[Juliette Dickens] Fuite éperdue et inavouables habitudes.

La population rurale de l'Ostermark est composée de gens capables et autonomes qui se battent souvent aux côtés des Kislévites contre les pillards Nordiques. Wolfram Hertwig dirige sa province depuis Bechafen, situé dans le Nord.

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[MJ] Vivenef
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Re: [Juliette Dickens] Fuite éperdue et inavouables habitude

Message par [MJ] Vivenef »

  • En fait et finalement, suite au nombreux et houleux débats, il te faudra choisir entre tes jambes et ta cicatrice.
    « Si je peux faire quelque chose pour toi, te sauver ? » La question rhétorique avait été posée lentement. A genoux auprès de Juliette, Laëssya la contemplait longuement, comme indécise, ne sachant vraiment que répondre. Alors elle détourna le visage en un seul et unique gloussement ironique, ce petit rire sarcastique mélangé au reniflement de dédain, à cela près qu’une certaine forme de tristesse et de profondeur pouvaient s’y lire.
    « Certains diraient que non, je ne le puis pas. Ou que, si jamais je le tentais, ton sort serait pire que la mort, que tu ne serais, au fond de toi-même, qu’une parodie de vie, un cadavre ressuscité par l’une des magies les plus sombres qui soient. Qu’en procédant de la sorte, tu perdrais ce qui te caractériserait vraiment, à savoir, ton humanité. Elle eut un nouveau reniflement de dédain, nerveuse. Bien entendu que tu perdrais quelque chose, et il est facile pour les ignorants que de tronquer ainsi la chose. Tu perdrais simplement ce qui te qualifierait en tant que « faible », et en gardant, si tu le désires, tous les bons côtés que tu as actuellement. Enfin… Oui, je pourrais le faire. Mais le ferai-je vraiment ?

    Je ne sais pas si tu serais capable de recevoir cela, ou… Tout simplement, de l’accepter. Je n’en suis pas certaine… Il me semble que tu refuses à comprendre qui je suis réellement, à ne pas percevoir ce que je suis. Le monde que l’on connait peut être si confortable dans sa simplicité que dès l’instant où quelque chose d’inhabituel se produit, l’on détourne le regard en se contentant de l’ignorer. C’est ce que tu as souvent fait ; faire comme si ces irréelles étrangetés dont tu as été témoin n’avaient jamais existé et continuer tranquillement ta vie, ou le moment vécu, comme si de rien n’était.
    Mais peut-être s’agit-il d’un manque de connaissances que je devrais éventuellement t’enseigner… Après.
    » Laëssya soupira, marquant une petite pause. Juliette pouvait sentir la résolution de sa consœur qui ne savait que faire, qui ne savait quel choix effectuer, et ce choix qu’elle sentait décisif s’établissait au fur et à mesure de ses paroles. Comme si elle tentait de se convaincre elle-même. Ou comme si elle tentait désespérément de gagner du temps.

    « Je pourrais faire quelque chose pour toi. Mais ce n’est jamais gratuit, à vrai dire, je ne pense pas même que j’en ai réellement le droit sans demander… Une sorte d’accord. Mais pour leur demander… Elle secoua la tête, dédaigneuse. Mais où étaient-elles lorsque j’avais besoin de leur aide ? Où étaient-elles alors qu’elles ne recevaient pas les informations que je devais leur envoyer à leur demande ? Et où étaient-elles, enfin, lorsque ce fut toi, une simple servante, qui me sauva la vie ? Je me doute que tu n’en avais pas la moindre idée, à ce moment-là… Et peut-être même toujours. Un petit rictus s’inscrivit sur ses lèvres.[/b] Mais la vie que tu as sauvée valait bien cent fois la tienne, ne serait-ce que par sa propre durée d’existence. Et en échange, que reçois-tu ? CA[/b], cracha Laëssya en désignant son visage défiguré, et CA !! Et sa dague se planta violemment dans le pied de Juliette, à travers la couverture.

