[Karstern] Pour une poignée de couronnes

[[MJ] Le Djinn]

Que le ciel était bleu et l'herbe verte sur la route qui reliait le bourg de Hügelstadt à la capitale du duché Middenheim! La brise balayait le feuillage des arbres environnants, produisant une de ces mélodies telles que seule la nature peut en jouer. Bien entendu, depuis l'intérieur de sa petite diligence, Karstern ne s'en rendait pas compte!
Le véhicule roulait paresseusement sur la voie de terre battue, faisant totalement fi des éléments qui vivaient autour de lui. A sa tête on voyait un homme dans la force de l'âge mais maigre comme un clou, il n'était pas difficile de comprendre qu'il ne mangeait pas assez et que sa condition était loin d'être enviable. Dans le carosse on pouvait apercevoir le jeune Karstern von Hügelstadt, accoudé à une fenêtre qu'il ne voyait pas, celle-ci étant cachée par un lourd rideau de toile goudronnée. Devant lui se trouvait un couple âgé, ils n'avaient pas l'air de nobles mais plutôt de grands bourgeois. Ils étaient aussi silencieux et figés que des statues, l'air fermé et pincé, un vieux duo qui avait sans doute trop vécu...

Le voyage devait durer un jour et demi, le temps d'arriver à la capitale. Mais pour le moment la nuit commençait à tomber rendant les routes peu sûres, particulièrement pour les cibles lentes et attirantes telles que ces diligences qui abritaient souvent des nobles fortunés. Ils s'étaient arrêtés devant une auberge pour voyageur, "le Chêne", un nom simple pour un établissement qui l'était tout autant. C'était une assez grande bâtisse, entourée par une palissade de trois mètres de hauts fabriquées en plantant des rondins taillés en points dans le sol. Les arbres avaient étaient coupés tout autour, de manière à ce qu'on ne puisse rentrer dans l'endroit en les escaladant. L'auberge en elle-même était composée de trois bâtiments, un qui devait servir de dortoir, un pour la salle à manger et les cuisines et le dernier pour les écuries. La quasi-totalité était en bois, avec des fondations de pierre.

Remarquant l'arrivée du véhicule de transport, un milicien fit ouvrir les battants des portes. Les voyageurs descendirent en silence, faisant face à la grande salle pendant que le cocher repartait vers les garages. Kastern entra dans la taverne. L'endroit était presque rempli, ce qui devait représenter une trentaine de personnes, de tout les milieux. Derrière son comptoir le patron, un homme d'âge indéfini, brun et rond et quelque peu pataud, donnait des directives à ses quatre serveuses. Elles devaient avoir la vingtaine et elles étaient toutes rousses et brunes, deux de ces dames semblaient être les filles du tavernier. Une délicieuse odeur s'échappait de la cuisine, indiquant que le repas serait bientôt prêt.

Profitant d'une table libre, Kastern tira une chaise et s'assit.

[Karstern]

Le sourire aux lèvres, les yeux rivés sur ses deux comparses voyageurs, Karstern semblait ravi de pouvoir de nouveau prendre la route. Surtout quand c'était pour se rendre dans un lieu aussi charmant que l'est Altdorf...

-Qu'il est agréable de voyager par un si beau temps, ces gazouillis d'oiseaux ravivent la passion de mon coeur.

Le vieux couple ne répondrait pas à cette intervention, pas plus qu'ils ne l'avaient fait le reste du chemin. Qu'importe, le jeune Karstern ne se laisserait pas démonter pour autant.

-J'ai ouïe dire qu'Altdorf était une ville somptueuse, emplie de merveilles, sans compter son aura prestigieuse. Ses habitants doivent se sentir fiers de vivre dans un tel lieu, à coup sûr.

Aucune réponse.

Si je vous ouvrais le crâne, y verrais-je une activité, ou bien êtes vous aussi morts que vous paraissez l'être ?

