lumineux avec un certain décalage... Ou peut-être était-ce dû à autre chose ? Un obstacle peut-être ?

Visiblement, le jeune errant avait quelque temps devant lui...
Combien, nul n'aurait pu le dire, mais puisqu'il était encore seul en cet instant...
Personne ne pouvait lui usurper ce luxe.

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Prestenent d'Affreloi
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Re: [Prestenent d'Affreloi] Silence ça tourne

Message par Prestenent d'Affreloi »

L'embrasure de la porte s'était élargie. Quelque chose avait bougé. Et au même moment un changement de lumières au dehors fit muter l'atmosphère en quelque chose de plus sombre. Prestenent fronça les sourcils avec un mélange de lassitude et de colère. Rien en vue. Il avait beau scruter la noirceur, il n'y avait rien de vivant du côté de cette porte. Rejetant avec mépris la prudence, il s'avança d'un pas déterminé vers la porte et sortit dehors à la recherche de ce qui avait bien pu attirer son attention en premier lieu. Il se retrouva dans la nuit, environné d'une flore agitée par les vents. Des nuages cachaient la lumière des lunes et dans la pâleur nocturne on devinait à peine le miroitement des pierres qui constituaient la chapelle. Prestenent tourna la tête de chaque côté sans rien remarquer d'intéressant. S'il y avait quelque chose, soit il était très bien caché dans l'obscurité, soit Prestenent était trop fatigué pour le remarquer.

Le jeune chevalier songea à faire un tour du bâtiment, mais un bâillement impromptu lui rappela soudainement à quel point il était fourbu.
Il rentra à nouveau dans la chapelle, les yeux embués de fatigue, la cervelle encore plus abimée. Il lança un regard sur la salle assombrie, comme si sa nouvelle atmosphère avait pu libérer quelque secret, d'autres indices sur l'état étrange du lieu.

En regardant les choses plus attentivement, Prestenent eut la surprise de reconnaître des symboles. Ce qu'il avait pris pour des fissures ou des moisissures courant sur le sol semblait voir son mystère s'étioler. Prestenent les regarda avec surprise, car dans cette nouvelle clarté il distinguait ce qui lui semblait être des lettres.

Comme toujours lorsqu'il était face à ce type de hiéroglyphes, une part de l'esprit de Prestenent se courrouçait de ce que l'art ésotérique de la lecture ne soit pas plus simple. Il savait reconnaître certains mots pour les avoir souvent vus, identifiant surtout la forme du mot dans sa globalité plutôt que chaque lettre une par une. L'un des premiers mot écrit ici était clairement "Dame".

C'était un terme que Prestenent n'avait presque aucun mal à reconnaître, quoique dans ces circonstances l'aspect globale du mot était assez déformée. Dame, avait surtout le mérite de toujours commencer par un D majuscule lorsqu'il était question de la Dame du Lac. Prestenent s'en souvenait comme de la lettre en forme d'arc. Tout mot de quatre lettre commençant par un arc était donc nécessairement "Dame". Le reste était plus compliqué. Lorsque des lettres s'agençaient en mots, le concept même faisait se briser la pensée de Prestenent. On avait tenté de lui inculquer la chose une fois, le fonctionnement des lettres et de leurs sons, mais tout ceci était purement de la sorcellerie à ses yeux, aussi il était incapable de deviner un mot par sa prononciation à l'écrit, et même identifier l'intégralité des lettres aurait réclamé un trop grand effort pour lui. S'il voyait du langage écrit, il regardait la première et la dernière lettre de chaque mot et, étant bien évidemment plus malin que tout le monde et beaucoup plus que ces lettrés qui s'embarrassent à lire toutes les lettres, il ne lui restait qu'à deviner parmi les mots qu'il connaissait. En l'occurrence, il balaya la salle d'un regard, passant sur chaque mot suffisamment vite, et en déduisit pour la première phrase:

"La Dame veille sur nous !"

Si simple. Il se demandait parfois pourquoi tant de membres de la famille d'Affreloi se tuaient à apprendre à lire, seuls et péniblement. Il n'y avait ni précepteur ni clerc ni instituteur à la tour d'Affreloi, et si certains parents enseignaient eux même les arcanes de l'écriture à leur progéniture, Prestenent qui avait passé sa vie à s'entraîner pour devenir chevalier avait eu d'autres chats à fouetter. Il restait un dernier mot qui ne ressemblait à rien de ce qu'il connaissait. Prestenent ne se donna pas la peine de chercher à le décrypter.