    Le bruit fut tout simplement répugnant, et le fut d’autant plus qu’il n’y eut aucun hurlement de douleur pour venir le masquer. Coupant chair, veines et tendons, Juliette, dans le silence qui précéda l’accès soudain de rage de sa « protectrice », eut tout le loisir d’entendre la lame se planter sourdement mais d’une façon un tant soit peu visqueuse à travers sa peau. Et elle ne ressentit rien. Pas de douleur, pas la sensation de froid, et pas même le sang qui s’écoula de la plaie, tachant la couverture.

    La furie revint lentement à elle, main serrée sur le manche de l’arme, ouvrant la bouche, hébétée, que pour mieux la refermer par la suite.
    «Je… Bha, ça ne fait rien, de toute façon », décréta-t-elle. Et elle quitta brutalement la pièce.

    Etrange situation que de se retrouver avec une dague plantée dans le pied, de ne pas la ressentir mais de deviner sa présence et de ne rien pouvoir faire pour la retirer. Si elle ne sentait pas physiquement la douleur, son esprit, lui, l’interprétait bien en la mettant mal à l’aise, et elle ne cessait d’avoir l’impression de ressentir, tout au fond d’elle, le tranchant acérée de la lame qui goûtait voracement à ses chairs, le fer glacial qui lui sciait les tissus de la peau, et le sang qui s’écoulait de ses vaisseaux sanguins au-travers des tendons sectionnés. Et l’impossibilité de pouvoir se redresser, faible et mal en point comme elle était, afin de pouvoir la retirer, ne rendait cette situation que plus inconfortable encore.

    Ce fut le tavernier, le dénommé Hans Alter, qui vint la lui retirer quelques temps plus tard.
    «Mais elle est complètement tarée, ma parole ?! » s’était-il exclamé, horrifié. Récupérer l’arme qu’il déposa par la suite sur la table de chevet lui en coûta, eu égard à la grimace écœurée qu’il afficha en retirant doucement la lame de la chair. Comme s’il avait peur de faire mal à la jeune femme, qui ne ressentit rien du tout. Il recouvrit le pied de Juliette à l’aide d’un bandage provenant vraisemblablement d’un drap blanc, et le tissu se teinta de ce rouge foncé qu’elle avait vu trop souvent ces derniers temps.

    « Vous vous occupez étrangement bien d’une personne que l’on devrait tuer.
    L’homme se retourna en sursautant quelque peu.
    - C’est pour ça que vous lui avez planté une dague dans le pied ? Pour me détromper ? Putains, c’est vous que l’on devrait tuer !
    - Cela n’a plus d’importance, conformément à ce que vous avez dit, nous nous en allons.
    - Et pour aller où ?
    - Cela ne vous regarde pas. Et ça évitera que vous nous envoyez une prêtresse aussi inutile que dérangeante.
    »

    L’homme devint tout rouge, et son regard oscilla entre Juliette et Laëssya. Il semblait comme partagé entre le fait d’aller remettre à sa place l’insolente et de protéger la blessée, celle contre laquelle, pourtant, il avait menacé de devoir la tuer. L’une comme l’autre des possibilités, et il entrait directement en contradiction avec ce qu’il pouvait bien avoir dit précédemment.
    «Allez, c’est bon, dégagez. Foutez le camp, toutes les deux. Et toi, surtout, puisse Morr avoir pitié de ta frangine. »

    Laëssya s’empara de la gibecière, puis de Juliette, la prenant dans ses bras comme elle l’avait déjà fait auparavant. Dans un recoin de la pièce et derrière l’un de ses murs se tenait un tout petit escalier de bois qui amenait à un panneau de bois. En le soulevant puis en passant en-dessous, la jeune femme parvint à l’extérieur, débouchant au beau milieu d’un grand rassemblement de plusieurs tas de bois, lesquels dissimulaient quelque peu l’entrée. Derrière elles se trouvaient ainsi la cave, mais également un grand bâtiment de pierre, imposant ; l’auberge, que protégeait une petite enceinte de pierre munie d’un portail métallique.
    Le soleil venait de se coucher, de ce que put en voir Juliette, et Laëssya évoluait ainsi sans difficulté, avec une certaine aisance en dépit du poids, certes léger, que représentait l’ancienne mineuse dans ses bras.