Toujours souriant, il se mit à faire pianoter ses doigts sur la garde de son épée qui était couchée à côté de lui le long du divan. Il continua de fixer quelques secondes le couple.

-Ah ! Sachez en tous cas que je suis fort aise de pouvoir voyager en votre aimable compagnie, sans vous ce séjour n'aurait pu être aussi charmant, irréfutablement. Qu'il est bon de voir que notre royaume compte encore tant de gens de qualité telle que la vôtre.

Après cette ultime assertion, il appuya sa tête sur sa main, soupira du nez, et leva le rideau quelques fois pour regarder vers l'extérieur, avant de le refermer et de retourner dans la pénombre de la voiture. Morne voyage que celui-ci, la journée se passa avec lenteur et quelle ne fût pas la joie du jeune noble lorsque, la nuit tombant, leur cocher décida de s'arrêter dans une auberge. Certes, celle-ci n'avait rien de majestueux, de royal ou de noble, mais enfin il trouverait au moins ici un lit, un repas, et nuls doutes là dessus, une meilleure compagnie. Cela suffisait à raviver son enthousiasme. Pied à terre, il regarda quelques secondes la voiture s'en aller se garer plus loin, et s'aventura dans la grand salle. Il ne s'attendait pas à voir autant de monde à l'intérieur, mais il accueillit joyeusement la délicieuse odeur de nourriture, à laquelle son ventre répondit par un léger gargouillis.

Il prit une chaise et patienta quelques instants pour s'acclimater à l'atmosphère et au bruit qu'il n'avait plus l'habitude d'entendre, avant d'appeler une serveuse lorsqu'elle passa non loin...

-Bien le bonjour ma dame ! Je ne vous ennuierais pas avec mes histoires, aussi aimerais-je bien acquérir une chambre -confortable- pour cette nuit ainsi qu'un bon repas... Que faites-vous mijoter ? Cela m'a l'air fort appétissant. Aussi accompagnerais-je bien mon dîner d'un peu de vin et de fromage, ainsi qu'une corbeille de fruits si vous avez cela en réserve.

[[MJ] Le Djinn]

La jeune demoiselle regarda un instant son interlocuteur, elle était visiblement très gênée devant ce bel homme à haute stature et aux habits raffinés. Après l'avoir écoutée elle resta un instant pensive, essayant de se rappeller ce que les réserves contenaient, avec un air satisfait satisfait, elle répondit au jeune noble.

-"Il doit bien nous rester une chambre spatieuse, je crois... Pour ce soir on a fais du poulet rôti, vous allez vous régaler! Et pour votre vin et votre fruit, je m'en occupe!"

Après quoi elle s'inclina maladroitement, la jeune femme n'avait sans doute pas l'habitude de croiser des nobles et ne savait donc pas comment réagir devant l'un d'eux! Heureusement elle prit le parti de la fuite après avoir remercié Karstern de son achat.
Pendant le temps d'attente l'homme sus-cité fit partir son regard en tout sens pour tenter de trouver des détails intéressants, mais il n'y avait rien de particulièrement palpitants. Les clients avaient tous l'air d'être des voyageurs plus ou moins humbles, le patron et les serveuses semblaient trop occupés pour surveiller la salle. En fait la porte qui menait au cuisine (bien que fermée) semblait être la partie la plus intéressante de l'endroit.

Fort heureusement le moment tant attendu par la populace alentours arriva enfin: les serveuses amenèrent à chaque table un ou deux gros poulets rôtis avec quelques légumes qui devaient être extraits de potagers situés derrière l'établissement. L'odeur déjà envahissante avait maintenant conquise l'intégralité des narines présentes, aussi quand son plat arriva devant lui, accompagné d'un pichet de vin et de quelques pommes, Karstern dût utiliser tout son savoir-vivre pour ne pas se jeter sur la nourriture.
Mais avant tout il fallait goûter le vin! Il porta une coupe remplie à ses lèvres... Et se retint de recracher et d'envoyer le breuvage à la tête du patron. Aucun doute n'était possible: il avait été coupé à de l'eau! Et pas n'importe laquelle, sans doute ce type d'eau impure qu'on trouvait dans les ruisseaux les plus boueux. Le résultat final devait être satisfaisant pour un paysan, mais pas pour un noble de son calibre!