C'était tout de même étrange ces inscriptions exécutées de manière si peu orthodoxes. Prestenent était encore trop exténué pour pouvoir se perdre à faire des conjectures, et bien que le problème le taraudait, il décida de remettre les choses au lendemain. Décidément il y avait dans les territoires de la vraie Bretonnie bien des choses qu'il ne comprenait pas et auxquelles aucun conte ni chant ne l'avait préparé.

Prestenent songea à se reposer dans la chapelle, mais il craignait ce que pourrait penser un chevalier qui entrerait dans la chapelle et le trouverait en train de se bâfrer d'escargots ou de roupiller sur un banc. L'idée était tellement gênante que Prestenent quitta ce lieu sacré avec presque un pas fuyant, s'éloignant de l'effrayant regard de la Dame du vitrail.

Juste devant la porte de la chapelle abandonnée, Prestenent monta sa tente. Cela faisait partie du matériel qu'on lui avait appris à utiliser avant qu'il parte en quête. À coup sûr, dormir dehors était le lot de tout chevalier errant, et Prestenent avait entendu dire que rester sans rien au dessus de la tête, exposé à la pluie et aux moustiques était source de maladies. Autant dire qu'aux yeux de ce jeune chevalier, il était impensable de s'exposer de la sorte.
Affamé après une longue journée de marche, Prestenent sortit enfin la nourriture que dame Mariane, sa mère, lui avait préparée juste avant son départ. Les escargots étaient certes froids, mais encore tout à fait mangeables. Avec un régal qui ferait frémir une personne non habituée, Prestenent se délecta des mollusques gastéropodes comme si c'était un repas de grand luxe. Il y avait bien un siècle que les d'Affreloi ne connaissaient pas de meilleure nourriture que les escargots, et ceux de dame Mariane étaient de loin les meilleurs. Il était honteux bien sûr que des nobles en soient réduits à faire leur cuisine, mais laisser des paysans toucher la nourriture c'était prendre le risque que la variole rouge pénètre à l'intérieur de la tour.

Une fois repu, Prestenent s'installa dans sa tente. Il regrettait de ne pas s'être lavé aujourd'hui, mais il pouvait s'en passer pour l'instant. Il s'allongea avec son épée juste à côté, à portée de main, et chercha le sommeil sans plus tarder. Il n'avait pas peur des attaques nocturnes, persuadé que s'il était en danger il se réveillerait. Et puis, plus encore, il était ici sous la protection directe de la Dame du Lac. Il faudrait bien que les dieux innommables veulent sa mort pour que le moindre danger l'atteigne ici. Ce qu'il craignait le plus en cet instant, c'était encore les sangsues. Il ferma les yeux en réfléchissant à si ces mollusques pouvaient être cuisinés comme les escargots, et finit par s'assoupir.
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[MJ] Neferata

Re: [Prestenent d'Affreloi] Silence ça tourne

Message par [MJ] Neferata »



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Rédigé par Snorri Sturillson, Assistant MJ



Après ce repas froid mais consistant, après ces observations presque silencieuses, l'heure était au sommeil. Ainsi, Morr vint à son chevet pour le bercer lentement, alors que s’étiolait le ciel dans un lent et vertigineux jeu d'ombres et de lumières.
Test de VOL, -1 pour la fatigue : 15, raté.

Ombre...
Et lumières...
Et puis de nouveau l'Ombre, sans les lumières...

Il ne savait pas comment ni pourquoi, mais il avait du mal à se déplacer. Le Monde entier s'était absenté, s'était arraché à sa vision, ne laissant que la pesanteur. Dans cette fébrile lenteur, il avait du mal à se tenir, du mal à se retenir - de quoi, il ne savait pas -, à se maintenir. Chaque mouvement semblait gargantuesque, comme s'il était devenu un de ses géants de jadis...
Test d'INT, -1 : 4, réussi

À chacun de ses pas, un tremblement retentissait autour de lui, se répandait le long de ses membres, tandis qu'une sorte de claquement mou se faisait entendre, tel un clapot. Il devait lever haut les jambes à chaque pas, tordant ses cuisses pour avancer et replier le moindre muscle alourdi. En fait, le seul endroit qui n'avait aucun souci était son crâne : là, il n'avait aucun mal à relever le menton, tourner le regard, ouvrir ses mâchoires, etc.

