La mer était calme au large d’Ulthuan et du Vieux-Monde, au beau milieu du Grand Océan, à plusieurs dizaines de miles au Sud-Est de l’extrémité Sud-Ouest d’Albion. De toute façon l’arche noire « Forteresse Tonnerre » était bien trop imposante pour que les flots en perturbent la flottaison, qui était obtenue par les effets de la magie. Seules des tempêtes d’ampleur titanesque, formant un véritable tsunami destructeur, pouvaient venir à bout de ces villes flottantes, et très rares avaient été les cas où leurs cousins hauts-elfes d’Ulthuan, qui s’enorgueillissaient pourtant de posséder la flotte « la plus puissante au monde » avaient pu couler. En fait, en plusieurs milliers d’années d’existence, les arches noires perdues en mer se comptaient sur les doigts de la main. Dans les entrailles de ce monstre des mers, un assassin elfe noir du temple de Khaine, nommé Deathshade, avait rencontré un mystérieux et assez jeune (pour un clerc elfe noir, tout du moins) prêtre du dieu à la main sanglante. L’elfe, nommé Torildir, avait donné des instructions très claires à l’assassin qui lui avait été envoyé.Ton précédent sujet est ici : http://warforum-jdr.com/phpBB3/viewtopi ... 574#p78574
La première mission de Deathshade avait été un échec parce qu’il n’avait pas saisi toute la portée et les implications non-dites de l’affaire. Ici, le contrat était à la fois plus beaucoup plus simple et beaucoup plus complexe. Beaucoup plus simple parce qu’il ne prêtait pas à réflexion : une cible avait été désignée, elle devait mourir, peut importait comment, mais le plus tôt possible, comme toujours, même si le prêtre n’avait fixé aucun délai, ce qui laissait au moins plusieurs mois à l’assassin, s’il en avait besoin. La mission semblait toutefois plus complexe, car la cible serait beaucoup plus difficile à atteindre. Le prêtre avait même prévenu Deathshade que d’autres assassins seraient lancés sur la piste. Chacun travaillerait de son côté, et ils pourraient même bien devenir des rivaux. Comme le clerc l’avait répété, peu importait les moyens utilisés pour parvenir à cette fin. Du moment que le contrat était rempli, le tueur aurait aussi bien pu massacrer la moitié du Vieux-Monde et éliminer tous ses concurrents khainites dans l’affaire, cela n’aurait aucune importance. La vie de quelques assassins de Khaine n’avait aucune valeur comparée à la réussite d’un contrat important, quand à celles des humains, les druchiis ne les considéraient même pas comme ayant une valeur autre que marchande sur les étals aux esclaves. En bref, Deathshade devait faire en sorte que sa cible meure, et il avait carte blanche pour ça.
Sur la cible elle-même, le prêtre n’avait pu lui donner que quelques rares informations vagues. Il s’agissait d’une jeune femme, d’une humaine, dont la description était vague. Petite, elle était rousse aux yeux verts, très belle de visage et de corps, et devait avoir entre vingt et trente ans et pratiquait la magie. Ses cheveux étaient plutôt longs. Il savait aussi qu’elle devait se trouver quelque part au Nord-Ouest de la Bretonnie, dans la région des marches de Couronne, même si elle n’en était pas forcément native. On ne lui précisa pas pourquoi il y avait un contrat sur sa tête, ni même qui était le commanditaire : il n’avait pas à le savoir. Ces renseignements étaient très maigres, mais c’était tout ce que le temple avait sur la cible.
Même pas un nom, une image ni une adresse : c’était maigre, très maigre même. Sur l’arche noire, l’assassin profita de l’expérience des corsaires qui y faisaient halte pour se renseigner un peu plus sur ce pays dont il ignorait tout et par là même sur l’ampleur de ses futures recherches. Il y apprit que cela faisait juste, en supposant qu’elle n’ait pas bougée, une zone de près de quatre-vingt lieues (métriques : 1 lieue =4 km) sur quarante à ratisser, au bas mot. Cette même zone devait être peuplée, d’après les dires des corsaires que Deathshade avait pu questionner, d’au minimum plusieurs milliers d’humains, peut-être même beaucoup plus. Le pire était que non seulement la tâche semblait énorme, mais qu’en plus, la cible pouvait très se déplacer et sortir de la zone de recherche, son apparence physique pouvait même changer légèrement, si elle décidait de se couper les cheveux plus courts ou s’enlaidissait pour une raison ou une autre. Toutefois, ces hypothèses, bien qu’angoissantes, étaient relativement peu probables, et l’on pouvait donc raisonnablement tabler que la description physique correspondrait encore pendant au moins des années.