Enfin bref, il tentait péniblement d'oublier le goût du vin avec le délicieux poulet quand une petite voix qu'il avait déjà entendu quelques secondes auparavant l'apostropha. Il s'agissait de la jeune serveuse à qui il avait commandé, elle était toute sourire et semblait particulièrement innocente.

-"Dîtes messire, c'est pas commun de voir des nobles dans le voisinage... Qu'est ce qui vous amène dans une petite auberge comme ça?"

[Karstern]

Face à la charmante gaucherie de la serveuse, le jeune nobliaux ne put s'empêcher d'afficher un petit sourire, et son regard azuré ne se détachait pas des yeux de la demoiselle, ce qui aggravait certainement sa maladresse.

Oh mais tout le plaisir est pour moi... fût la seule réponse qu'il pût donner avant que la jeune serveuse ne s'échappe plus loin.

Ce genre de taverne n'était pas vraiment une nouvelle expérience pour cet ancien soldat puisque lors de ses campagnes avec feu ser Hägen, il était coutûme pour les compagnies trouver de simples tavernes le long de leur chemin et d'y demeurer parfois une nuit pendant laquelle les plus haut gradés pouvaient profiter d'un lit et d'une chambre au lieu de la simple paillasse dans une tente. Il n'était pas rare d'ailleurs que les soldats, enivrés, finissent pas jouer des poings sur la table ou sur les crânes, ce qui ne manquait pas de mettre de l'ambiance. Jusqu'à ce que le patron, et -surtout- ser Hägen ne s'en mêlent pour refroidir les esprits échauffés.

Cette pensée aviva de nouveau un léger sourire sur le visage du blondinet qui calcula encore une fois la calme et banale clientèle lorsque les portes s'ouvrirent sur les serveuses qui amenaient ce qui paraissait être de fort bons mets. Le paroxysme de la souffrance fut lorsque le poulet lui fut déposé sous le nez, tant le fumet était enivrant et ses papilles déjà euphoriques. Si certains des clients maniaient la viande à pleines mains et d'autres la croquaient à pleines dents, lui devait faire honneur à son éducation et à son rang, et coupa délicatement des morceaux de la chaire.

Ceci fait, il fallait boire un peu de ce vin avant que son goût ne soit altéré par la nourriture. S'imaginant une vue de l'esprit lorsqu'il le sentit, il se rendit bien compte de la réalité de la scène lorsqu'il but sa première gorgée : de la pisse de chien. Non seulement le goût était infâme, mais s'il avait eu le malheur de boire ce breuvage, il serait peut-être même tombé malade à cause de l'eau croupie qui avait servi à couper le vin.

D'un geste de colère, il posa son verre, puis se concentra sur sa viande, qui elle devait être bien meilleure : au moins le fumet était-il appétissant. Et c'était le cas, ce poulet était fort bien réussi, et cela suffit à l'homme pour qu'il retrouve le sourire. Mais son sourire s'élargit encore un peu lorsque la serveuse qui avait fuit quelques instants plus tôt l'apostropha de nouveau.

Noble ? Oh vous savez, la parure ne fait pas l'homme, de ce que j'en dis. J'ai connu de pauvres hères que certains n'hésiteraient pas à appeler roturiers avoir plus de noblesse d'âme que bien des hommes qui en possèdent seulement le titre. Mais oui... de la façon la plus admise, je suis un Noble, il est vrai.
Il étouffa un petit rire jovial avant de reprendre:
Quant à ce qui m'amène ici... Eh bien, outre le fait que voilà une auberge tout à fait charmante, avec un personnel qui l'est tout autant, je suis en route pour la capitale Altdorf. Formidable ville ai-je ouïe-dire.

