Des cloches.
Des cloches au son si clair et pourtant si lointain.
Le froid.
Le froid si piquant et pourtant si vivifiant.
Une lumière.
Une lumière blafarde et pourtant si réelle.
Après avoir réussi tant bien que mal, sans savoir comment, à se relever, Yorick, titubant, ramassa son épée qu'il ne quitterai pour rien au monde. Faiblard, le chevalier traversa la place mût par un instinct de survie propre à ceux qui refusent de se laisser aller à la fatalité, la pointe de
Archeus, devenue trop lourde, traînant sur le sol pavé dans un tintement métallique derrière lui. Au moins, cette fois-ci, s'il s'écroulait à nouveau, son épée serait dans ses mains pour l'accompagner dans l'au-delà... Mais il était toujours conscient et vivant lorsqu'il arriva à une rangée de maisons. Par on ne sait quel miracle, il réussit à lever sa main d'épée et à tambouriner avec le pommeau de son épée aux portes et volets fermés de quelques-une des bâtisses mitoyenne des remparts de la citadelle. Peut être était-ce la Dame qui lui insufflait la force de poursuivre sa destinée.... Penser lui faisait mal à la tête, mais bizarrement, le mourrant ne sentait plus sa plaie à l'abdomen. Il n'osait pas baisser les yeux sur celle-ci. Et bientôt la bienfaisance de la Dame l'abandonna, ses yeux le piquaient à nouveau, les vertiges reprirent et le noble qui ne serait jamais devenu chevalier sombra à nouveau dans les ténèbres ...
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En sueur et brûlant de fièvre, Yorick se réveilla en sursaut. Autour de lui, tout était noir et il eut soudain peur d'avoir trépassé mais la vive peine qui le transperçait d'un flanc à l'autre lui rappela qu'il n'en était rien. Il porta la main à son abdomen et sentit qu'un bandage avait été apposé sur sa blessure. Après quelques secondes ses yeux s'accoutumèrent à la pénombre et il distingua un réduit carré meublé d'une paillasse, sur laquelle il reposait, d'un tabouret et de quelques étagères quasiment vides. L'ensemble révélait un faible niveau de vie mais était bien entretenu et plutôt propre. Il n'y avait aucun bruit, ni dans la pièce, ni à l'extérieur.
Combien de temps s'était-il passé entre son dernier évanouissement et son récent réveil ? il n'en savait rien ... Au moins la douleur à son abdomen était revenue, c'était bon signe. Les sensations, bonnes ou mauvaises étaient signes de vie. C'était lorsqu'on ne ressentait plus rien qu'il fallait commencer à s'inquiéter... Mais la
Douleur !! Elle était si
Forte ! Si
Aiguë ! Si
Brûlante ! Dans une dernière représentation floue de la Dame, Yorick, incapable de penser et de rester éveillé, sombra à nouveau dans le néant...
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Le Tempérant se réveilla à nouveau, cette fois, il apercevait de la lumière. Il faisait jour mais il était encore seul dans la petite pièce. Il regarda à nouveau le bandage et la lumière qui perçait dans la chambre lui permit de voir que le blanc du lin avait fait place au rouge du sang. Le bandage et les draps de sa couche en étaient maculés à foison ! Un haut le corps, il manque de s'étouffer en dégobillant. Dans une pointe de douleur, il se tourna sur son flanc droit, celui qui n'était pas tailladé, afin de ne pas s'étrangler avec sa propre bile... Puis, sombra à nouveau ...
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Une barbe... Une barbe noire et des yeux rouges sang... Un rire tonitruant et machiavélique ! Une gerbe de sang noir et une douleur cinglante ! Pire encore que les pires tortures qu'infligeait jadis son père aux manants du Domaine... Yorick était à terre, un homme en armure aux allures monstrueuses, à la carrure d'un ogre le toisait de toute sa hauteur et se moquait de lui. Et ses yeux rouges le fixait alors qu'il riait à gorge déployée ! Il avait des cornes noires, son armure était remplie de piques et de pointes de métal tranchant, ses mains tenant une énorme Claymore étaient hérissées de griffes d'obsidienne...
- MOUHAHAHAHAHaaaaaaaa !!! Je m'appelle Damien de la Chataîgneraie ! Retiens ce nom petit Damoiseau ! La claymore s’abattit sur sa tête...
