-Oh que oui Genny ! L’aventure nous attend, et ceux qui se mettrons sur notre route n’auront qu’à bien se tenir !
Puis les deux jeunes femmes continuèrent leur route, empruntant l’itinéraire qui menait vers Drakenhof. L’ennui était que ces collines, connues sous le nom lugubre de « collines hantées », portaient justement bien leur nom. D’autant plus qu’il n’existait pas réellement de route ni même de chemin ou sentier bien défini à travers ces reliefs. A vrai dire, l’endroit était presque vide de toute vie humaine et l’avait d’ailleurs toujours été. Seuls quelques bergers, des fous, de rares ermites, des hors-la-loi ou sorciers illégaux, des mégalomanes avides de pouvoir et des et parfois des chevaliers de la quête et des tueurs nains osaient s’y aventurer. Car à part les spectres et les cadavres des anciens habitants du lieu et des inconscients qui s’y étaient aventurés, ces collines calcaires et friables n’avaient d’autres ressources à offrir que la craie qui les constituaient, ainsi qu’éventuellement un modeste pâturage pour les ovins et les caprins.
Les paysages étaient exactement les mêmes que dans les collines qui environnaient la maison de Wanda et la cavité de l’eau morte. Majoritairement d’un gris terne et déprimant, avec ça et là des arbustes, des mousses, des lichens, des touffes d’herbes robustes et quelques ruisseaux, qui apportaient une touche de couleur marron foncé et vert foncé au spectacle. Quant à la météo, comme la plupart du temps, elle était mauvaise. Il y avait presque toujours en Sylvanie au moins une couche nuageuse grise voire noirâtre, qui souvent donnait de la pluie ou des orages. Le reste du temps était partagé entre du brouillard épais qui tombait sur la région et au travers duquel on ne voyait pas à vingt mètres, et, les meilleurs jours, des éclaircies à travers une couche de nuages blancs plus élevés et moins menaçants.
Toutefois, tant Genny Magda que son hôte vivaient en Sylvanie depuis assez longtemps pour s’être habituées à ce climat et à ces teintes de couleurs froides. Aussi cela ne les dérangea-t-il pas plus que d’ordinaire, et n’entama en rien la bonne humeur de l’herboriste. Malgré l’absence de route –le sentier initial avait vite disparu et elles avaient dû continuer sans- et le manque de points de repère –ces collines se ressemblaient toutes et les entouraient totalement dans toutes les directions, quant au Soleil, il était masqué derrière les épais nuages grisâtres-, Wanda ne semblait pas perdue. La jeune femme était très sûre d’elle-même quant à la direction à suivre.
Et les premières heures du trajet se déroulèrent sans encombre, même s’il était impossible à Genny de déterminer si son amie se trompait ou non de direction. Plusieurs fois, de manière incompréhensible, Wanda s’arrêta net et intimait à Genny de la suivre. Elles allaient alors se cacher pendant un certain temps ou effectuaient un détour. L’herboriste expliquait cela par de mauvais pressentiments et des signes qu’elle percevait de la présence du danger, sans qu’elle puisse clairement expliquer d’où lui venaient ces impressions. Mais elle savait qu’en général, mieux valait se fier à son instinct qui ne la trompait, selon elle, que très rarement. Un tel choix fut d’ailleurs payant, puisque durant les quatre ou cinq premières heures de marche, aucun incident n’avait été à signaler.
Wanda Heller avait alors fait signe à Genny qu’elle n’en pouvait plus, et devait prendre une pause pour se reposer un peu et manger. La progression à travers les collines était difficile. La roche friable et crayeuse qui les constituait se dérobait souvent sous leurs pieds. Les herbes et autres buissons étaient le plus souvent piquants et traîtres, quant aux mousses humides, elles glissaient et rendaient la progression délicate si l’on ne voulait pas se fouler la cheville. A cela, il fallait ajouter la dénivelée, puisqu’elles n’arrêtaient pas de monter et de descendre, et les moments où Wanda, suite à un mauvais pressentiment, pressait Genny de la suivre, souvent en courant, pour aller se cacher un certain temps ou contourner un endroit. L’absence totale de chemin tracé par l’homme ne facilitait pas leur avancée, car il fallait sans cesse essayer de trouver un passage praticable sans trop de difficulté, et que ça n’était pas toujours possible. Heureusement, les deux jeunes filles s’aidaient, celle qui réussissait à passer la première le passage compliqué (souvent Genny), tendant ensuite la main à l’autre (souvent Wanda) pour la tirer.Tests d’END : 11 pour Wanda (échec). 3 pour toi (réussite).
Selon ce qui disait Wanda, qui pour rendre le trajet moins monotone parlait de temps en temps, du moins au début avant d’être essoufflée, les collines hantées n’étaient pas totalement dépourvues d’infrastructures humaines. On y trouvait entre autres des tours solitaires, parfois en ruines, parfois intactes, parfois même sans porte. Les tumulus et autres tombeaux ancestraux, parfois remontant à une époque où les humains ne peuplaient pas encore cette terre, étaient également légion. Très rarement, d’après elle, on pouvait trouver des châteaux-forts, parfois intacts, mais le plus souvent en ruines. Ce qui était le moins dangereux, c’était les bergeries isolées qui servaient de refuges aux pasteurs et à leurs bêtes si la nuit les surprenait avant qu’ils n’aient pu rejoindre leurs villages au pied des collines, mais on ne trouvait généralement de telles bergeries qu’à la périphérie des collines, et non en plein cœur d’entre elles, là où justement Genny Magda et Wanda Heller se trouvaient. D’anciens hameaux perdus, eux presque toujours inhabités témoignaient de la témérité de quelques fous qui avaient voulu s’établir durablement dans cet endroit. Enfin, des camps nomades de hors-la-loi, d’aventuriers ou de voyageurs existaient ça et là.