Son regard lâcha prise un instant, le temps qu'il attrape la bouteille de vin pour la présenter à la serveuse.

Oh, pourriez-vous me rendre un service ? Ceci n'est pas du tout ce que j'ai commandé voyez-vous... Accepteriez-vous retourner ceci au tenancier et lui demander de m'apporter une bouteille de vin ?

Il insista lourdement sur ce dernier mot mais n'en perdit pas ses bonnes manières pour autant. Au contraire, il employait un ton tout à fait doux et cordial.

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Le visage de la demoiselle s'illumina quand elle entendit son prince charmant parler d'Altdorf, y voyant une occasion de se faire remarquer elle prit la parole, le coupant de peu.

-"Altdorf! C'est d'là que j'viens moi messire! Une très belle ville pour ceux qui ont les moyens... Mais comme vous êtes un noble, ça ne devrait pas vous embêter"

En revanche toute expression de joie disparut de son visage à l'instant où Kastern lui présenta une bouteille de vin à remplacer. La pauvre serveuse ne pût que bafouiller quelques excuses avant de retourner à toute vitesse vers les cuisines, la bouteille à la main.
Plusieurs minutes plus tard, elle revint, un nouveau cru entre ses bras. Tremblante elle en versa un fond dans un verre neuf. Cette fois le breuvage n'était pas forcément le meilleur du monde, mais il se laissait boire et ne risquait pas d'empoisonner la moitié d'une grange en une coupe.

Alors que la demoiselle s'éloignait en rougissant, l'air un peu désespéré, une voix s'éleva dans le dos du nobliau.

-"Ha! Content de voir que vous avez su vous plaindre!"

Se retournant, Kastern tomba nez-à-nez avec un homme d'une quarantaine d'année, à la barbe fournie et déjà blanche ainsi que pratiquement chauve, la calvitie étant partiellement dissimulée par une toque verte pâle du meilleur goût. Ses vêtements de la même semblaient montrer qui était le seul prospère et riche de cette pièce. Ses yeux bruns surveillaient avidement le jeune homme.

-"Je pourrais les compter sur les doigts des mains les types qui ont su résister aux charmes de cette empoisonneuse. C'est la fille du patron, elle fait du bringue aux clients aux bourses pleines d'or, histoire qu'ils acceptent la pisse d'âne qu'on leur sert! Question de marge."

Ne doutant de rien, et probablement aidé par un sentiment d'invincibilité dû à l'argent, l'individu tira une chaise et s'installa à la table de Kastern.

-"J'ai un peu écouté votre conversation... Alors, qu'est-ce qu'un jeune prometteur comme vous va faire dans cette vieille Altdorf? Reinard Turst, marchand, pour vous servir."

[Karstern]

L'air amusé par le manège, Karstern regarda la jeune serveuse s'éloigner à pas rapides vers la cuisine. Que pensait-elle, son beau chevalier au lieu de la courtiser a fait quelques remontrances à l'égard de l'établissement ? ou bien se demandait-elle plutôt : comment annoncer le retour en cave de la boisson croupie, en échange d'une vrai bouteille ? Question qui devrait rester en suspens puisque à peine revenue pour le servir elle s'éclipsa de plus belle, honteuse et tremblante.

Certes, ce n'était pas le vin que pouvait receler la cave de son château familial, mais au moins il ne se lèverait pas cette nuit les boyaux en colère. Alors qu'il faisait tourner le liquide bordeaux dans sa coupe, le nouveau personnage entra en scène. Se retournant instinctivement, le nobliaux se demanda comment il n'avait pas remarqué ce bonhomme fringuant avant qu'il ne se manifeste de lui-même. Pour sûr, il jurait avec la quasi-globalité du reste de la salle, avec ses vêtements aux couleurs criardes et au tissu fin et raffiné.