Et c'est justement en tournant la tête qu'il vit apparaître une étincelle. Une lueur pâle mais diffuse se répandit à grand courant dans les environs, révélant les alentours... Vides. Les lieux étaient vastes, et vides de toute chose. Le sol était plat, lisse, mais assez tendre pour ne pas fatiguer les pieds ni résister aux efforts du chevalier. Maintenant qu'il voyait autour de lui, il se sentait fort - toujours gêné, mais empli d'un courage inégalé. Il lui semblait possible de sentir mille mains, mille efforts et mille bras qui l'encourageaient, le prenaient aux épaules, et l'incitaient à avancer, à prouver sa valeur.

Alors qu'il se dirigeait dans un sens, quelque chose fureta au-devant de lui, comme si une de ces ombres à cape longue s'était dérobée devant lui.
Second test d'INT, -1 : 8, raté de 1

Cherchant la source d'un tel affront, il fut pris au dépourvu par un écho tonitruant. Le bruit le transperça de part en part, manquant même de le renverser sur-le-champ. La lumière diffuse se répandit vivement, comme un brasier renouvelé. Et la terreur s'envola. Et le vide reprit ses droits, juste un instant.

La réplique ne se fit pas attendre, et la lueur si faible et si pâle était désormais un astre immaculé, dévorant l'obscurité de part en part. Seul spectateur de ce combat gagné d'avance, Prestenent sentait la pression fondre alors que les secondes s'écoulaient.

Et puis vint une énième réplique. D'un regard, le chevalier se vit fléchir, tomber un instant, s'enfoncer dans le sol au suivant et puis, cherchant un appui surélevé...

Un toit.

Non, des toits. Des structures de tuile claire se dessinaient devant ses yeux, à une distance incommensurable au-dessus de lui. Et soudainement, les rôles s'inversèrent, le sol devenant le plafond, emportant Prestenent aux sommets de cette voûte plate, et laissant les édifices sur le plancher obscur. Mais la pesanteur, elle, n'avait pas changé d'avis si brusquement. Tandis qu'il s'effondrait lourdement vers les bâtisses, il entendit un cri :

- " Pas làààà.... Ééé... Aaaaa... a... À l'aide !"

...
Test d'END : 15, raté.
Tu es éveillé, conscient, dans ta couverture. Mais tu restes déboussolé quelques minutes, cherchant le sol et le ciel, le haut et le bas, etc.

A priori, le jeune errant était entier. A priori, il était alité. Quant au reste... Il sentait quelque chose de mou, et de léger sur ses manches humides.

Relevant instinctivement les bras, il vit une demi-douzaine d'escargots qui s'étaient juchés sur celles-ci, et une autre qui avait élu domicile sur les parois de sa tente.

Et à nouveau... Cette...
Odeur de poisson.

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Prestenent d'Affreloi
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Re: [Prestenent d'Affreloi] Silence ça tourne

Message par Prestenent d'Affreloi »

S'extirper de ce mauvais rêve fut aussi éprouvant qu'hébétant. Lorsque ses yeux s'ouvrirent, Prestenent ne voyait rien tant ses visions incohérentes et ésotériques venaient se substituer fourbement à la réalité. Dans un réflexe, pour lui tout à fait naturel, il empoigna fermement le manche de son épée, seule chose dont le contact était sûr et l'ancrait correctement dans la réalité. Un tonnerre de lumière lui déchirait les yeux, jusqu'à ce que cette vision se transforme en la simple clarté du jour levé filtrant à travers la mince toile de sa tente. Il regarda à gauche et à droite avec des mouvements brusques, puis s'arrêta de surprise en voyant une pléthore de petits escargots collés à sa manche, et d'autres encore qui s'agrippaient avec leur bave collante contre les parois de sa tente. Il s'écoula de longues secondes durant lesquelles le cerveau de Prestenent resta à l'arrêt, comme béat. Autant d'escargots au même endroit aurait constitué une aubaine pour n'importe quel chasseur d'escargot du domaine d'Affreloi. Certes ils étaient sensiblement plus petits que ceux des marécages de Moussillon, mais il y avait de quoi faire un repas pour toute une humble famille, ou un amuse bouche pour un aristocrate; au choix. La pensée de les ramasser pour les manger plus tard traversa l'esprit de Prestenent qui en salivait presque, mais à la vérité il ne savait pas préparer les escargots et n'avait aucune envie d'apprendre, encore moins d'improviser. Et puis, c'était sans doute salissant.