Yorick se réveilla en sursaut en se levant mais la douleur le fît se recoucher dans la foulée. Il était toujours en sueur, mais la fièvre avait l'air d'avoir chuté un peu. Regardant, comme à chaque réveil, sa blessure bandée, il s'aperçut que le pansement avait été changé. Le tissu et les draps étaient de nouveau blanc, même si du sang commençait à transparaître au travers des multiples couches de lin à cause de la contraction des muscles lorsqu'il s'était réveillé en sursaut...
Le visage du chevalier noir, qu'il venait de voir en cauchemar reparût dans sa tête, mais cette fois-ci, il avait une apparence bien réelle, beaucoup plus humaine. Plus de cornes, plus de pointes ni de griffes acérées, simplement la barbe noire et les yeux qui étaient devenus, eux aussi d'un noir de jais, restaient. Cela donnait tout de même à l'homme un air sinistre, un homme au visage rude et aguerri... Cette fois-ci Yorick n'avait plus peur... Néanmoins un sentiments de haine, de rivalité, et de vengeance parcourût le Moussillonais lorsque le visage de l'homme de ses cauchemars disparût ... Il ne savait pas si cet homme était réel, mais le nom qu'il avait entendu,
Damien de la Chataîgneraie lui disait quelque-chose.
Il finit par s'endormir pour la première fois sans qu'il n'ait besoin de s'évanouir pour cela ...
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Une sensation de toucher contre sa peau... Etait-ce un rêve, cette fois-ci plus agréable que le précédent ? Était-ce la Dame qui l'embrassait pour l’accueillir dans l'autre monde ? Non ... Yorick entre-ouvrit les yeux. Tout était flou, la fièvre était revenue... Une vive lumière entrait dans la pièce et le chevalier convalescent discerna une forme humaine au-dessus de lui ... Une femme tout de blanc vêtue, avec de long cheveux blonds se tenait au-dessus de lui, à son chevet. Mais son esprit était tellement embrumé par les drogues qu'on lui administrait pour atténuer la douleur qu'il ne pouvait pas voir le visage de l'ange qui s'occupait de lui. Cette forme flottante, cette vive lumière, le bretonnien pensa instinctivement à la déesse de Bretonnie. La Dame lui apparaissait-elle pour lui transmettre un message ? Pourquoi l'avait-elle sauver, lui qui n'était encore rien ? Pourquoi malmenait-elle ainsi un si fervent serviteur ? C'était incompréhensible ... N'avait-il pas été assez dévoué ? Avait-il mal ou trop prié sa déesse bien aimée ? Peut-être la Dame faisait payer au fils la cruauté du père ? Peut être lui faisait-elle payer le fait d'avoir interrompu ses rites sacrés pour devenir chevalier et d'avoir quitté la chappelle du Graal en pleine nuit alors que la cérémonie n'était pas arrivée à son terme ? Ou bien encore le fait d'avoir déçu et désobéis à son père en quittant le domaine familial ? Autant de questions qui lui torturaient l'esprit, bien plus que la douleur de sa blessure ne torturait son corps. Des larmes de désespoir coulèrent le long de ses joues, au travers des poils de sa barbe commençant à devenir longue force étant de ne pas la raser.
Une main bienveillante se porta sur son front. Elle était fraîche et réconfortante... Puis il finit par entendre une voix sourde :
- "La blessure se remet petit à petit... Elle a été bien soignée, le risque de gangraine devrait normalement être écarté à présent... Même s'il faudra continuer à changer les bandages quotidiennement, appliquer les baumes réparateurs et lui faire inspirer ses infusions de plantes plusieurs fois par jour pour l'aider à supporter la douleur et éviter encore le risque d'infection.
- Bien ma Dame, ce serait fait selon vos désirs.
- Je reviendrais ... C'était au-dessus des forces du chevalier, écouter ce que disaient les personnes environnantes avec ce bruit sourd dans les oreilles était si fatiguant... Yorick n'entendit pas la suite de la conversation...