D'un oeil inquisiteur, le jeune homme calcula son aîné jusqu'à ce qu'il ne vienne s'asseoir à sa table -sans en demander même l'invitation. Cet homme, s'il avait certes de l'argent et demeurait plus âgé que Karstern, n'en devait pas moins de respect à l'égard du titre de ce dernier. Il sembla cependant que le blondinet n'en prit pas ombrage et arrangea sa position sur sa chaise avant d'entonner :

Il n'est pas forcément étonnant qu'un marchand tente de profiter de chaque situation qui se présente à lui j'imagine...
Fixant son interlocuteur, il afficha son plus beau sourire, découvrant ainsi une rangée de dents blanches.
Reinard Turst... Ravi de faire votre connaissance. Karstern von Hügelstadt. Oh je ne suis pas certain que vous connaissez ma famille, nous ne sommes qu'une petite maison, à une journée de marche d'ici. Quant à ce que je vais faire à la capitale... Eh bien je m'en vais représenter ma famille dans quelque autre affaire habituelle.

Il marqua une pause, et trempa ses lèvres dans le breuvage à l'origine de cette rencontre, avant de se tamponner les lèvres rougies par le liquide.

Et vous-même ? Que faites-vous ici, si je puis me permettre cette... indiscrétion ?

Encore une fois, il laissa ce dernier mot en suspens avant de fixer son regard dans celui du marchand, tout sourire.

Il n'était pas inhabituel que la bourgeoisie, aveuglée par l'argent et roucoulant entre riches dans les villes, ne s'imaginait de facto supérieure à bien d'autres. Mais jouez du poing ou dégainez une épée, et il n'était pas rare non plus qu'ils ne prennent la poudre d'escampette, parfois cachés derrière quelque garde du corps. Le jeune noble avait côtoyé cette canaille là à plusieurs reprises lors de ses pérégrinations, ayant même parfois à accompagner une nouvelle caravane qui transportait des marchandises d'orient vers une des grandes villes de l'Empire. Tout ça pour le compte d'un riche marchant qui les vendrait alors à prix d'or.
Ser Hägen détestait ces gens là, et il ne serait guère étonnant qu'en le côtoyant, Karstern ait un peu emprunté au vieillard ce ressentiment. Le pauvre bougre avait vu nombre de ses camarades périr lors d'une énième assaut brigand contre une caravane marchande.
Je me torche le cul avec l'orgueil de ces peureuses, tels furent les mots du Sire lorsque, ramenant les marchandises sauves à un commerçant, ce dernier lui avait remis quelques pièces d'or en plus. Pour dédommager les familles des valeureux tombés sous les coups des brigands, disait-il. Ce cher Ser Hägen et son franc parler..

D'ailleurs c'est une bonne question, que va faire Karstern à Altdorf ?

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Sans faire attention à la question, le vieillard se pencha sur la droite, son bras atteignant sans peine un sac posé contre une chaise. Toujours à moitié allongé, il sortit d'une poche une gourde de cuir qu'il porta à sa bouche pour téter goulûment.

-"Excusez moi messire, c'est de la potion contre mes douleurs au dos..."

Satisfait après quelques gorgées, le même manège repris dans le sens inverse, l'outre rejoignant très vite le mystérieux contenu. Sans se démonter, le marchand reprit sa position initiale, posa les deux mains sur la table pour signifier que cette fois, il parlait affaire.

-"Très simple messire. La guilde que je contrôle conjointement avec d'autres hommes talentueux... Ne veut plus de moi. Le reste du conseil me considère trop vieux, trop expérimenté, trop dangereux pour eux. Aussi je bats les villes à la recherche d'un noble qui me prendrait sous sa protection, histoire d'asseoir mon autorité."