Il ramassa donc les insignifiants mollusques, les décolla, et les jeta dehors avec regret. Il sortit de sa tente et se redressa lentement, son dos douloureux après cette dure nuit. Lorsque son cerveau prit de l'altitude, il eut un moment de vertige et fut obligé de s'asseoir pour ne pas perdre connaissance. Étape par étape, il se releva, et fit plusieurs fois le tour de la tente, d'abord en marchant, puis en courant. Puis il s'étira chaque muscle pour réveiller les diverses parties du corps endormies. Puis, une hésitation le prit, avec un moment de gêne.

Lorsque Prestenent avait besoin de se soulager, la chose était toujours compliquée. Ici plus encore, car devant une chapelle la Dame du Lac elle même pouvait en permanence le regarder. Prestenent chercha un long moment un lieu à l’abri de tous les regards, même de ceux du bâtiment. Heureusement il n'y avait personne à l'horizon.

De retour à sa tente, et après s'être lavé les mains avec ce qui restait d'eau dans sa gourde, qu'il allait falloir remplir bientôt mais avec tout sauf l'eau maudite de la Grismerie; Prestenent prit son épée et s'offrit quelques instants d'exercice, à s'escrimer dans le vide. Plus que d'entrainer son maniement, cela lui permit d'expulser hors de lui les restes de peur et de désorientation que son cauchemar avait semé dans son esprit.

Quand le chevalier fut échauffé suffisamment à son goût, il s'empressa de plier sa tente et de ranger toutes ses affaires en ordre. Prestenent était quelqu'un de relativement pointilleux, alors il fit la chose en vitesse et n'oublia pas bien sûr de se peigner avec ardeur sitôt qu'il eut terminé.
Avant de reprendre la route pour Bois-Giron, le chevalier errant s'approcha une dernière fois de la chapelle, mais un étrange sentiment relatif à ce qu'il avait vécu la veille le convainquit de ne pas entrer à l'intérieur, comme si un vitrail malveillant risquait de lui sauter à la gorge. Pour un être superstitieux et paranoïaque comme Prestenent d'Affreloi, c'était tout à fait vraisemblable. Il s'agenouilla donc devant la magistrale bâtisse, prononça une prière rapide, presque expéditive, puis se releva, rassuré.

Il retourna vers le chemin, qui était le seul dans la région, et prit quelques instants pour bien s'assurer de reconnaitre malgré la luminosité différente de quelle direction il était venu et vers laquelle il se dirigeait. Puis, d'un pas bien plus assuré et guilleret que la veille alors qu'il dépérissait des suites de sangsues perverses, Prestenent reprit la route, persuadé qu'il parviendrait enfin à Bois-Giron cette fois.
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[MJ] Neferata

Re: [Prestenent d'Affreloi] Silence ça tourne

Message par [MJ] Neferata »



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Rédigé par Snorri Sturillson, Assistant MJ



Aujourd'hui, l'air était toujours aussi humide, presque pâteux en cette "matinée" blanchâtre. Nul ne pouvait douter que le soleil s'était déjà levé, mais nul ne pouvait non plus estimer sa position ou son arc actuel. Mais qu'importe, Prestenent n'était ni astrologue ni marin, alors il n'avait sans doute que faire de telles élucubrations inutiles. Il faisait jour, et il avait du chemin à parcourir.

Maintenant que le chevalier avait quitté les abords de la Grismerie, il n'y avait en soi aucune traîtrise à redouter venant de la rivière, puisqu'il n'y avait ici aucun affluent, et aucun marécage trompeur. En effet, l'intégralité du paysage se composait désormais de vastes plaines éventées et de collines couvertes de végétation simple mais variée, colportant cette couleur verte à la fois si riche et si étrange pour notre voyageur moussillonais. Le chemin terreux s'enfonçait désormais ardemment vers les terres, noyant le champ de vision avec des pâturages, de minuscules bosquets ou encore - bien que cela fut plus rare - quelques abris pour les bêtes et les basses-cervelles.