    Après avoir marché une petite centaine de mètres, Laëssya s’arrêta au détour d’une petite colline, devant un curieux spectacle. Dans la plus parfaite immobilité se tenait le cadavre d’un cheval pourtant debout, à cela près que la monture n’arborait plus aucune chair mais bien des ossements. Tout un assemblement d’os, de vertèbres et de tendons mis à nu qui s’articulèrent soudainement dans quelques craquements écœurants à l’approche des deux jeunes femmes.
    «Voilà pourquoi j’ai, en réalité, tué le cheval, la dernière fois. Le tien s’étant enfui suite à ta chute, il ne nous restait que celui-là. Et pour pouvoir le convertir en une monture fidèle par-delà la mort, il fallait son corps que j’ai dû assécher pour obtenir son squelette. L’odeur était épouvantable. N’aies pas peur, en tout cas ; il nous conduira là où il le faudra, sous mes propres directives.
    Encore une chose qui sort de l’ordinaire et que tu feinteras d’ignorer, n’est-ce pas ?
    »
    Portant Juliette à bout de bras, elle eut quelques difficultés à la faire enfourcher la monture, et l’infirme fut obligée, piteusement, de soulever comme elle le put ses propres jambes, une par une, avant de se retrouver en selle. Laëssya la suivit prestement, puis, s’emparant des rennes, dirigea la monture.

    L’air était froide, et cela se fit d’autant plus ressentir que la monture avalait les mètres à grande allure, et, si Juliette était lovée tout contre Laëssya, celle-ci ne la protégeait pas des courants d’air provoqués par la vitesse. Son corps était tout crispé et courbaturé que d’avoir trop greloté ces derniers temps, dans la faiblesse qui l’emplissait. Impossible de s’endormir, battue par les vents et le cahot des grandes enjambés du squelette qui jamais ne ralentissait, infatigable.
    La forêt demeurait silencieuse sur leur passage. Les animaux, présentant une arrivée inconnue et morbide, se taisaient sur leur passage, se faisant le plus discrets possibles, et il était bien possible que d’autres créatures, bien plus téméraires et dangereuses, se fussent cachées à leur tour.

    Quelques temps après que le milieu de la nuit fût passé, elles arrivèrent en bordure d’un village, et là où la route continuait en sa direction, Laëssya sortit du sentier, aventurant la monture sous les arbres.
    Après un petit moment, elles atteignirent une ancienne hutte de chasseur ou ce qui en ressemblait. Petite, faite d’un bois rongé par la vermine, la bâtisse rabougrie était faîtée par un toit troué et grossièrement rafistolé qui devait toutefois fuir allégrement en cas de pluie. «J’aurais tellement aimé un autre endroit pour ce faire. Un endroit grandiose et merveilleux, un endroit qui corresponde tout à fait avec le Don que je vais t’accorder. Quelle déchéance de mes espoirs. » Laëssya sourit toutefois, mettant pied à terre en entraînant avec elle sa protégée.

    L’intérieur était très sombre, et l’endroit avait très certainement fait l’objet de diverses haltes de voyageurs ou d’autres choses encore. Un lit défoncé traînait dans une pièce, et le matelas moisi recouvrait les lattes éclatées, lorsqu’il y en avait encore. Le tout puait la mort, mais ce fut toutefois là-dessus que Laëssya coucha Juliette, faute de mieux.
    Enjambant le corps allongé de cette dernière, Laëssya se posta à califourchon au-dessus d’elle, et déboutonna la veste de la jeune infirme, jusqu’à la naissance de sa poitrine, avant d’amplement écarter les pans et le col de la tunique. Révélant davantage de peau blanche et immaculée, elle fit courir deux doigts sur les épaules ainsi dénudées, jusqu’à remonter au creux de son cou.