Sa détermination intacte, le riche vendeur leva la main pour intercepter une assiette contenant une omelette fumante, devant l'air offusqué du serviteur, un jeune niais, le "voleur" lança une pièce d'argent directement dans les mains de l'adolescent, qui partit en courant, le sourire aux lèvres.
Cela fait, le vieil homme enfourcha son plat avant de le dévorer sans retenue aucune. Un peu plus et on eût dit qu'il n'avait pas mangé depuis plusieurs jours! En quelques minutes l'assiette était lavée, aussitôt il en commanda une autre sous l'air choqué de Kastern. Couvrant de compliments les jeunes serveuses à fortes poitrines qui venaient le servir, on en concluait facilement qu'elles étaient là pour "l'après-service", il s'empiffra à peine moins vite que pour la première.

Et il en recommanda une troisième, toujours aussi dynamique dans ses paroles et ses actions, vantant les qualités culinaires du chef, il ne sembla se rappeler qu'il était en compagnie d'une autre personne qu'au milieu de son nouveau plat...

-"Oh veuillez excusez mes manières messire... En voulez-vous un morceau, entre gens de bonne compagnie?"

Il se frappa délicatement le torse pour étouffer un rot, là, il sembla se calmer et contempla d'un oeil avide la suite de son repas. Cela dit il ne sembla pas devoir trop lutter pour ne pas se rejeter dessus à nouveau.

-"Ma guilde est dans le commerce de meubles, qui connait -étrangement- un épanouissement depuis ces cinq dernières années. Alors si jamais l'idée d'augmenter le prestige de votre famille vous tente... Pourriez-vous en parler au maître de maisonnée?"

Que faire à Altdorf? Bonne question, si je me souviens bien c'est toi qui avait choisi cette destination, non?

[Karstern]

Le nobliaux regarda la scène sans ciller. Il ne broncha pas après la remarque du marchand sur la raison de consommer sa potion, ni lorsqu'il annonça chercher un protecteur pour recouvrer son pouvoir qu'il aurait perdu. Le plus drôle fût lorsque le vieillard s'empiffra de plusieurs assiettes qui ne lui étaient pas destinées sans s'en incommoder le moins du monde vis à vis de son interlocuteur ou même des clients à qui il volait les assiettes. Karstern remarque même quelques regards en biais de quelques clients en direction de Reinard, mais personne ne dit mot. Peut-être en raison de la différence de rang qui leur posait problème, contrairement à certains... (Si cette petite interprétation de PNJS te gêne, n'hésite pas à supprimer ce passage)
Il sourit puis lorgna du regard vers son verre de vin pendant que son invité-surprise-qui-n'avait-pas-été-invité-d'ailleurs dévorait sa nourriture, et but poliment quelques gorgées du nectar avant de se tamponner délicatement les lèvres encore une fois. Il reposa son verre et fixa un instant l'étrange personnage qui s'attaquait également aux serveuses.

Voilà une conduite qui était digne des soldats enivrés lors des fameuses campagnes qui s'empiffraient ne sachant pas quand sera leur prochain repas convenable, et qui draguaient et pelotaient les serveuses ne sachant pas quand et si ils reverraient une autre femme. Si cela pouvait amuser le blondinet avec les soldats, les scènes ressemblant plus à des jeux pour des hommes qui devaient bien décompresser après des journées de marche ou de combats et qui savaient se remettre à leur place quand un supérieur entrait en jeu, il n'en allait pas de même avec un marchand qui semblait penser tout pouvoir se permettre grâce à l'argent.

Repoussant ses souvenirs, le regard du jeune homme redevint consistant et se reporta sur fameux bonhomme lorsque celui-ci fit des politesses. Son regard passa du plat au marchand plusieurs fois, puis, d'un sourire poli, fit signe de la main tout en hochant la tête d'un signe de négation. Ses yeux se teintèrent ensuite de lassitude lorsque l'autre l'affligea d'un rot à peine retenu, et le jeune noble se dandina sur sa chaise avant de la remettre en place, comme si elle avait soudain pris une mauvaise position.