Après quelques lieues supplémentaires apparaissait progressivement la cause et la source de la richesse de Bordeleaux : avec un vent et une terre si riche et un ciel dégagé, n'importe qui aurait été capable de produire une quantité faramineuse de victuailles, quel que soit le type d'aliment (et donc de vin ou de viande). Ici, la possibilité d'un terrain rocailleux ou graveleux était inimaginable, impossible, et tout semblait bien loin de la rudesse et pauvreté des coteaux de la Tour d'Affreloi.
Test secret : 10, raté

Mais une chose vint à l'esprit du chevalier : Si autant de richesses étaient exploitables et récoltables sur ces terres, combien d'horreurs, de profiteurs ou de gredins-marchands un tel pactole pouvait-il abriter ? Quoiqu'il en fût, voilà que notre grand pédestre arrivait enfin près de quelque signe de vie...

Du bétail. Parquées entre quelques murets de bois et de terre, des dizaines de bêtes s'épanchaient et se baffraient paisiblement en gémissant de temps à autre. En passant à coté, le jeune errant provoqua un simple tressaillement chez les résidents les plus proches, et si quelqu'un eut à compter les trouillards, il n'y en aurait eu qu'un seul : un mouton, un peu dodu et tacheté de son, qui s'était mis à cravacher sans raison.

Au sommet de la colline, au bord du chemin de terre, trois paysans semblaient s'affairer à quelque chose, juchés comme ils étaient sur quelque forme sombre, braillarde et pleurnicharde. Alors qu'il s'en approchait, Prestenent put entendre un craquement sourd, et s'en fut alors des gémissements. Quelques secondes plus tard, les grouillots s'étaient mis à sautiller, l'un partant vers le muret du fond, l'autre longeant la route vers le chevalier.

- "Taalmadur à vous, m's - m'dame ! V'voudra du coeur de madur ? C't'un sacré rougne, mais tien-dra donc, il rêche encor. Tiendra-ez !"

L'individu s'était arrêté à un pas seulement du chevalier, et tenait une grande outre dans une main, et un cœur fumant dans l'autre. Visiblement, vu l'agitation qu'il maintenait en sautillant sur place, il n'avait que faire des lampées de sang ou du contenu de l'outre qu'il versait contre le lierre ou la boue. Il en souriait à pleines dents, chantonnant quelque air fébrile à travers ses gencives violacées. Son acolyte dansant était déjà loin, entamant le mur opposé, tandis que le troisième larron était avachi sur les restes du "madur".

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Prestenent d'Affreloi
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Re: [Prestenent d'Affreloi] Silence ça tourne

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Sans doute dans cette matinée brumeuse pouvait-on trouver une frange supplémentaire de ce charme bucolique qu'a la Bretonnie. En marchant sur ces routes Bordelaises, Prestenent sentait tout autour de lui la pression d'une force transcendante et primordiale. Un souffle léger et pur qui faisait vibrer les couleurs de la plaine et des collines. Un vert vivant, une flore saine et épanouie dont le brouillard lui même n'arrivait pas à ternir l'éclat. Plus il avançait plus le pays était marqué par cette apparente fertilité qui était gage de prospérité. Le paysage se faisait plus somptueux, plus beau, et si agréablement éloigné de cette nauséabonde masse d'eau croupissante qu'on appelle Grismerie.

Prestenent espérait bien ne plus jamais avoir affaire à l'eau souillée de ce fleuve. Le pauvre, il ne s'imaginait pas l'ampleur que celui-ci avait en Bretonnie. La vie ici était tellement plus évoluée qu'à Carcassin. Le moindre brin d'herbe semblait un être cent fois plus complexe que le moins primitif des habitants du hameau au bord de la Grismerie. Toutefois l'attention de Prestenent fut saisie lorsque, summum des prouesses agricoles, des signes d'élevage étaient apparus.

Des champs, Prestenent en avait vu, et même d'un peu trop près à son goût parfois. Des espaces très vastes ne produisant presque rien, où il fallait creuser la terre avec la main pour ramasser les racines comestibles et trier les légumes pourris ou empoisonnés de ceux à peu près comestibles pour un estomac accroché. Mais l'élevage d'animaux était une tout autre chose. Jamais de sa courte vie Prestenent n'avait vu d'une vache plus que le crâne pourrissant accroché dans un arbre pour effrayer les manants ou d'un mouton plus que la laine dont étaient faits ses habits. Aussi, la vue d'un pâturage entouré de murets modestes produisit sur lui un effet des plus surprenant. Le chevalier s'arrêta même dans sa marche pour regarder ces rigolotes petites bêtes avec leurs longs poils frisés. Il savait par les descriptions qu'il en avait eu que c'étaient des brebis, mais il n'y en avait pas sur le domaine d'Affreloi. Il aurait presque voulu les caresser pour voir comment c'était fait, mais Prestenent avait trop peur que cela suffise à provoquer un accident dont il était incapable de prédire la nature.

