Non, son véritable problème provenait de son entêtement à vouloir sauver Conrad.
En état de choc, le pauvre humain à moitié assommé par sa chute ne s'était pas aperçu du changement d'apparence de sa "protégée" et s'était laissé hisser sur son cheval, au pommeau de la selle duquel il s'était cramponné par réflexe. Néanmoins, son visage était d'une pâleur qui n'avait quasiment pour équivalent que celle du vampire femelle, et de la plaie certes bouchée par le carreau continuait à s'écouler régulièrement un filet de sang. Il était même difficile de deviner si il était toujours conscient, car il ne cessait de marmonner en boucle ces trois mots : "j'ai échoué".
Inutile donc de compter sur lui pour indiquer le chemin jusqu'à l'auberge promise, surtout qu'il était improbable qu'il y parvienne en vie. Néanmoins, les voies de Sigmarr sont impénétrables, et si la position assise l'empêchait de se noyer dans son propre sang, chaque cahot avait des chances de lui déchirer un peu plus les tripes.
Avançant au petit trot et empruntant les chemins qui paraissaient les plus fréquentés, le du... trio d'apocalypse parvint en vue d'une auberge alors que l'encre du ciel virait peu à peu au bleu abyssal. Une sorte de petite ferme transformée, sise au bord de la route et bâtie d'un seul tenant en torchis épais. De la cheminée de pierre dépassant du toit de chaume serpentait un filet de fumée. La façade était percée de deux ouvertures, pour l'instant closes par de solides volets bois et encadrant une porte tout aussi massive.
Un panonceau accroché au-dessus de ladite porte indiquait par un dessin rustique et des lettres tracées d'une façon qui l'était tout autant que l'endroit portait pour nom "Le soc du pénitent". Un nom qui n'était pas vraiment de bon augure pour notre héroïne.