Vint enfin l'heure de la requête. Karstern soupira presque imperceptiblement du nez et, enfourchant son couvert, se mit à découper de nouveaux morceaux de son poulet avant de les guider vers sa bouche. Chaque morceau était longuement mâché avant d'être avalé et aussitôt suivi d'une rasade de vin. Le manège dura encore plusieurs bonnes minutes avant qu'un mot ne puisse être prononcé.

Je pourrais en parler oui... Peut-être. Enfin voyez-vous, je m'en vais présentement pour Altdorf et j'ignore à quel moment mes affaires cesseront dans la cité. D'ici là, qui sait où vous serez ? Ou peut-être même aurez-vous trouvé quelque autre noble acceptant de vous prendre sous son aile. Bien que mon père aime les arts, nous sommes loin d'être la famille la plus influente ou la plus riche du royaume voyez-vous...

Ayant terminé de discourir, le nobliaux poursuivit tranquillement son repas...

Eh bien il était simplement intéressé par cette ville, mais devait rester au château pour aider sa famille. Donc on pourrait l'avoir envoyé en ville pour représenter son père, ou bien faire du business ou je sais pas... Je te laisse le libre choix quant à la raison de son voyage pour Altdorf

[[MJ] Le Djinn]

Les rides sur le visage du vieil homme commencèrent à apparaître en même temps qu'il s'affaissait dans son siège. En un instant il semblait avoir vieilli de plusieurs siècles. Lentement il se leva, une main dans le dos. Puis il se porta à la droite de Kastern, devant lequel il s'inclina et lui prit la main pour la baiser en signe de respect...

Test d'INI: 13, bel échec.

La suite avait été trop rapide pour que le jeune nobliau puisse la comprendre entièrement, on lui avait saisi la main présentée et... Et maintenant il tenait une dague, plantée dans le ventre du vieillard, qui hurla de douleur, attirant l'attention de toute la taverne.
Les regards étaient plongés sur la scène macabre, un presqu'adolescent tenant dans une main une dague plantée dans le ventre d'un riche marchand, lequel s'affaissa dans un dernier gargouillis. Bien vite la panique pris la foule alentour.

-"Au meurtre, au meutre!"

-"C'est ce salaud de richard! J'l'ai vu!

-"Le laissez pas se tirer!"

En un instant, avant d'avoir pu faire le moindre signe de protestation, Kastern était à terre, son équipement enlevé et un baîllon sur la bouche, tandis que quatre solides gaillards le saucissonnaient.

Sous les huées, les jets de tomates et de crachat, on le conduisit jusque dans l'écurie, où il patienta deux bonnes heures dans l'isolement le plus complet, jusqu'à ce que des bruits de pas se fassent entendre. De la porte jaillit trois hommes, deux soldats simples ainsi qu'un troisième larron possédant quelques décorations lui conférant le statut de sergent. Un superbe moustache entretenue faisait ressortir ses yeux noirs et son teint légèrement brun. Avec un petit accent Estalien, il s'approcha du noble auquel il enleva le baîllon.

-"Alors, commé ça on tou les pauvres gens pour le plaisir? C'ést lé nouveau passe-temps par chez toi? Tou va tout me raconter, sans omettre le moindre détail. Je t'arracherai la vérité crapule. Parle! Pourquoi?!"