Enfin bon. Deathshade avait le choix des méthodes, et il avait carte blanche, mais une chose lui manquait cruellement : les moyens. Le temple n’allait évidemment lui donner de l’or, d’autant qu’il n’y avait pas de couronnes bretonniennes sur l’arche, et que l’on n’allait pas refondre des pièces elfes noires pour en faire de la monnaie d’animaux. L’assassin avait néanmoins trouvé un corsaire qui possédait quelques pièces autochtones et était prêt à les échanger contre l’or de Deathshade gratuitement (à taux d’échange équivalent). Ce qui était aussi embêtant, c’est que notre assassin khainite avait dû rendre ses équipements empruntés au temple de Naggarond pour sa première mission, et se retrouvait presque sans rien. De plus, une fois débarqué, il serait seul, aucun contact ne lui avait été communiqué, et il savait que les espions elfes noirs infiltrés ne risqueraient pas de compromettre leur couverture pour lui, même s’il parvenait à les atteindre : il devrait se débrouiller sans le soutien d’aucun elfe noir. Cela incluait aussi qu’il devrait débarquer par ses propres moyen. Dès lors, plusieurs choix de débarquement s’étaient alors offerts à lui.
Premièrement, il pouvait espérer débarquer clandestinement quelque part dans l’endroit de Bretonnie appelé « Marche de Couronne », s’il montait dans un petit navire de corsaires qui le ferraient accoster en barque la nuit, sur une plage déserte, tandis que le bateau continuerait sa route. Cette méthode avait ses avantages, elle était peu risquée, et lui permettrait d’acheter d’éventuels équipements spécifiques aux elfes noirs sur l’arche et de débarquer avec tout son barda. Mais elle avait aussi plusieurs inconvénient : en le voyant, on se demanderait ce que faisait un elfe seul dans cette région, d’autant qu’il n’aurait pas les habits d’un explorateur haut elfe (ils n’étaient pas achetables sur l’arche). De plus, si on le fouillait, son éventuel équipement typique elfe noir le trahirait tout de suite.
Secondement, une solution alternative lui avait été proposée par les corsaires avec lesquels il avait discuté. Ceux-ci prévoyaient de lancer un raid à bord d’un de leurs rapides navires, contre un petit vaisseau de leurs cousins hauts-elfes qui avait commis l’imprudence de tenter seul la traversée entre Lothern et Marienburg et dont le voyage n’avait pas échappé aux cruels, mais efficaces corsaires elfes noirs. Le plan était simple : Deathsahde montait avec eux à bord, ils se lançaient en chasse, puis aborderaient le vaisseau, qu’ils pourraient rejoindre, d’après leurs calculs, à quelques dizaines de miles des côtes bretonniennes seulement. Après quoi ils se rapprocheraient des côtes du Nord de la Bretonnie et installeraient sur un radeau, la nuit, suffisamment près de la côte des Marches. Là, nul doute que qu’un bateau de pêche, de commerce ou de guerre le repèrerait à l’horizon et viendrait à son secours dès le jour levé. Il n’aurait alors qu’à leur servir l’histoire de l’attaque des corsaires elfes noirs, qui était véridique, et prétendre être le seul rescapé. Avec un peu de chance, avec une telle histoire, il s’attirerait les faveurs de l’aristocratie locale, une pléiade de baron, de vavasseurs, et d’autres petits seigneurs qui passaient leur temps à lutter entre eux pour l’honneur et la gloire de leurs familles.
Les corsaires précisèrent que la région de Couronne regorgeait de ruines elfiques et qu’il lui suffirait, en tous les cas, de justifier son voyage et ses recherches à travers les marches en invoquant une quelconque mission « à but historique » ou « d’aventurier » en rapport avec ces vestiges. Il pourrait aussi acheter sur place tout le matériel fabriqué par les humains dont il aurait besoin, s’il avait converti son or druchi en or bretonnien.
Le choix était entre ses mains…