Dès que les bateaux furent accolés, grinçant l'un contre l'autre du fait du roulis, Vitor s'était hissé sur le Nautile à l'aide d'une corde d’amarrage pour aller glisser quelques mots discrets à Arnaès:
-Marano doit monter sur le nautile, sinon ça va exploser entre lui et Marquez; Tu te doutes que Mort lui lâchera pas le commandement quoique Marano en dise... mais sinon ça va, j'crois pas que Marquez trame quoi que ce soit, mutinerie ou autre, il a l'air satisfait de ce qu'il a pour l'instant...
Le jeune Marano monta à son tour, un bras de chemise ballant. bien qu'encore visiblement faible, il semblait toutefois n'avoir pas trop mal récupéré. Il clama que l'Epaulard devait lui revenir:
-C'est le navire de mon père! Je le connais mieux que personne! Et maintenant qu'il y a un autre galion, il est clair que je suis le seul capitaine digne de l'Epaulard!
-Tu veux peut-être régler ça par un autre duel? gronda Mort, moqueur, mais sans quitter le petit navire (du fait de la lourde cuirasse qu'il portait en permanence, il devait préférer éviter les abordages inutiles.) Que je te coupe le bras qui te reste?
Marano devint rouge de colère, mais se retint de répondre. Il avait tout de même la lucidité de voir qu'il n'était pas en état de relever un tel défi... Le serait-il un jour d'ailleurs? L'avait-il jamais été? Il se borna à envoyer à Arnaès un regard implorant et impuissant...
Il était vrai que, question navigation et connaissance de l'Epaulard, Marano était sans contexte loin devant Marquez... mais bon, pas en force ni en persuasion...
Quoiqu'il se décida, gageons que route fut ensuite lancée vers les Îles Mauves, ainsi qu'Arnaès l'avait décidé...
Les cinq jours de mer pour approcher des Îles Mauves virent l'état d'Arnaès stagner dans le mauvais, c'est à dire qu'il oscillait entre fièvres et maux de têtes, et que son corps ne récupérait pas de ses blessures... Et le manque de vivres n'aidait pas : du fait de leur départ précipité de Tecora, aucun des deux navires n'avait été approvisionné correctement. Seul point positif dans tout ce mal, ses blessures sans cesse à vif ne sentaient pas encore la charogne: la gangrène n'était pas encore en lui...Test de récupération (END): 16, raté
Perte de 1d20 -END pv = 7-8 = 0 pv
Arnaès a toujours -2 à ses jets
Gaspar, lui par contre, commença à se remettre, et sur la fin du trajet il gambadait sur le pont en blaguant comme il l'avait toujours fait...
Quant aux "tueurs" libérés, ils obéissaient au Crochet au doigt et à l'oeil - "au crochet et à l'oeil", devrait-on dire - Ce dernier, menaçant à souhait, faisait un impitoyable mais très motivant quartier-maître...
Îles Mauves. Début de matinée. Temps variable.
-Teeeerrrre en vuuue!
Le nom de ces îles leur venait de la roche violette claire dont ses collines étaient en grande partie constituées, et qui, ce jour au soleil levant, offrait un spectacle de toute beauté... Un petit paradis? pourrait-on se dire... Pas vraiment en vérité, car outre une profusion de fleurs rouges, presque rien de valable ne poussait sur ces rocailles pointues, et la faune était bien maigre...
La pêche intensive était devenue de fait un art de vivre, ainsi que le tir aux oiseaux marins...
Les criques sauvages ne manquaient pas, bien que nombreuses étaient bordées de villages...
-Y'a des caraques de pêcheur un peu partout dans les eaux, capitaine!
Nul doute que l'arrivée des deux navires de guerre n'allait pas passer inaperçu à cette heure... Mais sur les visages exsangues de l'équipage, affamés et fatigués, l'on voyait bien qu'aucun ne voudrait attendre la nuit... Tous rêvaient de nourriture et d'eau fraîche (ou de rhum)... et pour certains, sûrement de femmes à violer et de pillage...
Les six "marins mauves", engagés de force après la dernière prise de l'Epaulard, paraissaient inquiets et nerveux.