[Karstern]

Tout s'était déroulé bien trop vite et la surprise fut bien trop grande pour que Karstern ne pusse réagir à ce qui devait se passer. Lorsque la dague se planta, maniée par sa propre main, dans le ventre du marchand, le nobliaux ne put faire mieux que d'écarquiller les yeux, se relever d'un bond et lever les mains -l'une d'elle empreinte du sang de la victime- en l'air, comme si cela pouvait annuler le mauvais sort qui venait de s'abattre en ces lieux. Nenni, et au contraire cela ne permit que mieux aux autres observateurs de voir ce qu'il semblait s'être passé, soit un meurtre.
Si la foule commença à s'affoler et à s'agiter, Karstern ne put lui que regarder, immobile et les yeux toujours ronds, le mort tomber et son sang imbiber petit à petit ses vêtements avant de ruisseler jusqu'au sol. Que venait-il de se passer ? Pourquoi ? Comment ? Un piège ? Un fou peut-être ?

Il entendit à peine les hommes proférer leurs accusations à son encontre, et ne revint qu'à lui lors du choc lorsqu'il fut plaqué au sol, sonné. Traîné jusqu'aux écuries, son beau visage et ses soyeux vêtements se transformèrent en une grotesque peinture, tachés par les résidus de tomate et autres joyeusetés envoyés aux fauteurs de troubles dans les villages, et lorsqu'il fut finalement attaché dans l'écurie qu'il trouva son repos.

Les deux heures qui allaient suivre seraient longues, maudites, emplies d'interrogations. Il y eut même un moment où il sombra dans le sommeil, pas forcément plus reposant que s'il était resté éveillé, mais il ne se réveilla que lorsque les trois hommes vinrent finalement le voir. Lorsque le sergent ôta le bâillon de la bouche du noble, l'habituel sourire de ce dernier était cette fois ci absent. Il se tenait cependant droit, et essayait de paraître aussi sûr que possible. Il mit cependant quelques instants pour calculer la question du bonhomme avant de se lancer dans son propre discours :

Sergent... Je vais tout vous raconter, je n'ai rien à cacher. J'ai atterri ici car je me rendais à Altdorf afin de régler quelque affaire familiale, mais le jour tombant il nous fallait trouver un endroit où dormir. Ici, ce... marchand m'a alors accosté alors que je prenais mon repas, mais il me paraissait tout du moins étrange. Parait-il qu'il s'était fait renvoyer de la guilde de marchands qu'il dirigeait... Il prenait les plats des autres et les dévorait comme... s'il n'y en aurait plus d'autres. Il avait un comportement pour le moins étrange. Vous pourrez demander aux clients qui étaient présents, ils vous diront que cet homme là avait récupéré des plats qui leur était destiné.

Il marqua une pause pour reprendre son souffle et réfléchir à la suite.

Il cherchait un protecteur je crois, mais j'ai plus ou moins refusé. Oh et il continuait à boire un liquide contenu dans une flasque dans son sac, je ne sais pas ce que c'était... Pour son dos disait-il. Avez-vous fouillé son sac d'ailleurs ? Enfin, et c'est là où l'accident est arrivé. Il s'est levé, a fait mine de vouloir tirer sa révérence et au moment où il prit ma main il y plaça la dague qu'il m'aida ensuite à lui enfoncer dans le ventre... Il avait une main dans le dos lorsqu'il s'est approché, peut-être que quelqu'un aura remarqué s'il y cachait la dague ?

Son récit terminé, ses yeux fixèrent celui du sergent comme il le faisait habituellement avec les gens qui entraient en contact avec lui.

Croyez-moi sergent, je ne suis qu'une victime de cet incident. J'ignore pourquoi cet homme là a agi de la sorte, mais je n'avais aucun intérêt à le tuer, il était un parfait inconnu pour moi. Y a-t-il quelqu'un qui le connaisse ici ? Je ne sais pas si ça pourra m'aider, mais peut-être connaissez-vous ser Hägen ? J'ai été son écuyer durant des années, et ce n'est pas le genre de valeur qu'il inculque à ses élèves. Ni les valeurs que ma famille chérissent. Laissez-moi au moins prouver mon innocence, en me laissant vous aider dans cette enquête. Je ne peux pas laisser l'honneur de ma famille souillé et traîné du pied de la sorte.