    «Es-tu prête, ma chérie ? » demanda Laëssya, dans un souffle aussi lascif qu’angoissé d’un futur incertain mais sur lequel tout allait basculer.

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Juliette Dickens
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Re: [Juliette Dickens] Fuite éperdue et inavouables habitude

Message par Juliette Dickens »

  • «Je… Bha, ça ne fait rien, de toute façon »

    Sur ces mots, Laëssya quitta la chambre laissant Juliette avec une dague plantée dans la jambe. La jeune fille resta là, seule, haletante, tremblante et gémissante de douleur. Elle frissonnait de froid, mais en même temps brûlait de fièvre. Ses membres lui semblaient fragiles comme des brindilles, ils en avaient aussi l’aspect. Elle n’arrivait même plus à bouger, impossible de lever les jambes.
    Comment était-elle arrivée jusque-là ?

    Une nouvelle vague de panique s’empara de Juliette quand elle se rendit compte qu’elle ne retrouverait plus jamais l’utilité de ses jambes. La chaleur oppressante et le froid intense avaient tout emporté avec eux, ne laissant que la douleur. Son esprit était brisé. Elle n’arrivait même pas à commencer à envisager la manière dont elle allait se guérir. C’est pour cela qu’elle allait accepter n’importe quelle solution que Laëssya lui proposerait.

    Car d’après les propos de sa consœur, elle avait la possibilité de la soigner. Mais d’après certains, ce sort était bien pire que la mort elle-même. Qu’est-ce que cela pouvait bien être ? Juliette n’était que rarement sortie de son village natal et elle ne connaissait pas grand-chose de la vie, et encore moins sur les vampires ou les cultistes du chaos. Hormis les quelques mythes que lui racontait sa défunte mère… Et elle devait bien avouer que les histoires de vampires ne l’impressionnaient pas vraiment. Elles l’intriguaient plutôt.

    Juliette Dickens sursauta lorsqu’un bruit de pas lui parvint au même instant. Elle poussa un soupir exaspéré face à sa propre réaction et en découvrant que c’était l’aubergiste :


    «Mais elle est complètement tarée, ma parole ?! »

    Ce dernier venait de découvrir la dague toujours plantée dans la jambe de Juliette.

    « Ce n’est pas grave, monsieur. Je ne ressens plus rien… »

    Il y avait plus de vérité que de prétexte dans cette phrase. L’aubergiste ne releva même pas la réponse de la jeune fille et lui retira la lame dans un bruit tout aussi dégoutant que lorsque Laëssya lui avait plantée. C’est d’ailleurs ce moment que l’ancienne servante choisie pour faire irruption dans la pièce. Et comme il fallait s’y attendre, une petite dispute éclata entre Laëssya et le tavernier.

    « Allez, c’est bon, dégagez. Foutez le camp, toutes les deux. Et toi, surtout, puisse Morr avoir pitié de ta frangine. »

    Laëssya attrapa la gibecière contenant les bijoux et prit Juliette dans ses bras. Les premiers pas furent difficiles et l’ancienne paysanne eût de fortes nausées, mais à chaque nouveau pas de sa protectrice, elle se sentait un peu plus forte et sûre d’elle. Laëssya marcha sur une centaine de mètres avant de s’arrêter au détour d’une petite colline. Un curieux spectacle s’offrit aux deux jeunes femmes : le cadavre d’un cheval se tenait debout dans la plus parfaite immobilité.