"
Je reviendrais demain pour changer les bandages, nettoyer la plaie et éventuellement changer les sutures. Il est encore trop faible pour qu'on puisse le déplacer dans un endroit plus adaptés. Au château il pourrait être mieux suivi et surveillé qu'ici, mais si seulement il pouvait se réveiller pour nous raconter ce qu'il s'est passé cette fameuse nuit ... Pourquoi aurait-il arrêté ses prières à l'aube de son sacre... "
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Il y avait deux personnes dans la pièce et apparemment, celle qui avait donné les ordres, la femme blonde, était celle qui le soignait et elle n'habitait pas ici. En effet lorsque le futur chevalier se réveilla à nouveau le même jour, dans la lumière rougeoyante du crépuscule annonçant la fin de la journée, il examina la qualité des bandages recouvrant sa blessure : Du lin finement tressé, en grande quantité, qui était changé chaque jour, une blessure aussi grave aurait normalement dû l'envoyer six pieds sous terre. Pourtant il avait été soigné et était toujours en vie... Aucun paysan, fusse-t-il versé dans l'art de la médecine n'aurait eu les compétences nécessaires pour le sauver. Et aucun paysans n'avait les moyens financiers nécessaires pour débourser autant de tissu en bandage. C'était donc soit une bourgeoise médecin, mais il en doutant car il était interdit en Bretonnie pour une femme d'exercer une profession à but lucrative. Ce pouvait alors être une Demoiselle du Graal, servante de la Fée Enchanterresse, mais c'était également peu probable pour un chevalier de son rang... Ou encore peut-être une noble pour qui le chevalier, ou les informations qu'il détenait, importaient... Yorick ne put s'empêcher de penser à Dame Claire de Bastogne, sa dulcinée et fille du Baron Jasperre...
*Haaa si seulement je pouvais me retrouver quelques semaines, ou mois peut être ? * Yorick n'avait plus la notion du temps, et il s'était très certainement passé des semaines voire des mois pour qu'il puisse se remettre tant bien que mal d'une telle blessure...
*en arrière, et être dans les appartements de ma bien aimée avec mon luth pour lui chanter des sérénades sur des airs envoûtant... Je ne la reverrais certainement jamais...*
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La fois suivante, lorsqu'il se réveilla, Yorick de Moussillon en profita pour proférer une prière à sa déesse... Pensant que ce serait peut-être sa dernière...
*Ma Dame, ma bien aimée Déesse parmi les dieux...
Si vous m'avez sauvé pour que j'accomplisse un destin plus grand,
Je vous en conjure, ne m'abandonnez pas maintenant dans ce lit miteux,
Faites que si je dusses mourir, je le fasse sur un champ de bataille,
Mon épée à la main, pourfendant des adversaires de la Bretonnie,
Qu'ils viennent de l'intérieur ou de l'extérieur,
Qu'ils soient cachés ou à découvert,
Couards ou courageux, nobles ou de basse extraction, humains ou démons...
Si vous m'avez sauvé, laissez moi me remettre de cette terrible blessure,
Je ne vous décevrais plus, je ne m'écarterais plus de votre chemin rayonnant,
Je persévérerais pour me remettre d'aplomb, j'irai au bout de mon sacre, si j'en suis toujours digne,
Je ne vous ferais plus défaut et vous servirais au mieux, avec toute la force de ma volonté,
Ma Dame bien aimée, épargnez ma vie encore un temps,
Et vous n'en serez pas déçue, Je fais la promesse solennelle de parcourir le monde,
De la Bretonnie à la Grande Cathay, du Royaume des elfes jusqu'aux montagnes du bout du monde,
S'il le faut pour vous servir et défaire ce monde de la malfaisance et du Chaos qui y règnent...
S'il vous plaît, Ma Dame, épargnez ma pauvre vie...*
Cela étant fait, il essaya de se relever afin de s'adosser contre le mur, mi-couché, mi-assis, ferma les yeux et vida son esprit, dans un état de méditation, il attendit que les personnes qui le soignaient reviennent à nouveau... Il sentit une brise douche sur son visage. Ce n'était plus la brise fraîche de la fin de l'hiver, saison à laquelle il avait reçu son coup qui aurait du être fatal, mais plutôt celle de la fin de l'été... Aurait-il ainsi passer deux saisons complètes à se remettre, petit à petit de sa blessure ? ... Peut-être se fourvoyait-il ... Mais il aurait plus de précisions une fois qu'ils verrait les gens qui l'hébergeait. Il se sentait en mesure de parler à présent...