En haut sur la cime
Le jardin entier est lune,
Lune d’or.
Plus précieux le frôlement
De ta bouche dans l’ombre
.
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La voix de l’oiseau
Que la pénombre recouvre
On ne l’entend plus.
Tu marches dans ton jardin
Quelque chose, oui, te manque.
Chapitre I : Sur les rives de l'Ucayali
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Le lieu dans lequel se trouvait Eranor était un lieu sombre, obscure. Le peu de lumière filtré par les interstices des murs allait se troubler dans la fumée stagnant sous le toit épais et grossier. Les braises du foyer presque mourant n'aidaient guère à la vision; leur rougeoiement intermittent, au centre de la pièce, se perdait dans l'ombre profonde de la vaste pièce sans jamais aller effleurer les murs. Seul une raie de lumière au ras du sol, à l'autre bout de la pièce, révélait une entrée.
Ou plutôt une sortie.
Eranor avait vérifié, aucun lien ne le tenait cloué à la litière brute sur laquelle il reposait. Le tas de feuilles immenses, jetées à même le sol terreux en guise de matelas, crissait doucement sous lui alors qu'il testait la liberté de ses mouvements. Son bras gauche seul, en bandeau, était limité dans ses mouvements par les bandages et la douleur. Comme par automatisme, l'elfe lança son bras d'arme en protection, sur la blessure, tandis que le mal se ranimait, fulgurant, avant de disparaître. Apparemment, il n'était pas vraiment guéri. Plutôt en rémission.
Peu à peu, ses yeux elfiques s'adaptaient au nouveau décors qui lui était proposé. Les murs, qui filtraient une lumière verdâtre, faiblarde et malaisée, étaient faits de longues plantes en tube, rigides, qu'Eranor avait déjà vu utilisé comme manche pour les armes de son combat. Le toît, pour autant qu'il puisse en juger à travers la fumée malodorante et épaisse, était fait de paille, grossièrement jetée en nasse sur une structure de bois et de bambou. Le sol était nu, l'exception d'un ou deux objets indiscernables posés sur la terre meuble, et du foyer entouré de pierrailles. Et à côté... son armure, les lanières arrachées, son heaume et son arme, symboles de son appartenance à un ordre d'élite du monde connu.
Et la pensée le frappa, fulgurante, lancinante, déchirante. Senthoï ! Où était-il ? Qu'était cet endroit ? Pourquoi l'avoir soigné lui et non Artémisia ?
Hors de son habitation de paille, de bois et de bambou, un tambour se mis à battre gravement au même rythme que ses battements de coeurs. Il était vivant, mais pour combien de temps encore?
Une chose était sûre. Seul et blessé en terre inconnue, avec pour seul avenir le combat ou la mort, Eranor se montrait enfin à la hauteur de ce qu'il avait toujours rêvé pour lui-même: la vie d'un héros de Caledor!