    «Voilà pourquoi j’ai, en réalité, tué le cheval, la dernière fois. […]N’aies pas peur, en tout cas ; il nous conduira là où il le faudra, sous mes propres directives.
    Encore une chose qui sort de l’ordinaire et que tu feinteras d’ignorer, n’est-ce pas ? »


    Laëssya porta Juliette sur la monture et une odeur très forte lui assaillit soudain les narines. L’odeur de la mort. Juliette faisait confiance à son amie mais elle se sentait tout de même mal à l’aise sur cette parodie de vie. Et alors que Laëssya lançait sa monture au galop, l’ancienne mineuse repensa aux vampires et aux sorcières. Se pouvait-il que Laëssya soit une sorcière, voire même une vampire ?

    Juliette n'accordait pas foi aux histoires de vampires. Qu'un mage noir soit à même de relever des mort-vivants, elle était forcée de l'accepter, car elle chevauchait une de ces abominations. Mais pour elle, les princes de la nuit n'étaient que d'habiles individus, drapés par leurs artifices et la magie des morts. Comment concéder du crédit à l'existence d'une créature ni défunte, ni vivante, douée de sa propre volonté et non soutenue par l'esprit d'un nécromancien, forcée d'apaiser une soif virulente à la gorge de ses victimes ? La sorcellerie avait toujours été une chose effrayante, mais pas incompréhensible. En revanche, ce genre de distorsion de la réalité, elle ne pouvait pas le concevoir.


    «J’aurais tellement aimé un autre endroit pour ce faire. Un endroit grandiose et merveilleux, un endroit qui corresponde tout à fait avec le Don que je vais t’accorder. Quelle déchéance de mes espoirs. »

    La monture venait de s’arrêter devant une petite hutte de chasseur. Personne ne semblait y vivre. Laëssya mit pied à terre et porta encore une fois la blessée. Elles entrèrent dans la petite cabane et Juliette se retrouva allongée sur un lit de mauvaise qualité. En quelques secondes, Laëssya se retrouva à califourchon sur la paysanne. Le cœur de Juliette s’emballa. Qu’est-ce qu’elle allait lui faire ?

    «Es-tu prête, ma chérie ? »

    Malgré la peur de l’inconnu, Juliette Dickens n’hésita pas une seconde.

    « Je veux de nouveau marcher. Je suis prête. »
    Enfin ! :P
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Juliette Dickens, Voie de la Belle Mort (Beauté Mortelle)
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[MJ] Vivenef
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Re: [Juliette Dickens] Fuite éperdue et inavouables habitude

Message par [MJ] Vivenef »

  • Un simple hochement de tête, résolu, déterminé, suffit amplement à traduire toutes les paroles que Laëssya aurait pu dire. Un acquiescement silencieux mais lourd de sens, et Juliette, yeux rivés sur sa protectrice, ne pouvait pas faire autrement que de le sentir. Tendue par cette attente incertaine, elle retenait sa respiration sans même s’en rendre compte, observant et sentant les doigts de sa consœur glisser dans sa chevelure, la lui écartant de son cou, pour enfin, en attrapant son menton, lui détourner doucement le visage.
    Alors que la jeune femme s’approchait, l’ancienne mineuse put sentir, dans le creux de son cou, la respiration de la brune. Une respiration douce et posée, comme celle d’une amante ; une respiration qui ne devait pas exister mais qui se faisait tout de même sentir. Un contact humide d’une sensualité sans pareille troubla Juliette au plus profond d’elle-même tandis que les lèvres de sa compagne flirtaient avec sa peau. Puis attouchement froid. Et la douleur qui la submergea.

    Quelque chose retentit dans son esprit. Elle se rappela immédiatement l’autre nuit où, après avoir délivré la pauvre servante en robe qu’elle avait trouvée dans la pièce, elle s’était effondrée sans même en connaître la cause, sans plus trop s’en souvenir au réveil. Tout était clair, à présent. Aussi étrange que cela paraissait, on l’avait mordue, et, aussitôt, le monde s’était mis à tourner comme si elle était subitement devenue ivre. Et c’était véritablement ce qu’il s’était passé, ce que le poison administré dans son cou lui avait fait subir.