Les ovins étaient pour la plupart aussi placides qu'on peut s'y attendre, mais la rêverie de Prestenent fut brisée lorsque l'un des animaux prit peur et s'enfuit au galop. En un sursaut, le chevalier retrouva ses esprits, se rappelant qu'il devait se dépêcher d'aller à Bois-Giron. Les campagnes de Bordeleau étaient certes magnifiques, mais il en avait soupé de ces paysans tous à moitié fous et, à l'autre moitié, complètement ivres. Il lui fallait au plus vite rencontrer d'autres chevaliers.

Un mouvement attira l'attention du jeune chevalier errant. Trois paysans encore. Pourquoi donc ces engeances allaient toujours en bande ainsi ? Il était presque tenté de les éviter pour ne pas se voir encore proposer de la vinasse. La piquette du coin était peut-être très bonne, mais Prestenent n'était pas d'humeur.

Un craquement de fit entendre. Suivi d'un silence. C'est alors seulement qu'il remarqua qu'il avait entendu des sortes de gémissements juste avant, car justement ils avaient cessé. En regardant la façon dont les trois paysans se séparèrent en sautillant, sauf un qui s'était allongé, Prestenent eut comme un frisson. Ces gens n'étaient pas seulement ivres, il y avait autre chose. Une drogue autrement plus forte que l'alcool et plus inquiétante aussi devait être à l'œuvre. Les autres bordelais qu'il avait rencontrée s'enfilaient sans peine leurs bouteilles de pinard. Et même s'ils ne gardaient pas toute leur tête ils arrivaient quand même en général à rester cohérents dans leurs actes.

Quand l'un d'entre eux s'approcha de lui, Prestenent ne prit même pas la peine de se méfier. À quoi bon ? Jusque là chaque fois qu'il s'était mis sur ses gardes ça n'avait au final servi à rien. Ce paysan allait certainement courir vers lui, tituber, le saluer en l'insultant au passage sans le faire exprès ce qui rend la chose impunissable aux yeux de Prestenent, et lui proposerait du vin.

Effectivement c'est presque ce qui se passa à ceci près que quand l'homme parvint devant lui, Prestenent écarquilla les yeux comme jamais encore il ne les avait écarquillé. Il dut taire un juron si horrible et blasphématoire que même lui n'aurait pas osé le prononcer. Plusieurs questions lui vinrent à l'esprit dont il ne pouvait imaginer les réponses.

"Taalmadur ? Mais qu'est ce que…"

Le paysan, c'était un cœur qu'il tenait dans sa main. Un cœur encore chaud. Un cœur sanglant. Ce n'était peut-être pas un cœur humain, mais tout de même. Il essayait de comprendre. Peu de temps avant, dans la même situation, face à des hommes aux gestes incohérents et imprévisibles et brandissant un cœur, Prestenent aurait sorti son épée. Il avait appris à se méfier de tout, à voir un danger potentiel dans chaque ombre, et à ne jamais craindre ce danger, uniquement à l'affronter l'épée au poing. Mais désormais Prestenent admettait que parfois il valait mieux ne pas tirer son épée à moins d'être sûr qu'il faille s'en servir.

Doucement il leva une main sans quitter des yeux le paysan surexcité et déclina poliment l'offre.

"Vous pouvez tout garder pour vous même, merci bien. Et puis, c'est messire pour moi, je vous prie."

Son regard passa de l'homme à la carcasse qui reposait sur la colline et de laquelle ils avaient arraché ce "cœur de madur". Que pouvait bien être un madur ? Et que pouvait bien vouloir dire "Taalmadur" ? Ça ressemblait presque à un rite religieux. Si c'était là une tradition typique bordelaise, alors définitivement les bordelais étaient des gens bizarres. Si ce n'était pas une tradition typique bordelaise… alors c'était sans doute l'une des choses les plus inquiétantes qu'il ait jamais pu voir.

