Veyläis était une personne d'orgueil. D'égo, de fierté : la chose était indéniable et elle ne la refusait pas. Elle s'adjugeait l'autorisation d'orgueil, à l'aune de son attitude et de son zèle.
- Ne pas le taquiner ? Qui êtes-vous pour me dicter mes agissements, étrangère, répliqua-t-elle avec un sourire qui n'avait rien de chaleureux, alors que la petite bourgeoise venait à nouveau de s'inviter dans la discussion.
S’il y avait un truc qui l’agaçait véritablement, c’était de penser de la part d’une personne que celle-ci ne manquerait pas de s’activer d’une mauvaise façon, ou bien de débiter des idioties, et que, une seconde plus tard, elle le fasse effectivement. Cela lui donnait un sentiment de légitimité tout puissant qui lui donnait tous les droits pour lui gueuler dessus, insistant à quel point elle était sotte.
Veylaïs déglutit, ayant presque finie la miche de pain que lui avait fourni Tancrède. Un sentiment de colère vint faire frémir l'échine de la jeune femme. Cette petite sotte venait de lui gâcher le plaisir de cette soirée, d'ailleurs elle ne se préoccupa nullement de la réponse de l'homme aux peaux de bêtes ni du nouvel arrivant qui venait de s'installer au comptoir.
Veylaïs se contenta d'observer ses mains, avec un mélange d'intrigue mêlée d'accablement. Malgré le maniement des armes qui avait fini par les rendre calleuses, elles avaient conservé une finesse de doigts qu'on aurait jugée plus appropriée à la plume qu'à l'épée.
Sortant de ses divagations de l’âme et de ses sombres pensées, la pirate arborait toujours une mine noire et meurtrière, qu'elle tenta aussitôt d'estomper pour éviter que la soirée ne dégénère.
Les mots de ce Tancrède étaient plus inquiétants que ce que Veylaïs avait escompté. C'était surtout le regard qu'il avait jeté vers la salle en parlant de l'assassinat du halfling qui avait planté une pointe obscure dans son cœur. D'après les propos du tavernier, cela ne faisait aucun doutes que le meurtrier du brave Yanri Pied-de-Colline se trouvait ici-même. Deux coupables possible se faisaient face ; Dietgard Becken l'apothicaire du village et Winfried Hektor un marchand plutôt influent. Et l'on en revenait toujours à la même chose avec ce genre de types. Ce Winfried ne devait pas voir grand-chose d'autre que son bide, ses sbires qui s'inclinaient devant lui, et qui, passant la plupart de son temps dans cette auberge, ne devait pas non plus voir beaucoup de femmes. Et voilà ce qu'il se passait lorsqu'il posait les yeux sur l'une d'entre elle.
Veylaïs aurait pu se mettre à rougir devant tant d'attention de la part d'un seul homme, mais elle se fendit à la place d'un doigt d'honneur à l'attention de la tablée de Winfried. Cette soirée commençait vraiment à l'agacer…
- J'vois pas en quoi le meurtre de cet halfling peut bien m'intéresser. Maintenant vous pourriez m'indiquer où se trouve ma chambre, j'ai eu ma dose pour la soirée.
Je vous aime les gars !