    Mais là, en ce moment même où la douleur lui vrillait l’esprit, il n’y avait rien pour atténuer la souffrance. L’ivresse était à portée de main, un confortable refuge permettant de laisser passer la tempête d’affliction jusqu’à ce qu’arrivât l’accalmie, mais, pourtant, il se révélait inattrapable. Loin de cela, sa gorge se retrouvait déchiquetée en quatre endroits, bien plus violemment que la fois précédente, et un odieux poison s’écoulait en elle. Celui-ci ruisselait dans ses veines, froid, glacial, si glacial, à vrai dire, que Juliette, quand bien même ne pouvait-elle le voir, eût juré que le sang se solidifiait en glace et que l’on pouvait voir, à travers sa peau devenue blafarde, le réseau à présent cristallin de son système sanguin. Et chaque veine implosait sous la pression et le volume bien supérieur de ce gel intérieur tandis qu’une bouche avide lui aspirait sa vitalité.

    L’odeur de la mort se faisait sentir. Douce mais amère, elle emplissait la jeune femme, remplaçant la vie qui l’habitait, celle-ci fuyant allégrement son être. Les yeux exorbités, rivés sur un plafond délabrés et crasseux de suie, Juliette ne pouvait rien faire d’autre que d’écouter les battements de son cœur qui devenaient à chaque fois plus frénétiques, sourds et puissants, mais surtout implorants, réclamant ce sang qui échappait à son contrôle. Sûrement que dans sa tête, quelque légitime question se posait ; avait-elle véritablement fait le bon choix ? La vie était tout ce que l’on détenait, au fond, et elle venait de l’offrir en pâture, de son plein gré, à cette belle mais et étrange femme.

    Et celle-ci haletait de plaisir et d’envie, se livrant corps et âme à ce macabre festin qui ne nécessitait, pour une fois, plus aucune retenue. Elle se pressait tout contre la plaie ouverte, désirant chaque fois davantage de ce liquide carmin qu’elle venait d’engloutir voracement. Cette innocente enfant qui gisait sous elle et qu’elle séquestrait de ses jambes, de ses mains et de son corps n’était plus qu’une marionnette, qu’une source de nourriture qui s’était délibérément jeté à genoux devant elle pour qu’elle s’en nourrît. Laëssya dut lutter avec acharnement contre elle-même pour se débarrasser de cette idée qu’elle trouvait si appétissante.

    Elle s’arracha difficilement de cette plaie d’où les dernières gouttes de sang terminaient de s’écouler. Sous elle, les yeux étaient grands ouverts, le visage figé dans ce devrait être l’éternité, tout comme ce petit cœur qui avait cessé la lutte. Mais Juliette demeurait toujours consciente. Peut-être pouvaient-elles même sentir, toutes les deux qui n’étaient pas encore mortes, l’ombre aussi menaçante que bienfaitrice de Morr planer au-dessus d’elles, prêt à recueillir une âme pure et immaculée. Alors, tout comme l’avait fait une reine à la beauté légendaire avant elle, Laëssya mordit violemment sa propre langue avant de presser ses lèvres contre celle de Juliette.
    «Bois… » eut-elle tout juste le temps de prononcer faiblement avant de sceller ce baiser pour de bon.

    De cette étreinte plus intime et au sens plus profond qu’oncques eût jamais pu imaginer, les deux corps étaient enlacés l’un contre l’autre jusque dans la mort. Les peaux s’entre touchaient, l’une glaciale, l’autre, en passe de le devenir, mais un même brasier ardant les unissait pourtant. Le Baiser de Sang fut pris mot pour mot, apportant une nouvelle étincelle de vie au sein d’un être qui en réclamait à grands cris muets, au fond de son esprit, et son âme s’illumina tout soudainement d’une sombre majesté…


Verrouillé

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