Durant la première partie de leur trajet, en revanche, les deux jeunes femmes ne croisèrent qu’une vieille tour à moitié en ruines, au loin au sommet d’une colline. La désignant, Wanda avait dit, s’arrêtant une main sur son point de côté et prenant le temps de souffler :
-Je préfère autant qu’elle soit en ruines, si elle ne l’était pas, ce ne serait pas bon signe. Et même en ruines, mieux vaut ne pas s’en approcher. Ces endroits sont des repères idéaux pour les sorciers illégaux et les bandits, quand ils ne sont pas tout simplement hantés par leurs anciens habitants.
Et les châteaux sont encore plus dangereux, si on en voit un par ici, même en ruines, il nous faudra nous en éloigner le plus possible, car ils sont les antres de monstres parmi les plus terrifiants et les plus puissants qui soient, les vampires… Et attention également aux humains que nous pourrions croiser dans ces collines. Ils sont tous soit des serviteurs ou esclaves corrompus des monstres dont je te parlais ou de sorciers, soit des fous, soit des hors-la-loi. Enfin, avec un peu de chance, on pourrait tomber sur un idéaliste bretonnien en quête de gloire, mais crois-moi-même alors il vaudrait mieux ne pas s’en approcher.
En fait, pour résumer, si on voit n’importe quelle infrastructure humaine dont je t’ai parlé : un tombeau, une tour, une habitation ou un château, mieux vaut l’éviter. De même, si on aperçoit quoi que ce soit qui bouge. On le contourne ou on se cache. Plus on sera discrètes, mieux ça sera.
Quatre ou cinq heure après avoir quitté sa maison, donc, Wanda Heller s’arrêta, épuisée et affamée. Elle avait attendu d’arriver dans un endroit qui lui semblait plutôt propice, sur une pente de colline, près d’une source d’eau claire et potable, selon elle. L’herboriste fit glisser par terre son sac à dos et posa également son bâton et sa sacoche à ses pieds, alors qu’elle s’asseyait face à la pente, confortablement callée contre une pierre. Ses vêtements épais la protégeaient de l’humidité ambiante qui recouvrait les pierres crayeuses des flancs de colline et lui évitaient de se mouiller le derrière, ce qu’elle n’aurait pas apprécié du tout, n’ayant aucun moyen de se réchauffer et donc de se sécher. Faire un feu était en effet proscrit, comme elle l’avait dit au cours de la marche, cela attirerait immédiatement à elles les ennuis comme des mouches. Wanda invita sa compagnonne à s’asseoir à côté d’elle, pour au moins partager un peu de chaleur corporelle et de camaraderie.
Elle roula les épaules qui lui faisaient encore mal aux endroits où les sangles du sac avaient frotté. Puis elle ramassa ledit sac à dos pour en sortir des provisions. Elle savait également que Genny avait sur elle pour deux jours de rations et en avait emporté autant pour elle. Normalement, il était prévu que le voyage ne dure pas autant, mais on n’était jamais trop prudent, mieux valait doubler les doses pour éviter de prendre des risques, même si c’était plus lourd, et donc plus fatigant à porter et plus douloureux pour ses épaules. Les fruits secs, amendes, plantes et autres sucreries qui constitueraient leur repas n’étaient pas périssables, c’était déjà ça :
-Ouf, Genny, je ne sais pas toi, mais moi, je meurs de faim et je n’aurais plus pu marcher longtemps sans grosse pause de toute façon. Pause déjeuner pour nous deux !
Effectivement, Wanda avait déjà effectué un nombre croissant de petites pauses d’une durée de quelques secondes à plusieurs minutes chacune au cours des deux dernières heures qui avaient été difficiles pour elle.
-Allez, bon appétit. Et dis-moi, si tu as mal aux épaules autant que moi, j’en profiterai pour te masser avant de repartir, ça ne sera pas de trop ! Mais tu es bien plus endurante que moi, dis-donc.
Par contre, la mauvaise nouvelle, c’est qu’on est plus lentes que prévu, -enfin, surtout moi-. C’est parti pour qu’on passe la nuit dehors dans les collines, à ce rythme. La bonne, c’est que pour l’instant, on n’a croisé aucun ennemi.
Pendant qu’elle mangeait, Wanda semblait ne plus réellement faire attention à autre chose qu’à son environnement direct. Par chance, sa camarade, moins fatiguée, le remarqua et put donc pallier à ce manque de vigilance. Il lui sembla entrevoir durant un instant une silhouette très basse et plutôt rapide qui se détacha un instant du col à quelques centaines de mètres derrière-elle, et qui semblait se diriger vers elle avant de disparaître derrières des pierres et un buisson. Ce pouvait-il qu’il s’agisse d’une menace ? Ou fallait-il ignorer ces éléments pour l’instant et laisser Wanda manger en surveillant voir si la vision était réelle ? Ou encore s’en ficher totalement et manger avec l’herboriste en regardant comme elle la pente, position de très loin la plus confortable, quitte à ne pas surveiller leurs arrières en faisant confiance, comme jusqu’à présent, à l’instinct de Wanda ?Test d’INT de Genny : 2. Réussite.