À pas prudents, une main sur le pommeau de son épée, Prestenent s'approcha de la colline. Il voulait savoir ce que c'était. Non. Il devait savoir. Cette information était nécessaire pour pouvoir prendre une quelconque décision, si oui ou non ces paysans étaient des fous dangereux. Au fond de lui, Prestenent priait pour que le madur ne soit rien qu'un animal, mais il ne pouvait empêcher une certaine appréhension de monter dans ses tripes.
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[MJ] Neferata

Re: [Prestenent d'Affreloi] Silence ça tourne

Message par [MJ] Neferata »



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Rédigé par Snorri Sturillson, Assistant MJ



Arme en main, le jeune chevalier avançait d'un pas mesuré, mais agité en direction de l'angle où se situait le-dit "madur". Alors qu'il réfléchissait à quelque origine païenne ou étrangère, une odeur le frappa subtilement : celle de la ferraille, de la terre, de la vie qui pulse - pulsait, devrait-on dire. Son interlocuteur avait beau garder son air déçu et surpris d'un tel refus, cela ne l'empêcha pas de reprendre sa farandole sanglante et alcoolisée. À chaque empreinte dans l'herbe riche, quelque chose se nouait délicatement au sein de Prestenent, comme si la chose au-devant de lui allait le tester, le comprimer, le corrompre.

En effet, il pouvait désormais apercevoir le troisième larron avec plus de détail, si avachi qu'il était sur cette chose, ou plutôt sur les restes de la chose qu'était le "madur". L'homme en face de lui ne le regardait nullement, trop concentré à plonger ses bras dans la masse de chair, entre les pattes raides - ou bien était-ce des jambes ? -, et ainsi en extirper quelques cordées visqueuses et luisantes. L'odeur s'accentua alors qu'il n'était qu'à quelques mètres, et il reconnut dans le madur défunt ce qui s'apparentait à ...

Un mouton. Un stupide et pourtant bien réel mouton noir, désormais dépossédé d'une bonne partie de ses tripes et de ses organes, qui résidait désormais dans divers sacs, seaux de terre cuite ou bassines de bois. La bête était la seule à posséder une telle toison de jais, tant que l'on exemptait les tignasses poisseuses des paysans. Désormais relevé, c'est avec sourire empourpré que le dépeceur salua l'errant :

- " Oye-ouah ! Taalmadur à vous m'sire - m'da- oui, m'sire ! N'aura crainte, m'sire, il est tout calanché, comme un pégueux qui blotte ! Il a-ra mauvaise trogne, mais il s'ra tout ben dans la sôp' du Morquiss' !"

Il fallu un certain temps avant que les regards se croisent, et lorsque cela vint enfin, le paysan s'empressa de lever un sourcil stupéfait, avant d'instinctivement baisser les yeux et la tête, quitte à tendre la nuque au complet et plier son dos qu'il venait à peine de redresser. En fait, quoiqu'ai voulu faire Prestenent, on aurait dit que quelqu'un venait de rabrouer violemment le paysan au point de l'écraser physiquement, comme l'aurait fait un tortionnaire ou un maitre-queux avec ses aides. C'est seulement à cet instant que Prestenent remarqua les asymétries du pouilleux, avec son bras plus long d'un coté, et ses épaules qui penchaient vers l'autre versant. Vraiment, cet individu présentait un air pittoresque.
test d'INT = 15, dommage ...

En fait, maintenant qu'il était au sommet de cette colline, Prestenent surplombait la majorité des environs, qu'il s'agissent de champs, de friches ou de pâturages. Comme auparavant, l'endroit était exquis, et pourvu de moult richesses naturelles assez bien exploitées par le bas-peuple, et ce, même s'il était évident que l'usufruit de telles merveilles revenait à la noblesse (il ne pouvait y avoir aucun doute là-dessus, vu le physique et le faciès des autochtones rencontrés jusqu'alors par rapport à l'essor de la noblesse bordeline).

Où qu'il puisse diriger son regard, il était en position surélevée par rapport à sa cible, et bien qu'il puisse pivoter autant qu'il le voudrait, il n'y avait rien ni personne qui ne pourrait le surprendre, sauf peut-être l'odeur nauséab...

Attendez, qu'était-ce que ce reflet lumineux en bas de cette pente ? Était-ce... Un heaume ? Un cimier, ou un écu peut-être ? Ou alors un autre trio de paysans enclin à badigeonner les environs de sang et de vin ?

Non, il n'y avait aucune ombre à portée de ce reflet. Et ce dernier ne semblait pas se mouvoir, juché comme il l'était en plein milieu de la voirie...

En se retournant, le chevalier put apercevoir son interlocuteur en train de faire ce que, à priori, l'on savait faire de mieux dans ce domaine : Boire.

