Rédigé par Snorri Sturillson, Assistant MJ
"Je donne mon corps, cœur et âme, à la Dame que je cherche..." Ainsi commence le long Vœu de Chevalerie, prononcé partout et en tout temps dans le Royaume de Bretonnie. Enfin, presque partout.
Quand vous naissez dans une famille aristocrate, la tradition veut que tous les enfants mâles passent le serment de chevalerie, où comme il est parfois appelé en Briton Local "Le Vow du Errantry". Ce vœu amène l'enfant à faire ses premiers pas dans le long périple qui tient tant à cœur à la noblesse du Royaume. Après tout, c'est le meilleur moyen de faire ses preuves, tout en se montrant digne de son rang : ceux qui reviennent sont couronnés de succès, d'honneur et de gloire. Ceux qui ne reviennent pas ...
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C'est ainsi que Prestenent s'en va quérir le Monde et plus encore, armé de son fer, la cervelle débordant des légendes de Gilles & de ses compagnons. Mais quand on vit au milieu de ces marais, parmi la fange, les herbes folles et les amphibiens, difficile de s'imaginer trouver le prestige ici. N'importe quel maraud est capable d'inventer des sottises, comme ce faquin qui prétendait hier encore avoir vu un colosse adipeux haut comme une lance, large comme une tour, accompagné d'un minet blond tout ferré. Vraiment, n'importe quoi, ces gens-du-bas...
Les jours passant, à force de galvauder entre les charniers et les bois morbides, voilà qu'on s'en quérit d'une issue hors de ces lieux. L'ancien Duché n'avait plus fière allure, et celle-ci ne s'améliorait pas alors que l'on s'approche de la Cité du même nom. Mais Prestenent d'Affreloi était un miracle de chair et d'os, et fort s'en fût pour le décourager si facilement. Contournant les collines, ignorant les charniers, le jeunot capte un des nombreux canots laissés à l'abandon sur la berge. Puisque ceux-là n'avaient aucun propriétaire, voilà qu'un d'eux en aurait un nouveau en la personne de Prestenent ! Mais contrairement à la vie de château, cette embarcation était diablement fatigante. Rendez-vous compte : il fallait ramer ! Et ce, malgré l'eau trouble et bosselée ! Quel diable de roturier avait pu donc inventer un tel supplice ?
Quelqu'en soit la réponse, une fois le soir venu sur l'espèce de périssoire, il n'y avait plus un seul bonhomme pour faire avancer l'engin (à vrai dire, il n'y en avait jamais eu d'autre). Maints coups de pagaie plus tard - aux yeux du canotier, c'en faisait au moins trente ! -, et voilà la carangue coincée entre deux effluves. Les tentatives de mouvement s'accumulent, jusqu'à ce qu'une ombre, certainement l'inventeur de ce supplice, vienne décrocher puis renverser toute l'embarcation.
Le bois claque, l'eau s'agite, mais il est trop tard : les affluents grisonnants enveloppent déjà l'intrépide chevalier, forçant le passage fluvial dans son nez, remuant les bronches et les braies.
Et soudain... Une femme ?
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Lorsque Prestenent rouvre les yeux, il est en vie, endolori, affalé sur une bande sablonneuse, la gorge tiraillée par une amertume inégalée. Malgré l'humidité permanente sous sa ceinture et dans ses bottes, il avait le visage asséché, craquelé. Ce poids, trempé sur son dos, indique qu'il n'a au moins pas perdu son barda. Qui plus est, l'on entendait un lent reflux derrière lui, mais aussi...
- " Atchez ce qu'j'ai arranquer à lo-berge ! Un vrai bestiou, atal ! Astin, atche ! T'ça vaut ben coup d'treille, oh qu'si !"
Un bruit de déglutition répété vient compléter l'autre voix, plus sèche et basse, mais tout aussi désagréable.
- " Vin-nom, t'veux t'escaner la tronc' ? T'attir'ras les pégueux, Tais-to, lô! J'ira aux caguanés."
Quelques bruits mous viennent clore le débat, puis ce fut un ruissellement, à quelque distance sur la gauche.
- "Cré-ben, quequ'ço lô ? Rané ... ? Rané ?"