Néanmoins, un groupe progressait à part, tenu à distance des manants et solidement encadré par un groupe de chevaliers de la Reiksguard, ce groupe d’élite assigné à la garde de l’Empereur et ayant été spécialement détaché pour l’occasion. Les magisters attisaient la peur, et seraient toujours considérés comme des facteurs de risques potentiels, à plus forte raison quand une petite dizaine de pyromanciens voyageaient de concert, offrant un spectacle aussi chamarré qu’inquiétant. La plupart avançaient munis de bâtons qui brûlaient perpétuellement comme des torches immortelles et harnachés de leurs robes et insignes si caractéristiques, leurs cheveux aux reflets plus ou moins rougeoyants achevant de les détacher de la foule. Tous savaient que ces mages de bataille étaient un appui indispensable pour combattre le mal, mais beaucoup répugnaient à y avoir recours. On les disait arrogants, fous, dangereux… Et la lueur dans le regard de certains permettait difficilement de contredire ces allégations.
Melicent détonnait légèrement au milieu de cet attelage hétéroclite, en raison de sa relative normalité. Encore raisonnablement peu affectée par l’usage d’Aqshy et n’ayant pas embrassé les lubies de ses collègues, elle aurait pu facilement passer pour une femme normale, vaquant à quelques occupations indispensables au bien-être des soldats, n’eut été le bâton à sa main. Elle marchait à côté de son mentor, Valdred Hassel, qui récitait des pages de livres pour faire passer le temps, et discutait avec sa protégée de temps à autre. Quand le magister avait été réquisitionné pour participer à cette expédition, et qu’on avait requis de lui qu’il décidât quel apprenti supérieur l’accompagnerait dans cette périlleuse entreprise, l’homme n’avait guère réfléchi et le nom de Melicent était sorti presque naturellement.
Tout autour d’eux, les sorciers pouvaient voir les ravages laissés par la Tempête du Chaos, des années auparavant. Des bouts de bois depuis longtemps calcinés entourant des édifices en pierre dévastés témoignaient de l’existence de villages à présent entièrement rasés, leur population perdue à jamais. Le temps avait passé, mais malgré les efforts du Comte électeur Valmir Von Raukov, l’Ostland ne s’était jamais remis du passage des armées d’Archaon. Pourtant, ça et là, de nouveaux hameaux fleurissaient, à mesure que les têtus ostlanders revenaient sur les traces de leurs anciennes vies pour s’en construire de nouvelles, aidés par leur seigneur qui parcourait inlassablement ses terres pour passer à la pointe de l’épée les restes épars de l’ost chaotique. Lentement, il reprenait du terrain aux mutants, cultistes et autres hommes-bêtes qui occupaient le sol impérial, livrés à eux-mêmes depuis la chute de leur sombre maître.
Cependant, il restait encore un grand coup à porter pour qu’enfin l’Ostland redevienne pleinement une terre des hommes dévoués à Sigmar : reprendre Wolfenburg. L’ancienne capitale, dévastée, occupée, était la proie de phénomènes qui faisaient les belles heures de tous les complotistes et bateleurs d’Altdorf. Pourtant, Von Raukov avait décidé qu’il était temps que cette tache sur son autorité, sur sa terre, disparaisse, aussi avait-il lancé un appel à son suzerain, l’Empereur en personne, pour que ce dernier lui envoie des troupes afin de reprendre la ville. Ce dernier avait accepté, et réuni ses vassaux les plus loyaux, ainsi que les forces des Temples de son empire… Et des collèges flamboyants, malgré la réticence du grand Théogoniste. Le Collège Flamboyant avait fourni le gros du contingent, envoyant quelques maîtres expérimentés et des apprentis ou compagnons sorciers en âge de se défendre et d’offrir un support conséquent… Et parmi eux, Melicent, donc.
Finalement, la voix rude du chef de leur détachement retentit, annonçant une halte. Leur destination, Salkazen, où résidait le comte depuis la chute de Wolfenburg, n’était plus très loin, et après deux mois de voyage sur les routes plus ou moins sûres de l’Empire, certains étaient prêts à oublier leur fatigue rien qu’en pensant à la perspective d’un bon lit, aussi cette pause fut accueillie à l’inverse de d’habitude par un concert de grognements mécontents.
Les magisters s’assirent, discutant essentiellement entre membres du même Collège, même si certains se risquaient à quelques fraternisations avec des adeptes d’un autre vent. Aux côtés de son maître, Melicent pouvait observer les alentours désolés… Ainsi que le vol de corbeau qui s’élança soudain depuis le couvert du bois près de leur petite colonne.
Elle était en Ostland, et Sigmar ne serait pas de trop pour la protéger des horreurs d’une terre ravagée et pétrie par le sang des hommes… et des créatures odieuses rôdant en silence dans la brume du soir.