"Cela n'est pas raisonnable, vous arrivez à peine de voyage Madame," lui dirent-ils: "vous devriez vous reposer."
"Une dame de votre qualité ne peut se promener en la cité en si minime équipage."
Mais enfin, voyant que rien ne pouvait convaincre Dokhara, ils ne purent guère plus que l’assaisonner de conseils et de mises en garde, le tout avec bien sûr le respect qui lui était dû:
"Restez donc en le Quartier Châtelain, Madame, il n'y en a aucun de plus beau."
"En tout cas n'allez pas plus à l'ouest du Quartier de la Loi, s'il vous plait, les quartiers populaires ne sont point sûrs en cette heure."
Etc etc...
Dokhara promis peut-être à ces inquiets serviteurs toute la prudence qu'ils voulaient : le résultat était le même, elle partait seule avec Rhomgar.
Le soleil était couché depuis une heure lorsque la jeune De Soya et son capitaine barbu sortirent enfin du quartier châtelain - lequel quartier était en effet pourvu de nombres de sites de qualité pour qui veut du beau décor... Dokhara ne pensait pas être suivie... mais "vue", elle l'avait été, ça oui! Les sentinelles étaient légion dans ces lieux de riches demeures et jardins...
"Vue", elle le fut aussi dans les froids Quartiers de la Loi, et là elle dût même montrer ses lettres de noblesse: le guet était bien présent entre ses grises bâtisses, et contrôlait tous et toutes.
Pour le reste, à la porte de la chambre louée dans une des rares auberges "de la Loi", le fidèle Rhomgar grommela bien un peu, face au désir de sa maîtresse de lui fausser compagnie, mais qu'y pouvait-il? Le brave capitaine savait où était sa place, et jamais il ne l'outrepassait... non plus qu'il ne jaserait jamais. Aussi réprobateur se montrait-il d'apparence, cet homme était une tombe... Il servait Dokhara seule, et nul autre.
Petit portrait de Rhomgar. (mais on peut changer s'il ne te convient pas^^)
Mince silhouette dans l'ombre, il ne fut pas bien difficile pour notre héroïne de ne pas se faire remarquer du guet du Quartier de la Loi; Par contre, le passage de la grande arche gardée qui le reliait à celui des Marchands fut un peu coton. Mais Dokhara ne manquait ni d'astuce ni de présence d'esprit: Profitant d'un instant d'inattention des sentinelles, elle parvint aux faubourgs populaires...Test de discrétion simple (moyenne HAB/INT +4) : 2, bien réussi
Entre ses petites bâtisses, cela vivait tellement plus: malgré la nuit tombée, les spectacles et les mouvements étaient encore partout; Ici des bateleurs, là des disputes, des badauds, des chariotes qui passaient, des magasins encore ouverts, des filles de joie qui hélaient le chaland, des fiacres boueux...
Trouver la Chope de fer ne fut pas bien ardu, tout un chacun connaissait l'établissement: c'était le genre d'endroit qui ne fermait jamais et où la plupart étaient déjà allé finir une nuit de beuverie.
Ses salles communes, peuplées de relents de mauvais alcool et de vomi, tapissées de fumée au plafond, occupaient tout le rez de chaussée et le sous sol d'un large bâtiment d'habitation sis en périphérie, proche du Suif... et c'était l'heure chaude: s'y trouvaient pèle-mêle, à de longues tables ou dans des alcôves plus discrètes, travailleurs en repos, ruffians, mercenaires, bourgeois qui s'encanaillaient, ivrognes, soudards... rieurs, râleurs, gratteurs, cogneurs, joueurs... Il y avait de tout, dans une bruyante demi pénombre bigarrée, environné de prostitués de bas étage et de tables de jeu, de serveurs musclés qui portaient des plateaux entiers de chopes mousseuses...
Si tel fut son intention, Dokhara n'eut même pas le temps de demander à voir cet "Herwulf Le Long", indiqué dans le message du brigand Ruud, que déjà, un ventripotent pendard, entouré de gaillards à sa table, lui tripotait le séant lors de son passage entre deux bancs: "Hey t'pas moche toi! deux pistoles s'tu viens sur mes g'noux!"...Test de perception (moyenne INI/INT) : 19, raté
... Pas plus qu'elle n'eut le temps de lui répliquer, car une voix connue tonna d'une alcôve:
-Lâche lui l'croupion le gros!... enfin, si tu tiens à garder tes doigts!
Ruud.
Ruud et "son" nain
Il était dans un recoin d'ombre proche de l'entrée, avec son nain tatoué et trois autres de ses hommes. Il leva sa chope vers Dokhara en guise de salut.
Le tripoteur semblait connaître Ruud - du moins de réputation - et sa réaction fut donc de s'excuser de loin auprès de lui dans un sourire effrayé.
Ce n'était pas que les ragoûts douteux et autres viandes servies à la Chope de Fer étaient alléchants, loin s'en fallait, mais la jeune noble n'avait point dîné ce soir. Elle s’aperçut que la faim la tenaillait...