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Prestenent d'Affreloi
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Re: [Prestenent d'Affreloi] Silence ça tourne

Message par Prestenent d'Affreloi »

Lorsqu'il comprit ce qu'était le "madur", Prestenent fut à la fois soulagé et… tout de même choqué. Quel genre de barbare sanguinaire il fallait être pour éventrer un animal vivant, lui arracher son cœur et boire son sang ? S'il y avait bien une chose qu'il ne s'attendait pas à trouver dans un territoire bretonnien "civilisé" c'était ce genre d'acte inhumain.

L'idée même de faire du mal aux animaux déplaisait au jeune chevalier, mais encore la chasse et l'abattage du bétail pouvaient se justifier. Qu'aurait-il coûté à ces trois brutes assoiffées de sang de trancher la gorge de l'animal plutôt que de lui arracher les organes alors qu'il frémissait et gémissait encore ? Pourquoi faire ça ici, à découvert, aux yeux de tous ? Et surtout pourquoi s'enivrer de son sang ?

Il n'y avait certes pas beaucoup d'animaux gambadants sur les mornes territoires du fief d'Affreloi, mais le peu d'animaux que Prestenent avait connu, il avait appris à les respecter. Même du bétail ou une bête de somme restent des êtres vivants qui sacrifient leur force et leur chair au service de leur maître comme de fidèles paysans bretonniens à leur seigneur. Ils méritaient au moins le respect d'être tués proprement, ne serait-ce que pour des questions d'hygiène. Voir cette carcasse à même le sol avec ces paysans lui extirpant les tripes avec leurs gros doigts sales donna un haut le cœur à Prestenent, et il y avait de quoi. Heureusement, peut-être, il avait déjà vomi bien trop de fois la veille pour que son estomac tolère de sitôt une nouvelle contraction de ce type.

Lorsque le paysan se tourna vers lui et lui adressa la parole, Prestenent ne cilla pas durant un instant, trop concentré sur ce spectacle écœurant. Il fut tenté de poser une question à l'homme, mais lorsqu'il le vit, tassé sur lui même, et aperçut sa difformité, le chevalier eut un mouvement de recul. Il décida finalement de se contenter d'un commentaire:

"Parbleu. C'est du propre."

Et en même temps il se retourna pour ne pas voir ces deux horreurs dont une morte et l'autre en train d'étripailler la première et regarda distraitement les alentours en continuant de se demander ce que "Taalmadur" pouvait bien vouloir dire. Il fut surpris de constater sa hauteur en regardant le bas de la pente. De là il avait un point de vue idéal sur toute la campagne. S'il faisait abstraction des fous en train de danser en répandant du sang et du vin sur l'herbe ainsi que du bruit flasque derrière lui des organes arrachés à un corps encore chaud, on pouvait dire que la position était agréable pour contempler la beauté de la campagne du duché.

Un reflet métallique attira son regard. Difficile depuis son point de vue de savoir ce dont il s'agissait. Son instinct de chevalier lui fit néanmoins aussitôt voir une pièce d'armure. Est-ce qu'enfin un chevalier s'était trouvé sur son chemin ? C'était peu probable, mais il voulait y croire. Heureusement le reflet ne semblait pas trop bouger.

Prestenent se retourna rapidement vers le paysan et le trouva en train de boire. Les manants d'ici… Si l'homme n'avait pas été occupé à s'hydrater de rouge, Prestenent aurait sans doute été moins intimidé à l'idée de lui poser des questions sur cette viande ou plutôt ces organes. Après tout, n'avait il pas dit qu'elle était destinée au marquis ? Peut-être cet homme, aussi improbable que ça puisse paraître, savait-il des choses intéressantes sur le marquis de Bois-Giron. Mais peut-être au bas de la pente y avait-il un chevalier qui ne tarderait pas à partir. L'hésitation fut courte mais intense, et c'est finalement l'aspect repoussant et débile de ce paysan amorphe qui convainquit Prestenent à le saluer rapidement avant de descendre la pente en direction du curieux reflet qui avait attiré son attention. Il s'avança, comme à son habitude, d'une démarche aussi digne que permise, faisant l'effort de ne pas plier l'échine même imperceptiblement. Avec autour de lui des drogués dansants et arracheurs d'organes, Prestenent tenait à ce qu'on le reconnaisse pour ce qu'il est: un aristocrate fort bien éduqué.
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