-Bienvenue Messeigneurs, puissiez-vous nous pardonner de ne pouvoir vous offrir la compagnie d'aucun noble. Notre conversation s'efforcera de n'être point oiseuse et je vous prie également d'excuser mon extravagance, ma nation me manque certain soir et je crains de n'avoir pas la force de caractère des habitants de mon nouveau pays pour résister à toutes les futilités. A vous chevaliers ! Et à la Dame, qu'elle fasse que les innocents soient protégés.
Tous les convives levèrent leurs gobelets et le repas commença, la soupe et le rôti étaient déjà consommés et l'on servait une grande carpe en croute quand un homme émergeant des cuisines, s'assit sur le dernier siège inoccupé de la table à gauche de la maîtresse des lieux. Son justaucorps sans manche laissait apparaitre des bras puissamment musclés et couverts d'anciennes cicatrices, les trais réguliers de son visage avaient une grande dureté et une lueur malsaine dansait dans son regard. Son crane était rasé autour des oreilles et ses cheveux très sombres étaient attachés en une longue tresse. Contrairement aux autres convives dont les armes étaient pendues le long des murs, il fixa son baudrier au dossier de son fauteuil, une grande épée dont Rouergue ne sut pas définir l'origine y était pendue. Le nouveau venu ne prit pas la peine de se présenter et réclama immédiatement à boire.
-Chers invités, permettez-moi de vous présenter, Benoïc, le garde-chasse du domaine. Annonça l'air contrarié Wilhelmina avant de reprocher au malotru : Vous êtes en retard, maître.
-Je suis sûr que ses gentilshommes vous auront facilement fait oublier mon absence. Répondit celui qui ne ressemblait pas du tout à un garde-chasse. La protection du domaine est une tâche harassante ces derniers temps. Toute sorte de parasites armés parcourt les routes et on les retrouve dans les endroits les plus inappropriés.
-Sir Clodhbert, on m'a rapporté que vous cherchiez à vous débarrasser d'une monture, enchaîna l'hôte pour détourner la conversation alors que le guerrier était foudroyé du regard par l'assistance. Je suis disposé à prendre en charge votre pauvre bête, j'ai hélas dû éloigner mon élevage de chevaux à cause de l'imminence de cette horrible guerre, mais je peux vous dédommager. Mon mari possède un domaine qui a enchainé les bonnes récoltes, les dieux en soient loués et j'ai à ma disposition quelques pièces surnuméraires. Je peux vous en faire don, ils ne nous manqueront pas. Cette demeure peut très bien être incendiée et pillée dans les prochains jours.
Un voile de tristesse ou d'angoisse passa sur le visage de Dame Gênet. Ce brutal changement de sujet alerta Sir Jonas, alors que le faux-veneur levait les yeux au ciel.
-L'armée de Dame Alicia, ne devrait pas vous nuire, son champion me semble un homme d'honneur. Reste bien sûr les inévitables vaux-rien qui tournoient autour des armées, mais ils ne resteront pas longtemps, vos gens d'armes disposés au village devraient les tenir à distance et moi-même je m'emplois à réduire leurs nuisances.
Une gêne évidente attrista le beau visage de la châtelaine qui ne put pas s'empêcher de jeter un coup d'yeux vers son curieux chasseur. Celui-ci continua à boire sans réaction.
-Quelle est la source de vos ennuis, ma-dame. Parlez, je vous en prie. Mes compagnons et moi-même sommes vos obligés.
-Vous êtes un preux Sir et pour cette raison je suis désolé de vous embarrasser avec mes soucis banals, mais derrière le faste que l'on vous montre, le malheur n'est pas loin. Les pillards rodent en effet dans la région, mais une bête bien plus nocive terrorise mes gens, restreignant leur marge de manœuvre et se rendant responsable de plusieurs disparitions.
- Un monstre errant. Rien de plus. Enchaîna Benoïc, sur un ton mauvais. Qui partira lorsque vous arrêterez de lui envoyer des paladins à manger.[/align]